J-07-183
PROCEDURES COLLECTIVES – LIQUIDATION DES BIENS – PRODUCTION DES CREANCES – FORCLUSION – DEMANDE DE RELEVE DE FORCLUSION – ARRET DE L’ETAT DES CREANCES (NON) – DEMANDE JUSTIFIEE (OUI).
Le créancier qui n’a pas produit sa créance dans les délais prévus par la loi peut néanmoins, sur sa demande, être relevé de sa forclusion tant que l’état des créances n’a pas été définitivement arrêté et que le non respect du délai de production des créances ne lui est pas imputable.
(Tribunal de Grande Instance du Moungo, Ordonnance n°16/ Cc du 22 juillet 2002, affaire Me Alima Suzanne C/ Liquidation SITAGRI)).
NOUS, JUGE COMMISSAIRE.
Vidant notre délibéré.
Vu l’Acte Uniforme OHADA portant Organisation des Procédures Collectives d’Apurement du Passif.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Attendu que par requête du 16 juillet 2002 déposée au greffe du Tribunal de Grande Instance du Moungo, le 22 juillet 2002, Maître ALIMA Suzanne, huissier de justice a saisi le juge commissaire chargé de veiller aux opérations de la liquidation de la défunte SITAGRI SA aux fins de s’entendre relevée de forclusion pour la production de sa créance.
Qu’au soutien de sa demande, elle expose qu’elle est créancière de la défunte Société industrielle des produits et intrants agricole dite SITAGRI de la somme de 2.804.540 francs en vertu de l’ordonnance sur requête n°684 rendue le 28 décembre 2000 par le Président du Tribunal de Première Instance de Yaoundé et représentant les frais de procédures exposés par elle pour le compte de ladite Société suivant jugement N°01/CC que 16 octobre 2001 du Tribunal de Grande Instance du Moungo, elle a par correspondance du 27 décembre 2001 déclaré sa créance entre les mains des Co-syndics pour se voir admettre au passif des créanciers munis de sûretés.
Qu’il est alors apparu que la déclaration qu’elle avait transmise aux Co-syndics avait été formulée tardivement.
Qu’en effet elle se trouvait pour cause de maladie hors du territoire national au moment où cette procédure collective a été ouverte.
Que le retard de sa déclaration ne lui est donc pas imputable.
Que néanmoins l’état des créances n’avait pas encore été arrêté et déposé au moment de sa déclaration.
Que l’article 83 de l’Acte Uniforme OHADA portant Organisation des Procédures Collectives d’Apurement du Passif lui donne la faculté de solliciter le relevé de forclusion afin de concourir à la répartition des dividendes postérieures à sa demande.
Que c’est sous le bénéfice de ces considérations qu’elle sollicite que le juge commissaire la relève de la forclusion encourue et que la créance déclarée soit vérifiée conformément aux dispositions de l’article 84 du même acte.
Attendu que pour faire échec à sa demande les co-syndics chargés de la liquidation ex-SITAGRI soutiennent qu’après dénonciation de cette liquidation, ils ont procédé à toutes les publications prescrites par la loi afin d’amener les créanciers à produire leur créance dans les délais.
Que pour cette raison toute production tardive de créance mérite d’être rejetée.
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier et des débats en chambre de conseil, que c’est à l’aide de documents à eux remis par la demanderesse que les co-syndics chargés de la liquidation ex-SITAGRI ont pu pratiquer saisie attribution de créances au préjudice des cautions de la défunte SITAGRI SA; qu’au surplus elle a spontanément fait radier une procédure qu’elle avait engagée devant le Tribunal de Première Instance de Yaoundé centre administratif contre l’ex-SITAGRI en vue d’obtenir un titre exécutoire après avoir pratiqué une saisie conservatoire de créance au préjudice de cette Société.
Attendu que selon l’article 83 de l’Acte Uniforme OHADA précité, à défaut de production dans les délais légaux, les défaillants ne peuvent être relevés de leur forclusion par décision motivée du juge commissaire que tant que l’état des créances n’a pas été arrêté et déposé au greffe.
Attendu que les actes sus évoqués ont été passés dans l’intérêt de la masse et permettent à Maître ALIMA de bénéficier des dispositions bienveillantes de l’article sus énoncé.
Attendu que l’état des créances n’a pas encore été déposé au greffe.
Qu’il convient par conséquent de faire droit aux demandes de Maître ALIMA.
Attendu que selon l’article 83 alinéa 4 de l’Acte Uniforme OHADA susvisé, les frais de l’instance en relevé de forclusion sont supportés intégralement par le défaillant.
Qu’il convient par conséquent de condamner la demanderesse aux dépens.
Attendu que l’article 217 du même acte énonce que les décisions rendues en matière de liquidation des biens sont exécutoires par provision.
Qu’il convient d’asseoir la présente ordonnance d’exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
Statuant en chambre de conseil et contradictoirement à l’égard des parties.
Relevons de la forclusion, Maître ALIMA Suzanne.
Enjoignons par conséquent les co-syndics chargé de la liquidation ex-SITAGRI SA à recevoir la production de sa créance et de procéder à la vérification de celle-ci conformément aux dispositions des articles 84 et suivants de l’Acte Uniforme OHADA portant Organisation des Procédures Collectives d’Apurement du Passif.
Disons que les frais de relevé de forclusion seront entièrement supportés par la demanderesse.
Note°: Yvette Rachel KALIEU ELONGO, agrégée des Faculté de droit, Université de Dschang, Cameroun
Cette décision suscite plusieurs remarques.
En premier lieu, elle permet de rappeler que le relevé de forclusion fait partie des actes qui sont de la compétence du juge-commissaire.
En second lieu, si le juge-commissaire dans cette affaire a fait une bonne application des dispositions légales, il faut néanmoins relever les hésitations terminologiques que recèle cette décision. Si le juge a effectivement utilisé le terme de production des créances, le demandeur a plutôt utilisé le terme de déclaration des créances. Or, il convient de rappeler que si les deux expressions sont synonymes, le législateur OHADA a préféré le terme de production des créances contrairement au législateur français qui parle de la déclaration des créances.
En troisième et dernier lieu enfin, les juges semblent avoir fait une application toute particulière des dispositions de l’article 83 in fine qui prévoit que les créanciers peuvent être relevés de la forclusion si « leur défaillance n’est pas due à leur fait ». En effet, alors que le demandeur soutenait que la forclusion ne lui était pas imputable « parce qu’il se trouvait pour cause de maladie hors du territoire national », le juge commissaire quant à lui, sans répondre à cet argument s’appuie sur un élément tout autre en affirmant que la forclusion est justifiée par le fait que certains actes passés par le demandeur l’ont été dans l’intérêt de la masse. Le motif de la décision est ainsi formulé°: « (…) attendu que les actes sus-évoqués ont été passés dans l’intérêt de la masse ». Toujours est-il que le créancier a bénéficié du relevé de forclusion puisque l’état des créances n’était pas encore définitivement arrêté ce qui a permis que ses créances puissent être admises à la vérification.