J-08-08
DROIT DES SOCIETES COMMERCIALES – ASSEMBLEE D’ACTIONNAIRES – CONVOCATION DE L’ASSEMBLEE – ORDONNANCE DE REFERE – JUGE DES REFERES D’APPEL – DESIGNATION D’UN MANDATAIRE (OUI) – OPPOSABILITE DE LA PREEMPTION (NON) – APPEL – REQUETE EN RECTIFICATION D’UNE ORDONNANCE – ARTICLE 390 A 392 CPC – RECEVABILITE (OUI) – EFFET DEVOLUTIF DE L’APPEL – DROIT DE PREEMPTION – MESURE CONSERVATOIRE D’OPPOSABILITE – COMPETENCE DU JUGE DES REFERES (NON) – DECISION SUR CHOSE NON DEMANDEE (NON) – OMISSION DE STATUER SUR UN CHEF DE DEMANDE (NON) – REQUETE MAL FONDEE.
L’instance de rectification n’étant pas une voie de réformation par laquelle le juge peut modifier les droits et obligations des parties ou adopter une nouvelle appréciation des éléments de la cause, l’incidence de l’assemblée générale ne peut être analysée par voie de rectification même si, de jurisprudence constante, la juridiction des référés doit se placer, pour ordonner ou refuser des mesures urgentes, à la date à laquelle elle prononce sa décision.
Article 389 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÉ
Article 390 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÉ
Article 391 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÉ
Article 392 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÉ
(COUR DAPPEL DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Ordonnance de référé n 68/2003 du 04 septembre 2003, Kader YAMEOGO c/ ABROGOUA Michel).
L’an deux mil trois
Et le quatre septembre à seize heures
Nous NIAMBEKOUDOUGOU P. Mathias, Premier président de la Cour d’appel de Ouagadougou, étant en notre cabinet au palais de justice de ladite ville, assisté de maître ZANRE Hamadoun Zèya, Greffier à la Cour
Dans l’affaire :
Kader YAMEOGO, directeur général adjoint de SOYAF Communications S.A, ayant pour conseil maître Issouf BAADHIO, avocat à la Cour.
Contre.
Michel ABROGOUA, président directeur général de SOYAF Communications S.A, ayant pour conseil le Cabinet DABIRE et TOE, avocats associés, avocat à la Cour.
Attendu que par ordonnance n 152 du 12 juin 2003, le président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou, dans la cause opposant Kader YAMEOGO, directeur général adjoint de SOYAF Communications à Michel ABROGOUA, président directeur général de SOYAF Communications, déclare Kader YAMEOGO recevable en sa demande et « bien fondée en son action sur le fondement des dispositions de l’article 516 de l’Acte uniforme OHADA sur le droit des sociétés commerciales.
Constatons par conséquent qu’à défaut d’avoir tranché sur la question de la préemption posée à l’assemblée générale du 31 mai 2003, celle-ci exercée le 22 mai 2003 par SOYAF Communications est opposable à TELECEL International jusqu’à la tenue de la prochaine assemblée générale.
Désignons monsieur Kader YAMEOGO comme mandataire à l’effet de convoquer une assemblée générale de SOYAF Communications le 23 juin 2003 pour délibérer sur la question de préemption ».
Que suite à l’appel relevé contre cette décision, le juge des référés d’appel, par ordonnance n 57/2003 du 31 juillet 2003 statue ainsi qu’il suit :
« Confirme l’ordonnance querellée en ce qui concerne la désignation d’un mandataire pour la convocation d’une assemblée générale.
L’infirme quant à l’opposabilité à TELECEL International Limited de la préemption exercée le 22 mai 2003 par YAMEOGO Kader directeur adjoint de SOYAF Communications ».
Que par requête en date du 1er août 2003, Kader YAMEOGO sollicite d’être autorisé à assigner Michel ABROGOUA en rectification de l’ordonnance d’appel d’une part en son dispositif concernant l’opposabilité de la préemption à TELECEL International Limited aux motifs qu’il a été statué sur une chose non demandée, et d’autre part pour voir constater que la préemption du 22 mai 2003 qui a été validée à l’assemblée générale de SOYAF Communications du 23 juin 2003 produit de droit plein et entier effet à l’endroit du vendeur TELECEL International par ordonnance n 28/2003 du 04 août 2003;il assigne aux fins de sa requête, le 06 août 2003 Michel ABROGOUA à l’audience du 21 août 2003 où la cause fut retenue et mise en délibéré au 04 septembre 2003, date à laquelle elle est vidée.
Attendu que pour établir qu’il a été statué sur chose non demandée, quant à la décision implicite d’inopposabilité à TELECEL International Limited de la préemption exercée le 22 mai 2003 par Kader YAMEOGO, directeur général adjoint de SOYAF Communications au nom et pour le compte de ladite société, l’appelant en cause de rectification soutient que cette question n’était pas aux débats en barre d’appel;Que l’appelant dans l’instance principale n’a élevé aucune objection sur ce point, surtout que l’opposabilité de la préemption était de droit acquise à la date des débats du 17 juillet 2003 suite à la validation faite par l’assemblée générale du 23 juin 2003 de SOYAF Communications.
Que le juge d’appel a disposé en général sur la question de l’opposabilité de la préemption alors que celle demandée et obtenue du premier juge concernait une opposabilité située à titre provisoire dans le temps entre la date de l’acte de Kader YAMEOGO et celle de la tenue de l’assemblée générale de SOYAF Communications fixée au 23 juin 2003, ce à titre de mesure conservatoire;que cette mesure conservatoire ayant produit son entier effet jusqu’à la date de l’assemblée qui a confirmé la préemption ainsi « conservatoirement » exercée, elle est consolidée et son opposabilité acquise de droit à l’égard de tous.
Attendu que pour justifier qu’il a été omis de statuer sur un chef de demande l’appelant expose qu’il n’a pas, en barre d’appel, été tenu compte de l’évolution du litige marquée par la tenue de l’assemblée générale et surtout par la validation par celle-ci de la préemption exercée le 22 mai 2003 et dont l’opposabilité à titre conservatoire a survécu jusqu’à la tenue de ladite assemblée.
Que la décision d’appel occulte l’assemblée générale du 23 juin 2003 dont le procès-verbal de délibération est pourtant versé au dossier;Qu’en considération de cette délibération, le juge d’appel, qui a approuvé sa convocation dans la première branche de sa décision, ne pouvait que constater l’opposabilité à TELECEL International Limited et à tous tiers de la préemption ainsi exercée par l’organe délibérant suprême de SOYAF Communications.
Attendu que l’intimé, Michel ABROGOUA, conclut au rejet de la requête en rectification comme étant mal fondée;qu’il explique que par l’effet dévolutif de l’appel, tous les chefs de la décision de premier degré sont portés devant le second juge;qu’ainsi celui-ci était saisi d’une part de la désignation d’un mandataire pour convoquer une assemblée générale et d’autre part de l’opposabilité à TELECEL International Limited de la préemption exercée le 22 mai 2003 par Kader YAMOEOGO dans les conditions de la première décision lorsqu’il était statué sur ces points;Que l’évolution de la situation liée à la tenue de l’assemblée ne peut être soumise au juge d’appel dans la censure d’une décision rendue antérieurement à cette situation;Que sous la couverture d’une omission de statuer pour voir constater la validation par l’assemblée générale de la préemption ou donner acte de la validation de cette préemption et en conséquence son opposabilité à TELECEL International, le requérant en interprétation introduit une demande nouvelle qui ne saurait prospérer, le juge qui a rendu la décision ainsi critiquée en étant dessaisi (art. 389 CPC).
Qu’il résulte tant de l’ordonnance n 57-2003 du 31 juillet 2003 que des notes d’audience du greffier que les questions de la validation et de l’opposabilité de la préemption ont été débattues devant le juge d’appel.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité
Attendu que le juge peut être saisi en rectification d’erreurs ou d’omissions matérielles (art. 390, 391 CPC ou en complètement d’une omission de statuer sur un chef de demande (art. 392 CPC). qui affectent sa décision même passée en force de chose jugée;Que si sa faculté de saisine d’office peut dispenser de la requête pour les omissions et erreurs matérielles, la requête est indispensable à l’introduction de celle en omission de statuer;que s’agissant de la rectification d’une ordonnance de référé, l’observation de forme prescrite pour la saisine du juge des référés remplit les conditions de la loi.
Sur les prétentions
Attendu que les prétentions quant à l’omission de statuer sur un chef de demande et à la décision sur une chose non demandée portent toutes sur la deuxième branche du dispositif de l’ordonnance n 57-2003 du 31 juillet 2003 qui infirme l’ordonnance du premier juge « quant à l’opposabilité à TELECEL International Limited de la préemption exercée le 22 mai 2003 par YAMEOGO Kader, directeur général adjoint de SOYAF Communications », laquelle avait constaté « qu’à défaut d’avoir tranché sur la question de la préemption posée à l’assemblée générale (plutôt le conseil d’administration). du 31 mai 2002 (plutôt 2003), celle-ci exercée le 22 mai 2003 par SOYAF Communications est opposable à TELECEL International jusqu’à la tenue de la prochaine assemblée générale » prévue pour le 23 juin 2003.
Que dans la requête du 9 juin 2003 aux fins d’être autorisé à assigner, présentée au premier juge, il y est dit « Que le juge des référés est compétent pour ordonner toute mesure conservatoire qui dans le cas d’espèce vaudra préemption bonne et valable à l’égard de TELECEL International Limited jusqu’à ce que l’assemblée générale convoquée dans les meilleurs délais délibère sur la question »;que l’exploit d’assignation du 9 juin 2003 tend à voir adjuger au requérant l’entier bénéfice de sa requête;Que la mesure conservatoire sollicitée et accordée est précisée en cours de débats et dans les notes de plaidoiries du 11 juin 2003 et consiste à voir « constater que la préemption exercée le 22 mai 2003 par SOYAF Communications est opposable à TELECEL International jusqu’à la tenue de l’assemblée générale »;Que cette mesure ayant été infirmée par le juge d’appel il ne peut être soutenu qu’il a été statué sur chose non demandée et/ou qu’il a été omis de statuer sur un chef de demande.
Que l’appel du 20 juin 2003 de Michel ABROGOUA qui n’a été limité à des chefs précis de l’ordonnance critiquée porte sur tous les chefs de celle-ci dont la mesure conservatoire d’opposabilité de la préemption à TELECEL International Limited;Que la question a été soulevée en cours de débats par l’appelant qui a estimé qu’en « décidant que la préemption exercée était valable, le juge s’est substitué au conseil d’administration de SOYAF qui n’a pas usé de son droit de préemption » (observations de Me TOE Frank au relevé de notes d’audience du 17 juillet 2003);que sur ce point, l’intimé a objecté : « nous avons visé les articles 515 et 516 de l’Acte uniforme et avons demandé au juge de dire que le droit de préemption exercée par Kader YAMEOGO reste opposable à TELECEL International Le juge a exercé des prérogatives qui lui sont dévolues et était dans son champ de compétence » (observations de Me BAADHIO au relevé de notes d’audience du 17 juillet 2003).
Attendu que si le procès-verbal de l’assemblée générale du 23 juin 2003 fut versé au dossier et déclaration faite par l’intimé que « l’assemblée générale a délibéré et décidé d’exercer son droit de préemption » (relevé de notes d’audience). aucun débat n’a été instauré sur l’évolution du litige induite par la tenue de ladite assemblée générale alors que l’omission de statuer sur un chef de demande tient aux conséquence nécessaires à tirer des délibérations de cette assemblée;qu’un chef de demande ne saurait résulter d’une simple production de pièces aux débats non soutenue par une prétention précise faite oralement ou par conclusions écrites, (Cass. Civ. 1ère, 3 juin 1998, Bull. Civ. 1, n 196);Que du reste, était seulement en débat, au sujet de l’opposabilité de la préemption du 22 mai 2003, la question de savoir si celle-ci pouvait légalement être ordonnée par le juge des référés à titre de mesure conservatoire dans l’attente de la décision d’un organe délibérant de la société;que le juge des référés d’appel y a simplement répondu par la négative sans, pour les motifs sus-évoqués, s’estimer saisi d’une prétention tenant de l’évolution du litige.
Attendu que la décision implicite d’inopposabilité est jugée rendue sur chose non demandée en ce que la validation de la préemption par l’assemblée générale du 23 juin 2003 rend l’opposabilité de la préemption acquise de droit avant la décision du second juge;que cependant cette prétention n’avait pas été émise, alors que fondée elle aurait rendue sans objet en cause d’appel la question de la mesure conservatoire prise en première instance;Que l’instance de rectification n’étant pas une voie de réformation par laquelle le juge peut modifier les droits et obligations des parties ou adopter une nouvelle appréciation des éléments de la cause, l’incidence de l’assemblée générale du 23 juin 2003 ne peut être analysée par voie de rectification même si de jurisprudence constante, la juridiction des référés doit se placer, pour ordonner ou refuser des mesures urgentes, à la date à laquelle elle prononce sa décision (Cass. Civ. 1ère, 3 janv. 1979, RTD Civ. 1980, 152, obs. Normand;Assemblée. Plénière. 1er avril 1994, JCP 1994, II, n 22256, concl. Jéol).
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement en matière de référé et en dernier ressort.
EN LA FORME
Déclare recevable la requête en rectification de notre ordonnance n 57-2003 du 31 juillet 2003 introduite par Kader YAMEOGO.
AU FOND
La rejette comme étant mal fondée.
Dit n’y avoir lieu à rectification de l’ordonnance déférée.
Laisse les dépens à la charge de SOYAF Communications.