J-08-35
PROCEDURES COLLECTIVES D’APUREMENT DU PASSIF – LIQUIDATION DES BIENS – CESSION D’ACTIF PAR LE SYNDIC – ORDONNANCE DE NULLITE DU JUGE COMMISSAIRE – OPPOSITION – FONDEMENT – DECISION – PREUVE (NON) – PROCEDURE SUR OPPOSITION RESTANT PENDANTE (OUI) – OPPOSITION PARALYSANT LES EFFETS DE L’ORDONNANCE DU JUGE COMMISSAIRE – SUSPENSION DE L’ENLEVEMENT DU MATERIEL (OUI).
Les décisions du juge commissaire pouvant être frappées d’oppositions par simple déclaration au greffe, en vertu de l’article 40 de l’Acte uniforme ohada portant procédures collectives d’apurement du passif, la procédure sur opposition reste pendante et paralyse les effets de l’ordonnance du juge commissaire, dès lors qu’il n’est pas rapporté la preuve de ce qu’il aurait été statué sur ladite opposition.
En conséquence, le recours entraîne la suspension de l’enlèvement du matériel en cause pratiqué postérieurement à cette ordonnance.
Article 10 AUPCAP
Cour d’appel d’Abidjan, Chambre civile et commerciale, 5ème Chambre B, arrêt civil contradictoire n 829 du 26 juillet 2005;affaire La Société IMPRITRANS-CI SARL (Me YAO EMMANUEL). c/ LA SOCIETE DE PAPIERS ET PRODUITS D’IMPRIMERIE (SIPPI). (SCPA AKRE & KOUYATE).
LA COUR d’Appel d’Abidjan, Chambre civile et Commerciale, Séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du mardi Vingt six juillet deux mille cinq à laquelle siégeaient :
– Mme BLE SAKI IRENE, Président de Chambre, PRESIDENT;
– Mme TIACOH MARTINE et M. GNAMIA LAUBOUE PAUL, CONSEILLERS à la Cour, MEMBRES;
– Avec l’assistance de Maître KESSI CHARLES, GREFFIER.
A rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause :
ENTRE :
LA SOCIETE IMPRIM-TRANS-CI, SARL, au capital de 10 000 000 F/CFA, dont le siège social est à Abidjan, 18 BP 1997 ABIDJAN 18, Tél. : 21-24-23-68;21-24-96-38 FAX 21-24-23-66, représentée par son gérant Monsieur H, de nationalité libanaise, demeurant au siège de ladite Société;APPELANTE.
Représentée et concluant par Maître YAO EMMANUEL, Avocat à la Cour, son conseil;D’UNE PART.
ET : LA SOCIETE IVOIRIENNE DE PAPIERS ET PRODUITS D’IMPRIMERIE, dite SIPPI, SARL, dont le siège social est à Abidjan -Treichville, Boulevard VGE, ancien Locaux Pagena, agissant aux poursuites et diligences de son Directeur Monsieur M, demeurant à Abidjan-Marcory Résidentielle Tél. : 21-75-83-70;INTIMEE.
Représentée et concluant par la SCPA AKRE et KOUYATE, Avocats à la cour, son conseil;D’AUTRE PART.
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire et sous les plus expresses réserves des faits et de droit.
FAITS : La juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, en la cause en matière de référé a rendu le 28 juin 2004 une ordonnance N 2764 aux qualités de laquelle il convient de se reporter.
Par exploit en date du mercredi 14 juillet 2004, de Maître FIENI TANOH KOUADIO, Huissier de Justice à Abidjan, la Société IMPRIM-TRANS-CI, SARL, a déclaré interjeter appel de l’ordonnance sus-énoncé et a par le même exploit assigné la Société dite SIPPI et autres à comparaître par devant la Cour de ce siège à l’audience du 05 juillet 2005 pour entendre annuler, ou infirmer ladite ordonnance.
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du Greffe de la Cour sous le N 740 de l’an 2004.
Appelée à l’audience sus indiquée, la cause après des renvois a été utilement retenue le 21 juin 2005 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties.
Le Ministère Public à qui le dossier a été communiqué le 22 décembre 2004, a requis infirmer l’ordonnance attaquée, évoquer, et statuer à nouveau, ordonner l’arrêt de l’enlèvement du matériel de la Société comptoir ivoirien des papiers.
DROIT : En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties.
LA COUR a mis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l’audience du 5 juillet 2005, délibéré qui a été prorogé jusqu’au 12 juillet 2005, puis au 26 juillet 2005.
Advenue l’audience de ce jour, 26 juillet 2005, a rendu l’arrêt suivant :
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties en leurs conclusions.
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après.
Par exploit en date du 14 juillet 2004 de Maître FIENI TANOH KOUADIO, huissier de justice à Abidjan, la Société IMPRIM-TRANS-CI, SARL, a relevé appel de l’ordonnance de référé n 2764 du 28 juin 2004 rendu par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan qui a statué ainsi qu’il suit :
« Recevons la Société IMPRIM-TRANS-CI en son action.
L’y disons cependant mal fondée.
l’en déboutons.
Mettons à la charge de la demanderesse les entiers dépens de l’instance; ».
Au soutien de son appel, la Société IMPRI-TRANS-CI expose que dans le cadre de la liquidation de la Société COMPTOIR IVOIRIENS DES PAPIERS dite C.I.P, elle a entamé avec le syndic de la liquidation des négociations en vue du rachat du matériel de cette Société.
Au terme de celles-ci, indique-t-elle, la vente a été conclue le 22 mars 2004 pour la somme de 80 000 000 (quatre vingt millions). de francs CFA qui a été entièrement payée au syndic.
Elle ajoute que contre toute attente cependant, elle recevait le 22 avril 2004 signification d’une ordonnance n 1596/2004 du 21 août 2004 rendue par le juge-commissaire de la liquidation de la C.I.P. dont la teneur suit :
« Déclarons nulle la cession d’actifs intervenue en faveur de la Société IMPRI-TRANS-CI.
– Ordonnons la restitution des sommes perçues par le syndic en vertu de ladite cession.
– Autorisons le syndic à susciter des offres d’acquisition et à fixer le délai pendant lequel elles seront reçues ».
Par ailleurs, poursuit-elle, elle apprenait de manière fortuite que le matériel en cause a été revendu à une autre Société en l’occurrence la SIPPI.
Elle explique qu’après avoir fait constater par ministère d’huissier le 05 mai 2004 que ledit matériel était en train d’être chargé sur des camions pour une destination inconnue, elle a attrait la SIPPI et ledit syndic devant le juge des référés pour obtenir l’arrêt des opérations d’enlèvement du matériel mais a été débouté de cette action par l’ordonnance dont appel.
La Société IMPRIM-TRANS-CI soutient que c’est à tort que le premier juge a ainsi statué.
Elle indique en premier lieu qu’au moment où intervenait l’ordonnance du juge-commissaire, la vente du matériel de la C.I.P était déjà parfaite.
Elle ajoute que ladite ordonnance lui ayant été signifiée le 22 avril 2004, elle a, en application de l’article 40 de l’Acte Uniforme OHADA sur les procédure collectives d’apurement du passif, formé opposition contre cette décision le 23 avril 2004.
A cette même date, révèle-t-elle, elle était informée de ce que le juge-commissaire avait rendu une seconde ordonnance n 1631 par laquelle il autorisait la cession par le syndic dudit matériel, violant ainsi les formalités prescrites par lui-même dans son ordonnance n 1596 du 21 avril 2004.
La Société IMPRIM-TRANS-CI estime qu’en considération de ce que l’opposition a pour effet de suspendre l’exécution de l’ordonnance n 1596/2004 sus-indiquée, l’enlèvement du matériel entrepris consécutivement à celle-ci ne peut se poursuivre tant que la procédure sur opposition est en cours.
En conséquence, elle sollicite de la Cour qu’elle rétracte cette ordonnance et ordonne le sursis à l’enlèvement du matériel.
En répliques, la SIPPI fait savoir que la procédure d’opposition n’est plus pendante puisque le 29 juillet 2004 la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan a débouté la Société IMPRIM-TRANS-CI du recours qu’elle a formé cotre l’ordonnance 1596/2004.
Dans ces conditions, estime-t-elle, la demande de la Société appelante tendant à l’arrêt des opérations doit-être rejetée.
Dans ces conclusions écrites en date du 04 février 2005 le Ministère Public a sollicité l’infirmation de l’ordonnance querellée.
EN LA FORME
L’appel de la Société IMPRIM-TRANS-CI doit-être déclaré recevable comme interjeté dans les forme et délai prévus par la loi.
Par ailleurs les parties ayant conclu, il y a lieu de se prononcer contradictoirement à leur égard.
AU FOND
Pour rejeter l’action de l’appelante, la Société IMPRI-TRANS-CI, le premier juge a considéré d’une part que ladite Société n’a pu valablement faire opposition à l’ordonnance n 1596/2004 du 21 avril 2004 du juge commissaire et solliciter par suite la suspension de l’enlèvement du matériel dont s’agit intervenu postérieurement à cette décision dans la mesure où en application de l’article 217 de l’Acte Uniforme OHADA sur les procédures collectives d’apurement du passif les décisions rendues en matière de redressement judiciaire ou de liquidation de biens sont exécutoires par provision nonobstant ou appel.
D’autre part, il a estimé que la demande de la Société IMPRIM-TRANS-CI s’analyse en une défense à exécution provisoire qui au sens du code de procédure civile relève de la compétence du Premier Président de la Cour d’Appel.
A l’analyse cependant, il s’avère que c’est à tort que le premier juge s’est ainsi déterminé.
Il apparaît en effet sur le premier point que les décisions visées à l’article 217 précité sont celles du Tribunal intervenant dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire et de liquidation de biens et non celles du juge-commissaire qui elles, peuvent-être frappées d’opposition par simple déclaration au greffe en vertu de l’article 40 de l’Acte Uniforme OHADA sus-visé.
Sur le second point, la demande tendant à l’arrêt de l’enlèvement du matériel en cause n’est nullement une défense à exécution mais la conséquence logique de l’opposition formée par la Société IMPRIM-TRANS-CI et qui remet les parties dans le statu quo ante.
Au total, il y a lieu d’infirmer l’ordonnance querellée pour défaut de base légale et de statuer à nouveau.
De ce point de vue, il ressort des éléments du dossier que l’intimée, la Société SIPPI, ne rapporte pas la preuve de ce qu’il aurait été statué sur l’opposition formée par la Société IMPRIM-TRANS-CI.
Il faut donc considérer, qu’en l’état, la procédure sur opposition reste pendante et que ce recours qui paralyse les effets de l’ordonnance n’1596/2004 du juge commissaire sus indiquée entraîne en conséquence la suspension de l’enlèvement du matériel en cause pratiqué postérieurement à cette ordonnance.
Il y a eu dès lors de faire droit aux prétentions de l’appelante.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort.
Déclare la Société IMPRIM-TRANS-CI recevable en son appel relevé de l’ordonnance de référé n 2764 du 28 juin 2004 rendue par la juridiction présidentielle du Tribunal du Première Instance d’Abidjan.
L’y dit bien fondé.
Infirme l’ordonnance querellée en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau.
Ordonne l’arrêt de l’enlèvement du matériel de la C.I.P.
Condamne l’intimée aux dépens.
Ainsi, fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel d’Abidjan (Côte-d’Ivoire). les jour, mois et an que dessus.