J-07-206
1) VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE ATTRIBUTION DE CREANCE – DIFFICULTE D’EXECUTION (NON) – CONTESTATION DE SAISIE ( OUI) – APPEL – DELAI – RESPECT (OUI) – IRRECEVABILITE (NON).
2) VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE ATTRIBUTION DE CREANCE – TITRE EXECUTOIRE – ANNULATION – NULITE DE LA SAISIE.
3) VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE ATTRIBUTION DE CREANCE – DEBITEUR – PERSONNE MORALE DE DROIT PUBLIC – IMMUNITE D’EXECUTION (OUI).
1) Lorsqu’une saisie attribution de créance donne lieu non à des difficultés d’exécution mais à une contestation, le délai d’appel contre la décision rendue est non pas celui prévu à l’article 49 AUPSRVE mais celui de l’article 172 AUPSRVE. En cas de respect de ce délai, l’appel ne peut être jugé irrecevable.
2) L’annulation du titre exécutoire sur lequel se fonde une saisie attribution de créance entraîne la nullité de la saisie pratiquée.
3) Lorsque le débiteur contre lequel est pratiqué une saisie attribution de créance est une personne morale de droit public, celui-ci bénéficie de l’immunité d’exécution prévue par la loi.
Article 30 AUPSRVE
Article 49 AUPSRVE
Article 169 AUPSRVE
Article 172 AUPSRVE
Article 336 AUPSRVE
Article 337 AUPSRVE
Article 10 DU TRAITE
(Cour d’Appel du Littoral, ARRET 063/REF DU 14 MARS 2007, AFFAIRE SOCIETE SHELL CAMEROUN C/ SOCIETE AFRICAN PETROLEUM CONSULTANTS).
LA COUR,.
Vu l’ordonnance n°006 rendue le 1er octobre 2002 par le Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo.
Vu l’appel interjeté le 10 octobre 2002 contre cette ordonnance par Me Irenée Célestin NTAMACK PONDY, avocat au barreau du Cameroun, agissant au nom et pour le compte de sa cliente la Société SHELL du Cameroun.
Ouï le Président en la lecture de son rapport.
Ouï les parties en leurs dires et observations.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Après en avoir délibéré conformément à la loi, en la forme collégiale et à l’unanimité des membres.
EN LA FORME
Considérant que par requête du 10 octobre 2002, Maître Irenée Célestin NTAMACK PONDY, avocat au barreau du Cameroun a, au nom et pour le compte de sa cliente la Société SHELL du Cameroun, interjeté appel contre l’ordonnance n°001 rendue le 1er Octobre 2002 par le Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo; que cet appel a été reçu au greffe de la Cour d’Appel de céans sous le n°210 du 20 Octobre 2002.
Considérant que la Société ARICAN PETROLEUM CONSULTANTS SARL, partie intimée, soulève par le biais de son conseil de Me Alice NKOM, avocat au barreau du Cameroun, l’irrecevabilité de cet appel motif pris de sa tardiveté; qu’elle expose que cet appel viole les dispositions de l’article 49 de l’Acte Uniforme OHADA n°6 pour avoir été fait plus de 15 jours à compter du prononcé de l’ordonnance de référé.
Mais considérant que cette question sur la recevabilité de l’appel de la Société SHELL Cameroun a déjà été tranchée par la Cour d’Appel de céans suivant arrêt n°131/DE du 28 février 2003 qui, en ordonnant les défenses à exécution, a déclaré cet appel recevable.
Que la cour de céans ne peut que se répéter en rappelant que l’action enclenchée devant le juge du contentieux de l’exécution relève plutôt d’une contestation de saisie-attribution de créances, au sens de l’article 169 de l’Acte Uniforme OHADA N 6 portant recouvrement, et non pas d’une difficulté d’exécution de l’article 49 du même texte.
Que si l’article 49 imparti un délai de 15 jours à compter du prononcé de la décision pour faire appel, l’article 172 à la suite de l’article 169 sus visé prescrit un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision tranchant la contestation, pour faire appel; que dans ce dernier cas, il faut tenir compte de la signification de la décision entreprise et surabondamment, du contenu même de cette décision qui, en condamnant la SHELL au paiement des causes de la saisie, a subordonné cette exécution à la signification de la décision intervenue.
Que dès lors, il n’y a pas d’équivoque comme tente de le démontrer l’intimé.
Qu’il s’ensuit que l’appel est régulier pour avoir été fait dans les formes et délai légaux et qu’il échet en conséquence de rappeler que cet appel est recevable.
Considérant que toutes les parties ont produit des conclusions par le biais de leurs conseils respectifs; qu’il convient de statuer contradictoirement à leur égard.
AU FOND
Considérant que le premier juge, après avoir constaté que la Société SHELL du Cameroun ne s’était pas libérée comme prétendu entre les mains de TOTAL FINA ELF, l’a débouté de toutes ses demandes comme non fondées et l’a condamné, sur demande reconventionnelle de la Société AFRICAN PETROLEUM CONSULTANTS (APC), au paiement des fonds entre les mains du saisissant ou de son mandataire spécial sous astreinte de 200°000 francs par jour de retard.
Considérant que la Société SHELL DU CAMEROUN par le biais de son conseil Me Irenée Célestin NTAMACK PONDY sollicite l’infirmation de cette décision motif pris de ce que d’une part, le premier juge n’a pas tenu compte du fait que sa déclaration affirmative constituait une simple erreur matérielle, ce qu’elle a corrigé dans ses autres observations, en précisant oralement qu’elle s’est libéré entre les mains de la SONARA en vertu d’une décision de justice.
Que d’autre part, l’ordonnance n LM/69/m/2002 portant désignation d’un séquestre, rendue par le Tribunal de Première Instance de LIMBE, rédigé en Anglais, a été mal lue par l’huissier de justice qui l’a signifié, car il n’y a jamais été question pour la SHELL de reverser à TOTAL FINA ELF, les sommes qu’elle avait bloquées entre ses mains, encore et surtout que cette ordonnance a fait interdiction à la Société SHELL DU CAMEROUN.
Qu’enfin, cette saisie attribution de créances du 29 mai 2002 est sans fondement parce que le Tribunal avait en son temps rejeté la demande de la saisissante tendant au paiement par la SHELL DU CAMEROUN, tiers saisi, d’une provision de 500°000°000 francs sous astreinte de 10°000°000 francs par jour de retard, et que le seul jugement n°91 rendu le 15 mai 2002 par le Tribunal de Grande Instance du FAKO rendait exécutoire sur l’étendue du territoire Camerounais la sentence arbitrale de LONDRES ayant condamné la SONARA à payer la somme de 1.989.104.000 francs à Société APC; que ce contentieux n’étant pas encore vidé puisque la juridiction de LIMBE ne s’étant pas encore prononcé, le premier juge aurait dû s’abstenir d’ordonner des paiements pour une procédure encore pendante.
Qu’en conséquence, la Société APC doit être déboutée de sa demande en paiement comme non fondée, la nullité de l’exploit de commandement de procéder au transport des fonds doit être constatée et la discontinuation des poursuites engagées par la Société APC & NGUEGA contre la Société SHELL DU CAMEROUN doit être ordonnée.
Qu’elle produit aux débats de nombreuses pièces justificatives, entre autres, la sentence arbitrale du 17 avril 2002 et celle du 18 mars 2003 à Londres, annulant la première et l’expédition du jugement qui l’a exéquaturée.
Considérant que pour faire échec aux arguments de l’appelant la Société APC, partie intimée, sous la plume de son conseil Me Alice NKOM, affirme que c’est à juste titre que la Société SHELL DU CAMEROUN a été déboutée de sa demande par le premier juge qui a suffisamment motivé sa décision en se basant sur le fait que la Société SHELL DU CAMEROUN n’a jamais rapporté la preuve de ce qu’elle a reversé les fonds entre les mains de la TOTAL FINA ELF.
Que bien plus, la désignation de cette dernière Société comme unique séquestre des fonds par ordonnance du 25 juin 2002 ne saurait valoir mainlevée amiable ou judiciaire de la saisie attribution des créances entre les mains de la Société SHELL DU CAMEROUN.
Qu’en outre le jugement du Tribunal de Grande Instance du Fako à Buéa en date du 13 août 2002 a ordonné à la Société SHELL DU CAMEROUN de libérer lesdits fonds entre les mains de la Société APC.
Qu’ainsi la Société SHELL DU CAMEROUN qui n’a jamais reversé les fonds ni à la SONARA, ni au séquestre, conserve sa qualité de tiers-saisi.
Que fort de ce développement la Cour d’Appel de céans doit confirmer l’ordonnance querellée en toutes ses dispositions.
Que par ailleurs, s’agissant de la communication du dossier au ministère public, elle soutient qu’en matière de voies d’exécution au Cameroun, seules les dispositions de l’Acte Uniforme OHADA N°6 portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution sont applicables conformément à l’article 10 du traité et des articles 336 et 337 de l’Acte Uniforme dont l’examen permet de constater qu’il ne comporte nulle part la communication au ministère public d’une affaire relevant du domaine des voies d’exécution; qu’en application de ces dispositions légales, elle sollicite l’annulation des réquisitions du ministère public et leur retrait du dossier de la procédure.
Mais considérant que le traité OHADA et les actes Uniformes ne règle pas l’organisation et le fonctionnement internes des juridictions des Etats parties; que dans le contexte camerounais, las pouvoirs du ministère public découlent entre autres des dispositions de l’article 36 du code de procédure civile et commerciale non proscrit, qui stipule en son article 2 que le ministère public peut prendre en communication toutes les causes dans lesquelles il croit son ministère nécessaire et que le juge peut même ordonner cette communication d’office.
Qu’il s’ensuit que l’argumentaire de la Société APC tiré de ce moyen qui n’est pas fondé.
Considérant que l’examen des pièces versées au dossier par les parties permet de constater que la sentence arbitrale rendue le 17 avril 2002 à Londres a été annulée par une autre sentence rendue également à Londres le 18 mars 2004 et exéquaturée par le Tribunal de Première Instance de Limbé par jugement n°LM/30/M/03/04 du 30 mars 2004.
Qu’ainsi, dès lors que la première sentence arbitrale, base des opérations de saisie attribution de créances de la Société APC a été annulée, la saisie attribution de créance du 29 mai 2002 tombe ipso facto, la créance n’étant plus certaine devant un titre exécutoire nul et de nul effet.
Qu’il convient en conséquence d’infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, surtout qu’en plus la Société APC n’a pas non plus tenu compte du fait que la SONARA partie saisie, est une entreprise publique qui, au sens de l’article 30 de l’Acte Uniforme OHADA n 6 susvisé, bénéficie incontestablement d’une immunité d’exécution.
Que la Société APC ne peut qu’être déboutée de son action reconventionnelle en paiement des causes de la saisie attribution du 29 mars 2002, celle-ci n’étant pas fondée.
Qu’en outre, la saisie attribution de créances litigieuses n’étant pas maintenue, il en découle la nullité de l’exploit de l’exploit du commandement de transfert de fonds délivré le 21 août 2002 par Maître Georges NGUEGA, huissier de justice intérimaire à l’étude de Maître TEKEU Victor.
Que du reste, il paraît inopportun d’ordonner la discontinuation des poursuites engagées par la Société APC contre la Société SHELL DU CAMEROUN puisqu’il a déjà été démontré plus haut qu’il ne peut plus avoir de saisie attribution de créances contre la SHELL, cette saisie étant tombée avec toutes les conséquences de droit.
Considérant que la partie qui succombe au procès doit en supporter les dépens°: qu’il convient de condamner la Société APC aux dépens dont distraction au profit de Maître Irenée Celestin NTAMACK PONDY, avocat aux offres de droit.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en matière d’urgence, en appel et conformément à la loi, en formation collégiale et à l’unanimité.
EN LA FORME
Reçoit l’appel.
AU FOND
Infirme l’ordonnance entreprise.
Constate que la sentence arbitrale du 17 avril 2002 rendue à Londres a été annulée par celle du 18 mars 2004 rendue également à Londres et exéquaturée par jugement n°LM/30/M/03/04 du 30 mars 2004 du Tribunal de Première Instance de Limbé.
Constate en conséquence que la saisie attribution du 29 mai 2002 n’a plus de fondement.
Constate que la saisie attribution en cause a été entreprise en violation de l’immunité d’exécution dont jouit la SONARA en sa qualité d’établissement public.
En conséquence, déboute la Société AFRICAN PETROLEUM CONSULTANTS (APC) de son action reconventionnelle en paiement des causes de la saisie attribution susvisée comme non fondée.
Annule l’exploit de commandement délivré le 21 août 2002 par Me Georges NGUEGA, huissier intérimaire à l’étude de Maître TEKEU Victor.