J-08-41
ARBITRAGE – PROTOCOLE TRANSACTIONNEL – CLAUSE COMPROMISSOIRE – SAISINE DU TRIBUNAL ARBITRAL (NON) – COMPETENCE DE LA JURIDICTION ETATIQUE (OUI) – SOCIETE D’ASSURANCE – ADMINISTRATION PROVISOIRE – CONCLUSION DE PROTOCOLE TRANSACTIONNEL – DELEGATION DE POUVOIR DU CONSEIL DE SURVEILLANCE (NON) – REGULARITE DU PROTOCOLE (NON) – NULLITE.
La demande tendant à l’annulation du protocole transactionnel ressort bien de la compétence de la juridiction étatique dès lors que le tribunal n’est pas encore saisi.
L’administrateur provisoire n’a pas pu régulièrement accompli les actes de gestion litigieuse conformément à es attributions, dès lors que lesdits actes n’ont point fait l’objet de délibération du conseil de surveillance de la société.
Par conséquent, en concluant à la nullité du protocole transactionnel, le premier juge a fait une saine appréciation des éléments de la cause et une bonne application de la loi.
Cour d’appel d’Abidjan, chambre civile et commerciale, 5ème chambre C, arrêt civil contradictoire n 170 du 27 février 2007, affaire Dam Sarr (Me Sangaré Minata). c/ MATCA (SCPA AKRE-TCHAJAKRE).
LA COUR d’Appel d’Abidjan, Chambre civile et Commerciale, Séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du vendredi quinze juillet deux mille cinq à laquelle siégeaient :
– M. COULIBALY AHMED, Conseiller à la Cour, Substituant M le Président, Empêché, PRESIDENT;
– M. OUATA BABACARET et Mme MEMEL JUSTINE, Conseillers à la Cour MEMBRES;
– Avec l’assistance de Me TRAORE SEYDOU, GREFFIER.
A rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause.
ENTRE :
D, né en 1952 à Treichville, de nationalité Ivoirienne, Directeur de Société demeurant à Abidjan Cocody, Riviera Golf, Rue D1, 01 BP 6658 Abidjan 01;APPELANT.
Représentée et concluant par Maître SANGARE AMINATA, Avocat à la Cour, son conseil;D’UNE PART.
ET : La Mutuelle des Taxis Compteurs d’Abidjan dit M.A.T.C.A, société d’Assurance à forme Mutuelle et cotisations variables entreprise régie par le code CIMA dont le siège social est sis à Abidjan Plateau, Angle Boulevard ROUME et Avenue du Docteur CROZEL, 04 BP 2084 Abidjan 04, représentée par M. C, Directeur Général;INTIMES.
Représentée et concluant par la SCPA AKRE TCHAKRE, Avocats à la cour, ses conseils;D’AUTRE PART.
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire et sous les plus expresses réserves des faits et de droit.
FAITS : Le Tribunal de Première Instance d’Abidjan Plateau statuant en la cause, en matière civile a rendu le 12 juillet 2006, un jugement civil N 1925-06-CIV 3A, enregistré à Abidjan le 04 septembre 2006 (Reçu : dix huit mille francs), aux qualités de duquel il convient de se reporter.
Par exploit en date du 18 décembre 2006 de Maître DAPE SYLVAIN, Huissier de Justice à Abidjan, le sieur D déclare interjeter appel du jugement sus énoncée et a, par le même exploit assigné la MATCA à comparaître par devant la Cour de ce siège à l’audience du 09 janvier 2007 pour entendre, annuler ou infirmer ledit jugement.
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du Greffe de la Cour sous le N 16 de l’an 2007.
Appelée à l’audience sus indiquée, la cause après des renvois a été utilement retenue le 23 janvier 2007 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties.
DROIT : En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties.
LA COUR a mis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l’audience du 13 février 2007.
Advenue l’audience de ce jour, 13 février 2007.
LA COUR, vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l’arrêt suivant :
LA COUR
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Ouï les parties en leurs demandes, fins et conclusions.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
S’estimant créancière de D de la somme de 2.760.701.444 francs, la Société Mutuelle d’Assurances des Taxis Compteurs d’Abidjan dite MATCA agissant par le canal de on Directeur Général, C faisait pratiquer une saisie conservatoire des droits d’associés de D dans la Compagnie d’Assurances « 3A ».
Ce dernier contestait cette saisie devant le juge de l’exécution en se fondant sur un protocole transactionnel en date du 11 août 2004 conclu avec la MATCA.
Arguant de ce que ce protocole constituait un faux commis par un administrateur provisoire, M, la MATCA saisissait le Tribunal de Première Instance auquel elle expliquait d’une part que le nommé M alors administrateur provisoire de la MATCA au moment de la signature dudit protocole ne reconnaissait pas avoir signé ce document et d’autre part que ledit protocole a été signé à son nom en violation des textes réglementaires régissant l’administration provisoire de la MATCA en particulier de la décision N 0011/D/CIMA/CRCA/PDT/2001 du 08 novembre 2001 de la commission régionale de contrôle des assurances et l’arrêté N 304/MEF du 12 novembre 2001 du Ministère de l’Economie et des Finance de Côte d’Ivoire portant composition et fonctionnement du conseil de surveillance de la MATCA.
Elle précisait que cet arrêté a disposé que le conseil de surveillance devait délibéré entre autres sur les questions relatives aux acquisitions et aliénations du patrimoine de la MATCA de sorte qu’en l’espèce, l’administrateur provisoire chargé de la gestion quotidienne de la société, en signant le protocole transactionnel portant sur l’abandon d’une créance de 2.760.701.444 francs sans la délibération préalable du conseil de surveillance, a outrepassé ses attributions;Elle concluait donc à la nullité de la transaction et précisait subsidiairement que la créance dont le recouvrement était poursuivi n’était pas visé par le protocole transactionnel.
Résistant à cette action, D faisait remarquer d’une part que l’expert comptable M, en sa qualité d’administrateur provisoire de la MATCA a reconnu expressément dans un exploit d’huissier du 13 mars 2006, avoir transigé avec lui et d’autre part que la juridiction saisie d’un incident de faux n’est pas compétente pour statuer sur une demande en annulation du protocole transactionnel qui contient en son article 7 une clause d’arbitrage pour connaître des contestations nées de l’interprétation dudit protocole.
Quant à M, il concluait à l’irrecevabilité de l’action de la MATCA au motif qu’en saisissant le Tribunal sans faire procéder à une enquête par l’audition de témoins éventuels ou par expertise, la demanderesse à violé les articles 87 in fine et 95 du code de procédure civile.
Dans ses répliques, la MATCA expliquait que le Tribunal était compétent parce qu’elle n’élevait pas de contestations relatives à l’interprétation ou à l’inexécution du protocole litigieux, mais sollicitait son annulation pour avoir été mal conclu et que son action était recevable par ce que les articles 87 et 95 du code de procédure civile posaient des conditions de fond et des conditions de recevabilité de sa demande en inscription de faux.
Le Premier juge pour rendre la décision attaquée a estimé que l’action ne tentait pas à lui soumettre une contestation, relative à l’interprétation ou à l’inexécution du protocole transactionnel mais à demander son annulation.
Il retenait par ailleurs sa compétence en expliquait que l’article 99 du code de procédure civile lui reconnaissait le pouvoir en tant que juridiction de droit commun de connaître de la demande d’inscription de faux en plus de ses attributions habituelles.
Il rejetait l’exception d’irrecevabilité basée sur l’article 87 et 95 dudit code en ce qu’ils édictaient des règles de fond.
Sur le fond, il déboutait la MATCA de sa demande d’inscription de faux au motif que M a reconnu avoir signé en personne, le protocole litigieux et prononçait son annulation en soutenant que l’administrateur provisoire n’avait pas le pouvoir de conclure un protocole transactionnel portant sur l’acquisition de terrain, de titres de participation et sur la renonciation à des intérêts civils sans obtenir au préalable la délibération ou l’autorisation expresse du conseil de surveillance comme exigeait l’arrêté N 304/MEF instituant ledit conseil.
Il déboutait la MATCA du reste de ses prétentions en précisant qu’il n’est pas compétent pour connaître du litige relatif à la saisie conservatoire.
En cause d’appel, D reprend ses arguments tendant à voir déclarer le Tribunal incompétent en raison de l’existence d’une clause compromissoire dans le protocole litigieux et en raison de ce que le juge compétent en matière de faux incident civil, ne peut connaître de l’action en annulation de leur contrat.
Subsidiairement sur le fond, il fait observer que le premier juge, dans l’appréciation des pouvoirs de l’administrateur provisoire a imaginé des conditions d’autorisation expresse que l’arrêté ministériel sur le conseil de surveillance n’a pas imposé et qu’en plus ledit conseil en ne remettant pas en cause ce protocole à la fin du mandat de l’administrateur, l’a entériné et ratifié en même temps que les autres actes de gestion pour lesquels ce dernier a obtenu le quitus de l’autorité de surveillance.
Quant à l’intimée, concluant par son conseil, le cabinet AKRE-TCHAKRE, Avocats à la cour, elle articule que si l’alinéa 2 de l’article 7 du protocole d’accord réserve les contestations liées à l’interprétation ou à l’exécution ou en relations avec celle-ci, à une procédure de conciliation préalable puis, en cas d’échec, à la chambre arbitrale de la cour commune de Justice, il en va autrement quand aux contestations, comme en l’espèce, à la validité même du protocole.
Elle soutient en outre qu’au regard des articles 32 et 99 du code de procédure civile, Tribunal de droit commun saisi en l’espèce est compétent pour connaître et du faux incident civil et de la nullité du protocole.
Elle sollicite enfin la confirmation du jugement en ce que le premier juge, contrairement aux allégations de l’appelante n’a pas imaginé ou ajouté de nouvelles conditions de validité des pouvoirs de l’administrateur provisoire, mais a constaté que ce dernier n’a pas obtenu la délibération du conseil de surveillance avant de signer le protocole, en violation de l’article 5 de l’arrêté ministériel portant attribution de l’administrateur provisoire, et fonctionnement du conseil de surveillance de la MATCA.
Les parties produisent aux débats de nombreuses pièces à l’appui de leurs prétentions.
DES MOTIFS
SUR LAFORMES
L’appel de D est relevé dans les forme et délai imposés par le code de procédure civil et commercial;il y a lieu de le déclarer recevable.
Les parties ont conclu par le canal de leur conseil respectif;il convient de prononcer contradictoirement.
SUR LE MERITE DE L’APPEL
DE LA COMPETENCE DU TRIBUNAL AU REGARD DU CODE DE PROCEDURE CIVILE
En vertu des articles 5 et 32 du code de procédure civile et commerciale, le Tribunal de Première Instance est compétent pour connaître de toutes les affaires civiles commerciales pour lesquelles compétente n’est pas attribuées à un autre juridiction en raison de la nature de l’affaire.
L’article 99 dudit code, sur le faux incident civil, dispose que la demande en inscription de faux est formée devant le Tribunal de droit commun suivant les règles de l’article 32.
Il suit de ces dispositions que la juridiction saisie par la MATCA en l’espèce, à savoir le Tribunal de première instance est compétent pour connaître deux chefs de demande relatifs au faux incident civil et à la nullité du protocole.
SUR LA COMPETENCE DU TRIBUNAL D’ABIDJAN AU REGARD DE LA CLAUSE COMPROMISSOIRE
Il est constant que le protocole transactionnel litigieux dispose en son article 7 alinéa 2 que toute contestation née directement ou indirectement de l’interprétation ou de l’exécution du protocole ou en relation avec celle-ci, sera soumis à la chambre d’arbitrage de la cour commune de Justice de d’arbitrage de l’OHADA.
Il ressort également de l’article 13 alinéa 2 l’Acte Uniforme OHADA relatif à l’arbitrage que si, comme dans le cas d’espèce où le Tribunal n’est pas encore saisi, la juridiction étatique doit également se déclarer incompétent, c’est à la condition que la convention d’arbitrage ne soit manifestement nulle.
Il suit don de ce qui précède que la demande de la MATCA, tendant à voir déclarer que le protocole transactionnel nul, ressort bien de la compétence de la juridiction étatique en raison de ce que le Tribunal arbitral n’est pas encore saisi.
Il s’ensuit donc de confirmer sur ce point, le premier juge qui a retenu sa compétence.
SUR LA NULLITE DU PROTOCOLE TRANSACTIONNEL
Il ressort des productions des parties en particuliers d’une part de l’article 3 de la décision N 001/D//CIMA/CRCA/PDT/2001 de la commission régionale de contrôle des assurances portant nomination d’un administrateur provisoire de la MATCA que les missions assignées à l’administrateur provisoire sont fixées par le Ministre de l’Economie et des Finances de Côte d’Ivoire et d’autre part, des articles 1er et 5 de l’arrêté ministériel N 304/MEF du 12 novembre 2001 portant attribution de l’administrateur provisoire et fonctionnement du conseil de surveillance, que l’administrateur provisoire reçoit délégation du conseil de surveillance qui délibère sur toutes les mesures concernant la société notamment, les acquisitions et les aliénation de patrimoine de la société.
En l’espèce, il n’est pas contesté que l’administrateur, par le protocole transactionnel litigieux en ses articles 3, 4, 5 et 6 a conclu des actes d’une part portant acquisitions de terrains urbains de cinq hectares et demi, de titres de participations des sociétés Rougier Afrique, West African Epouth Found (50 000 000 F CFA). et Translagunaires (20 000 000 F CFA). et d’autre part relatifs à la renonciation de la MATCA à ses intérêts civils liés au dossier pénal et à son désistement de sa constitution de partie civile.
Il est établi que ces actes de gestion qui constituent des acquisitions et des aliénations de patrimoine de la société au sens de l’article 5 de l’arrêté sus visé, n’ont point fait l’objet de délibération du conseil de surveillance.
Il s’ensuit que l’administrateur n’a pas pu régulièrement accomplir ces actes conformément à ses attributions, de sorte que la MATCA est bien fondée à solliciter l’annulation du protocole transactionnel qui les comporte.
Aussi s’impose-t-il à la cour de confirmer la décision entreprise.
SUR LES DEPENS
L’intimé succombe;il y a donc lieu de mettre les dépens à sa charge.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
Déclare D recevable en son appel relevé du jugement N 1925/06/CIV.3A du 12 juillet 2006.
L’y dit mal fondé.
L’en déboute.
Confirme le jugement querellé.
Met les dépens à la charge de l’appelante.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel d’Abidjan, les jour, mois et an que dessus.