J-08-57
PROPRIETE INTELLECTUELLE – DROIT D’AUTEUR – ŒUVRE DE L’ESPRIT – ORIGINALITE – LOI IVOIRIENNE N 96-564 DU 25 JUILLET 1996.
L’article 6.3 de la loi n 96-564 du 25 juillet 1996 relative à la protection des œuvres de l’esprit et aux droits des auteurs, des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et vidéogrammes dispose que « la protection des droits des auteurs s’exerce sur toutes oeuvres originales, quels qu’en soient le genre, la valeur, la destination, le mode ou la forme d’expression, notamment les oeuvres créées pour la scène ou pour la télédiffusion (sonore ou visuelle), aussi bien dramatiques et dramatico-musicales que chorégraphiques et pantomimiques;qu’aux termes de l’article 10 de ladite loi, « œuvre originale s’entend d’une oeuvre qui, dans ses éléments caractéristiques et dans sa forme, ou dans sa forme seulement, permet d’individualiser son auteur »;qu’il résulte de la combinaison de ces deux articles, qu’en matière de propriété intellectuelle, la protection des œuvres de l’esprit ne joue que pour celles des œuvres qui sont originales.
Aux termes de l’article 27 de la loi précitée, « sauf disposition contraire de la présente loi, l’exploitation de l’œuvre par une autre personne ne peut avoir lieu sans l’autorisation préalable formelle et par écrit de l’auteur, ou de ses ayants-droit ou ayants-cause. Toute représentation, reproduction intégrale ou même partielle faite sans l’autorisation prévue à l’alinéa précédent est illicite. Il en est de même de toute traduction, adaptation, arrangement, transformation, reproduction ou imitation par un procédé quelconque ou par tout autre moyen ou art. Un tel acte ouvre droit à réparation au profit de l’auteur de l’œuvre » : qu’il en résulte que l’œuvre protégée doit être une « œuvre originale » au sens de l’article 10 de la même loi;que l’originalité, qui est le facteur essentiel qui détermine la mise en œuvre et l’application du régime de protection dont pourrait bénéficier une œuvre faisant défaut dans le cas d’espèce, la Cour d’Appel n’a pas violé l’article 27 de la loi susvisée;d’où il suit que le moyen n’est pas davantage fondé en sa seconde branche.
Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Chambre Judiciaire, Arrêt n 598 du 08 décembre 2005, TOURE ABOUBACAR (Me FLAN GOUEU GONNE LAMBERT)C/ SICOA (Me DOGUE, ABBE YAO et Associés). Actualités juridiques n 54/2007, p. 93. Observations Denis BOHOUSSOU.
LA COUR
Vu l’exploit d’huissier de justice en date du 27 février 2003, à fins de pourvoi en cassation.
Vu les mémoires produits.
Vu les conclusions écrites datées du 9 décembre 2003 du Ministère Public.
Vu les pièces du dossier.
Sur le moyen unique de cassation, pris en sa première branche, tirée de la violation de la loi ou erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi, notamment des articles 6.3 et 10 de la loi n 96-564 du 25 juillet 1996 relative à la protection des œuvres de l’esprit et aux droits des auteurs, des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et vidéogrammes
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué (Abidjan, 13 décembre 2002), que TOURE Aboubakar prétendant que le nom « BOUBA » et l’image du clown sur le logo seraient ses propriétés exclusives que la SICOA utilisait à des fins commerciales sans son autorisation, assignait devant le Tribunal d’Abidjan cette société, en paiement de la somme de 200 000 000 F, à titre de dommages-intérêts : que (débouté de cette demande par jugement rendu le 31 janvier 2002, TOURE Aboubakar saisissait la Cour d’Appel d’Abidjan, qui confirmait ledit jugement :
Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’Appel d’avoir estimé que le pseudonyme « BOUBA » ne constitue pas une oeuvre originale et qu’il n’apparaît aucun lien de nature à indiquer que le logo du produit « BOUBA » a été copié sur le personnage connu sous le nom « TONTON BOUBA », alors que, selon le moyen, il a été amplement démontré que TOURE Aboubakar a créé un nom d’artiste dit « TONTON BOUBA » et un personnage clownesque à son effigie, avec des attributs spécifiques dans le cadre de l’animation de ses émissions pour enfants, telles que « WOZO VACANCES » et « AHOUANEY », et d’avoir ainsi violé les artistes 6.3 et 10 de la loi n 96-564 du 25 juillet 1996 relative à la protection des oeuvres de l’esprit et aux droits des auteurs, des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et vidéogrammes :
Mais attendu que l’article 6.3 de la loi susvisée dispose que « la protection des droits des auteurs s’exerce sur toutes oeuvres originales, quels qu’en soient le genre, la valeur, la destination, le mode ou la forme d’expression, notamment les oeuvres créées pour la scène ou pour la télédiffusion (sonore ou visuelle), aussi bien dramatiques et dramatico-musicales que chorégraphiques et pantomimiques;qu’aux termes de l’article 10 de ladite loi, « œuvre originale s’entend d’une oeuvre qui, dans ses éléments caractéristiques et dans sa forme, ou dans sa forme seulement, permet d’individualiser son auteur »;qu’il résulte de la combinaison de ces deux articles, qu’en matière de propriété intellectuelle, la protection des œuvres de l’esprit ne joue que pour celles des œuvres qui sont originales.
Qu’en l’espèce, TOURE ABOUBAKAR n’est pas à l’origine du pseudonyme « BOUBA » qu’il ne l’a pas créé et il n’est pas le seul à en avoir l’usage;que ce pseudonyme, qui ne renvoie pas systématiquement à sa personne, est usuel et commun;qu’en outre, ledit pseudonyme est largement connu des enfants, puisqu’un dessin animé célèbre, diffusé et rediffusé par la Télévision Ivoirienne, avait pour héros un ourson prénommé « BOUBA »;que TOURE Aboubakar ne pouvant être considéré comme le créateur du pseudonyme « BOUBA », ni comme l’inventeur du personnage clownesque, et qu’aucun des éléments caractéristiques de sa prétendue « œuvre » ne permettant de l’individualiser, la Cour d’Appel n’a pas violé les articles 6.3 et 10 de la loi n 96-564 du 25 juillet 1996 relative à la protection des œuvres de l’esprit et aux droits des auteurs, des artistes interprètes et des producteurs de phonogrammes et vidéogrammes visés au moyen, lequel n’est donc pas fondé en sa première branche.
Sur la seconde branche, tirée de la violation de la loi ou erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi, notamment de l’article 27 de la loi n 96-564 du 25 juillet 1996 relative à la protection des œuvres de l’esprit et aux droits des auteurs, des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et vidéogrammes
Attendu qu’il est également fait grief à la Cour d’Appel d’avoir décidé que le pseudonyme « BOUBA » ne bénéficiait pas de protection et qu’il ne peut être reproché à la SICOA de l’avoir utilisé sur ses sucettes, au motif que ce pseudonyme servant de diminutif à plusieurs prénoms comme BOUBACAR, Aboudramane et autres, ne constitue pas une œuvre originale, alors que, dit le moyen, il a été démontré suffisamment que le pseudonyme « TONTON BOUBA » et l’effigie corrélative avec ses accoutrements extravagants sont l’œuvre de l’esprit de TOURE ABOUBAKAR, connu sous ce nom d’artiste depuis plus de dix ans, et d’avoir ainsi violé l’article 27 de la loi précitée :
Mais attendu qu’aux termes dudit article, « sauf disposition contraire de la présente loi, l’exploitation de l’œuvre par une autre personne ne peut avoir lieu sans l’autorisation préalable formelle et par écrit de l’auteur, ou de ses ayants-droit ou ayants-cause. Toute représentation, reproduction intégrale ou même partielle faite sans l’autorisation prévue à l’alinéa précédent est illicite. Il en est de même de toute traduction, adaptation, arrangement, transformation, reproduction ou imitation par un procédé quelconque ou par tout autre moyen ou art. Un tel acte ouvre droit à réparation au profit de l’auteur de l’œuvre » : qu’il en résulte que l’œuvre protégée doit être une « œuvre originale » au sens de l’article 10 de la même loi;que l’originalité, qui est le facteur essentiel qui détermine la mise en œuvre et l’application du régime de protection dont pourrait bénéficier une œuvre faisant défaut dans le cas d’espèce, la Cour d’Appel n’a pas violé l’article 27 de la loi susvisée;d’où il suit que le moyen n’est pas davantage fondé en sa seconde branche.
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi formé par TOURE ABOUBAKAR contre l’arrêt n 1226 en date du 13 décembre 2002 de la Cour d’Appel d’Abidjan.
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
Président, YAO ASSOMA.
Conseillers, VEBOUA.
SIOBLO DOUAI (rapporteur).
Greffier, N’GUESSAN Germain.
Observations
L’arrêt que vient de rendre la Chambre judiciaire de la Cour suprême est important à plus d’un titre. D’abord cet arrêt est, à notre connaissance, l’un des rares sinon le premier que la juridiction suprême rend en application de la loi n 96-564 du 25 juillet 1996 relative à la protection des œuvres de l’esprit et aux droits des auteurs, des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et vidéogrammes. Cette affirmation mérite cependant d’être nuancée, car en l’absence de publication systématique de l’ensemble des arrêts rendus par la Cour suprême, on pourrait supposer l’existence de décisions inconnues.
Ensuite, cet arrêt l’est en ce qu’il donne l’occasion à la juridiction suprême, de se prononcer sur une notion fondamentale du droit d’auteur qu’est celle de l’originalité. L’originalité apparaît en effet en droit d’auteur, comme la pierre angulaire du système de protection des œuvres de l’esprit.
Pour savoir comment la Cour suprême en est arrivée là, prenons quelques instants pour présenter à grands traits, les faits de l’espèce. Les faits ne sont pas en eux-mêmes originaux. Un animateur de télévision, pour les besoins de son émission, se fait appeler « tonton Bouba » et se présente à l’écran avec un accoutrement et un déguisement de clown. Son émission rencontre un grand succès auprès des enfants, si bien qu’il finit par être désigné par son public et même au-delà par l’appellation « tonton Bouba ». Une entreprise de confiserie décide de mettre sur le marché une sucette dénommée « Bouba », avec sur l’emballage, l’image d’un clown.
Se targuant, entre autres, de son droit de propriété exclusive sur l’appellation et l’image, l’animateur assigne le confiseur en dommages et intérêts, devant le tribunal de première instance d’Abidjan. Ce dernier le déboute et la Cour d’Appel de la même ville confirme le jugement, motifs pris de ce que le pseudonyme « Bouba » ne constituait pas une œuvre originale et que par ailleurs, il n’y avait aucun lien entre l’image de l’emballage de la sucette et l’image de « tonton Bouba ».
C’est donc en réponse au pourvoi formé par l’animateur de télévision, que la Cour suprême a eu à rendre la décision objet de ces brèves observations. Il s’agissait pour la juridiction suprême, de se prononcer sur la double question de savoir si les objets revendiqués, à savoir l’appellation et le personnage, constituaient d’une part, une œuvre de l’esprit, et d’autre part, une œuvre originale.
Sur ces deux questions, la Cour suprême donne une réponse avec un dit et un non dit.
I. Le non dit
La protection juridique accordée par le droit d’auteur à travers la loi précitée, s’attache à un certain nombre d’objets communément appelés œuvres de l’esprit. L’œuvre de l’esprit est, aux termes de la loi, toute création ou production du domaine littéraire, artistique ou scientifique, quel qu’en soit le mode d’expression. Il s’agit en clair, de créations intellectuelles de pure forme qui peuvent relever aussi bien des arts que des lettres. A cet égard, le non dit de l’arrêt résulte de ce que la Cour ne se prononce pas clairement sur le point de savoir si l’appellation « tonton Bouba » pris ut singuli pouvait constituer une œuvre de l’esprit. Par ailleurs, la Cour n’indique pas clairement si l’image, en réalité le personnage, pouvait constituer une œuvre de l’esprit.
Sur le premier point, la Cour, sans répondre explicitement à la question, affirme que l’animateur de télévision n’est pas le créateur du pseudonyme, qui du reste, n’était pas original. On peut déceler dans l’affirmation de la Cour, une reconnaissance de la qualité d’œuvre de l’esprit d’un pseudonyme.
En effet, le caractère d’œuvre littéraire d’une appellation ne peut être contesté. Le droit d’auteur ne tenant pas compte ni de la destination ni du mérite, encore moins du mode d’expression, on ne peut par principe, exclure une création qui s’exprime à travers des mots. Telle est justement la caractéristique d’une oeuvre littéraire. C’est en vertu de ces principes directeurs que l’on a pu considérer les programmes d’ordinateur comme étant des oeuvres littéraires au sens de la Convention de Berne. C’est-à-dire une création intellectuelle qui s’exprime par des mots.
Dans cette optique, un seul ou un groupe de mots peut constituer une œuvre. C’est le cas du titre d’une œuvre. Dans ces conditions, on ne peut qu’approuver le non-dit contenu dans la réponse du juge suprême.
Toutefois, lorsque l’on pousse un peu plus l’analyse, on se rend vite compte qu’il y a une erreur dans les fondements de la position de la Cour. En effet, il apparaît à l’évidence que le problème n’a pas été posé dans les termes appropriés, de sorte que la réponse qui en résulte est biaisée. Ce dont il s’agit en l’espèce, concerne plus le nom donné à un personnage que le pseudonyme de l’animateur. A y voir de près, l’appellation « tonton Bouba » apparaît comme le nom donné au personnage créé par l’animateur. Dans ces conditions, il s’agissait en réalité de savoir si le nom donné au personnage créé pour la scène pouvait constituer une œuvre originale.
Il ne fait guère de doute que le nom d’un personnage, de même que le titre d’une œuvre, peut bénéficier de la protection accordée par le droit d’auteur. Autre chose est de savoir si la condition d’originalité est remplie. Nous y reviendrons.
LA COUR Suprême a par ailleurs, fait allusion au personnage clownesque qui n’aurait pas été créé par l’animateur. En renvoyant au personnage et en visant l’article 6-3 de la loi 96-564 du 25 juillet 1996, la Cour semble reconnaître l’existence d’une création intellectuelle. Le visa de l’article 6-3 indique qu’il s’agit d’une création appartenant à la catégorie des œuvres créées pour la scène. Parmi celles-ci, il y a les œuvres dites pantomimiques.
La protection des œuvres pantomimiques est consacrée en jurisprudence depuis de nombreuses années. Le personnage clownesque, qui participe du pantomime, est protégé. La protection du personnage signifie, entre autres, que la reproduction et l’utilisation de ses éléments caractéristiques sont soumises à l’autorisation préalable de l’auteur. Pour cela, il aurait fallu que la condition d’originalité soit remplie, C’est le dit de l’arrêt de la Cour Suprême.
II. Le dit
La protection d’une création intellectuelle par le droit d’auteur est soumise à une seule et unique condition, à savoir l’originalité. C’est d’ailleurs ce que relève fort à propos, la Cour Suprême, quand elle s’interroge sur l’originalité de la création intellectuelle revendiquée par l’animateur de télévision. Mais une chose est de soumettre la protection à la condition d’originalité, et une autre est de donner un contenu à cette notion.
L’originalité est une notion dont la définition a soulevé et continue de soulever des difficultés aussi bien en doctrine qu’en jurisprudence. C’est ce qui a fait dire à certains, qu’elle est une notion « à géométrie variable ». Ce qui voudrait dire en d’autres termes, qu’elle n’a pas un contenu univoque.
La difficulté est d’autant plus grande que beaucoup de législations, y compris la Convention de Berne, ont laissé le soin au juge, de donner une définition. La conséquence d’une telle latitude donnée au juge est que l’on rencontre une multitude de définitions jurisprudentielles de l’originalité. De cette multitude, on s’accorde à retenir que l’originalité est la marque de l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Mais cette définition ne vaut que pour les créations intellectuelles traditionnelles.
S’agissant des créations relevant des nouvelles technologies, à la suite d’un fameux arrêt rendu en France par l’assemblée plénière de la Cour de Cassation, l’originalité est définie comme la marque de l’apport intellectuel de l’auteur.
La loi ivoirienne de 1996 a voulu éluder la difficulté, en proposant en son article 10 alinéa 1er, une définition légale. Ainsi, peut-on retenir de ce texte, qu’une œuvre originale est celle qui, dans ses éléments caractéristiques et dans sa forme, ou dans sa forme seulement, permet d’individualiser son auteur.
La définition proposée par la loi ivoirienne soulève plus de difficultés qu’elle n’en résout. En effet, la mise en œuvre de cette définition suppose que l’on détermine d’une part, les éléments caractéristiques d’une œuvre, et d’autre part, la forme de celle-ci.
S’agissant de la forme, le droit d’auteur l’appréhende par opposition aux idées qui sont de libre parcours, c’est-à-dire insusceptibles de protection. La forme serait donc le moyen d’expression de l’idée. Autrement dit, la mise en forme de l’idée. Appliqué à notre espèce, cela voudrait dire que l’on ne peut pas protéger l’idée de créer un personnage burlesque tel qu’un clown, mais la réalisation effective, même inachevée, de celui-ci.
Si la forme et les idées sont connues, que doit-on entendre par éléments caractéristiques de l’œuvre ? Une chose est certaine, les idées ne peuvent être appropriées, elles ne peuvent constituer les éléments caractéristiques d’une œuvre. Le faire, ce serait battre en brèche un des fondements même du droit de la propriété intellectuelle, à savoir la distinction entre les idées et la forme.
A l’évidence, on ne peut que conclure que les éléments caractéristiques dont il s’agit, ne peuvent être que des éléments saillants de la forme permettant de mettre en évidence l’empreinte de l’auteur. De ce point de vue, la Cour fait une exacte analyse, en cherchant à déterminer les éléments caractéristiques de l’œuvre de l’animateur de télévision. Pour la Cour, les éléments caractéristiques de l’œuvre, si œuvre il y a, ce sont le pseudonyme et l’image. En réalité, la Cour fait allusion au nom et à la représentation du personnage. Ce sont ces deux éléments qui doivent permettre d’individualiser l’auteur.
La question qui se pose alors est celle de savoir si ces deux éléments portent l’empreinte de la personnalité de l’animateur de télévision. La Cour répond par la négative. Les raisons qu’elle avance peuvent cependant être discutées.
En effet, la Cour semble faire une double confusion. D’abord, elle affirme que l’animateur n’est pas le créateur du pseudonyme. Ensuite, qu’il n’est pas « l’inventeur » du personnage. En utilisant le mot inventeur, la Cour utilise une terminologie non appropriée et tend à confondre l’œuvre de l’esprit et l’invention. On peut supposer qu’il s’agit d’une erreur de plume.
S’agissant de l’affirmation selon laquelle l’animateur ne serait pas le créateur du personnage et de l’appellation, elle participe d’une confusion entre la question de la protection et celle de la titularité. Une œuvre peut être protégée, même si elle n’est pas originelle. C’est la raison pour laquelle les œuvres dérivées sont protégées. Comme c’est le cas des arrangements et adaptations. Ce qu’il faut rechercher, c’est l’apport du créateur second. En clair, même si l’animateur n’a créé ni le personnage ni l’appellation, il peut bénéficier des droits d’auteur, si son apport est original. A cet égard, ne peut-on pas dire que l’animateur a adapté à sa façon, un personnage burlesque connu à travers le monde ?.
C’est exactement la même chose quand un auteur compositeur africain adapte la musique reggae ou zouk à la « sauce » africaine.
LA COUR aurait pu pousser un peu plus loin l’analyse. Mais on comprend la difficulté, s’agissant d’une question qui relève du pouvoir souverain des juges du fond. La Cour Suprême ne pouvait et ne devait pas s’appesantir sur les éléments de faits retenus par les juges du fond, mais sur les critères par eux retenus pour apprécier l’originalité de l’œuvre en cause. La tâche n’était pas aisée.
M. Denis BOHOUSSOU.
Docteur en droit.
Directeur Général de l’Office Ivoirien de la Propriété Intellectuelle.