J-08-72
Droit des sociétés commerciales – Société à responsabilité limitée – Qualité d’associés – Preuve – Signature des statuts.
Sociétés commerciales – SARL – Gestion – Convocation d’assemblée générale par le gérant statutaire (non) – Nomination d’un mandataire judiciaire (oui).
Sociétés commerciales – SARL – Fonctionnement – Mésintelligence entre associés – Fonctionnement paralysé – Preuve (non) – Nomination d’un liquidateur (non).
Les intimés ont la qualité d’associés de la société, dès lors qu’ils ont signé les statuts de la société régulièrement constituée.
Par conséquent, ils sont fondés à solliciter la nomination d’un mandataire judiciaire à l’effet de convoquer une assemblée générale.
La demande en rétractation de l’ordonnance tendant à faire nommer par le Président de la juridiction compétente un mandataire judiciaire, doit être rejetée, dès lors que le gérant statutaire n’a jamais convoqué d’assemblée générale depuis la création de la société, spoliant ainsi les actionnaires de leur droit fondamental statutaire et légal à l’information.
La demande de nomination d’un liquidateur doit être rejetée, dès lors qu’il n’est pas rapporté la preuve, d’une part de la mésintelligence entre les associés et, d’autre part, la paralysie au niveau du fonctionnement.
Article 12 AUSCGIE
Article 38 AUSCGIE
Article 51 AUSCGIE
Article 337 AUSCGIE
Article 615 AUSCGIE
Cour d’Appel d’Abidjan 5e Chambre Civile et Commerciale, Arrêt n 712 du 13 juin 2006, Affaire : R. et UN AUTRE c/ T. et UN AUTRE. Le Juris Ohada n 1/2007, p. 38.
LA COUR
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Ouï les parties en leurs demandes et conclusions.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Par exploit en date du 10 mai 2006, comportant ajournement au 23 mai 2006, R. et G. ayant pour Conseil le Cabinet ORE et Associés, Avocats à la Cour, ont relevé appel de l’ordonnance de référé n 576 rendue le 03 mai 2006 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, ordonnance par laquelle ladite Juridiction se déclarait incompétent, a restitué à l’ordonnance n 300/2006 du 27 janvier 2006 son plein et entier effet.
Des faits, procédure et prétentions des parties
Par ordonnance n 300/2006 rendue le 27 janvier 2006, à la requête de T. et F, le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan a nommé Maître LACONTE TIACOH, Huissier de Justice, en qualité de mandataire chargé de convoquer une assemblée générale de la Société dénommée Ivoirienne de Distribution de Gaz dite IDIGAZ SARL, avec pour ordre du jour :
Analyse de comptes sociaux.
Compte rendu de gestion.
Situation économique de la société.
Remplacement du gérant.
Nomination d’un Commissaire aux comptes.
Harmonisation des statuts selon l’OHADA.
Divers.
Par exploit en date du 27 janvier 2006, R. et G. saisissaient le Juge des référés du Tribunal, pour obtenir la rétractation de ladite ordonnance, en soutenant, d’une part, que les bénéficiaires de cette décision sur requête n’avaient pas, conformément aux articles 38 et 51 de l’Acte Uniforme sur les sociétés commerciales, la qualité d’associés de la Société IDIGAZ qui, au demeurant, n’avait pas été régulièrement constitués en SARL, mais en fait et d’autre part, que la Juridiction Présidentielle est incompétente pour nommer un mandataire en l’espèce.
Ils précisaient en outre, que la gestion de ladite société se faisait de manière rigoureuse, par la tenue de livre comptable, l’établissement régulier de compte de bilan annuel par le comptable sous le contrôle du gérant, de sorte que la nomination d’un mandataire ne se justifiait pas;ils sollicitaient également, par leur action, la désignation d’un liquidateur de la société IDIGAZ, pour cause de mésintelligence entre les associés, et mettaient en cause la régularité de la convocation initiée par le mandataire nommé.
Pour leur part, T. et dame F. ayant pour Conseil Maître VIEIRA Patrick Georges, Avocat à la Cour, expliquaient d’abord, qu’ils étaient associés majoritaires de la Société IDIGAZ, conformément aux statuts sociaux, que le mandataire a été nommé par le Président du Tribunal compétent, et ensuite, que la convocation du mandataire était conforme à l’article 17-1 des statuts;ils précisaient enfin, que contrairement aux allégations des demandeurs, il n’existait aucune cause de nomination d’un liquidateur de la Société.
Pour rendre la décision déférée à la censure de la Cour, le Premier Juge a estimé que les demandeurs ne justifiaient pas en l’espèce, d’une urgence de nature à le rendre compétent.
Devant la Cour, les appelants reprennent leurs arguments visant à contester aux intimés, leur qualité d’associé en SARL régulière, ainsi que la compétence du Président du Tribunal statuant sur requête. Quant au fond, ils reprennent aussi leur position développée devant la Cour, que la société IDIGAZ est bien gérée et que cependant, la nomination d’un liquidateur judiciaire s’impose pour cause de mésintelligence.
Dans ses conclusions, Maître Patrick VIEIRA, pour le compte des intimés, développe également les mêmes arguments exposés devant le Premier Juge;il précise cependant qu’en vertu de l’article 12 de l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés, la SARL IDIGAZ existe dès la signature des statuts par les associés, lesquels associés ont le droit d’obtenir par voie de justice, la nomination d’un mandataire pour convoquer, comme en l’espèce, une assemblée générale régulière.
Il conclut à la confirmation de l’ordonnance attaquée.
Les parties produisent de nombreuses pièces à l’appui de leurs prétentions.
DES MOTIFS
SUR LA FORME
Les appelants et les intimés ont tous conclu par le canal de leur Conseil respectif;il y a donc lieu de la déclarer recevable.
Par ailleurs, l’appel en l’espèce a été relevé dans les forme et délai imposés par la loi;il y a donc lieu de la déclarer recevable.
Sur le mérite de l’appel
Sur la compétence du Juge des référés
En l’espèce, il est demandé au Juge des référés saisi, de rétracter son ordonnance;une telle demande étant légalement prévue par l’article 237 du Code de Procédure Civile et Commerciale, c’est à tort que le Premier Juge s’est déclaré incompétent;il y a donc lieu d’en juger ainsi, d’infirmer donc l’ordonnance querellée, et statuant à nouveau, de déclarer ledit Juge, compétent.
Sur l’action des consorts.
Il résulte des pièces versées aux débats, tant par les appelants que les intimés, que la Société IDIGAZ est une Société à responsabilité limitée SARL, régulièrement constituée par la signature de ses statuts par les quatre associés, le 23 novembre 1999, et une déclaration au registre de commerce le 02 décembre 1999.
Il y a donc lieu de dire que R. et F. ont la qualité d’associés de ladite société et qu’ils sont fondés, en vertu de l’article 337 de l’Acte Uniforme sur les sociétés commerciales, recevables et en raison de ce qu’ils sont actionnaires majoritaires, à solliciter la nomination d’un mandataire judiciaire, à l’effet de convoquer une assemblée générale.
En outre, cette demande présentée sous la forme d’une requête est conforme à l’article 615 de l’Acte Uniforme susvisé, en ce qu’elle tend à faire nommer par le Président de la Juridiction compétente saisi régulièrement en vertu des articles 221 ou 232 du Code de Procédure Civile et Commerciale, un mandataire judiciaire;il y a donc lieu d’en juger ainsi et de rejeter la demande en rétractation, et ce, surtout qu’il apparaît au dossier, d’une part, que le gérant statutaire n’a jamais convoqué d’assemblée générale depuis la création de la Société le 23 novembre 1999, spoliant ainsi les actionnaires de leur droit fondamental statutaire et légal à l’information, et d’autre part, que le mandataire a régulièrement convoqué les associés de la société IDIGAZ.
Sur la demande de nomination d’un liquidateur
Les appelants, d’une part, ne rapportent pas la preuve de la mésintelligence existant entre les associés, et d’autre part, que le fonctionnement de la société IDIGAZ est paralysée ou rendue impossible par une quelconque cause;il s’impose donc à la Cour, de rejeter la demande des appelants en cette tranche.
Sur les dépens
Les consorts R. succombent;il convient donc de mettre les dépens à leur charge.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale en référé et en dernier ressort.
Déclare recevable l’appel relevé par G. et R.
Déclare le juge des référés compétent pour connaître de la demande en rétractation de l’ordonnance sur requête n 300/06 du 27 janvier 2006.
Infirme par conséquent, l’ordonnance querellée.
Statuant à nouveau;déclare mal fondée la demande en rétractation des consorts R.
Les en déboute.
Restitue à l’ordonnance n 300/06 du 27 janvier 2006, ses plein et entier effets.
Met les dépens à la charge des appelants.
PRESIDENT : M. KOUASSI BROU BERTIN.