J-08-16
SURSIS A EXECUTION – REQUETE – CONDITION – SURSIS A EXECUTION D’UNE DECISION DE JUSTICE – DELAI DE GRACE – APPLICATIONS DES ARTICLES 217 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE ET 1244 ALINEAS 2 ET 3 DU CODE CIVIL.
Une société condamnée au paiement de droits sociaux et dommages-intérêts MOL/P licenciement abusif se pourvoit en cassation. En attendant la décision de pourvoi, elle réintroduit une requête et demande le sursis à l’exécution de cette décision.
LA COUR fait droit à sa demande en application des dispositions des articles 217 du Code de procédure civile et 1244 alinéas 2 et 3 du Code civil.
COUR SUPREME DU TCHAD, Arrêt n 002 du 19 février 2003 Brasseries du Logon contre L.L. Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, professeur.
LA COUR
Sur la recevabilité
Attendu que par requête susvisée adressée au Président de la Cour suprême, juge des référés en date 17 février 2003, Maître Bétel N. Marcel pour le compte de sa cliente B.D.L sollicite le sursis à exécution de l’arrêt susmentionné ayant condamné celle-ci à payer 32.427.255 francs des droits sociaux et dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Attendu qu’aux termes de l’article 217 alinéa 2 du Code de procédure civile cette requête est recevable.
Sur Le fond :
Attendu que Monsieur L.L a été recruté par la société les Brasseries du Logone en qualité de comptable le 06 mai 1986;en 1999, les B.D.L avait mis un plan de restructuration proposant aux salariés ayant atteint 50 ans des départs volontaires à la retraite négociée.
Attendu que Monsieur L.L dont la santé était fragile avait voulu bénéficier de cette mesure.
Attendu qu’il lui a été demandé de former préalablement son remplaçant avant son départ;qu’à la fin de cette formation, le départ volontaire à la retraite demandée par Monsieur L.L lui était refusé.
Attendu que celui-ci a été affecté plutôt dans un service qui ne correspondait pas à sa qualification.
Attendu qu’il ne l’avait pas accepté et avait considéré cela comme un licenciement abusif.
Attendu que L.L avait engagé une poursuite contre son employeur les B.D.L devant le Tribunal du travail de Moundou qui, par jugement du 09 février 2001 a condamné les B.D.L à lui payer 30 000 000 francs à titre des dommages et intérêts dont 10 000 000 francs de provision sous caution immobilière présentée par L.L.
Attendu que sur appel des parties ledit jugement a été confirmé par la Cour d’appel de N’Djamena par arrêt N 77/02 du 20 novembre 2002 quant au caractère abusif du licenciement et des dommages et intérêts mais l’a reformé quant aux droits sociaux en accordant à Monsieur L.L 2.427.255 francs soit au total 32.427.255 francs.
Attendu que bien que cet arrêt ayant fait l’objet d’un pourvoi en cassation, celui ci n’a pas d’effet suspensif.
Attendu qu’à la requête de Maître Abdou conseil des ayants droit L.L en date du 15 janvier 2003 Maître Ramadan Souleyman, huissier au Palais de Justice de Moundou, donnait commandement de payer à la société B.D.L de payer 33.971.522 francs entre ses mains.
Attendu que par procès-verbal de saisie vente N 001/GC/TP1/MDOU/03 du 17 février 2003, Maître Amine Allamine huissier de justice près cette juridiction sommait la société B.D.L de verser la même somme entre ses mains.
Attendu que le 17 février 2003, Maître Bétel Ninganadji, avocat au barreau du Tchad, conseil des B.D.L a saisi le Président de la Cour suprême d’une requête aux fins de surseoir à l’exécution de l’arrêt N 77 du 20 novembre 2002 au motif d’une part que sa cliente connaît de sérieuses difficultés d’ordre économique ayant conduit à sa restructuration et l’ayant amenée à proposer des départs volontaires à ses salariés, d’autre part que la grande inquiétude demeure au niveau de la situation des ayants droit de Monsieur L.L qui procéderont au partage de la somme une fois versée et qui ne seront pas en mesure de la rembourser dans le cas où la décision du pourvoi ne sera pas la même que celle ayant été rendue au profit du de cujus.
Attendu que l’article 217 al. 2 du Code de procédure civile stipule que « Toutefois, la Cour, saisie d’un pourvoi, peut à la demande de la partie et sans procédure, ordonner, avant de statuer au fond, qu’il sera sursis à l’exécution du jugement attaqué, si cette exécution doit provoquer un préjudice irréparable ».
Attendu que l’article 1244 al. 2 et 3 du Code civil stipule que : « les juges peuvent, néanmoins, en considération de la position du débiteur et compte tenu de la situation économique, accorder pour le payement des délais qui emprunteront leur mesure aux circonstances sans toutefois dépasser un an et surseoir à l’exécution des poursuites toutes choses demeurant en l’état.
En cas d’urgence, la même faculté appartient au juge des référés ».
Attendu que de ce qui précède, il y a lieu d’ordonner le sursis à exécution.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement en matière sociale et en référé.
Déclare recevable la requête introduite par Maître Bétel Ninganadji, conseil des B.D.L.
Ordonne le sursis à exécution de l’arrêt N 77/02 du 20 novembre 2002 et ce jusqu’à la décision au fond par la Cour de céans :
Réserve les dépens.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier.
Président : Ahmed Batchiret.
Conseillers : Dezoumbé Mabaré;Ngarhibi Gletching.
Avocats : Abdou, Betel.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur
Il faut s’étonner que la Cour d’appel de N’Djaména ait recours aux droits civil et de procédure antérieurs à l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme relatif aux procédures de simplifiées de recouvrement des créances et aux voies d’exécution (AUPSRVE). puisque les articles 336 et 337 de ce texte abrogent toutes les dispositions antérieures et futures relatives aux matières qu’il concerne et s’appliquent aux mesures conservatoires et d’exécution forcée engagées après son entré en vigueur qui est fixée à 90 jours après son adoption, soit le 1er septembre 1998 au plus tard alors que les voies d’exécution entreprises révélées par l’arrêt se situent en 2003.