J-08-46
RECOUVREMENT DE CREANCE – INJONCTION DE PAYER – CREANCE – CARACTERE LIQUIDE (NON) – APPLICATION DE LA PROCEDURE SPECIALE D’INJONCTION DE PAYER (NON).
Le montant de la créance étant contesté par les parties, la créance n’est pas liquide au sens de l’article 1er de l’Acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement.
Par conséquent, c’est à tort que procédure spéciale d’injonction de payer a été utilisée dès lors que cette créance n’a pas les caractères cumulatifs de créance certaine, liquide et exigible.
Cour D’Appel De DALOA Côte D’Ivoire, Chambre civile et commerciale, 2ème Chambre N 111 du 26 avril 2006, affaire FAZAL JAMAL c/ DAOUDA FANI. Observations Joseph ISSA SAYEGH.
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Vu les conclusions des parties.
Ensemble, l’exposé des faits, procédure, prétentions, moyens des parties et motifs ci après.
I. FAITS ET PROCEDURES
Considérant que DAOUDA FANI a acheté avec veuve MERHY FAZAH un véhicule tracteur routier de marque RENAULT immatriculé 487 CZ 01 à la somme de quinze millions (15 000 000). de francs le 22 juin 2004.
Qu’après avoir payé un acompte de dix millions (10 000 000). de francs entre les mains de la vendeuse, il est convenu que le reliquat de cinq millions (5 000 000). de francs soit versé à FAZAL JAMAL et DAOUDA FANI selon lequel ce dernier ne paiera qu’au premier que la somme de trois millions cinq cent mille francs (3 500 000 ). francs.
Que DAOUDA FANI faisant des difficultés pour honorer son engagement, FAZAL JAMAL a obtenu de la juridiction présidentielle de la Section du Tribunal de Divo, l’ordonnance d’injonction de payer n 38 du 22 Avril 2005 condamnant DAOUDA FANI à lui payer la somme en principal de cinq millions (5 000 000). de francs.
Mais que dans l’exploit de signification de cette décision, il n’est pas réclamé au débiteur que la somme de 3 500 000 F, tenant ainsi compte du protocole d’accord susmentionné.
Considérant que le 06 mai 2005 FAZAL JAMAL a fait pratiquer une saisie conservatoire sur les biens de DAOUDA FANI.
Considérant que par acte du 20 mai 2005 le débiteur a formé opposition contre l’ordonnance d’injonction de payer susvisé.
Qu’il allègue la nullité de la saisie conservatoire pratiquée pour selon lui n’avoir pas été autorisée par voie judiciaire, alors que l’ordonnance de condamnation sur laquelle elle se fonde n’avait pas été revêtue de la forme exécutoire.
Que relativement à la créance de FAZAL JAMAL, il articule ne lui devoir que la somme de deux millions (2 000 000). de francs au lieu de 3.5000 000 F.
Qu’il ajoute avoir effectué d’autres réparations sur le véhicule acheté évalués à la somme de huit cent soixante dix mille (870 000). francs, en plus des 1.500 000 F de réparation que FAZAL JAMAL a accepté de prendre en compte dans le protocole d’accord précité.
Qu’il reste en définitive devoir (2 000 000 – 870 000). la somme de un million cent trente mille (1 130 000). francs.
Qu’il sollicite la rétractation de l’ordonnance entreprise et indique que l’exploit de signification de l’ordonnance attaquée qui fait état d’une somme en principal autre que celle contenue dans ladite ordonnance doit être déclaré nul.
Qu’enfin, il sollicite l’annulation de la vente pour manœuvre dolosives.
Qu’il explique que le vendeur a précisé dans le contrat de vente que le véhicule querellé était en bon état.
Mais qu’une fois ledit véhicule livré, le même vendeur a reconnu les défaillances de l’engin et a pris en charge des réparations à hauteur d’un certain montant, manifestant par là même qu’il n’ignorait pas les vices cachés.
Considérant que pour sa part, FAZAL JAMAL articule avoir pris en charge les frais de réparation de 1.500 000 F exposés par la mise en état du véhicule tracteur vendu.
Que c’est pourquoi, après avoir bénéficié de l’ordonnance d’injonction de payer susvisé portant sur la somme de 5 000 000 de francs, il l’a fait signifier à son débiteur avec comme montant en principal la somme de 3 500 000 F.
Que dans la mesure où DAOUDA FANI ne justifie d’aucun autre accord intervenu par la suite entre eux, il ne saurait prétendre devoir moins que 3 500 000 F.
Considérant que par jugement civil contradictoire, n 120 du 09 septembre 2005, la Section de tribunal de Divo, s’est contenté de rétracter purement et simplement l’ordonnance d’injonction de payer entreprise.
Considérant que par acte en date du 09 janvier 2006, FAZAL JAMAL a relevé appel de ce jugement.
Considérant que par arrêt avant dire-droit n du 15 février 2006, la Cour d’Appel de ce siège a déclaré cet appel irrecevable.
II. PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Considérant que l’appelant sollicite l’infirmation du jugement entrepris et la condamnation de l’intimé à lui payer la somme de 3 500 000 F en principal.
Considérant que par mémoire en réplique déposé à la barre de la Cour le 15 Février 2006, l’intimé réitère son moyen relatif à l’annulation de l’exploit de signification de l’ordonnance d’injonction de payer qui indique une créance différente de celle mentionnée sur ladite ordonnance, ainsi que son moyen portant sur l’annulation du contrat de vente pour manœuvres dolosives conformément à l’article 1116 du code civil.
Qu’il allègue que cette nullité du contrat de vente aura pour conséquence que l’appelant devra reprendre son véhicule et lui restituer la somme de onze millions cinq cent mille (11 500 000). francs qu’il a investie dans l’achat dudit véhicule.
Considérant, enfin, que l’intimé articule que l’achat de ce véhicule d’occasion lui a causé, par la mauvaise foi de l’appelant, un préjudice évalué à cinq millions (5 000 000). de francs dont il demande réparation.
Qu’il explique avoir contracté un prêt à la COOPEC de Divo d’un montant de 5 000 000 F qu’il a complété avec ses économies pour pouvoir verse rune avance de 10 000 000 F.
Que l’état défectueux du véhicule acheté ne lui a pas permis de solder sa dette à la COOPEC le 1er novembre 2005.
Que pour la sauvegarde de son camion DAF à titre de gage entre les mains de la COOPEC, il s’est vu dans l’obligation de vendre son taxi de marque TOYOTA type CARINA II et son véhicule de marque RENAULT SAVIEM pour solder sa dette.
Que ce véhicule d’occasion par lui acheté est garé jusqu’à présent pour panne de moteur dont le dépannage nécessite la somme de quatre millions (4 000 000 ). de francs.
III. DES MOTIFS
EN LA FORME.
SUR LA RECEVABILITE DE L’APPEL.
Considérant que par arrêt avant-dire-droit n 45 du 15 février 2006, la Cour d’Appel de ce siège a déjà déclaré recevable l’appel relevé par FAZAL JAMAL.
Qu’il échet de s’es rapporter.
SUR LA DEMANDE EN ANNULATION DU CONTRAT DE VENTE
Considérant que la présente cause utilise la procédure spéciale d’injonction de payer qui ne permet pas de recevoir une telle demande, au risque de l’amener sur la voie de la procédure du droit commun.
Qu’il échet de déclarer cette demande irrecevable.
SUR LA DEMANDE EN DOMMAGES-INTERETS.
Considérant que cette demande formée pour la première fois en cause d’appel est une demande nouvelle au sens de l’article 75 du code de procédure civile, donc irrecevable.
Que même si ce n’était pas une demande nouvelle, suivant la procédure spéciale d’injonction de payer et non la procédure de droit commun, une telle action ne saurait prospérer.
AU FOND
Considérant qu’il appert de l’examen du dossier qu’il se pose le problème de savoir si les conditions de recours à l’injonction de payer sont réunies.
Considérant qu’aux termes de l’article 1er de l’acte uniforme de l’OHADA portant procédures simplifiées de recouvrement, « le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer ».
Considérant, en l’espèce, que si le caractère certain de la créance, c’est-à-dire, une créance dont l’existence ne fait pas de doute aussi bien pour le créancier que pour le débiteur, ne pose pas de problèmes;l’intimé reconnaissant devoir, il n’en est autrement s’agissant du caractère liquide de cette créance, c’est-à-dire, une créance dont le montant est déterminé et connu des deux parties.
Que relativement à ce second caractère de la créance, l’ordonnance d’injonction de payer mentionne la somme de 5 000 000 F en principal, alors que le créancier et le débiteur parlent respectivement de 3 500 000 F et de 1 130 000 F.
Qu’il résulte de ce qui précède que le montant de la créance est contesté par les parties d’où cette créance n’est pas liquide au sens de l’article 1er de l’acte uniforme de l’OHADA portant procédures simplifiées de recouvrement.
Considérant au total que la créance dont le recouvrement est sollicité par FAZAL FAMAL n’ayant pas les caractères cumulatifs de créance certaine, liquide et exigible, c’est à tort que la procédure spéciale d’injonction de payer prévue par l’acte uniforme portant procédure simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution a été utilisée.
Que dès lors la décision querellée encourt infirmation en toutes ses dispositions.
Considérant que l’appelant succombe, il convient de mettre les dépens à sa charge.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
EN LA FORME
S’en rapporte à l’arrêt avant-dire-droit n 45 du 15 février 2006 de la Cour d’Appel relevé par FAZAL JAMAL du jugement civil contradictoire n 120 en date du 09 décembre 2005 de la Section de tribunal de Divo.
Déclare irrecevables les demandes en annulation du contrat de vente et en dommages-intérêts présentées par l’intimé.
AU FOND
Dit cet appel mal fondé.
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
STATUANT A NOUVEAU.
Dit que la créance querellée n’étant pas liquide au sens de l’article 1er de l’acte uniforme OHADA portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, c’est à tort que la voie d’injonction de payer a été utilisée.
Condamne FAZAL JAMAL aux dépens.
Prononcé publiquement par le Président de la Chambre Civile de la Cour d’Appel de Daloa, les jour, mois et an que dessus.
Lequel Président a signé la minute avec le Greffier.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur
Même si les parties ne sont pas d’accord sur le montant de la créance du demandeur à l’injonction de payer et si cette procédure spéciale ne peut plus suivre son cours en raison de l’absence du caractère liquide de cette créance, la procédure peut être convertie en une procédure de droit commun devant la Cour d’appel.