J-08-79
Droit des sociétés commerciales – Fonctionnement – Nomination d’administrateur provisoire – Condition – Société paralysée – Preuve (non).
Les conditions de nomination d’un administrateur ne sont pas réunies, dès lors que le demandeur ne rapporte pas la preuve de faits paralysant le fonctionnement de la société.
Cour d’Appel d’Abidjan, 4ème Chambre Civile et Commerciale, Arrêt n 641 du 17 juin 2005, Affaire : Mme F. épouse B. et un autre c/ Mme P. Le Juris Ohada n 2/2007, p. 34.
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Ensemble les faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après.
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit d’huissier en date du 19 mai 2005 comportant ajournement au 27 mai 2005, Madame F. épouse B. et Monsieur B. ont relevé appel de l’ordonnance de référé n 653 rendue contradictoirement le 27 avril 2005 par le juge des référés du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, lequel, en la cause, a statué comme suit :
« Déclarons dame P. recevable en son action.
L’y disons bien fondée.
Désignons à cet effet, Monsieur T, expert comptable, en qualité d’expert comptable à l’effet de procéder à l’expertise des comptes de la société S2PO depuis sa création à ce jour.
Disons qu’il lui est imparti un délai de 02 mois à compter du prononcé pour le dépôt de son rapport.
Disons en outre que les frais seront supportés par la société.
Désignons KROMAN LAHASSANI, Magistrat de ce siège, sous le contrôle duquel l’expert procède à sa mission.
Condamnons la demanderesse aux dépens ».
Les parties ayant conclu, il y a lieu de rendre une décision contradictoire.
Au soutien de leur appel, Madame F. et son époux B. articulent, tant aux termes de leur acte d’appel que de leurs conclusions écrites du 09 avril 2005 appuyés de la plaidoirie de leur Conseil Maître COULIBALY Tiemogo, Avocat à la Cour, que tous les bilans et comptes de la Société S2PO ont toujours été rendus publics et tenus à la disposition des associés, notamment de Madame P, Directeur Commercial de ladite société.
Ils ajoutent que l’argument selon lequel ils veulent liquider la société n’est pas exact, car non prouvé.
Ils font par ailleurs valoir qu’une assemblée générale ordinaire a été convoquée puis reportée au 24 juin 2005.
Les appelants estiment, au regard de tout ce qui précède, que c’est à tort que le premier juge a statué comme il l’a fait, car selon eux, rien ne justifie la nomination d’un administrateur provisoire, du fait de l’inexistence d’un blocage quelconque dans le fonctionnement de la société.
Ils sollicitent en conséquence, l’infirmation de la décision entreprise.
Madame P. intimée, concluant par écritures du 31 mai 2005 doublées de la plaidoirie de son Conseil Maître TRAORE Moussa, Avocat à la Cour, expose que les époux B. ont toujours été dominateurs au sein de la société S2PO et n’ont jamais eu d’égard envers elle.
Elle ajoute qu’il n’y a pas eu d’assemblée générale et que les comptes et bilans sont tenus secrets par dame B.;elle insiste pour dire que les époux B. s’apprêtent à liquider la société et que c’est donc à juste titre qu’elle a sollicité du juge, la nomination d’un administrateur provisoire pour préserver ses intérêts au sein de la société.
Elle demande à la Cour de confirmer l’ordonnance querellée.
DES MOTIFS
EN LA FORME
L’ordonnance de référé entreprise a été signifiée le 18 mai 2005;l’appel qui en est fait le lendemain 19 mai 2005 est recevable en la forme, car obéissant aux conditions fixées par les dispositions de l’article 228 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Administrative.
AU FOND
Madame P. reproche à la gérante dame B, de n’avoir pas convoqué d’assemblée générale ordinaire;cependant, relativement à l’exercice 2003-2004, il y a lieu de relever que la susnommée n’a même pas attendu l’expiration du délai de 06 mois prévu à l’article 348 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, pour assigner la gérante devant le juge des référés pour obtenir ladite assemblée.
Par ailleurs, si dame P. était effectivement convaincue de faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation de la société S2PO, elle aurait dû depuis lors, en application des dispositions de l’article 157 de l’acte susvisé, poser par écrit des questions y relatives à la gérante.
Or elle ne l’a pas fait, laissant apparaître qu’en l’espèce rien n’urgeait pour saisir le juge des référés.
De surcroît, il est de jurisprudence constante que seuls des faits paralysant le fonctionnement de la société sont de nature à justifier la nomination d’un administrateur provisoire.
Or en l’espèce, dame P. ne démontre nullement que la société S2PO est paralysée.
Bien au contraire, il est prouvé par des productions, que les bilans et comptes ont toujours été correctement tenus;en plus, l’imminence de la liquidation de la société n’a pas été rapportée;il en résulte que c’est à tort que le premier juge a statué comme il l’a fait.
Il convient par conséquent de déclarer les appelants bien fondés et d’infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé querellée.
L’intimée, qui succombe, est condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort.
EN LA FORME
Reçoit Mme F. épouse B. et Monsieur B. en leur appel commun relevé de l’ordonnance de référé n 653 rendue le 27 avril 2005 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan.
AU FOND
Les y déclare bien fondés.
Infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé entreprise.
Condamne dame P. aux dépens.
PRESIDENT : M. DEDOH DAKOURI.