J-08-81
Droit des sociétés commerciales – Conventions intéressant les administrateurs – Protocole liant la société à son Conseil – Protocole faisant partie des conventions soumises à autorisation du Conseil d’Administration (non).
Le protocole liant les parties ne rentrant pas dans le domaine d’application de l’article 438 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales, il n’est pas soumis à autorisation préalable du Conseil d’Administration.
Article 438 AUSCGIE
Cour d’Appel d’Abidjan, 1ère Chambre Civile et Commerciale, Arrêt n 650 du 24 juin 2005, Affaire : SOCIETE ASH INTERNATIONAL DISPOSAL. M. K. c/ Maître JULES AVLESSY. Le Juris Ohada n 2/2007, p. 38.
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties en leurs demandes, moyens, fins et conclusions.
Le Ministère Public en ses conclusions écrites.
Et après en avoir délibéré conformément à la loi.
Considérant que suivant exploit en date du 08 septembre 2004 du ministère de Me KONIN ASSEMIAN, Huissier de justice, la société ASH INTERNATIONAL DISPOSAL, SA au capital de 500 000 000 FCFA dont le siège social est à Abidjan, agissant aux diligences et poursuites de son représentant légal Monsieur K, Président Directeur Général, et ayant pour Conseil Me NUAN ALIMAN, Avocat à la Cour, a relevé appel de la décision n 2715/CIV 1 rendue le 29 juillet 2004 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, dont le dispositif suit :
« Confirme la décision d’arbitrage du 23 juin 2003;en conséquence, condamne la société ASH INTERNATIONAL DISPOSAL à payer à Maître Jules AVLESSY, la somme de 66.264 000 F.
Condamne la société ASH aux dépens ».
Considérant que la société ASH INTERNATIONAL expose dans son acte d’appel, qu’elle est liée à Me JULES AVLESSY, Avocat, par une convention d’assistance juridique établie le 1er décembre 2000;qu’elle explique qu’aux termes de leur convention, l’assistance juridique consistait principalement à la consultation, négociation et rédaction d’actes, ainsi qu’aux actes sociaux consistant à la préparation des réunions et des assemblées générales.
Qu’elle relève qu’en dépit des termes de leur convention, qui ont un caractère obligatoire pour Me AVLESSY, ce dernier n’a pas rédigé les actes sociaux qui étaient nécessaires à la mise en place de la nouvelle équipe issue d’une Assemblée Générale tenue le 12 février 2002.
Qu’elle indique également que ce n’est que 10 mois plus tard, que Me AVLESSY lui a adressé une correspondance, alors que l’article 4 alinéa 2 de leur convention dispose que « les parties s’obligent à se concerter aussi souvent que nécessaire et au moins une fois par trimestre, sur la base d’un état établi par le Conseil ».
Qu’elle estime en conséquence, que Me AVLESSY n’a pas fourni les prestations attendues de lui, de sorte qu’il est mal fondé à réclamer le paiement d’honoraires qui, eux, sont la contrepartie desdites prestations.
Considérant que la société ASH INTERNATIONAL fait par ailleurs observer qu’il ressort de leur convention, « qu’elle souhaite charger le Conseil d’une assistance juridique de façon permanente, aussi bien pour elle-même que pour ses administrateurs, pour toutes affaires les concernant ».
Qu’elle affirme que selon les termes de l’article 291 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales du Traité OHADA, le fait pour des administrateurs d’une société, de bénéficier de l’assistance permanente d’un Conseil pour toutes leurs affaires, aux frais de la société, est constitutif d’abus de biens sociaux et réprimé.
Qu’en tout état de cause, poursuit-elle, cette convention par laquelle les administrateurs étaient directement intéressés devait être soumise à l’autorisation préalable du Conseil d’Administration pour sa conclusion et ce, en application des dispositions d’ordre public de l’article 438 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales.
Qu’elle estime que faute pour Me AVLESSY d’avoir obtenu l’autorisation du Conseil d’Administration, la convention les liant est nulle et réputée n’avoir jamais produit d’effet.
Que par suite de ce qui précède, la société ASH INTERNATIONAL DISPOSAL conclut à l’infirmation du jugement querellé.
Considérant que Me Jules AVLESSY expose pour sa part que le 1er décembre 2000, il signait une convention d’assistance juridique avec la société ASH INTERNATIONAL DISPOSAL.
Qu’en exécution des termes de cette convention, il soignait les intérêts de la société ASH et lui faisait régulièrement le point de ses diligences, jusqu’au changement de la direction de ladite société.
Qu’il indique que du fait de ce changement, il adressait le 25 juin 2002, une correspondance à la nouvelle direction et demandait un rendez-vous en vue de lui faire le point des dossiers traités et réclamer par la même occasion, ses honoraires.
Que n’ayant reçu aucune réponse, il adressait à la société ASH, de nombreuses lettres de relance.
Qu’il affirme qu’il était dans l’attente d’une réponse de la société ASH, lorsqu’il rencontre fortuitement son nouveau Président Directeur Général, le 14 janvier 2003.
Que, ce dernier lui ayant demandé de se mettre en rapport avec Me NUAN ALIMAN, qui était désormais le Conseil de sa société, il lui adressait le lendemain un courrier lui faisant le point des dossiers, puis réclamait pour la période du 1er février 2001 au 31 décembre 2002, la somme de 58.764.500 F, soit 57.500 000 F d’honoraires et 1.264.250 F de frais.
Qu’il ajoute que la convention d’assistance juridique n’ayant pas été résiliée, il continua d’assurer la défense des intérêts de la société encore trois mois, en application des dispositions de l’article 13 de leur contrat.
Qu’ainsi, à la date du 31 mars 2003, la société ASH restait elle, lui devoir au titre des honoraires et frais, la somme de 66.264.500 FCFA, et que pour le règlement de celle-ci, son cocontractant ne répondant pas à ses demandes, il saisissait le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats le 16 avril 2003.
Qu’il estime que c’est à tort que la société ASH INTERNATIONAL a relevé appel de la décision qui a confirmé la décision d’arbitrage.
Qu’avant tout débat, il soulève l’irrecevabilité de l’appel, en expliquant que ledit appel a été relevé par Monsieur K.M, qui est tiers au procès.
Qu’il rejette enfin, les affirmations de la société ASH mettant en cause ces diligences.
Qu’à cet égard, il verse au dossier de la procédure, photocopie de diverses correspondances indiquant qu’il a à chaque trimestre, fait le point des procédures à la société ASH.
Qu’il explique également qu’il n’a pu rédiger les actes sociaux de l’Assemblée Générale qui a consacré une nouvelle direction, parce qu’il n’a pas été informé de la tenue de cette Assemblée Générale, à laquelle il n’a du reste pas été convoqué.
Considérant que pour résister au moyen tiré de la nullité de la convention qui le lie à la société ASH INTERNATIONAL, Me AVLESSY fait observer qu’elle ne fait pas partie des conventions réglementées par l’article 438 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et aux groupements d’intérêt économique.
Qu’il explique à cet effet, que dans le cadre de la convention, les prestations qu’il doit fournir à la société ASH INTERNATIONAL ne concernent nullement ses administrateurs, de sorte que les termes de l’article 3 limitent ceux du préambule.
Qu’il fait alors remarquer que dans le cadre de cette convention, il n’a eu à défendre aucun dossier des administrateurs, et qu’en tout état de cause, par lettre en date du 19 décembre 2000, il a demandé à la société ASH de limiter les effets de la convention à ses seuls intérêts.
Considérant que Me AVLESSY demande enfin, que la société ASH et Monsieur K. soient condamnés à lui payer 500 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et vexatoire, en soutenant que la société ASH reconnaît ne lui avoir depuis la signature de la convention, réglé aucun honoraire, à l’exception de l’échéance de janvier 2001.
Considérant que le Ministère Public a conclu à la confirmation de la décision attaquée.
SUR CE
Sur la recevabilité de l’appel
Considérant qu’il résulte de la lecture de l’acte d’appel, que la décision attaquée a été frappée d’appel aussi bien par la société ASH INTERNATIONAL DISPOSAL que par Monsieur K.
Or, il résulte des termes de l’article 167 du Code de Procédure Civile, que « l’appel ne peut être interjeté que par les parties à la décision attaquée ou leurs ayants cause ».
Qu’en l’espèce, seule la société ASH INTERNATIONAL DISPOSAL agissant par l’entreprise de son président directeur général, était partie au procès.
Que par suite, il échet de déclarer son appel recevable et irrecevable celui de Monsieur K, qui a agi par ailleurs en son nom personnel, pour défaut de qualité.
Sur la régularité du protocole d’accord et le paiement des honoraires et faits
Considérant que l’article 438 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et groupements d’intérêt économique énumère les différents cas dans lesquels les conventions intéressant les administrateurs sont soumises à autorisation préalable du Conseil d’Administration.
Qu’en l’espèce, le protocole liant la société ASH à Me AVLESSY ne rentre pas dans le domaine d’application de l’article 438 précité.
Qu’ainsi, convient-il de confirmer la décision querellée en ce qu’elle a rejeté la demande en annulation de ladite convention.
Considérant que Me AVLESSY a fait la preuve de ses diligences dans le suivi des dossiers de la société ASH.
Qu’il a ainsi produit au dossier de la procédure, divers documents côtés de 1 à 19 relatifs d’une part, à des correspondances qu’il a adressées à la société, et d’autre part, à des lettres qu’il a reçues de celle-ci.
Qu’aucune des lettres qu’il a reçues de sa cocontractante ne l’invite à rédiger les actes préparatoires de l’assemblée générale au 12 février 2002 et ne le convoque à assister à cette assemblé générale.
Considérant que la preuve de ses honoraires étant faite par les documents produits, il convient de condamner la société ASH à lui payer la somme de 66.264 000 F et confirmer conséquemment la décision critiquée de ce chef.
Considérant que Me AVLESSY ne fait pas la preuve du préjudice que lui cause l’appel interjeté par la société ASH.
Qu’en tout état de cause, il ne saurait être reproché à celle-ci d’exercer les voies de recours prévues par la loi.
Que dès lors, il convient de rejeter comme mal fondée la demande de Me AVLESSY tendant au paiement de dommages-intérêts pour appel abusif et vexatoire.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
Déclare Monsieur K. irrecevable en son appel.
Déclare par contre la société ASH INTERNATIONAL DISPOSAL recevable.
L’y dit mal fondée.
L’en déboute.
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Déboute Maître AVLESSY de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts mal fondée.
Condamne la société ASH INTERNATIONAL aux dépens de l’instance.
PRESIDENT : Mme YAO-KOUAME ARKHURST H. MARIE FELICITE.