J-07-238
PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVRMENT DES CREANCES – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – APPEL – ECOULEMENT DES DELAIS – IRRECEVABILITE DES VOIES DE RECOURS.
Les délais d’opposition et d’appel étant respectivement de 15 et 30 jours, une voie de recours exercée plus d’un mois après la signification de l’ordonnance de payer est irrecevable.
COUR D’APPEL DE BANGUI, CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE, ARRET COMMERCIAL N 124 DU 21 JUILLET 2006, AFFAIRE Société de Transport International (STI), Me MANGUEREKA, appelante, CONTRE SOCATRAF, Me G. KOKO NANTIGA, intimée, note annonyme.
Appel d’un jugement rendu en date du 7 Décembre 2005 par le Tribunal de Commerce de BANGUI dont le dispositif suit°: « Statuant contradictoirement en matière d’opposition et en premier ressort; déclare la S.T.I forclose de son opposition; confirme l’Ordonnance d’Injonction de Payer querellée; la condamne aux dépens ».
Composition de la Cour d’Appel de Bangui.
Arsène SENDE, Président de la Chambre Civile et Commerciale, PRESIDENT.
Alexis Georges PIALO, Premier Conseiller à la Chambre Civile et Commerciale, et Maurille Fulbert NGALHY, Conseiller à la Chambre Civile et Commerciale, MEMBRES.
Assistés de Me Magloire Dieudonné MALIKI, Greffier à la Cour d’Appel de Bangui.
LA COUR APRES EN AVOIR DELIBERE CONFORMEMENT A LA LOI.
Attendu qu’il résulte de la procédure que le 5 Août 2005, le Tribunal de Commerce de BANGUI a rendu une Ordonnance portant Injonction de Payer par laquelle la Société de Transport International (STI) devait servir la somme de 4.566.766 FCFA à la SOCATRAF à titre principal; que le 26 Septembre 2005, la S.T.I a formé opposition contre l’Ordonnance.
Que par jugement du 7 Décembre 2005, le Tribunal de Commerce statuant contradictoirement a déclaré la S.T.I forclose dans son opposition et confirmé l’Ordonnance d’Injonction de Payer.
Que ce jugement a été signifié le 31 Janvier 2006 à la S.T.I qui a interjeté appel en date du 13 Février 2006.
Attendu qu’à l’appui de son appel, la S.T.I invoque les dispositions de l’article 15 de l’Acte Uniforme relatif aux Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution qui stipulent que la décision rendue sur opposition est susceptible d’appel dans les conditions du droit national de chaque Etat; et que conformément à l’article 502 du Code de Procédure Civile, le délai de recours par une voie ordinaire étant de deux (2) mois en matière contentieuse; qu’elle conclue à la recevabilité de son appel.
Attendu que pour sa défense, la SOCATRAF conclut à l’irrecevabilité de l’appel de la STI pour forclusion en ce que l’appel a été relevé hors délai.
Mais attendu que l’article 15 de l’Acte Uniforme relatif aux Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution dans sa rédaction complète dit ceci°: « …la décision rendue sur opposition est susceptible d’appel dans les conditions du droit national de chaque Etat partie. Toutefois, le délai d’appel est de 30 jours à compter de cette décision ».
Qu’il convient d’ajouter que la procédure d’injonction de Payer étant une procédure spéciale de recouvrement différente du droit commun, le législateur OHADA a donc prévu un régime spécial pour l’appel de la décision qui s’impose à tous les Etats; que cette exception de délai incarnée par l’adverbe « toutefois » précise la durée de 30 jours.
Qu’en l’espèce, la décision sur opposition est intervenue le 7 Décembre 2005, le délai de 30 jours expirait le 7 Janvier 2006.
Que le fait pour la S.T.I d’avoir attendu le 13 Février 2006 pour relever appel la place dans une situation de forclusion; que c’est donc à bon droit que le premier Juge a statué comme il l’a fait; qu’il y a lieu de déclarer l’appel irrecevable.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement à l’égard des parties en matière commerciale et en dernier ressort.
En la forme exclusivement.
Déclare l’appel de la S.T.I irrecevable.
Met les dépens à sa charge.
COMMENTAIRES DE M ARSÈNE SENDE, PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
L’arrêt de la Chambre Civile et Commerciale de la Cour d’appel de Bangui en date du 21 Juillet 2006 est un exemple concret de décision qui sanctionne la non maîtrise des délais en matière d’injonction de payer.
En effet, les faits étaient les suivants°: à la suite d’un protocole d’accord en date du 5 Avril 1980, la SOCATRAF avait l’entière responsabilité de la gestion de l’ensemble du patrimoine de l’ACCF, y compris les entrepôts. La STI qui occupait certains entrepôts à titre de locataire restait redevable de la somme de 4.566.766 F aux titres des arriérés de loyers à la SOCATRAF. N’ayant pu régler ces arriérés, la SOCATRAF a engagé la procédure d’injonction de payer devant le tribunal de commerce de Bangui.
En date du 5 Août 2005 le Président du tribunal de commerce de Bangui, a fait injonction à la STI de payer ladite somme. Cette ordonnance d’injonction de payer ayant été signifiée le 16 Août 2005, la STI n’a formé opposition que le 26 Septembre 2005.
Le premier juge statuant sur opposition conformément à l’article 10 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution a déclaré la STI forclose en son opposition et confirmé l’ordonnance d’injonction de payer dans sa décision en date du 7 Décembre 2006.
Cette décision a été signifiée à la STI le 31 Janvier 2007 et c’est le 13 Février 2007 qu’elle a relevé appel de ce jugement qui la déclarait forclose. Ayant interjeté appel au-delà de la date du 7 Janvier 2007, la cour d’appel a déclaré irrecevable ledit appel.
Les problèmes juridiques relevés dans le cas d’espèce démontrent à suffisance qu’il y a eu méconnaissance par la STI et son conseil non seulement du délai d’appel (II), mais également du délai pour faire opposition à l’ordonnance d’injonction de payer devant le juge de première instance (I).
I LA MECONNAISSANCE DU DELAI POUR FAIRE OPPOSITION
Selon l’article 10 alinéa 1 de l’Acte Uniforme, « l’opposition doit être formée dans les quinze jours qui suivent la signification de la décision portant injonction de payer. Le délai est augmenté, éventuellement, des délais de distance ». Le délai de 15 jours de l’article précité est un délai franc.
Exprimé en jours, conformément à l’article 565 du code de procédure civile relatif à la computation des délais, le délai franc signifie que « lorsqu’un délai est exprimé en jours, celui de l’acte, de l’évènement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas ».
Autrement dit, la STI qui avait reçu signification de l’ordonnance en date du 16 Août 2005 avait jusqu’au 31 Août 2005 pour faire opposition, car le délai de 15 jours a commencé à courir à partir du 17 Août 2005 à minuit. Le 16 Août, jour de la signification de la décision, n’est donc pas compris dans le décompte de ce délai. En introduisant son recours en opposition le 26 Septembre 2005, alors que plus de 25 jours se sont écoulés après l’expiration du délai de 15 jours pour faire opposition, elle était donc forclose et le premier juge ne pourrait que tirer les conséquences de ce recours tardif, intervenu quarante jours après la signification de l’ordonnance d’injonction de payer. Ce qu’il convient de relever ici c’est que la STI et son conseil ont gravement méconnu ce délai. Par ce recours en opposition effectué hors délai, le premier juge n’a pu de ce fait examiner au fond cette opposition.
Il faudrait aussi noter que contrairement à notre code de procédure civile qui précise en son article 502 que le délai de recours en matière gracieuse est de un mois, l’Acte Uniforme a, quant à lui, fixé ce délai à 15 jours dans la procédure d’injonction de payer.
Procédure spéciale pour le recouvrement rapide des créances, ce délai paraît suffisant pour permettre à un débiteur de réagir automatiquement lorsqu’il estime que la créance n’est pas certaine, liquide et exigible.
D’ailleurs l’on doit s’interroger au sujet de cette méconnaissance.
Pourquoi, un débiteur qui ne doit rien n’a pas réagi immédiatement dans le délai de 15 jours alors que la signification a été faite à sa personne même?.
En l’espèce, la STI qui avait bien reçu signification de l’ordonnance n’a pas réagi dans le délai de 15 Jours prévu par la loi. Son recours tardif lui a donc porté préjudice, car elle ne pourrait du fait de la forclusion faire valoir des moyens de défense au fond. C’est ce qu’elle a également connu en appel.
II LA MECONNAISSANCE DU DELAI POUR FAIRE APPEL
Si la décision rendue sur opposition est susceptible d’appel dans les conditions du droit national de chaque Etat partie, ce délai d’appel quant à lui est de 30 jours à compter de la décision.
Par les termes « dans les conditions du droit national », le législateur OHADA a voulu indiquer la procédure à suivre prévue dans le cas de notre pays par les art. 683 et suivants du code de procédure civile.
Or, la STI a confondu dans ses conclusions ces conditions au délai d’appel. Les conditions pour faire appel aux termes de notre droit national c’est-à-dire le code de procédure civile en ses articles 683 et suivants sont°:
– Une requête remise en trois exemplaires au greffe de la cour, avec les mentions prescrites par la loi à peine d’irrecevabilité.
– Une expédition de la décision critiquée.
– Les points du jugement critiqués.
Le délai d’appel retenu par l’Acte uniforme est celui de 30 jours et non le délai de deux mois prévu pour l’appel en matière contentieuse dans les procédures ordinaires.
Ce délai de trente jours est également un délai franc en ce qu’il est exprimé en jours°: si le jugement a été rendu le dernier jour du mois précédent, pour le mois de février, de 28 jours, ce délai expirerait le 2 mars; au contraire pour le mois d’août, de 31 jours, ce délai expirerait un jour avant la fin du mois, c’est-à-dire le 30.
La spécialité de la procédure d’injonction de payer a donc conduit le législateur OHADA à fixer un régime spécial dérogatoire au droit commun des Etats parties dans le but d’assurer la célérité dans le recouvrement des créances qui ne souffrent d’aucune contestation.
Par conséquent, la STI qui a fait opposition à l’ordonnance d’injonction de payer n’avait pas à attendre la signification du jugement du 7 Décembre pour interjeter appel. Dans ce cas, la méconnaissance de la procédure d’injonction de payer vise également le point de départ du délai d’appel.
La STI a d’abord attendu la signification de la décision sur opposition pour relever appel. Or ce délai a déjà commencé à courir depuis la date où la décision sur opposition a été prononcée.
L’attitude du débiteur ici doit être sérieusement critiquée.
Car comment comprendre la réaction d’un débiteur qui s’oppose à une injonction de payer et qui a perdu l’instance, au lieu de contre attaquer par l’appel, s’enferme dans un mutisme inexplicable et attend d’abord qu’on lui signifie sa défaite avant de réagir?
S’agit-il en l’espèce d’une ignorance véritable du point de départ du délai pour faire appel ou tout simplement d’un appel dilatoire pour retarder l’exécution de la décision portant injonction de payer?.
En tout cas, depuis le 5 Août 2005, date de la décision d’injonction de payer et le 21 Juillet 2007, date de la décision de la cour d’appel déclarant irrecevable l’instance en appel de la STI, plus de 11 mois se sont déjà écoulés.
Les créanciers et leurs conseils doivent en conséquence être particulièrement vigilants pour éviter les manœuvres dilatoires des débiteurs de mauvaise foi qui n’ont aucun motif sérieux au fond, mais qui s’engouffrent dans des recours pour retarder au maximum le paiement de leurs dettes.
Les magistrats aussi doivent jouer leur rôle d’arbitre dans cette procédure pour déceler rapidement de tels recours en s’opposant à des renvois injustifiés, ce qui sera un gain considérable de temps par rapport à la procédure de droit commun dans le recouvrement des créances.