J-08-20
Voir Ohadata D-10-64
PROCEDURES COLLECTIVES D’APUREMENT DU PASSIF – LIQUIDATION DES BIENS – REQUETE DES CREANCIERS AUX FINS DE LIQUIDATION DES BIENS – CONDITIONS D’OUVERTURE – CARACTERES DE LA CREANCE PRODUITE A L’APPUI DE L’ASSIGNATION EN LIQUIDATION – NON EXISTENCE CUMULATIVE DES CARACTERES EXIGES PAR L’ACTE UNIFORME – ARTICLE 28 AUPCAP – INEXISTENCE DE L’ETAT DE CESSATION DE PAIEMENT – SYNDIC – INTERVENTION VOLONTAIRE DU SYNDIC – ORGANE LEGALEMENT PREVU – RECEVABILITE (OUI).
LIQUIDATION DES BIENS –NON-PAIEMENT D’UNE OU DE PLUSIEURS CREANCES CERTAINES, LIQUIDES ET EXIGIBLES – ABSENCE DE PREUVE DE L’ETAT DE CESSATION DES PAIEMENTS DE L’ENTREPRISE – CESSATION DES PAIEMENTS (NON) – CARACTERE CERTAIN, LIQUIDE ET EXIGIBLE – CONTENU DE L’ASSIGNATION – NECESSITE D’UN TITRE EXECUTOIRE – CONDITIONS NON REUNIES – REJET DE LA REQUETE DES CREANCIERS AUX FINS DE LIQUIDATION DES BIENS.
Il résulte des dispositions de l’Acte uniforme que la notion de cessation des paiements doit être caractérisée par l’absence de disponibilités immédiates suffisantes pour payer le passif échu. Il appartient à celui qui demande l’ouverture d’une procédure collective de prouver l’état de cessation des paiements.
Dès lors, les créanciers qui entendent demander l’ ouverture d’ une procédure collective doivent non seulement établir que leurs créances sont certaines liquides et exigibles, mais encore, il doivent prouver que leur débiteur est réellement en situation de cessation des paiements ouverte ou utilise des artifices et des moyens frauduleux pour reporter dans le temps la déclaration de cet état de cessation des paiements. Faute d’avoir rapporté cette preuve l’action initiée par les créanciers ne peut prospérer.
Article 25 AUPCAP
Article 28 AUPCAP
Article 35 AUPCAP
Article 53 AUPCAP
Cour d’appel de Ouagadougou, Arrêt n 52 du 16 avril 2004, “SOSACO /BATEC, BTM”, Penant n 860, p. 380, note Bakary DIALLO. Jurifis Info, n Décembre 2010, p. 12.
LA COUR
Vu le jugement n 45/04 du 18 février 2004.
Vu l’acte d’appel de la Société Sahel Compagnie (SOSACO). du 19 février 2004.
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties en leurs conclusions, vins, moyens et observations.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
FAITS PROCÉDURE PRETENTION ET MOYENS DES PARTIES
La Société Sahel Compagnie, en abrégé SOSACO, est une société anonyme de droit burkinabé créée courant année 2000 et qui a bénéficié d’un prêt de 10 millions de dollars US dont les premières échéances arrivent en 2005.
Ayant entrepris des investissements en vue de la promotion de ses activités commerciales, SOSACO a donc confié au Bureau d’assistance technique et économique (BATEC SARL). suivant convention en date du 19 février 2001 la mission partielle de maîtrise d’œuvre d’un complexe hôtelier à Ziniaré). Laongo (Burkina Faso), à Madame Henriette Kabore, directrice générale de BTM, la construction d’un centre commercial à Ouaga 2000 et de deux résidences duplex également à Ouaga 2000 suivant conventions des 7 et 18 juin 2001. Enfin à l’entreprise Dar-es-Salam, l’exécution de divers travaux au sein du complexe hôtelier de la Paix Agades (République du Niger).
Les 24 et 26 novembre 2003, Mme Henriette Kabore, directrice générale de BTM, le Bureau d’assistance technique et économique (BATEC SARL). et l’entreprise Dar-es-Salam, représentée par son directeur général Aboubacar Amma ont, par exploits d’huissier de justice, donné assignation à la Société Sahel Compagnie d’avoir à comparaître par devant le tribunal de grande instance de Ouagadougou pour voir :
Constater la cessation des paiements de la Société Sahel Compagnie SA.
En conséquence, prononcer sa liquidation des biens.
Fixer provisoirement la date de cessation des paiements.
Nommer tel juge commissaire et tels syndics qu’il plaira au tribunal de désigner.
Ordonner l’accomplissement de toutes les formalités prescrites par l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif du Traité OHADA.
Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel ou opposition.
La SOSACO conclut à l’irrecevabilité de l’action des demandeurs pour non-respect de l’enquête préliminaire préalable telle que prévue par les articles 29 et 22 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif du traité de BTP et de BATEC-SARL n’est ni certaine, ni liquide et exigible.
Elle conclut enfin au débouté des demandeurs de toutes leurs prétentions.
A l’audience du 18 février 2004, le tribunal rendait la décision suivante :
Statuant publiquement après débats en chambre de conseil, en matière commerciale et en premier ressort.
Constate que la Société Sahel Compagnie remplit les conditions d’ouverture de la procédure collective, conformément aux articles 25, 28 et 33 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives et d’apurement du passif.
En conséquence, prononce la liquidation des biens de ladite société.
Fixe provisoirement la date de cessation de paiement au 1er août 2003.
Nomme Sou Sami Évariste au siège du tribunal de grande instance de Ouagadougou, juge commissaire.
Désigne le cabinet d’audit financier et expertise comptable Komboïgo et associés (CAFEC-KA), Maître Sanon Sidi, Maître Sorne Mathieu, avocats à la cour en qualité de syndics liquidateurs.
Dit que le présent jugement sera mentionné sans délai au registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM). du tribunal de grande instance de Ouagadougou.
Dit qu’il sera publié dans le journal d’annonces légales.
Ordonne l’exécution provisoire conformément à l’article 217 de l’Acte uniforme sur l’organisation des procédures collectives et d’apurement du passif.
Réserve les dépens.
Contre cette décision, la Société Sahel Compagnie relevait appel le 19 février 2004 pour voir annuler le jugement entrepris.
Elle demande tout d’abord à la cour de rejeter l’intervention volontaire du syndic, représenté par Maître Sanon Sidi au motif qu’elle bénéficie d’un sursis à l’exécution du jugement attaqué et que par conséquent le syndic ne saurait valablement agir. Ensuite, que Maître Sogodogo Moussa n’aurait pas reçu mandat de BATEC pour agir dans le cadre de cette procédure et la constitution de Maître Some Bannitouo aux côtés de l’entreprise Dar-es-Salam est irrégulière parce que contraire aux dispositions des articles 60 et 61 de la loi n 016/2000/AN portant réglementation de la profession d’avocat et relatives à la déontologie du corps en ce que celui-ci est dans le même cabinet que Maître Some B. Mathieu, conseil de la SOSACO.
Enfin, la Société Sahel Compagnie soulève l’exception d’incompétence de la cour au motif qu’une clause compromissoire insérée dans la convention qui lie les parties précise qu’en cas de survenance d’un litige, celui-ci sera réglé à l’amiable et à défaut par la procédure d’arbitrage.
En réplique, les conseils des créanciers font valoir que tout ce qui a été soulevé par la SOSACO constitue des demandes nouvelles qui doivent être rejetées conformément aux dispositions de l’article 545 du Code de procédure civile.
A leur tour, ils soulèvent l’exception d’irrecevabilité de l’acte d’appel au motif qu’il a été signifié directement aux intimés alors que ceux-ci sont dessaisis au profit du syndic (art. 53 et 216 A.I.);qu’il y a donc irrégularité de fond entraînant la nullité de l’acte.
AU FOND, la Société Sahel Compagnie conclut à la nullité de l’action de BTM, de BATEC et de l’entreprise Dar-es-Salarn au motif que les conditions de forme et de fond de la créance telles que décrites par l’article 28 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif ne sont pas remplies et que la cessation des paiements de la SOSACO n’a pas été prouvée par les demandeurs à la liquidation des biens.
Que s’agissant de la créance de BTM, précise-t-elle à titre d’exemple, les travaux ne sont pas achevés tel qu’il en résulte du constat d’huissier;qu’aux termes du contrat, les paiements s’effectuent au fur et à mesure de l’avancement des travaux après décompte qu’elle a déjà perçu plus de 900 000 000 F sur un total de 1 250 000 000 F prévu à l’achèvement complet des travaux alors que le dernier décompte n’a pas été fait par rapport aux travaux déjà réalisés;d’où la créance ne revêt pas un caractère certain.
Que s’agissant de l’exigibilité de toutes les créances, il y a la clause compromissoire insérée dans la convention et qui exige le règlement de tout litige à l’amiable et à défaut par la procédure d’arbitrage.
Qu’il s’agit là de la condition sine qua non de l’exigibilité de la créance.
Qu’enfin, aucune des créances dont se prévalent les créanciers n’est constatée par un titre.
Pour terminer, la SOSACO indique qu’il ne résulte ni des débats, ni de l’acte d’assignation la preuve de la cessation des paiements ou d’un surendettement de la société qui se distingue d’ailleurs du refus de paiement et qui enfin doit sous-tendre la liquidation.
Quant aux intimés, ils concluent à la confirmation du jugement attaqué au motif que la Société Sahel Compagnie est en état de cessation de paiement effectif et qui est prouvé par les pièces versées au dossier, notamment la lettre du 14 novembre 2000 et le dépôt du bilan par le directeur général de la société;que de surcroît le montant des créances est estimé à un milliard six cent millions alors que le capital social de SOSACP est de 500 000 000 F CFA.
Qu’en outre, leurs créances sont compromises car il y a près d’une année qu’ils poursuivent le règlement en vain.
Enfin, Maître Moussa Sogodogo précise que son client, BATEC, souhaite le recouvrement de sa créance mais pas dans le cadre d’une procédure de liquidation.
Attendu que l’affaire a été enrôlée pour l’audience publique ordinaire de la cour d’appel du 19 mars 2004 et renvoyée à l’audience en chambre de conseil du 1er avril 2004, date à laquelle elle a été retenue;que les débats ont porté essentiellement sur les exceptions diverses soulevées par les parties et qui furent vidées à l’audience publique du 2 avril 2004.
Qu’à cette date, l’affaire a été débattue sur le fond et mise en délibéré pour arrêt être rendu le 16 avril 2004 où la cour a statué en ces termes :
DISCUSSION
EN LA FORME
Sur l’exception d’irrecevabilité de l’appel.
Attendu que les intimés soulèvent l’exception d’irrecevabilité de l’acte d’appel au motif qu’il a été signifié directement aux créanciers alors qu’aux termes de l’article 53 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, il y a dessaisissement au profit du syndic dès la dissolution de la société;d’où un défaut de qualité constitutif d’une irrégularité de fond au sens des articles 141 et 145 du Code de procédure civile entraînant ainsi la nullité de l’acte d’appel.
Mais attendu qu’il résulte des dispositions des articles 52 et 53 de l’Acte uniforme suscité que le dessaisissement s’opère à l’encontre du débiteur essentiellement et non à l’encontre des créanciers qui peuvent toujours agir aux côtés du syndic;qu’en outre, ce dessaisissement n’est pas total car le débiteur conserve des possibilités d’actions individuelles dans certains cas.
Que, par ailleurs et conformément aux dispositions de l’article 205 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, le président du conseil d’administration, dans le cas d’espèce, en sa double qualité d’administrateur, représentant la SOSACO, et d’associé, a pleinement qualité et intérêt pour agir dans le sens de sauvegarder les intérêts de ladite société.
Que, partant, la loi n’est nullement violée et l’appel interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi est recevable.
Sur l’intervention volontaire du syndic.
Attendu que la Société Sahel Compagnie conclut au rejet de l’intervention du syndic, représenté par Maître Sanon Sidi, au motif qu’il a été ordonné le sursis à l’exécution du jugement attaqué suivant ordonnance n 03/2004 et que par conséquent le syndic ne saurait valablement agir.
Mais attendu qu’en l’espèce, le problème qui se pose n’est pas celui de l’exécution de la décision juridictionnelle prononçant la liquidation des biens de SOSACO, mais plutôt de l’existence d’organes légalement prévus dans le cadre de la présente procédure;que ces organes, bien que matérialisés par le jugement entrepris, existent parce que prévus d’avance par la loi et devant jouer un rôle bien déterminé.
Que représentant la masse des créanciers dans la présente procédure, le syndic se doit de défendre les intérêts de ceux-ci indépendamment du fait que l’exécution intrinsèque du jugement, c’est-à-dire la liquidation des biens de la SOSACO, ait été différée.
Qu’il y a lieu en conséquence de recevoir l’intervention volontaire du syndic.
Sur l’irrégularité de constitution de Maître Some
Attendu qu’il est fait grief au jugement attaqué d’avoir accueilli la constitution de Maître Some Bannifouo aux côtés de l’entreprise Dar-es-Salam au mépris des dispositions des articles 60 et 61 de la loi n 016/2000/AN portant réglementation de la profession d’avocat.
Que, cependant, il ne résulte ni des débats, ni des pièces du dossier la preuve de ce que cette constitution présente un risque de violation du secret professionnel ou celui de la perte de l’indépendance de l’avocat concerné.
Que faute de rapporter cette preuve, il y a lieu de maintenir la constitution de Maître Some Bannifouo car le simple fait d’exercer dans un même cabinet ne constitue pas en lui un obstacle majeur.
Sur l’exception d’incompétence de la Cour
Attendu qu’il est reproché également au premier juge d’avoir déclaré la juridiction compétente pour connaître de l’affaire alors qu’il existe une clause compromissoire insérée dans la convention des parties et qui précise qu’en cas de litige, celui-ci sera réglé à l’amiable et à défaut par la procédure d’arbitraire.
Qu’en raison de l’existence donc de cette clause, la cour est incompétente pour connaître du litige.
Mais attendu que s’il est constant que dans les conventions la volonté des parties est essentielle et crée la loi, il n’en demeure pas moins que les effets de ce consensualisme ne sont pas opposables aux tiers.
Qu’en effet, l’objet de cette procédure est d’organiser de façon collective toutes les procédures de règlement en vue de l’apurement du passif de l’entreprise;c’est pourquoi tous les créanciers sont constitués en une masse, représentée par le syndic;en outre, la procédure revêt un caractère d’ordre public, d’où l’intervention de plus en plus croissante du ministère public et aussi la possibilité offerte à la juridiction compétente de se saisir d’office;que, dès lors, la clause compromissoire qui lie uniquement les parties à la convention ne saurait prospérer dans le cas d’espèce.
Attendu que de tout ce qui précède, il convient de déclarer l’appel de la Société Sahel Compagnie (SOSACO). recevable ainsi que le syndic en son intervention volontaire.
Qu’il y a lieu également de recevoir toutes les parties sans leurs diverses exceptions soulevées, mais les rejeter comme étant mal fondées.
AU FOND
Attendu qu’il est reproché au jugement attaqué d’avoir prononce la liquidation des biens de la Société Sahel Compagnie (SOSACO). alors que les conditions de fond et de forme de la procédure ne sont pas réunies, notamment la cessation des paiements et les caractères de la créance.
Que s’agissant de la cessation des paiements, l’article 25 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif la définit comme étant la situation dans laquelle le débiteur se trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible;que cette situation se traduit matériellement par l’installation d’une situation financière désespérée de l’entreprise, caractérisée par le non-paiement d’une ou de plusieurs créances certaines, liquides et exigibles.
Qu’en l’espèce, les éléments sur lesquels se basent les créanciers pour déclarer que la SOSACO est en état de cessation des paiements effectif, à savoir la lettre du 14 novembre 2000 et le dépôt de bilan par le directeur général de la société, ont déjà été discutés dans l’arrêt n 84 du 21 novembre 2003 et qui avait conclu « qu’au regard de l’analyse de la situation financière de la société qui avait été fournie, la preuve de la cessation de paiement n’était pas établie;qu’il existe, certes, des difficultés mais non insurmontables et qui, en aucun cas, ne s’apparentent à un été de cessation de paiement ».
Qu’aucun élément nouveau n’a été rapporté par les créanciers de la SOSACO pour prouver ni une situation de cessation de paiements ouverte, ni celle de la cessation des paiements déguisée;qu’il s’en suit qu’aucune preuve de l’état de cessation des paiements de la Société Sahel Compagnie n’a été rapportée pour permettre à la juridiction compétente de la constater;que c’est donc à tort que le premier juge a prononcé la liquidation des biens de la SOSACO sur ce fondement.
Attendu que s’agissant des créances produites à l’appui des assignations en liquidation de la SOSACO, il résulte des dispositions de l’article 28 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif que « la procédure peut être ouverte sur la demande d’un créancier, quelle que soit la nature de sa créance, pourvu qu’elle soit certaine, liquide et exigible, l’assignation du créancier doit préciser la nature et le montant de sa créance et viser le titre sur lequel elle se fonde ».
Qu’il en résulte que le créancier qui entend recourir à l’ouverture d’une procédure collective doit tout d’abord établir de manière certaine sa créance et ensuite le défaut de paiement en présentant le titre qui consacre la créance qu’il s’agit tout d’abord d’une créance certaine, c’est-à-dire une créance qui existe et qui ne souffre pas de contestation sérieuse;ensuite, la créance doit être liquide, c’est-à-dire qu’elle doit être déterminée quant à son montant;enfin, elle doit être exigible, c’est-à-dire à terme ou échue, le tout consacré par un titre.
Attendu qu’en l’espèce, les créances produites par les intimés ne remplissent pas ces conditions cumulatives;qu’en effet, il ressort des débats et des pièces du dossier que l’entreprise Kabore Henriette BTM par exemple n’a pas achevé les travaux, objet de la convention signée entre elle et la SOSACO;que, par ailleurs, le montant précis de la créance devrait être arrêté après décompte en fonction des travaux déjà exécutés avant paiement;d’où le caractère contestable de la créance.
Que, de surcroît, une clause compromissoire a été insérée dans la convention qui lie les deux parties et indiquant que tout litige né à l’occasion de l’exécution du contrat doit être soumis à un règlement amiable et à défaut par la procédure d’arbitrage.
Que, ce faisant, la créance ne devient exigible qu’après le règlement amiable ou une sentence arbitrale conformément à la volonté commune des parties exprimée à travers la clause compromissoire.
Qu’il en est de même pour BATEC qui sollicite d’ailleurs que la cour lui donne acte de son désistement d’instance.
Attendu enfin que le traité OHADA exige que la créance soit consacrée par un titre sans autres précisions;que, cependant, les caractères exigés de la créance, à savoir une créance certaine, liquide et exigible, fait croire qu’il s’agit bien des titres énumérés par l’article 33 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui fait état de créances non contestées et échues tel un chèque ou un quelconque effet de commerce revenu impayé et revêtu du protêt, ou encore des loyers, etc.;que la matière qui vise entre autres le recouvrement de créances et les caractères de la créance commandent que soient visés les titres prévus à l’article 33 de l’Acte uniforme suscité.
Que, dans le cas d’espèce, la créance de l’entreprise Dar-es-Salam, qui n’a pas du tout été déterminée puisque l’on parle tantôt de 88 000 000 F, tantôt de 4 000 000 F n’est pas consacrée par un titre conforme.
Attendu au total que la loi a été violée par les premiers juges dans leur décision, les conditions de fond et de forme pour l’ouverture de la procédure collective n’étant pas remplies.
Qu’il y a lieu en conséquence d’annuler la décision attaquée et de rejeter l’action des sociétés BTM et Dar-es-Salam.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement après débats en chambre de conseil et en dernier ressort.
EN LA FORME
Déclare l’appel de la Société Sahel Compagnie (SOSACO). recevable.
Reçoit le syndic en son intervention volontaire.
Reçoit les parties en leurs diverses exceptions soulevées mais les rejette comme étant mal fondées.
AU FOND
Donne acte à BATEC de son désistement d’instance.
Annule le jugement querellé.
Statuant à nouveau, rejette l’action des sociétés BTM et Dar-es-Salam.
Condamne BATEC, BTM et Dar-es-Salam aux dépens.
– le Président;: M. Marc ZONGO.
NOTE
La cessation des paiements d’un débiteur est, et a toujours été, l’indice extérieur déterminant des difficultés imposant l’ouverture d’une procédure collective.
Ce critère de l’intervention judiciaire dans les affaires d’un débiteur en difficulté se justifie par le fait qu’en ne payant pas ses créanciers, il trompait leur confiance et devait par conséquent faire l’objet d’une liquidation organisée à leur profit. C’est donc une notion de droit et il revient à ce titre aux juges d’exercer un contrôle sur le point de savoir si les faits souverainement constatés sont révélateurs de la cessation des paiements.
D’où l’intérêt de cet arrêt infirmatif de la chambre civile et commerciale de la Cour d’appel de Ouagadougou rendu le 16 avril 2004.
Des créanciers (la société BATEC SARL et l’entreprise Dar-es-Salam). avaient demandé et obtenu du tribunal de grande instance de Ouagadougou l’ouverture d’une procédure collective de liquidation des biens à 1’encontre d’un débiteur [la société SOSACO). qu’ils estimaient en état de cessation des paiements. Par la suite, le tribunal procède à la nomination d’un juge commissaire et d’un syndic liquidateur, ordonne l’exécution provisoire et fixe la date de cessation des paiements au 1er août 2003.
Contre ce jugement, le débiteur avait d’abord obtenu un sursis à exécution puis interjeté appel et invité les juges du second degré à se prononcer sur les conditions d’ouverture de cette procédure et sur les caractères de la créance à la base de la demande. En outre, l’appelant demande à la Cour de rejeter l’intervention volontaire du syndic en développant l’idée selon laquelle, bénéficiant d’un sursis d’exécution, son action devenait Inutile.
Est-on, en l’espèce, en présence d’un débiteur justifiant, de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter, de nature à le conduire à la cessation des paiements ?.
L’enjeu de la définition de la cessation des paiements est donc au cœur de la problématique qui nous occupe.
En filigrane est aussi posée la délicate question du moment le plus opportun pour ouvrir une procédure judiciaire à l’égard d’une entreprise en difficulté. Il est incontestable qu’un des facteurs essentiels de la réussite d’une procédure collective réside dans son ouverture au bon moment.
Une ouverture prématurée, alors que les difficultés financières de l’entreprise ne sont que passagères, peut compromettre son avenir par la publicité inopinée qui leur est donnée et en imposant une procédure lourde et inadaptée au fonctionnement normal d’une entreprise. Une ouverture tardive, elle, interdit tout espoir sérieux de redressement en même temps qu’elle compromet les chances sérieuses de remboursement des créanciers.
La notion même de cessation des paiements donne lieu à une certaine marge d’appréciation car la définition s’est construite d’abord de façon jurisprudentielle et n’est pas entièrement décrite et explicite dans la loi. En pratique, il existe encore des divergences de traitements liés à l’appréciation de la situation économique du débiteur. Une des positions possible est d’estimer que la situation de cessation des paiements est celle où l’actif disponible ne peut permettre de faire face au passif exigible. C’est cette position qui a été adoptée par le législateur africain.
Cette définition légale est fondée sur une conception unitaire qui permet d’ouvrir la procédure collective non seulement en présence d’un arrêt matériel des paiements de créance, mais également dès que ce service n’est maintenu que par des artifices.
Mais de nombreuses interprétations de bon sens permettent de moduler cette règle.
L’arrêt de la Cour d’appel de Ouagadougou est intéressant sur deux points : non seulement il rappelle ce principe fondamental de la cessation effectif des paiements en se basant sur la conception unitaire du législateur, mais également, il rappelle qu’avant toute chose le créancier déclarant doit se prévaloir d’une créance certaine, liquide et exigible.
I. Possibilité de principe du créancier de saisir la juridiction aux fins d’ouverture de la procédure de liquidation des biens
À côté du débiteur lui-même tout créancier peut provoquer l’ouverture d’une procédure collective de redressement judiciaire ou de liquidation des biens à condition de justifier d’une créance certaine, liquide et exigible (A). Par ailleurs, le jugement prononçant l’ouverture d’une telle procédure s’accompagne invariablement d’organes d’intervention (B).
A. La condition d’une créance certaine, liquide et exigible
Aux termes des alinéas 1 et 2 de l’article 28 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif « la procédure collective peut être ouverte sur la demande d’un créancier, quelle que soit la nature de sa créance, pourvu qu’elle soit certaine, liquide et exigible.
L’assignation du créancier doit préciser la nature et le montant de sa créance et viser le titre sur lequel elle se fonde. » Un ou plusieurs créanciers peuvent saisir la juridiction compétente aux fins d’ouverture d’une procédure collective en établissant de manière certaine leurs créances et le défaut de paiement, en exhibant par exemple le protêt d’un chèque ou d’un effet de commerce impayé. Peu importe la nature de la créance impayée : Il suffit qu’elle soit certaine, liquide et exigible. C’est sur cette base que les créanciers de la SOSACO ont saisi le tribunal de grande Instance de Ouagadougou pour la voir déclarer en état de cessation des paiements. Ce jugement d’ouverture procédure va produire des effets très importants. Il apparaît donc logique qu’il soit, quant à ses modalités, étroitement encadré.
Par rapport au contexte, on peut penser que le principe de la saisine par le créancier sera très utilisé, tout au moins pour l’ouverture de la liquidation des biens. Pour une raison simple la liquidation des biens ne présente aucun intérêt évident pour le débiteur alors qu’elle offre des perspectives de paiement pour les créanciers.
Cette possibilité de principe a des mérites certains pour un créancier pour ouvrir une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens. Il a pour lui l’avantage de partir d’un constat objectif des relations entre le débiteur et ses créanciers. La situation de crise de trésorerie est a priori connue de ces derniers. Révélant l’incapacité du débiteur d’honorer ses engagements, elle ne peut conduire qu’à la cessation d’activité, sauf si une procédure judiciaire visant au redressement de l’entreprise lui est préférée.
Mais, pour être admis à exercer ce droit de saisine, il ne suffit pas de se dire titulaire d’un droit à 1’encontre d’un débiteur : encore faut-il que ce droit présente certains caractères et qu’il soit authentifié dans un titre exécutoire (article 28 de l’Acte uniforme). La créance doit être certaine en cela elle doit être indiscutable et actuelle. La créance doit être liquide cela signifie qu’elle doit être déterminée quant à son montant. La créance doit enfin être exigible, c’est-à-dire que le créancier est en droit d’en exiger le paiement. En revanche une dette exigible doit être prise en considération même si son paiement n’est pas effectivement exigé par le créancier.
Ne peut donc être prise en compte une dette contestée dans son montant ou dans son principe.
La condition d’exigibilité doit être entendue dans son sens juridique (et non comptable) : sont exigibles, les dettes échues au jour du jugement d’ouverture qui ouvre la procédure collective, qui sont logiquement les seules pour lesquelles le débiteur encourt le reproche du non-paiement. Cette date s’impose également à la Cour d’appel lorsque le jugement d’ouverture est frappé d’appel.
En l’espèce, les créances en cause sont loin de remplir ces conditions cumulatives. Il ressort en effet, de l’analyse des faits que la société BTM, par exemple, n’a pas achevé les travaux, objet de la convention signée entre elle et la SOSACO. Le montant précis de la créance ne devrait être arrêté qu’après un décompte faisant suite à l’achèvement des travaux;en sorte que la créance n’était ni certaine ni liquide.
La créance était encore moins exigible puisque comme le précise la Cour d’appel de Ouagadougou « de surcroît, une clause compromissoire a été insérée dans la convention qui lie les deux parties et indiquant que tout litige, né à l’occasion de l’exécution du contrat, doit être soumis à un règlement amiable et à défaut par la procédure d’arbitrage », ce qui revient à dire que la créance ne devient exigible qu’à l’issue d’un règlement amiable ou à défaut d’une sentence arbitrale conformément à la clause compromissoire.
Par ailleurs, l’Acte uniforme exige que la créance soit consacrée par un titre ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Qui plus est, la créance est loin d’être exactement déterminée puisqu’on parle tantôt de 88 000 000 F CFA, tantôt de 4 000 000 F CFA. Au final, on. peut dire que la créance sur laquelle se fondent les créanciers pour déclarer la cessation des paiements du débiteur ne remplissent pas les conditions cumulatives énumérées par l’article 28 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.
Reste que les juges de première instance ont eu une autre appréciation puisqu’ils ont autorisé l’ouverture de la procédure collective ce qui entraîne mécaniquement la nomination de certains organes.
B. Les organes invariables d’une procédure de liquidation des biens
De façon automatique, le jugement qui ouvre la procédure collective crée une situation juridique nouvelle à travers la mise en place d’organes et la modification des droits et des obligations à la fois du débiteur et des créanciers. Le jugement d’ouverture est de ce fait « un jugement constitutif » et non déclaratif selon un auteur averti.
Le jugement entraîne tout simplement une situation juridique nouvelle pour le débiteur mais aussi pour les créanciers qui requiert la mise en place et / ou l’intervention d’un certain nombre d’organes dont le rôle est essentiel pour l’aboutissement de la procédure. Ce sont :
– les organes judiciaires : le tribunal, le juge-commissaire et le ministère public.
– l’organe ambivalent : le ou les syndicats.
– les organes des créanciers : les assemblées de créanciers et les contrôleurs.
Le juge-commissaire est nommé parmi les membres du tribunal à l’exclusion de son président, sauf lorsqu’il s’agit d’un juge unique (article 35). Son rôle est essentiel dans le déroulement des opérations et dans l’avancement de la procédure. Placé sous l’autorité du tribunal, il veille au déroulement rapide de la procédure et aux intérêts en présence (article 39). À cet effet, il a droit à une information large et bénéficie d’attributions importantes dont l’exercice l’amène à rendre les ordonnances.
Le juge-commissaire a des pouvoirs d’investigation importants. À ce titre, il peut recueillir lui-même tous les éléments d’information qu’il juge utiles. Il peut entre autres entendre le débiteur ou les dirigeants de la personne morale, leurs préposés, les créanciers ou toute autre personne.
À côté du juge-commissaire l’autre organe qui est nommé par le tribunal est le syndic. En maintenant le syndic parmi les organes de la procédure collective, les auteurs de l’Acte uniforme « ont marqué, selon un auteur, leur refus de s’aligner sur la législation française résultant des textes de 1985 du fait qu’elle est “complexe et sophistiquée” et qu’elle suppose un appareil judiciaire et para judiciaire très étoffé et spécialisé » .
En France, la masse des créanciers a été supprimée par la loi du 25 janvier 1985, le législateur de ce pays ayant mis fin à la « confusion des genres » que constituait, antérieurement, le cumul par le syndic des fonctions de représentant des créanciers et du débiteur. Le syndic représente donc à la fois le débiteur et les créanciers (article 53).
Pour éviter la dispersion des procédures d’exécution du droit antérieur, c’est désormais le syndic seul qui est chargé, en principe, de réaliser l’actif mobilier ou immobilier, à l’exclusion du Trésor et des créanciers munis de sûretés réelles spéciales (gage, nantissement, hypothèque). comme cela était le cas autrefois (article 75). Ceux-ci ne retrouvent leur liberté d’exécution, à charge de rendre compte de son résultat au syndic, que si cet organe reste passif pendant un délai de trois mois suivant le jugement de liquidation des biens (articles 149 et 150).
La fonction du syndic diffère selon la procédure en cause. Dans le cadre de la liquidation des biens qui nous occupe ici, le premier rôle du syndic est de conserver les biens et la consistance du patrimoine du débiteur : le syndic va procéder à l’apposition des scellés et à l’inventaire, prendre les mesures conservatoires comme l’inscription ou le renouvellement de sûretés, réaliser la vente des objets dispendieux à conserver ou soumis à dépérissement prochain ou à dépréciation imminente.. (article 52).
Il joue un rôle central dans la production, la vérification et l’admission des créances. Il exerce des actions en justice, en demandant ou en défendant, en tant que représentant de la masse des créanciers. C’est ce rôle semble-t-il que le syndic qui a été nommé par le tribunal de grande Instance de Ouagadougou voulait jouer en l’espèce.
Le débiteur n’appréciant pas cette intervention volontaire demande à la Cour d’appel de la rejeter au motif qu’il bénéficie d’un sursis à l’exécution du jugement attaqué ce qui selon lui revient à paralyser l’action du syndic. Mais il n’a pas été suivi sur ce point par la Cour d’appel qui estime que les dispositions des articles 52 et 53 de l’Acte uniforme opèrent un dessaisissement à 1’encontre du débiteur essentiellement et non à l’encontre des créanciers qui peuvent toujours agir aux côtés du syndic;qu’en outre ce dessaisissement n’est pas total car il laisse au débiteur la possibilité d’actions individuelles dans certains cas.
Par suite, c’est à juste titre que le juge d’appel souligne que l’existence d’organes légalement constitués dans le cadre de la présente procédure ne fait pas obstacle au sursis à exécution dont bénéficie le débiteur. Il y a lieu d’approuver cette position de la Cour d’appel, en effet, représentant la masse des créanciers, le syndic défend leurs intérêts indépendamment du fait de l’exécution ou non du jugement autrement dit de la liquidation effective des biens de la SOSACO. L’intervention volontaire du syndic dans la procédure est donc tout à fait légitime.
Reste à savoir si les conditions d’ouverture de cette procédure collective elle même étaient réunies en l’espèce.
II. L’état de cessation des paiements conditions de principe de l’ouverture de la procédure de liquidation des biens
La notion de cessation des paiements a évolué en même temps que les finalités assignées aux procédures collectives. Alors qu’initialement elle était assimilée à une situation désespérée ou irrémédiablement compromise, une évolution lente a conduit à l’émergence et à l’admission d’une conception unitaire de la notion tant en France qu’en Afrique noire francophone. Il convient de préciser les composantes de cette conception ici révélée par la Cour d’appel (A). Mais dans tous les cas il appartient au créancier qui s’en prévaut de prouver l’état de cessation des paiements (B).
A. Une conception unitaire de la notion de cessation de paiement
« Aucun élément nouveau n’a été rapporté par les créanciers pour prouver, ni une situation de cessation des paiements ouverte, ni celle de la cessation des paiements déguisée ». C’est en ces termes qu’en l’espèce la Cour d’appel de Ouagadougou a rejeté l’état de cessation des paiements évoqué par la BATEC-SARL et l’entreprise Dar-es-Salam. Or cette argumentation se recommande directement à la conception unitaire de l’état de cessation des paiements.
En Afrique francophone comme en France pendant longtemps a régné la thèse dualiste qui distinguait deux notions de cessation des paiements la cessation des paiements ouverte et la cessation des paiements déguisée qui se différencient tant au plan des critères qu’à celui de la fonction. Cette thèse dualiste n’a pas perdu toute sa vigueur parce que d’une part certains aspects de cette thèse sont encore retenus, mais aussi elle permet de comprendre la thèse qui est actuellement arrêtée.
La cessation des paiements est dite ouverte lorsqu’il y a un arrêt effectif du service de caisse autrement dit l’arrêt matériel des paiements. Qui plus est, la jurisprudence en France exigeait jusqu’en 1967 que les créances soient des créances commerciales. En effet, les juges estimaient que les créances civiles ne pouvaient pas être opérantes dans la mesure où il n’existait pas de faillite civile. Ainsi, on considérait que les dettes fiscales devaient être exclues puisqu’elles devaient être regardées comme de nature civile. Cette conception a été vivement critiquée. C’est pourquoi l’Acte uniforme a pris la peine de préciser que la nature de la dette ou de la créance importait peu (commerciales, civiles, agricoles sans rapport avec l’activité). pour la prise en considération de l’état de cessation des paiements (articles 25 et 28).
En revanche il a semblé intéressant pour le législateur de préserver dans le cadre de l’OHADA la solution traditionnelle selon laquelle « ce qui caractérise la cessation des paiements c’est l’absence de disponibilités immédiates suffisantes pour payer le passif échu, en d’autres termes, l’impossibilité d’obtenir le moindre concours (bancaire notamment). pour faire face à une échéance » . Cette solution a l’immense avantage de reconnaître qu’une réserve de crédit peut constituer un actif disponible et de donner son plein effet à la garantie à première demande. Cette garantie, rappelons-le, est l’une des principales innovations de l’Acte Uniforme de I’OHADA relatif aux sûretés qui vient consacrer une pratique des milieux d’affaires. Toutefois, en raison du risque, toujours possible, que le débiteur recherche désespérément des concours bancaires dans le but de soutenir artificiellement l’entreprise et de retarder l’ouverture de la procédure collective, un large pouvoir d’appréciation de la situation financière de l’entreprise devrait être accordé aux tribunaux.
La cessation des paiements est dite déguisée lorsque la cessation des paiements ne sert qu’à reporter la date de la cessation des paiements dans le temps par l’utilisation d’artifices et de moyens frauduleux.
En l’espèce, la date de la cessation des paiements a été fixée par les premiers juges le 1er août 2003 soit six mois avant le jugement. De fait, cet intervalle constitue la période suspecte et certains actes accomplis pendant cette période peuvent être déclarés inopposables à la masse des créanciers s’ils rompent l’égalité entre les créanciers ou causent un préjudice à la masse. Mais dans le cas présent aucun moyen frauduleux ne semble être utilisé par la société SOSACO pour corroborer un tel artifice, aucune utilisation d’effets de commerce de complaisance, par exemple destinée à tromper les tiers ou les créanciers. On ne peut donc lui reprocher d’agissement frauduleux ou ruineux pour soutenir son crédit.
En résumé, il y a deux catégories de cessation des paiements selon cette thèse dualiste. Celles-ci se distinguent tant au niveau des notions qu’au niveau des fonctions. Toutefois, cette conception dualiste a été remplacée par la conception unitaire. La principale implication de cette conception unitaire est de permettre l’ouverture de la procédure collective non seulement en présence d’un arrêt matériel du service de caisse mais également dès que le service de caisse n’est maintenu que par des artifices, et spécialement par le recours à des moyens frauduleux, ruineux ou factices.
Donc la conception unitaire intègre les composantes de la conception dualiste afin d’accroître l’efficacité de la cessation des paiements dans l’atteinte des objectifs poursuivis par les procédures collectives. Il restera bien entendu à en rapporter la preuve, ce qui est loin d’être aisé.
B. La preuve de l’état de cessation des paiements
La cessation des paiements doit être prouvée par celui qui demande l’ouverture de la procédure collective. Cette preuve est libre et résultera le plus souvent d’un faisceau d’indices. En l’occurrence, pour prouver l’état de cessation des paiements les créanciers excipent le dépôt de bilan du directeur général de la société et s’appuient sur une lettre de correspondance du 14 novembre 2000 pour réclamer l’ouverture de la procédure collective de liquidation des biens. Est-ce suffisant ?.
LA COUR d’appel de Ouagadougou dans son pouvoir d’appréciation écarte ces arguments en faisant valoir qu’au « regard de l’analyse de la situation financière de la société qui avait été fournie, la preuve de la cessation de paiement n’était pas établie;qu’ il existe, certes, des difficultés mais non insurmontables et qui, en aucun cas, ne s’apparentent à un état de cessation des paiements ». En d’autres termes, les créanciers n’apportent aucunement la preuve que la SOSACO est en état de cessation des paiements.
Aux termes de l’article 25, al. 1er, de l’Acte uniforme « le débiteur qui est dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec actif disponible doit faire une déclaration de cessation des paiements aux fins d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, quelle que soit la nature de ses dettes ». Il ressort de cette définition que la cessation des paiements est la conséquence d’un déséquilibre réel entre le passif et l’actif. Ce n’est pas un déséquilibre quelconque;elle traduit l’impossibilité dans laquelle se trouve le débiteur de rétablir une situation saine et un équilibre durable. Il y a cessation des paiements lorsque le débiteur, tout en faisant face à ses échéances, utilise des moyens factices, ruineux ou frauduleux pour se procurer des liquidités, tels que l’émission d’effets de complaisance, des cessions d’actifs à un prix anormalement bas ou des emprunts à des taux très élevés .
En vérité, la structure même de la définition légale de l’Acte uniforme, caractérisée par le fait que le passif total soit supérieur à l’actif total conduit à distinguer, théoriquement (même si la frontière est en pratique plus floue..). La cessation des paiements des quatre notions voisines que sont l’incident de paiement isolé, l’insolvabilité, le déficit et la situation irrémédiablement compromise.
Le défaut de règlement d’une seule créance est insuffisant en lui-même pour établir l’état de cessation des paiements du débiteur, qui ne peut donc être déduit que de la comparaison des deux masses indiquées précédemment. La constatation d’un arrêt matériel des paiements doit être confortée par un examen d’ensemble de la situation de trésorerie. Mais, la condition de l’arrêt matériel des paiements proprement dit est remplie même en présence d’une seule dette impayée  :
La cessation des paiements n’est pas l’insolvabilité. En visant expressément le passif « exigible » d’une part et l’actif « disponible »d’autre part (article 25 de l’Acte uniforme], le législateur invite à concentrer l’analyse sur les deux parties du patrimoine du débiteur dont la comparaison permet de révéler la situation de trésorerie du débiteur.
Or un débiteur peut être solvable (c’est-à-dire avoir un actif supérieur à son passif). tout en étant en cessation des paiements : c’est une situation qui peut se présenter par exemple lorsque des entreprises en fort développement mais n’ayant pas de fonds propres suffisants, donc avec des frais financiers importants alors qu’une partie importante de l’actif ne peut être réalisée rapidement.
À l’inverse, un débiteur peut être insolvable sans être, au moins dans un premier temps, en cessation des paiements parce que par exemple ses dettes, importantes ne sont pas exigibles ou parce qu’il bénéficie d’une réserve de crédit lui permettant de faire face aux échéances. Il a pu être jugé que la constatation d’un endettement à court terme supérieur à la totalité de l’actif, s’accompagnant d’un résultat gravement déficitaire et d’une constante dégradation des capitaux propres, ne suffit pas à caractériser la cessation des paiements.
Un débiteur peut présenter un bilan déficitaire sans être en cessation des paiements. Le déficit est en effet une notion purement comptable et fiscale : il peut être constaté après inscription en compte d’un certain nombre de charges (par exemple les provisions et amortissements). qui ne correspondent pas à de véritables dettes à l’égard des tiers.
Enfin, un débiteur peut être en cessation des paiements sans être dans une situation irrémédiablement compromise. Cette dernière vise la situation d’une entreprise qui n’est plus viable et n’a plus de chance sérieuse d’être redressée, à la différence de la cessation des paiements qui laisse ouverte la perspective d’un redressement. Bien loin de l’esprit des textes, les tribunaux africains pourraient être tentés de recourir cette notion de situation irrémédiablement compromise partant du fait que ce critère est celui qui était utilisé par la jurisprudence française sous l’empire de la loi du 13 juillet 1967, dont s’inspire largement l’Acte uniforme .
Néanmoins ce critère doit rester pertinent pour apprécier la responsabilité d’un certain nombre de personnes (banques). qui auraient, en connaissance de cause, continué à soutenir, artificiellement, 1’entreprise débitrice, que ce soit en accordant de nouveaux crédits ou en consentant des délais de paiement.
La notion de cessation des paiements est donc un concept juridique commercial : elle est plus proche de la notion de non-liquidité. Le passif exigible est le passif devant donner lieu à paiement immédiat (salaires, charges, factures à échéance..). L’actif disponible est tout ce qui est susceptible d’être immédiatement transformé en liquidité (créances clients, traites escomptables, valeurs mobilières, le cas échéant machines ou biens non indispensables à l’activité réalisables rapidement).
C’est à ce titre une crise de trésorerie, ou plus précisément l’impossibilité de se procurer cette trésorerie. Quoique l’insuffisance de trésorerie ne suffit pas à traduire toutes les situations de cessation de paiement notamment lorsque l’insuffisance d’actif est importante en l’absence de nouveaux capitaux permanents.
Quoi qu’il en soit, la cessation des paiements reste la clef de voûte du système juridique OHADA des entreprises en difficulté, et à ce titre sa définition légale gagnerait davantage à être précisée par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage. Car des coins d’ombre peuvent subsister dans la pratique. Mais, la solution de cet arrêt est irréprochable compte tenu des dispositions de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif elle apporte des précisions utiles.
Bakary DIALLO, Docteur en droit Paris 1.