J-08-70
Droit commercial général – Vente commerciale – Marchandise n’étant pas libre de toute prétention d’un tiers – Vendeur ayant fait croire que la vente initiale avait été annulée – Dol (oui) – Nullité de la vente (oui).
La vente litigieuse est nulle dès lors que le véhicule objet de la vente n’était pas libre de toute prétention d’un tiers et que le vendeur a fait croire que la vente initiale avait été annulée, usant ainsi de dol.
Article 230 AUDCG
Cour d’Appel d’Abidjan, 2e Chambre Civile et Commerciale, Arrêt n 497 du 06 mai 2005, Affaire : B. c/ COOPERATIVE AGRICOLE KAVOKIVA. Le Juris Ohada n 1/2007, p. 33.
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Ensemble les faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après.
Considérant que suivant exploit d’huissier en date du 26 novembre 2004, Monsieur B.B. ayant pour Conseil Maître TRAORE Moussa, Avocat à la Cour, a relevé appel du jugement civil contradictoire n 2229 rendu le 21 juillet 2004 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, qui a statué ainsi qu’il suit :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort.
Déclare la Coopérative KAVOKIVA recevable en son action.
L’y dit partiellement fondée.
Condamne Monsieur B. à lui payer la somme de 10 000 000 de francs CFA, toutes causes de préjudice confondues.
La condamne aux entiers dépens ».
Considérant qu’il résulte des énonciations du jugement querellé, que par exploit d’huissier en date du 09 juillet 2003, la Coopérative Agricole KAVOKIVA, agissant aux poursuites et diligences de Monsieur N. son Président du Conseil d’Administration, a assigné Monsieur B. devant le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, aux fins de s’entendre condamner au paiement de la somme de 20.765 000 francs, toutes causes de préjudice confondues.
Que pour statuer comme il l’a fait, le Premier Juge __ que le véhicule objet de la vente, ayant une origine frauduleuse, notamment le vol, ladite vente doit être déclarée nulle.
Que cette nullité entraîne la résolution du contrat et ouvre droit à des dommages et intérêts pour la Coopérative KAVOKIVA.
Considérant qu’il est fait grief à cette décision.
Qu’en soutien de son appel, Monsieur B. fait valoir :
Qu’il a vendu, courant année 2000, à la Coopérative KAVOKIVA représentée par Messieurs B. et N, un véhicule automobile immatriculé 9092 CU 02 appartenant à Dame M, à la somme de 7 000 000 de francs CFA payée seulement en 2003.
Qu’au départ, ledit véhicule était stationné à la Brigade de Gendarmerie de Daloa, en raison d’un litige né de l’émission d’un chèque sans provision par un premier acquéreur.
Que ce premier contrat ayant été annulé d’accord parties, le véhicule a été livré deux semaines plus tard à la Coopérative KAVOKIVA, qui a procédé à la mutation en son nom.
Que dès lors, le véhicule vendu n’a pas une origine frauduleuse et appartient bien à Dame M.
Que l’exécution de leurs obligations par les parties au contrat et la mutation opérée au profit de l’acquéreur achèvent de consommer la vente dont régularité est établie.
Que par ailleurs, le jugement querellé encourt la nullité, d’autant qu’en soulevant d’office la nullité de la vente, a statué ultra petita, surtout qu’un tel moyen de nullité n’est pas d’ordre public.
Qu’en outre, la présente procédure introduite par la Coopérative KAVOKIVA, qui a attendu trois années avant de payer le prix du véhicule litigieux, est malicieuse, vexatoire et lui cause un préjudice estimé à la somme de 5 000 000 de francs CFA.
Considérant qu’en réponse, la Coopérative KAVOKIVA, par le canal de son Conseil Maître Philippe KOUDOU-GBATE, expose :
Que le véhicule litigieux a été vendu alors qu’il n’était libre de toute prétention d’un tiers, puisque contre toute attente, courant mois de janvier 2001, alors qu’exploité à des fins commerciales, ce véhicule a été appréhendé en pleine circulation à Daloa par la Brigade criminelle de la Préfecture de Police de cette ville, au motif qu’il s’agirait d’un véhicule volé.
Que depuis, elle est privée de la jouissance de ce véhicule.
Que cette situation ouvre droit à réparation.
Considérant que répliquant à son tour, Monsieur B. explique que le véhicule ne s’est retrouvé à la Police que bien après sa vente et la mutation de la carte grise.
Que les faits de vol justifiant cette capture ne lui sont pas imputables et n’entament en rien la validité de la vente survenue antérieurement.
DES MOTIFS
Sur le caractère de la décision
Considérant que les parties ont conclu;qu’il convient de statuer contradictoirement.
EN LAFORME
Considérant que l’appel a été interjeté dans les forme et délai légaux.
Qu’il sied de le déclarer recevable.
AU FOND
Sur les mérites de l’appel de la nullité du jugement querellé
Considérant que l’appelant relève qu’en déclarant d’office nulle la vente, le Tribunal a statué ultra petita, faisant ainsi encourir une nullité à son jugement.
Considérant cependant que le Premier juge n’a pas statué ultra petita.
Qu’en effet, la demande initiale de la Coopérative KAVOKIVA tendait au paiement de la somme de 20.765 000 FCFA répartie comme suit :
5) 000 000 de francs CFA pour le coût d’achat du véhicule.
1) 5.600 000 de francs correspondant au coût de location des véhicules qu’elle a exposés pour pallier l’indisponibilité du véhicule litigieux.
1) 65 000 francs de frais de gardiennage.
Qu’il y avait manifestement une demande en annulation de la vente justifiant la restitution du prix d’achat.
Que l’argument tiré de la nullité du jugement querellé est donc inopérant.
Sur la validité de la vente
Considérant qu’il résulte des pièces produites, et notamment du procès-verbal de constat de présence physique en date du 09 avril 2004, que le véhicule litigieux a été vendu aux intimés, alors qu’il l’avait préalablement été à un tiers, en l’occurrence le nommé A.
Que ce dernier l’a fait immobiliser à la Préfecture de Police de Daloa, pendant que les nouveaux acquéreurs l’exploitaient.
Considérant qu’aux termes de l’article 230 de l’Acte Uniforme OHADA portant droit commercial général, le vendeur doit livrer les marchandises libres de tout droit ou prétentions d’un tiers, à moins que l’acheteur n’accepte de prendre les marchandises dans ces conditions.
Qu’en l’espèce, le véhicule n’était pas libre de toute prétention d’un tiers.
Que le vendeur qui a fait croire que la vente initiale avait été annulée a usé de dol.
Qu’une vente intervenue dans de telles conditions est nulle.
Qu’il y a lieu de remettre les parties en l’état.
Considérant par ailleurs, que l’indisponibilité du véhicule depuis sa capture a incontestablement causé un préjudice à l’acquéreur, la Coopérative KAVOKIVA, qu’il convient de réparer.
Sur le caractère vexatoire de la procédure
Considérant que la procédure introduite par la Coopérative KAVOKIVA n’est ni malicieuse ni vexatoire, mais tend à réparer un préjudice né des manoeuvres dolosives du vendeur, qui a surpris son consentement.
Sur les dépens
Considérant que l’appelant succombe.
Qu’il convient de le condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
Déclare Monsieur B. recevable en son appel.
L’y dit mal fondé.
Confirme le jugement querellé en toutes ses dispositions.
Condamne l’appelant aux dépens.
PRESIDENT : M. TOURE ALI.