J-08-71
Recouvrement de créance – Injonction de restituer – Signification (non) – Existence de l’ordonnance de restitution (non) – Saisie appréhension – Validité.
Voies d’exécution – Saisie appréhension – Contestation – Voie de fait – Préjudice – Réparation.
Est non avenue, une ordonnance de restitution qui n’a jamais été signifiée, conformément à l’article 25 in fine de l’Acte Uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement.
Par conséquent, une telle ordonnance n’a pas existé et n’a pu donner lieu à aucune exécution et n’a pu faire courir aucun délai contre les appelants, qui sont recevables à contester la saisie opérée sur le bien litigieux.
Dès lors, la saisie-appréhension qui en est résulté est une voie de fait qui porte de manière évidente, préjudice aux appelants, qu’il faut réparer.
Article 25 AUPCAP
Article 224 AUPSRVE
Cour d’Appel d’Abidjan, 4e Chambre Civile et Commerciale, Arrêt n 519 du 13 mai 2005, Affaire : O. et MISSION DU CEDRE DE COTE D’IVOIRE c/ K. Le Juris Ohada 1/2007, p. 36.
LA COUR
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Ouï les parties en leurs conclusions.
Ouï le Ministère Public.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Par exploit d’huissier en date du 19 février 2004, O. et la « Mission du Cèdre de Côte d’Ivoire » ayant pour Conseil Maître TRAORE Moussa, Avocat à la Cour, ont relevé appel du jugement n 172 du 20 janvier 2004 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, décision par laquelle cette juridiction a déclaré leur opposition irrecevable, et les a déboutés de leur demande en condamnation.
Des faits, procédure et prétentions des parties
Le 15 janvier 2003, dame K. obtenait de la juridiction présidentielle, une ordonnance d’injonction de restituer sous le numéro 32/2003;elle procédait le 16 mai 2003, à une saisie-appréhension au détriment de O. Ce dernier, par le canal de son Conseil, s’opposait à l’exécution de ladite ordonnance par exploit du 13 juin 2003. Il faisait alors valoir que K. N. n’était point sa créancière et la chambre froide qu’elle voulait appréhender était la propriété de l’Eglise « Mission du Cèdre-CI », dont il était fondateur.
Cependant, dame K. réussissait à faire triompher devant le premier juge, que l’opposition du 13 juin 2003 était tardive, en ce sens que si l’ordonnance n’a pas été signifiée à personne, le premier acte d’exécution datait du 16 mai 2003, soit plus de 15 jours avant ladite opposition.
Relevant appel de cette décision, O. et la Mission du Cèdre expliquent à la Cour que la Mission Religieuse du Cèdre-CI a été créée par le nommé Y.;que cette dernière a acquis une chambre froide pour les besoins de ses activités;qu’elle a installé ladite chambre avec l’autorisation de la mairie de Yopougon et qu’elle ne l’a jamais cédée à la défenderesse à l’opposition.
Les appelants expliquent également que contrairement aux allégations de l’intimée, O. n’a pas personnellement eu connaissance de la signification de l’ordonnance restitution et qu’en outre, la saisie-appréhension a été faite dans les mains d’un tiers détenteur gérant, en violation de l’article 224 de l’Acte Uniforme portant voies d’exécution;qu’en effet, ladite saisie ne leur a point été dénoncée, de sorte qu’ils n’ont eu connaissance de la première mesure d’exécution que le 31 mai 2003. Ils concluent donc que leur opposition à l’ordonnance querellée est recevable, pour être intervenue dans les délais légaux.
Enfin, tandis que O. sollicite la condamnation de l’intimée à lui payer la somme de 2 000 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, la « Mission du Cèdre-CI » estime que la fermeture de la chambre froide par la saisie-appréhension lui a causé un préjudice commercial qu’elle estime à 4 000 000 F et dont elle sollicite le remboursement.
L’intimée, par le canal de son Conseil Maître ADOU Pascal, Avocat à la Cour, soutient qu’elle est la fondatrice de l’ancien marché de Port-Bouët (Yopougon), dans lequel est installée la chambre froide litigieuse.
Que pour cette installation, le nommé Y, fondateur de l’Eglise « Mission du Cèdre-CI » et elle ont convenu qu’au départ définitif de ce dernier, elle devenait propriétaire de la chambre;elle précise que ce dernier ayant quitté la Côte d’Ivoire, sa propriété est établie sur la chambre, de sorte qu’elle est fondée à obtenir l’ordonnance de restitution querellée.
Par ailleurs, elle précise que si l’ordonnance de restitution n’a pas été signifiée à personne, il demeure que les demandeurs à l’opposition ont exercé leur recours plus de 15 jours après la saisie-appréhension du 16 mai 2003 qui constitue le premier acte d’exécution, rendant le bien indisponible;de sorte que l’opposition est irrecevable.
Subsidiairement, elle conclut que O. est irrecevable en son opposition, en ce qu’il ne rapporte pas son intérêt à agir et la preuve que l’autorisation de la mairie au profit de l’Eglise a été renouvelée;elle conclut la confirmation du jugement.
DES MOTIFS
Sur la recevabilité de l’appel
Il n’est pas contesté que l’acte de saisie-appréhension portait le nom de O. en lieu et place du débiteur de l’obligation de restituer.
Il est également constant (production de pièces) que la chambre froide litigieuse est la propriété de la « Mission du Cèdre-CI ».
Qu’ainsi, les deux parties sont recevables en leur appel, en vertu des articles 167 du Code de Procédure Civile et Commerciale.
Sur le mérite de l’appel de la recevabilité de l’opposition
Contrairement aux allégations de dame K. et de l’opinion du premier juge, l’ordonnance de restitution n’a jamais fait l’objet d’une signification régulière par acte extrajudiciaire à l’initiative de dame K, à celui qui est tenu de la remise;il suit de là qu’une telle ordonnance qui n’a jamais été signifiée est non avenue, conformément à l’article 25 in fine de l’Acte Uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement.
Il y a donc lieu de conclure qu’une telle ordonnance n’a pas existé et n’a pu donner lieu à aucune exécution et n’a pu faire courir aucun délai contre les appelants, qui sont recevables à contester la saisie opérée sur le bien litigieux.
Sur les demandes des appelants
Au regard de ce qui précède, il est évident que la saisie-appréhension pratiquée le 16 mai 2003 n’est qu’une voie de fait qui porte de manière évidente, préjudice aux appelants;qu’il y a lieu de dire que leur demande est fondée.
Cependant, sur le montant, la Cour, au regard des nombreux éléments d’appréciation contenus dans le dossier, condamne K. à payer la somme de 300 000 F à O. et celle de 1 000 000 F à la Mission Cèdre-CI.
Sur les dépens
L’intimée succombe;il y a lieu de mettre les dépens à sa charge.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort.
Déclare l’appel de O. et la Mission Cèdre recevable.
Les y dit bien fondés.
Infirme le jugement n 172 entrepris.
Statuant à nouveau.
Déclare O. et la Mission Cèdre recevables en leur opposition.
Les y dit bien fondés.
Dit que l’ordonnance n 32/2003 du 15 janvier 2003 est non avenue.
Condamne dame K. à payer à O. et à la Mission Cèdre, les sommes respectives de 300 000 F et 1 000 000 F à titre de dommages-intérêts.
La condamne aux dépens.
PRESIDENT : M. KOUASSI BROU BERTIN.