J-07-184
PROCEDURES COLLECTIVES – CESSATION DES PAIEMENTS – DEMANDE DE MISE EN LIQUIDATION DES BIENS – ASSIGNATION DES CREANCIERS – OFFRE DE CONCORDAT( NON) – MISE EN LIQUIDATION DES BIENS – DESIGNATION DU JUGE COMMISSAIRE ET DU CO-SYNDIC – PUBLICATION DU JUGEMENT.
Lorsqu’il apparaît qu’une entreprise fait face à des sérieuses difficultés et ne dispose d’aucune ressource permettant de lui redonner un espoir de survie et que par ailleurs, elle n’a pas fait une offre de concordat dans les délais prévus par la loi, il faut en déduire qu’elle est en état de cessation des paiements. Par conséquent, elle doit être mise en liquidation des biens et le tribunal doit nommer un juge commissaire et des syndics chargés de procéder à la liquidation des biens. La décision de mise en liquidation des biens doit être publiée.
(Tribunal de Grande Instance du Moungo, jugement n°48/ Civ. du 21 juillet 2005, affaire Nji Pepouna Amadou, l’ex personnel des établissements Gortzounian, la Caisse Nationale de prévoyance sociale C/ les établissements Gortzounian)).
LE TRIBUNAL.
Vu les lois et règlements en vigueur.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Attendu que suivant exploit du 11 janvier 2005 de Me MEKOUDJA GUIMFAC, huissier de justice près la Cour d’Appel du Littoral et les tribunaux de Nkongsamba, enregistré aux actes extrajudiciaires à Nkongsamba le 02 Février 2005 au prix 10°000 F, volume 2, folio 115 quittance n°065, sieur NJI PEPOUNA AMADOU Chef traditionnel à Foumbot BP 11 et l’Ex-personnel des Établissements GORTZOUNIAN, ayant pour conseils Maîtres MANGOUA, METOUKSON, NGAI et NTSAMO Etienne, avocats au barreau du Cameroun, ont attrait les établissements GORTZOUNIAN devant le Tribunal de Grande Instance du Moungo statuant en matière civile et commerciale, pour s’entendre, est-il dit dans le dispositif dudit exploit.
Constater la liquidité, la certitude et l’exigibilité de leur créance vis-à-vis des Établissements GORTZOUNIAN.
Constater l’état de cessation des paiements desdits Établissements.
Ordonner leur liquidation.
Nommer tel syndic ou liquidateur.
Ordonner si nécessaire l’apposition des scellés par le juge commissaire partout où besoin sera.
Dire que les dépens seront employés en frais privilégiés.
Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant toute voie de recours.
Attendu qu’au soutien de leur action l’Ex-personnel des Établissements GORTZOUNIAN et Sieur NJI PEPOUNA AMADOU font valoir sous la plume de leurs conseils susnommés qu’ils sont tous créanciers des Établissements GORTZOUNIAN.
Que NJI PEPOUNA précise qu’il est à ce jour créancier desdits Établissements d’une somme de 268.436.680 francs tel que cela appert de l’arrêt N 75/CIV du 24 septembre 2004 rendu par la Cour d’Appel du Sud à Ebolowa, et surtout de la grosse en forme exécutoire du jugement civil n°37 du 5 septembre 1986, rendu par le Tribunal de Grande Instance du Moungo.
Que cette créance représente le prix du café qu’il a livré depuis 1976 aux Établissements GORTZOUNIAN, et qu’il n’a jamais payé.
Que le Tribunal de Grande Instance du Moungo l’avait alors condamné à lui payer une somme de 109°973°320 au principal, majorée des intérêts de droit à compter du 21 juillet 1984, date de la demande en justice et à lui payer en sus celle de 25.000°000 francs à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice commercial subi.
Qu’eut égard à l’ancienneté de la créance et à la mauvaise foi du débiteur et à l’urgence, ce jugement avait ordonné l’exécution provisoire à concurrence de 50 millions de francs.
Que l’appel interjeté par les Établissements GORTZOUNIAN n’a pas connu le succès escompté.
Que suite au pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’Appel du Littoral, ils obtiendront péniblement un sursis à exécution, moyennant paiement préalable de la somme de 86.229°990.
Que ni l’exécution provisoire, ni le montant visé ci-dessus ordonné par la cour suprême n’ont jamais été payé, les Établissements GORTZOUNIAN multipliant sans cesse des artifices et autres manœuvres dilatoires pour organiser totalement son insolvabilité.
Que s’agissant des anciens employés, ils soutiennent que les Établissements GORTZOUNIAN les leur doivent la rondelette somme de 132 133 864 francs.
Que suite à un protocole d’accord intervenu entre les parties le 14 avril 2003, les Établissements GORTZOUNIAN, après leur avoir avancé un acompte de 33°133 864 francs se sont engagés quant au reste à le payer en 18 mensualités de 5,5 millions chacune et ce par virement dans un compte spécifié.
Que depuis lors jusqu’à ce jour ils n’ont payé aucune mensualité et, toutes les démarches entreprises par les créanciers se sont avérées vaines; les portes et les bureaux des dits Établissements ayant été fermés et sieur GORTZOUNIAN, le responsable ayant lui-même disparu de la circulation sans jamais laissé d’adresse.
Attendu que pour faire échec à cette démarche des demandeurs, les Établissements GORTZOUNIAN, sous la plume de Maître Luc TCHOUAWOU SIEWE, avocat au barreau du Cameroun, leur conseil, ont soutenu que l’assignation les attrayant devant le Tribunal de céans en vue de leur liquidation était viciée pour n’avoir pas respecté les dispositions des articles 6 et 7 du Code de Procédure Civile et ont conclu à son annulation.
Mais Attendu que le Tribunal a, par décision avant-dire-droit n°26/ADD/CIV du 17 février 2005 rejeté toutes ces exceptions soulevées par les défendeurs, et ordonner la mesure d’instruction prévue à l’article 32 de l’ Acte Uniforme OHADA portant Organisation des Procédures Collectives d’Apurement du Passif, permettant ainsi au débiteur de produire sa proposition concordataire dans le délai prévu par la loi, et renvoyé la cause au 22 mars 2005 pour débat en chambre de conseil du ministère public.
Attendu que par un autre exploit du 26 avril 2005 de Maître MBA René, huissier de justice à Nkongsamba enregistré gratis aux actes extrajudiciaires à Nkongsamba le 28 avril 2005, volume 2, folio 124 sous n°213, la Caisse Nationale de Prévoyance sociale en abrégé CNPS, a fait donner assignation en intervention volontaire aux Établissements GORTZOUNIAN, à monsieur NJI PEPOUNA AMADOU et au collectif du personnel des Établissements GORTZOUNIAN pour s’entendre est-il dit dans cet exploit.
Recevoir son action comme fondée.
Constater que la CNPS est créancière d’une somme de 82 570 586 francs envers les Établissements GORTZOUNIAN, représentant les arriérés des cotisations sociales du personnel demandeur principal.
Prendre acte de la volonté de la CNPS créancière privilégié desdits Établissements à déposer en temps opportun ses conclusions au fond, et condamner les défendeurs aux dépens.
Attendu qu’à l’appui de son action, la CNPS expose qu’elle est aussi créancière des Établissements GORTZOUNIAN d’une somme de 82 570 586 francs, représentant les arriérés des cotisations sociales du personnel demandeur principal.
Que cette créance privilégiée est vieille de près de 9 ans et est matérialisée par des titres dûment en forme exécutoires.
Que son intérêt à faire partie intégrante du procès en cours n’est donc plus à démontrer.
Attendu que par jugement avant-dire-droit n°46/ADD/CIV du 2 juin 2005, ces deux procédures ont été jointes pour cause de connexité et l’affaire de nouveau renvoyée pour débats en chambre de conseil au fond en présence du ministère public.
Attendu que les demandeurs ont tous réitéré leurs arguments ci-dessus développés, précisant que toutes les démarches entreprises auprès des Établissements GORTZOUNIAN à l’effet de rentrer dans leurs droits sont demeurées vaines.
Attendu qu’en réplique, le conseil du demandeur a tantôt prétendu qu’il était en pourparlers avec les créanciers, tantôt solliciter un nouveau délai pour présenter une offre de concordat.
Mais attendu que tous les créanciers entendus ont déclaré avoir perdu tout espoir quant à a volonté réelle de leur débiteur à s’acquitter de ses dettes.
Qu’en effet, depuis environ deux ans, il vole de promesse de règlement en promesse de règlement, proposant à chacun un échéancier de paiement de sa dette mais qu’il n’a jamais honoré.
Qu’en fin de compte, le dirigeant de cette Société a quitté la ville sans laisser d’adresse, fermant à clés ses bureaux de Nkongsamba qui ne fonctionnent plus depuis plus de deux ans.
Qu’il promettait notamment d’éponger toutes ses dettes dès qu’il obtiendra le paiement d’une créance de trois milliards de francs au près de la Caisse Autonome d’Amortissement à Yaoundé.
Attendu cependant que l’expertise financier ordonnée par le Tribunal de céans a permis d’établir que les Établissements GORTZOUNIAN font face à de sérieuses difficultés financières leur passif exigible et impayé s’étant alourdi ces dernières années et qu’à l’actif il ne dispose d’aucune ressource permettant de redonner quelque espoir de survie à la structure, la caisse autonome d’amortissement ayant clairement signifié que lesdits Établissements n’avaient aucune créance dans ses livres.
Qu’il s’ensuit donc que les Établissements GORTZOUNIAN sont en état de cessation de paiements et que leur liquidation s’avère inéluctable et s’avère comme la seule issue.
Attendu au surplus que si l’article 27 de l’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Collectives d’Apurement du Passif OHADA donne la possibilité au débiteur de faire la déclaration et proposition de concordat, la même disposition légale limite cependant sa période d’action dans le délai d’un mois suivant l’assignation.
Que dès lors, bien qu’ayant soulevé des moyens de défense contre l’assignation ne débiteur conservait pleinement ce droit et pouvait d’ailleurs présenter son concordat même au cours de l’enquête ouverte par le Tribunal de céans en application des dispositions de l’article 32 du même acte.
Attendu toutefois qu’il n’a pas cru devoir faire cette offre de concordat dans les délais légaux, sans doute parce que n’ayant aucun argument sérieux à exciper au soutien de celle-ci.
Que sa demande formulée dans ce sens en date du 21 juin 2005, soit plusieurs mois après les assignations sus évoquées est dès lors tardive, et manifestement dilatoire.
Qu’il échet, face à cette impossibilité avérée du débiteur à faire face à son passif exigible, et cette absence de concordat, de constater son état de cessation des paiements et en fixer la date, de prononcer la liquidation des biens conformément aux dispositions des articles 25 et suivants de l’Acte Uniforme OHADA sus évoqué, de nommer un juge commissaire qui apposera les scellés partout où besoin sera, et des syndics, et ordonner les publications légales requises (articles 36, 37 et 38 de l’Acte Uniforme sus visé).
Attendu qu’il y a lieu de mettre les dépens en frais privilégiés de la liquidation.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement à l’égard des parties, en matière civile et commerciale et en premier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Reçoit les demandeurs en leur action.
Les y dit fondés.
Constate la cessation de paiements des Établissements GORTZOUNIAN à compter du 1er décembre 2003.
Prononce par conséquent la liquidation desdits Établissements avec tous leurs biens et structures divers à compter de ce jour.
Désigne pour y procéder sieurs.
1) AWOUDA ESSENGUE Paul, expert financier agréé près la Cour d’Appel du Littoral.
2) Maître YIKAM Jérémie, avocat au barreau du Cameroun, comme co-syndic de la liquidation.
Désigne sieur MAMBINGO Eitel, juge au Tribunal de Grande Instance du Moungo, juge commissaire avec tous les pouvoirs attachés à cette qualité conformément aux dispositions des articles 31 et suivants de l’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Collectives d’Apurement du Passif OHADA.
Dit que les frais de la liquidation sont fixés à 20% du montant effectivement recouvré.
Ordonne toutes les publications légales en frais privilégiés de la liquidation.
Met les dépens en frais privilégiés de la liquidation.