J-08-45
Saisie conservatoire – rEtractation et mainlevée – juge des référés – incompétence.
En application des articles 49 et 62 AUPSRVE, le juge des référés est incompétent pour connaître de la rétractation d’une ordonnance de saisie conservatoire et de sa mainlevée lorsqu’une procédure de validation de la saisie est en cours au fond.
Article 49 AUPSRVE
Article 62 AUPSRVE
Tribunal de premiere instance de yaoundé, ordonnance de référé n 1135 du 7 sept. 1999 aff. Sté geacam c/ belombe vivette et autres. Observations IPANDA, Avocat.
Nous, président, Juge des Référés
Vu l’exploit introductif d’instance.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Attendu que suivant exploit en date du 24 Août 1999, non encore enregistré, mais qui le sera en temps utile, de Maître Tchame Deuna Rachel, Huissier de justice à Yaoundé, la société GEACAM prise en la personne de son représentant légal et ayant pour conseil Me J. Djuimo Kuisse, Avocat, a fait donner assignation en référé à Dame Belombo Vivette, Me Biyik Thomas et la Standard Chartered Bank ayant pour conseils Maîtres Balemaken et Makiage, Avocats, pour, est-il dit dans cet exploit :
Renvoyer les parties à mieux se pourvoir, mais dès à présent, vu l’urgence, se déclarer incompétent.
Au principal, rétracter l’Ordonnance n 2249 du 30 juillet 1999 rendue par Monsieur le Juge des requêtes du Tribunal de céans, dans toutes ses dispositions.
Ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée en vertu d’icelle sous astreinte non comminatoire de 500 000 FCFA par jour de retard.
Très subsidiairement.
Ordonner sa réduction et son cantonnement à la somme de FCFA 1.502.592 estimée par l’expert en la matière.
Condamner les défendeurs aux dépens distraits au profit de Me J. Djuimo Belombe Kuissse, Avocate aux offres de droit.
Attendu que Dame Belombe Vivette, par le truchement de ses conseils, à savoir Mes Balemaken et Mekiage, a conclu à l’incompétence du juge de référé, motif pris de ce qu’elle a assigné en validité de l’Ordonnance entreprise.
Qu’elle ajoute que cette cause participe des subterfuges et atermoiements orchestrés par la société GEACAM pour se dérober du paiement d’une créance qu’elle ne conteste pas.
Qu’à défaut de se déclarer incompétent, le juge de référé de céans doit rejeter la demande de rétractation de l’Ordonnance entreprise comme non fondée.
Attendu que le juge du fond a été saisi en validité de la saisie entreprise.
Que cette saisie rend le juge de référé incompétent en la cause, faute d’y préjudicier.
Attendu que la partie qui succombe répond des dépens.
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort.
Nous déclarons incompétent.
Renvoyons les parties à se mieux pourvoir.
Laissons les dépens à la charge des défendeurs.
OBSERVATIONS Maître IPANDA, Avocat
La décision d’incompétence prise en l’espèce, est une parfaite illustration de l’application de l’interdiction qui était naguère faite au juge des référés de préjudicier au principal.
Dans la pure théorie classique, cette règle s’oppose à ce que le juge des référés prenne parti sur l’existence et l’étendue des droits revendiqués, rôle exclusif du juge du fond (Cass. civ. 19 oct. 1965, IV. Ed.G. 147).
Appliquée en matière de saisies, elle conduit à écarter la compétence du juge des référés à statuer sur une mesure née à l’occasion d’un litige dont le fond est déjà saisi.
C’est cette stricte interprétation qu’adopte le juge des référés dans l’espèce commentée. Il refuse de faire droit à la demande de rétractation de l’ordonnance qui a autorisé la saisie conservatoire, au motif qu’une instance en validité était pendante devant le Tribunal. C’est toute l’économie de la règle posée par l’article 185 du Code de Procédure Civile et Commerciale.
Cette règle était solidement fixée en procédure civile jusqu’au 10 avril 1997. Elle a été enterrée depuis que l’article 49 de l’AUVE a donné une nouvelle dimension à la compétence du juge des référés en matière de saisies mobilières (comp. J.P. ROUSSE, Feu le préjudice au principal Gaz. Pal. 1972. 2. 539). Actuellement, elle ne représente plus dans ce domaine, qu’une noble ruine.
On sait qu’avant l’Acte Uniforme du 10 avril 1997 relatif aux voies d’exécution, lorsqu’une saisie-arrêt sans titre était pratiquée, le débiteur saisi ne pouvait se pourvoir en référé contre l’ordonnance qui avait autorisé la saisie que dans la mesure où l’instance en validité n’était pas encore engagée. En revanche, une fois cette instance engagée, le juge des référés ne pouvait plus rétracter l’ordonnance. (Req. 13 mai 1924 D.P. 1924. I. 201;AIX, 28 mars 1946 JCP 1946. IV. Ed. A.562;GRENOBLE, 31 déc. 1952 D. 1953.192). De la même manière, la Cour de Cassation décidait que toute rétractation est impossible après l’assignation, alors même que le juge des référés avait été saisi de la demande avant l’assignation. (Civ. 17 déc. 1954 RTDC, 1954. 713 obs. RAYNAUD).
Mais depuis l’entrée en vigueur de l’Acte Uniforme susvisé, le juge des référés apprécie souverainement et exclusivement l’opportunité d’une mesure conservatoire ou de son maintien. A tout moment, déclare l’article 62 AUVE, la mainlevée d’une mesure conservatoire peut être donnée par la juridiction qui a autorisé la mesure (art. 63 AUVE). C’est la solution qui a été consacrée récemment par la Cour d’Appel du Littoral dans l’important arrêt Dame MILLA (Arrêt n 77/REF du 09 juin 1999 v. cette. Revue n 2 P.28 et s. et notre note).
La même solution s’imposait en l’espèce, d’autant plus que l’instance en validité, qui n’est plus qu’un vestige du passé, se présente aujourd’hui comme une procédure désuète qu’on ne peut mettre en œuvre sans porter gravement atteinte à la lettre et à l’esprit de l’article 49 de l’Acte Uniforme.
Le juge des référés a peut-être manqué en l’espèce, une occasion de rappeler qu’il est désormais l’unique juge des mesures d’exécution forcée et des saisies conservatoires, à l’exclusion du juge du fond, qui n’est plus légalement autorisé à valider ces dernières.
Maître IPANDA. Avocat.