J-08-22
PROCEDURES SIMPLIFIES DE RECOUVREMENT DE CREANCE – INJONCTION DE PAYER – CREANCE RESULTANT D’EFFETS DE COMMERCE (OUI) – DIFFERENCE ENTRE CREANCE RESULTANT D’EFFETS DE COMMERCE ET CREANCE DONT LE RECOUVREMENT EST POURSUIVI – CARACTERES CERTAIN, LIQUIDE ET EXIGIBLE (NON).
Selon que l’on est en présence ou non d’effets de commerce ou de chèque les exigences pour la procédure d’injonction de payer ne seront pas les mêmes.
Aux termes de l’article 2 de l’AUPSRVE, en effet, l’engagement résultant de l’acceptation ou du tirage d’une lettre de change ou de la souscription d’un billet à ordre peut donner lieu à l’utilisation de la procédure d’injonction de payer lorsque la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante. Cet engagement se suffit à lui même pour faire la preuve de l’existence de la créance appelée provision. Ce ne sera pas le cas lorsque la créance dont le recouvrement est poursuivi ne résulte d’aucun effet de commerce, en cette circonstance, on attend du créancier qu’il fournisse les preuves irréfutables que la créance sur laquelle il se fonde ne souffre d’aucune contestation.
Article 123 REGLEMENT UEMOA RELATIF AUX SYSTEMES DE PAIEMENT
Cour commune de justice et d’arbitrage, arrêt n 062/2005 du 22 décembre 2005, “COM-CI I SCI-LES ROSIERS”, Penant n 860, p. 409, note Bakary DIALLO.
LA COUR
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Société Constructions Modernes de Côte d’Ivoire dite COM-CI contre Société de Construction Immobilière Les Rosiers, par arrêt n 250/04 du 15 avril 2004 de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Chambre Judiciaire, formation civile, saisie d’un pourvoi initié le 11 août 2003 par Maître Agnès Ouangui, avocat à la Cour, demeurant Abidjan 24, Boulevard Clozel, immeuble SIPIM, 5e étage, 01 B.P 1306 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Société COM-CI, pourvoi enregistré le 3 août 2004 sous le n 090/ 2004/PC, en cassation de l’arrêt n 461 rendu le 18 avril 2003 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort.
EN LA FORME : Reçoit la SCI-Les Rosiers en son appel.
AU FOND : L’y dit bien fondée.
Infirme le jugement attaqué et statuant à nouveau.
Déclare la Société COMCI mal fondée en son opposition.
L’en déboute.
Restitue à l’ordonnance d’injonction de payer n 237/2002 du 7 janvier 2002 son plein et entier effet.
Condamne la Société COMCI aux dépens ».
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à l’acte de pourvoi annexé au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil Nambak.
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par marché n 960156 du 10 juin 1996, l’Etat de Côte d’Ivoire a confié à la Société COMCI, le lotissement du quartier Palmeraie Extension, parcelle dénommée « Les Terrasses de la Palmeraie »;que par contrat verbal, la Société COM-CI a sous-traité ledit marché portant sur la somme de 192.978.277 F CFA en totalité à la SCI-Les Rosiers;que celle-ci ayant exécuté entièrement ses prestations, la COM-CI lui en a assuré un paiement partiel avant d’émettre quatre traites et un chèque pour le solde, soit un montant global de 141.441.970 F CFA, revenus impayés;que par suite des règlements effectués postérieurement, la créance de la SCI-Les Rosiers a été ramenée à la somme de 88.507.267 F CFA;que n’ayant abouti, à ce jour, qu’au recouvrement de la somme globale de 104 471 010 F CFA sur la créance de 192.978.277 F CFA, la SCI-Les Rosiers a saisi la juridiction présidentielle du tribunal de première instance d’Abidjan d’une requête aux fins d’injonction de payer et celle-ci, par ordonnance n 237/02 rendue le 7 janvier 2002, a condamné la Société COM-CI au paiement de la somme principale de 88.507.267 F CFA, outre les intérêts de droit et les frais;que sur opposition de la Société COM-CI, le tribunal de première instance d’Abidjan a, par jugement contradictoire n 770/Civ/7 du 15 mai 2002, débouté la SCI-Les Rosiers au motif que sa créance était contestée et qu’elle n’avait pas produit de justificatifs à l’appui de sa demande en recouvrement;que sur appel de la SCI-Les Rosiers, la Cour d’appel d’Abidjan a, par arrêt n 461 rendu le 18 avril 2003, infirmé le Jugement n 770/Civ/7 querellé et restitué à l’ordonnance d’injonction de payer n 237/02 du 7 janvier 2002, son plein et entier effet;que sur le pourvoi de la Société COMCI, la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, après avoir relevé que l’affaire soulève des questions relatives à l’application des Actes uniformes, notamment l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, s’est dessaisie du dossier au profit de la Cour de céans.
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que la SCI-Les Rosiers demande à la Cour de céans de « déclarer la Société COM-CI irrecevable en ses deux moyens de cassation en ce que, ni pour l’un, ni pour l’autre, elle n’a articulé un énoncé précis du cas d’ouverture de cassation qu’elle entendait viser » en violation des dispositions de l’article 206-1 et 6 du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative.
Mais attendu que la Cour Suprême de Côte d’Ivoire s’étant dessaisie du dossier au profit de la Cour de céans normalement compétente, seul le Règlement de procédure de celle-ci est applicable et non le Code de procédure civile et administrative susmentionné que la présente saisine de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage étant conforme aux exigences de l’article 51 dudit Règlement de procédure, l’irrecevabilité invoquée par la SCI-Les Rosiers en l’espèce n’est pas fondée;que dès lors, il y a lieu de la rejeter.
Sur le premier moyen pris en sa seconde branche
Vu les articles 1er et 13 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé la loi ou commis une erreur dans son application ou son interprétation en ce qu’il a jugé que « la Société Constructions modernes de Côte d’Ivoire dite COM-CI ne conteste pas sérieusement la créance dans son principe;Par ailleurs, la SCI-Les Rosiers a produit les justificatifs de sa créance tandis que la société COM-CI ne prouve pas qu’elle s’est acquittée de sa dette évaluée à 88.507.267 francs;Dès lors, c’est à tort que le premier juge a estimé que la créance n’était pas certaine » alors que, selon le moyen, la COM-CI « a toujours contesté la prétendue créance de 88.507.267 francs alléguée par la société Les Rosiers ainsi que l’attestent son acte d’opposition du 5 février 2002 et ses conclusions en appel du 4 juillet 2002;qu’en effet, la défenderesse, sous traitant de la COM-CI, se prévaut d’une créance de 192.978.277 F CFA correspondant, selon elle, à la valeur du marché n 96 0156 du 10 juin 1996 attribué à la Société COM-CI;qu’elle affirme que c’est cette créance qui a ensuite été ramenée à 88.507.267 F CFA suite aux règlements effectués par la Société COMCI;[que cependant] il importe de préciser de prime abord que la valeur du marché susvisé était de 184.240 009 F CFA hors TVA et non de 192.978.277 F CFA, (cf. article 2.1 du cahier des clauses et conditions particulières);qu’ensuite le sous traitant, tiers au marché principal liant la COM-CI à l’Etat de Côte d’Ivoire ne peut prétendre au montant fixé par ce marché, en application de l’effet relatif des contrats;qu’il ne peut prétendre qu’à la rémunération telle que résultant du contrat de sous-traitance qu’il a conclu avec la Société COM-CI;Or les parties ont omis de fixer cette rémunération, ce qui explique pourquoi la SCI-Les Rosiers ne l’a pas précisée dans sa requête et a plutôt retenu unilatéralement le montant du marché principal;qu’en droit, la non fixation du prix du contrat de sous-traitance par les parties ne peut être suppléée que par une fixation judiciaire par le tribunal ou par un tiers choisi par elles, qui établira en outre les comptes entre les parties pour tenir compte des paiements néanmoins effectués par la COM-CI en guise de bonne foi, et qui s’élèvent à la somme de 104 471 010 F CFA, ainsi qu’il résulte du propre aveu de la défenderesse par la voix de son conseil ( cf. lettre de Maître Lamine Faye datée du 25 octobre 2001);que la créance initiale étant inconnue, l’on ignore la base sur laquelle la défenderesse a imputé la somme de 104 471 010 F CFA réglée par la COM-CI pour aboutir au prétendu solde de 88.507.267 F réclamée;que d’ailleurs, le décompte de ces règlements n’est pas indiqué dans la requête;qu’il s’ensuit que la créance alléguée n’est ni certaine ni liquide;qu’il appartenait par conséquent à la Cour d’appel d’en juger ainsi et de confirmer le jugement;qu’en statuant comme elle l’a fait, elle a violé l’article 1er de l’Acte uniforme;qu’il échet de casser son arrêt de ce chef ».
Attendu qu’aux termes des articles 1er et 13 de l’Acte uniforme susvisé « le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer » et « celui qui a demandé la décision d’injonction de payer supporte la charge de la preuve de sa créance ».
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que la SCI-Les Rosiers avait joint à sa requête aux fins d’injonction de payer quatre traites et un chèque d’une valeur totale de 141.441.970 F CFA revenus impayés;que la SCI-Les Rosiers soutenait que de cette somme de 141.441.970 F CFA que lui devait donc la société COM-CI, cette dernière avait fait des règlements postérieurs, ce qui aurait ramené sa créance à la somme de 88.507.267 F CFA.
Attendu que s’il est vrai que la créance, matérialisée par les quatre traites et le chèque revenus impayés à échéance s’élevant à 141.441.970 F CFA, était certaine, liquide et exigible, il n’en est pas de même de la somme de 88.507.267 F CFA au paiement de laquelle la SCI-Les Rosiers demande la condamnation de la Société COM-CI suivant la procédure d’injonction de payer;qu’en effet, la SCI-Les Rosiers ne précise, ni dans la requête aux fins d’injonction de payer, ni dans les différentes écritures versées aux débats, les modalités de paiement de la différence entre la créance de 141.441.970 F CFA et celle de 88.507.267 F CFA réclamés;qu’elle ne verse pas non plus aux débats les justificatifs desdits 88.507.267 F CFA réclamés;qu’ainsi et faute pour la SCI-Les Rosiers d’avoir produit lesdits justificatifs de la créance de 88.507.267 F CFA dont elle poursuit le recouvrement auprès de la Société COM-CI, il y a lieu de constater que la certitude de ladite créance n’est pas établie;qu’il suit qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a violé les dispositions sus-énoncées des articles 1er et 13 de l’Acte uniforme susvisé et exposé son arrêt à la cassation.
Sur l’évocation
Attendu que par exploit d’huissier en date du 14juin 2002, la SCI-Les Rosiers a déclaré interjeter appel du jugement n 770/CW/7 rendu le 15 mai 2002 par le tribunal de première instance d’Abidjan;qu’elle demande à la Cour d’infirmer le jugement querellé, de dire et juger que sa créance est certaine, liquide et exigible.
Attendu que la Société COM-CI, intimée, tout en soutenant que la créance de la SCI-Les Rosiers n’est pas certaine, au moins quant à son montant et qu’elle n’est pas liquide étant donné qu’on ne sait pas si les paiements effectués n’ont pas éteint la créance, demande la confirmation pure et simple du jugement déféré.
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux sur le fondement desquels l’arrêt a été cassé, il y a lieu de déclarer que la créance de la SCI-Les Rosiers n’est pas certaine et de confirmer en toutes ses dispositions le jugement n 770/CIV/7 rendu par le tribunal de première instance d’Abidjan.
Attendu que la SCI-Les Rosiers ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Casse l’arrêt n 461 rendu le 18 avril 2003 par la Cour d’appel d’Abidjan.
Évoquant et statuant au fond.
Confirme en toutes ses dispositions le jugement n 770/C1V/7 rendu le 15 mal 2002 par le tribunal de première instance d’Abidjan.
Condamne la SCI-Les rosiers aux dépens.
– le Président;. M. Jacques M’BOSSO.
NOTE
Cet arrêt de cassation suivi d’évocation rendu le 22 décembre par la CCJA méritait d’être mentionné ne serait ce que parce qu’il illustre d’une manière éclairante les ressources qu’offre la procédure d’injonction de payer dans le cadre du traité OHADA.
En l’espèce, un contrat de sous-traitance était passé verbalement entre la société COM-CI et la société SCI-Les Rosiers portant sur un lot de lotissement dans un quartier d’Abidjan. Mais les prestations exécutées, la COM-CI a émis quatre traites et un chèque pour le solde de la somme de 141.441.970 F CFA qui sont malheureusement revenus impayés pour le porteur. Ayant effectué ultérieurement des paiements pour le remboursement de cette somme le montant restant a été fixé par la société SCI-Les Rosiers à 88.507.267 F CFA.
C’est pour le recouvrement de cette dernière somme d’argent que le président du tribunal de première instance d’Abidjan a rendu une ordonnance d’injonction de payer. Sur opposition formée à cette ordonnance par la société COM-CI, le tribunal de première instance d’Abidjan a annulé l’ordonnance au motif que la créance était contestée et qu’elle n’avait pas été suffisamment justifiée.
Mais la société SCI-Les Rosiers ainsi déboutée a interjeté appel auprès de la Cour d’appel d’Abidjan. C’est cet arrêt qui est l’objet de ce pourvoi.
En effet, la Cour d’appel d’Abidjan qui a, par arrêt du 18 avril 2003, conclu à l’absence de contestation de la créance dans son principe par la COM-CI et à sa certitude a restitué à l’ordonnance d’injonction de payer de la juridiction présidentielle son plein effet.
Tels étaient, pour l’essentiel, les circonstances et les termes du litige soumis en l’espèce à la censure de la juridiction supra nationale. Car la COM-CI éconduite en appel sollicite tout simplement des hauts magistrats l’anéantissement de l’ordonnance d’injonction de payer délivrée par la juridiction présidentielle.
La CCJA n’a pas approuvé la Cour d’appel dans son argumentation et a cassé l’arrêt pour violation des articles 1 et 13 de 1’AUPSRVE.
En effet, dans la construction de l’arrêt de la Cour d’appel il manquait un maillon essentiel pour les engagements résultant des effets de commerce, l’Acte uniforme consacre une solution spécifique. Aux termes de l’article 2 de l’AUPSRVE, l’engagement résultant de l’acceptation ou du tirage d’une lettre de change ou de la souscription d’un billet à ordre peut donner lieu à l’utilisation de la procédure d’injonction de payer lorsque la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante.
C’est principalement sur cette question que reposait la problématique juridique de l’arrêt commenté.
Par un raisonnement en deux temps, la CCJA censure l’arrêt du 18 avril 2003 de la Cour d’appel d’Abidjan. On ne saurait mieux rappeler que selon que l’on est en présence ou non d’effets de commerce ou de chèque les exigences pour la procédure d’injonction de payer ne sont pas les mêmes.
En même temps qu’elle retient que la somme de 141.441.970 F CFA représentant le montant des quatre traites et du chèque émis par la COM-CI pouvait bel et bien faire l’objet d’une procédure d’injonction de payer, la juridiction supranationale exige de la société SCILes Rosiers qu’elle fasse la preuve de la réalité de la créance portant sur la somme de 88.507.267 F CFA et dont le recouvrement est ici poursuivi. Et contrairement à la Cour d’appel elle refuse de reconnaître à ladite créance son caractère de certitude.
À vrai dire, la solution retenue par la CCJA est théoriquement justifiée et elle nous parait également opportune. Dans une procédure d’injonction de payer ce que l’on attend du créancier c’est de fournir les preuves irréfutables que la créance sur laquelle il se fonde pour appuyer sa demande ne souffre d’aucune contestation. Mais pour les engagements résultant des effets de commerce ou du chèque, l’Acte uniforme n’a pas la même exigence puisque l’émission ou l’acceptation d’une lettre de change ou d’un chèque suffit à donner lieu à l’utilisation de la procédure d’injonction de payer.
Nous envisagerons tout à tour les exigences générales requises pour la mise en route de toute procédure d’injonction de payer (I). Et les exigences particulières pour la mise en œuvre de la procédure de l’injonction de payer en ce qui concerne les effets de commerce (II).
I. Les exigences générales de la procédure d’injonction de payer
Pour faire l’objet d’une procédure d’injonction de payer, la créance litigieuse doit être d’origine contractuelle (A). Mais surtout elle doit être certaine, liquide et exigible (B).
A. La nature contractuelle de la créance litigieuse
En premier lieu, le recouvrement d’une créance peut être poursuivi au moyen de la procédure d’injonction de payer lorsque la créance a une cause contractuelle. L’article 2 de 1’AUPSRVE fixe bien cette nécessité « La procédure d’injonction de payer peut être introduite lorsque la créance a une cause contractuelle;l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce, ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante. ».
La jurisprudence dans le cadre communautaire interprète, l’expression « créance ayant une cause contractuelle » comme englobant toutes les sommes stipulées dans le contrat, déterminables en vertu des seules dispositions contractuelles. Il en résulte que le juge des requêtes n’a pas compétence pour prononcer la résolution d’un contrat de vente et la restitution de l’avance reçue par l’acheteur (Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n 443 du 4 avril 2000 Limba C/ Mohamed Ould Barikallah). (revue Ecodroît. AIDD août-septembre 2001. p. 51, note anonyme).
L’inexistence d’une créance ayant une cause contractuelle doit avoir pour conséquence la rétraction de l’ordonnance d’injonction de payer. Abidjan (Chambre civile et commerciale n0 542 du 28 avril 2000);Il ne résultait pas des pièces produites par la société créancière qu’un lien contractuel ait existé avec le débiteur;par conséquent, les dispositions de l’article 2 de l’AU ne peuvent recevoir application.
L’origine contractuelle de la créance exclut du champ d’application de l’injonction les créances ayant une cause quasi contractuelle. Tel était l’argument invoqué par les défenderesses dans l’affaire SDV Tchad et SDV Cameroun contre Star national soumise à la Cour d’appel de N’Djaména. Les défenderesses ont soutenu à bon droit que les conditions d’exercice de la procédure d’injonction de payer n’étaient pas réunies parce qu’il s’agissait en l’espèce d’une créance quasi contractuelle. (Ndjaména n 281/ 2000, 5 mai 2000.).
Cette exclusion s’étend également aux créances ayant une cause délictuelle ou quasi délictuelle. Ainsi, une Cour d’appel a pu déclarer : « La procédure d’injonction de payer étant prévue pour le recouvrement d’une créance ayant une cause contractuelle ou résultant de l’émission ou de l’acceptation d’effet de commerce, il ne peut être reconnu pour une créance ayant sa cause dans un accident de la circulation » (Cour d’appel d’Abidjan, n 221 du 20 février 2001, SAFA c/..). sont donc exclues les créances de dommages-intérêts.
Par ailleurs, la créance qui justifie le recours à la procédure d’injonction de payer peut avoir une nature contractuelle mais, dés lors que sa cause est illicite, elle rend sans cause l’engagement ainsi contracté et par conséquent l’ordonnance l’injonction de payer. (Niamey, n 268, 26 octobre 2001.).
Dans l’espèce commentée il s’agissait d’un contrat verbal de sous-traitance, même si les parties dans ce contrat avaient omis de fixer le montant de la rémunération en contrepartie de la réalisation des lotissements. Mais quelle ait une origine contractuelle ou qu’elle résulte d’un effet de commerce au sens de l’article 2 précité la créance dont le recouvrement est poursuivi au moyen de la procédure d’injonction de payer doit être déterminée dans son montant. Ce qui était loin d’être le cas dans l’espèce.
B. La créance doit être certaine, liquide et exigible
Il résulte essentiellement de l’article 1 de 1’AUPSRVE que « le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer ». En application de ce texte, toute demande d’injonction de payer doit être faite en vertu d’une créance certaine, liquide et exigible.
La procédure d’injonction de payer ne saurait être mise en œuvre pour recouvrer des créances dont la liquidité est incertaine.
La créance doit être certaine en ce sens qu’elle doit être à l’abri de toute contestation. C’est le cas lorsque le créancier est porteur d’un titre exécutoire. Toutefois, il peut également, pour justifier cette certitude, produire à l’appui de sa requête toutes pièces à conviction. Ce qui n’est pas le cas en espèce puisque le demandeur n’a pas produit de titre exécutoire et que la COM-CI conteste l’origine de la créance initiale.
Parce qu’il s’agit des créances d’origine contractuelle, le caractère de certitude devrait impliquer la nécessité, pour le demandeur, d’en rapporter la preuve d’une manière irréfutable. C’est ainsi que par un arrêt en date du 14 mars 2003, la Cour d’appel d’Abidjan avait déclaré que « ne remplit pas le caractère de certitude, la créance résultant d’une lettre de commande qui ne comporte pas la signature du débiteur alors qu’en cas d’approbation, celui-ci devrait mentionner sur le bon “bon pour accord”, le dater et signer ». (Cour d’appel arrêt, n 101, 31 janvier 2003.).
Beaucoup plus curieuse était cette décision de la même Cour d’appel que nous n’approuvons pas que « doit être rejetée la requête aux fins de l’injonction de payer qui se fonde sur une reconnaissance de dette qui ne comporte aucun engagement de payer de la part du débiteur ». (Cour d’appel d’Abidjan, n 303, 14 mars 2003, Liake Ignace c/la société Wossau Graphic.).
En effet, en l’espèce tout en admettant que le créancier poursuivant présentait bien une reconnaissance de dette signée des mains de son débiteur, la Cour d’appel le déboute en même temps de sa demande, au motif que s’il y avait lieu de constater qu’il s’agissait bien d’une reconnaissance de dette de la part du débiteur, elle déclare que ce dernier n’avait pas pris l’engagement de payer.
La créance doit être liquide en ce sens qu’elle doit être déterminée dans son montant. Il faut savoir non seulement ce qui est dû, mais combien est dû. Autrement dit la liquidité doit s’apprécier en argent. Là aussi, dans le cas qui nous occupe, on ne peut pas conclure à la liquidité de la créance puisque les parties ne s’entendent pas sur le montant restant dû. Et pour cause, elles ne se sont jamais entendues sur le prix initial de la sous-traitance. C’est ce qui explique les difficultés de la société SCI-Les Rosiers pour justifier l’origine de la créance de 88.507.267 F CFA dont il réclame le paiement.
La jurisprudence admet pourtant qu’une créance de montant non déterminé, mais déterminable, fasse l’objet d’une procédure d’injonction de payer. Ainsi, dans l’affaire SDV-Côte d’Ivoire c/Société Rial Trading , la CCJA casse l’arrêt de la Cour d’appel d’Abidjan qui considérait incertaine la créance litigieuse au motif que « les factures fournies par le créancier varient effectivement dans leur coût sans qu’aucune explication ou mode de calcul ne soit fourni ainsi par exemple, pour un mois d’entreposage de sucre, la facture est de 10 083.438 francs CFA, et pour deux mois elle porte sur une créance de 16. 871.738 francs CFA », elle en conclut en outre que la créance ne serait ni liquide ni exigible. Le juge supranational considère au contraire que dès lors que le montant de la créance dont le recouvrement est poursuivi est déterminé à partir des stipulations contractuelles, la procédure d’injonction de payer peut être mise en œuvre, quand bien même le montant de la créance serait le fruit d’un calcul réalisé par le créancier.
II. Les exigences particulières de la procédure d’injonction de payer relatif à un effet de commerce
L’Acte uniforme vise singulièrement deux types de créances celles résultant d’un effet de commerce et celle résultant d’un chèque.
A. Les créances résultant de la lettre de change
Sommairement, l’Acte uniforme prévoit que la procédure d’injonction de payer peut être introduite « lorsque l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce ».
Il s’en suit que les créances résultant de l’acceptation ou du tirage d’une lettre de change ou de la souscription d’un billet à ordre peuvent donner lieu à l’utilisation de la procédure d’injonction de payer.
La lettre de change, appelée couramment traite, est un écrit par lequel une personne appelée tireur (le créancier, c’est-à-dire le fournisseur). invite une autre personne appelée tiré (le débiteur, c’est-à-dire le client). à payer une certaine somme (montant facturé), à une date déterminée (date d’échéance). à une troisième personne appelée bénéficiaire (souvent le tireur ou son banquier). La lettre de change est toujours un acte de commerce, quelle que soit la qualité de ses signataires ou quel que soit le motif de sa création.
À noter que l’Acte uniforme innove en la matière en visant à la fois l’émission et l’acceptation de la lettre de change. Même s’il est difficile, en pratique, de mesurer la portée d’une telle innovation.
Le tireur engage sous sa signature sa responsabilité si à l’échéance, il n’existe pas de provision ce qui semble être le cas en l’espèce. Il demeure également tenu envers le bénéficiaire lorsqu’à l’échéance le tiré refuse de payer.
L’acceptation est l’engagement pris en forme cambiaire par le tiré de payer la lettre de change à l’échéance. Elle améliore les chances de paiement de l’effet puisque celui à qui doit être demandé ce paiement est désormais tenu de l’accomplir. Le tiré est un élément nécessaire de la lettre de change c’est à lui qu’est adressé l’ordre de payer mais le titre est juridiquement parfait sans son engagement. Dans ces conditions, une question préalable se pose : l’acceptation est-elle une formalité obligatoire ou facultative : doit-elle être demandée par le porteur et donnée par le tiré ?.
En tous les cas accepter une traite c’est signer pour reconnaître l’existence de la créance. Cet engagement se suffit à lui-même pour faire la preuve de l’existence de la créance appelée pour la circonstance provision.
Il y a donc provision si, à l’échéance de la lettre de change, celui sur qui elle est fournie est redevable au tireur, ou à celui pour le compte de qui elle est tirée, d’une somme au moins égale au montant de la lettre de change. La propriété de la provision est transmissible de droit aux porteurs successifs de la lettre de change.
Qu’il y ait ou non acceptation, le tireur seul est tenu de prouver, en cas de dénégation, que ceux sur qui la lettre était tirée avaient provision à l’échéance;sinon, il est tenu de la garantir.
B. Les créances résultant du chèque
À l’inverse de la lettre de change le chèque ne comporte en droit, si ce n’est en pratique, aucune idée de crédit : la provision doit exister au moment de sa création et non pas au moment de l’échéance comme la lettre de change. Seule la lettre de change est commerciale par la forme. L’émission d’un chèque n’est pas, par elle-même un acte de commerce. La nature commerciale ou civile de l’émission du chèque dépendra, pour l’émetteur de sa propre qualité : sera commercial le chèque émis par un commerçant pour les besoins de son commerce tel semble être le cas particulier qui nous occupe.
Pourtant, contrairement à la législation française, l’Acte uniforme innove en incluant dans le champ d’application de l’injonction de payer l’engagement résultant d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante. Pourquoi cette extension ? Il semble que cela s’explique par le contexte particulier et par l’abondance des chèques sans provision ou avec une provision insuffisante.
Dorénavant, les bénéficiaires de ces chèques pourront obtenir rapidement un titre exécutoire en recourant à la procédurale de l’injonction de payer. Il faut cependant préciser que le non-paiement d’un chèque étant constitutif d’un délit, il y a sursis à statuer lorsque la juridiction répressive est déjà saisie.
Mais dans l’espace communautaire, l’injonction de payer n’est pas la seule procédure pour faire face aux difficultés de recouvrement des créances consécutives aux chèques impayés. À l’attention des praticiens, on pourrait utilement signaler que le Règlement n 15/2002/ CM de l’UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans les États membres de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine, offre aux victimes de chèques sans provision ou à provision insuffisante la possibilité de recourir à la procédure du certificat de non-paiement.
En effet aux termes de l’article 123 du Règlement, « à défaut de paiement du chèque dans le délai de trente jours à compter de la première présentation ou de la constitution de la provision dans le même délai, le tiré (la banque). délivre un certificat de non-paiement au porteur du chèque.. Cette délivrance sera faite, sans frais, par l’intermédiaire du banquier du porteur. La notification effective ou la signification du certificat de non-paiement au tireur par ministère d’huissier vaut commandement de payer.
La particularité de cette procédure repose sur sa simplicité et sa quasi-gratuité ainsi que la nature bancaire du point de départ de l’action.
Les deux procédures concourent donc au même résultat : la mise en recouvrement du montant dû par le signataire du chèque.
La différence notoire entre le commandement de payer issu d’un certificat de non-paiement (Règlement de l’UEMOA). et l’injonction de payer (Acte uniforme du traité OHADA). repose sur le fait que dans le second cas, il faille passer par un juge pour obtenir une décision exécutoire alors que le certificat de non-paiement notifié par huissier vaut décision exécutoire immédiatement.
Nonobstant la simplicité et la rapidité du commandement de payer suite à certificat de non-paiement, le choix des procédures repose sur des critères objectifs et propres à chaque personne.
Bakary DIALLO.
Docteur en droit Paris 1.