J-07-197
1) DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – DATE DE CONCLUSION – DROIT APPLICABLE – DROIT NATIONAL (NON) – DROIT OHADA (OUI).
2) DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – RESILIATION – CONDITIONS – MISE EN DEMEURE – RESPECT (OUI) – RESILIATION DU BAIL (OUI).
1) Dès lors qu’un bail commercial a été conclu après la date d’entrée en vigueur de l’Acte Uniforme OHADA portant sur le Droit Commercial Général, ce bail doit être soumis non pas au droit national antérieur mais aux dispositions de l’AUDCG relatives au bail commercial.
2) Lorsqu’il est prouvé que, conformément à l’article 101 AUDCG une mise en demeure préalable a été adressée au locataire et que celle-ci est restée sans effet, la résiliation du bail doit être prononcée et l’expulsion du locataire ordonnée.
Article 71 AUDCG
Article 72 AUDCG
Article 101 AUDCG
Article 289 AUDCG
(Cour d’Appel du Littoral, arrêt n°100/ CC du 02 juillet 2007, Affaire WATAT Oscar C/ EPE MINTANGA Dieudonné).
LA COUR,.
Vu le JUGEMENT n°231 rendu le 25 mai 2005 par le Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo.
Vu l’appel interjeté le 31 mai 2005 par sieur WATAT Oscar contre ledit jugement.
Ouï les parties en leurs moyens, fins et conclusions.
Ouï monsieur le Président de la collégialité en son rapport.
Vu les lois et règlements applicables.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME
Considérant que suivant requête en date du 31 mai 2005 reçu au greffe de la Cour d’Appel de céans le 10 juin 2005 et enregistrée sous le n°930, sieur WATAT Oscar, demeurant à Douala ayant pour conseil Maîtres ETAH & NAN II, avocats au barreau du Cameroun, BP 4736 Douala a interjeté appel contre le jugement n°231 rendu le 25 mai 2005 par le Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo.
Considérant que cet appel est régulier pour avoir été fait dans les forme et délai prescrits par la loi; qu’il convient de le recevoir.
AU FOND
Considérant que l’appelant fait grief au jugement attaqué d’avoir violé les articles 71, 72 de l’Acte Uniforme OHADA portant sur le bail commercial et 289 dudit acte portant droit commercial général et d’avoir dénaturé les faits de la cause sur ce pour ordonner son expulsion du local qu’il occupait en vertu d’un bail commercial, le premier juge a estimé que le contrat de bail signé le 05 mars 1998 était nul pour n’avoir pas respecté les formes notariées prescrites par la loi n°61/20 du 27 juin 1961 relative aux actes notariés, alors que d’une part l’article 289 de l’acte uniforme OHADA portant sur le droit commercial général a fixé la date d’entrée dudit acte au 1er janvier 1998 et que d’autre part les articles 71 et 72 susvisés n’imposent aucune forme au contrat de bail commercial qui peut être soit verbal, soit écrit.
Qu’il estime en outre que c’est à tort que le premier juge, dans son empressement a prétendu que les loyers n’étaient pas payés alors que les reçus produits aux débats prouvaient le contraire.
Que cette dénaturation des faits expose sa décision à la censure de la cour.
Qu’il sollicite donc que le jugement entrepris soit infirmé et que la cour statuant à nouveau, déboute l’intimé de sa demande comme non fondée et qu’elle le condamne aux dépens distraits au profit de ses conseils susnommés.
Considérant que venant aux débats sieur EPEE MINTANGA Dieudonné, agissant par l’entremise de son conseil Me NGUIMTSOP, avocat au barreau du Cameroun, conclut à la confirmation du jugement entrepris.
Qu’il développe qu’il a donné son local à usage commercial à bail à sieur WATAT Oscar suivant contrat signé le 1er avril 1998 pour une durée de 10 ans.
Que plus tard il s’est rendu compte que le contrat était contraire aux prescriptions de l’article 1er de la loi n°61/20 du 27 juin 1961 relative aux actes notariés qui impose, à pine de nullité, la forme notariée à tous les baux dont la durée est supérieure à trois (03) ans et aussi son locataire accusait plusieurs mois d’arriérés de loyers.
Qu’il a d’ailleurs fermé ce local depuis plus quatre ans après l’avoir vidé de toute la marchandise et a emporté les clés.
Qu’au-delà de toute discussion l’applicabilité des dispositions de l’Acte Uniforme OHADA portant sur le droit commercial général, le non paiement des loyers seul suffit à justifier la rupture de leur contrat de location.
Considérant qu’en réaction à cet argumentaire, WATAT Oscar relève que son contradicteur s’accorde enfin sur le caractère commercial de leur contrat de bail et rétorque que le fonds de commerce comprend aussi les éléments corporels tels que les marchandises et incorporels à l’instar de droit au bail, le nom commercial, les licences d’exploitation et autres dont l’absence de l’un n’entraîne pas la disparition du fonds.
Qu’après avoir passé sept ans sur les lieux, il a droit au renouvellement de son bail.
Considérant que pour annuler le bail conclu entre les parties, le premier juge affirme qu’il est constant que le 1er avril 1998 jour de la conclusion du bail dont s’agit, les Acte Uniforme OHADA n’étaient pas encore entrés en vigueur dont inapplicables et c’est le droit commun qui régissait les rapports entre les différents contractants.
Mais considérant que cette position est combattue avec éloquence par l’alinéa 2 de l’article 289 de l’Acte Uniforme OHADA portant sur le droit commercial général qui dispose que le présent acte uniforme sera publié au journal officiel de l’OHADA et des Etats parties. Il entrera en vigueur le 1er janvier 1998.
Qu’il s’agit d’une méprise de la loi communautaire qui expose le jugement attaqué à la nullité.
Qu’il convient donc de l’annuler, d’évoquer et de statuer à nouveau.
Considérant qu’il ressort des pièces versées au dossier que le 1er avril 1998 sieur EPEE MINTANGA a donné en location son local à « usage de boutique » situé à Douala-Bar à WATA Oscar pour une durée de 10 ans moyennant un loyer mensuel de 70°000 Francs, bail enregistré le 02 mars 2004 suivant quittance n°1577652.
Que la nature commerciale de ce bail n’est pas contestée.
Considérant que le bailleur susnommé sollicite l’expulsion du locataire pour son non paiement des loyers.
Mais considérant que l’article 101 de l’Acte Uniforme OHADA prescrit la possibilité pour tout bailleur de solliciter judiciairement la résiliation du contrat de bail et l’expulsion du preneur pour non paiement des loyers ou pour toute autre violation des clauses et conditions du bail, cette action ne peut prospérer que si ce dernier a été mis en demeure de payer ses loyers ou de remplir les clauses et les conditions de bail qui ont été violées.
Qu’un tel avertissement obéit à un formalisme particulier et vigoureux et constitue la condition primaire à toute action en résiliation avec expulsion engagée par le bailleur, toute disposition contraire prévue par les parties étant réputée non écrite.
Considérant dans le cas d’espèce qu’il ressort des pièces versées aux débats que cette mise en demeure a été servie au locataire par acte extrajudiciaire en date du 8 mars 2004 du ministère de Maître EMBOLO René, huissier de justice près la Cour d’Appel du Littoral et les tribunaux de Douala.
Qu’aucune réaction positive de la part du preneur tendant à l’accomplissement de ses obligations contractuelles n’a été enregistrée.
Qu’il a plutôt vidé le local de son contenu, manifestant ainsi sa ferme volonté de mettre fin à ce bail.
Que ses allégations simplistes sur le paiement de tous les arriérés de loyers et le maintien des autres éléments du fonds de commerce ne sont étayées par aucun élément consistant.
Qu’il y a donc lieu de prononcer la résiliation du contrat de bail signé entre les parties pour non paiement des loyers et d’ordonner l’expulsion du locataire WATAT Oscar des lieux tant de corps, des biens que de toute personne de son chef.
Le condamner aux dépens distraits au profit de Maître NGUIMTSOP Jean Bosco, avocat aux offres de droit.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties en matière civile et commerciale en appel et en dernier ressort.
EN LA FORME
Reçoit l’appel.
AU FOND
Annule le jugement entrepris.
Évoquant et statuant à nouveau.
Prononce la résiliation du contrat de bail conclut entre EPEE MINTANGA et WATAT Oscar le 1er avril 1998 pour non paiement des loyers.
Ordonner l’expulsion de WATAT Oscar des lieux qu’il occupe tant de corps, de biens que de tout occupant de son chef.