J-08-83
Recouvrement de créance – Injonction de payer – Signification à la personne du débiteur (non) – Saisie-attribution de créance – Opposition du débiteur à l’ordonnance d’injonction de payer – Computation du délai – Dénonciation de la saisie au débiteur (non) – Recevabilité de l’opposition (oui).
Recouvrement de créance – Créance – Effets de commerce – Effets libellés au nom de la société (non) – Effets endossés au profit de la société (non) – Engagement de la société (non).
L’ordonnance d’injonction de payer querellée n’ayant jamais été signifiée à la personne du débiteur, la computation du délai d’opposition ne peut être admise à compter de la date de la saisie-attribution, première mesure d’exécution, dès lors qu’elle n’a pas été dénoncée conformément aux dispositions de l’article 160 de l’Acte uniforme portant organisation des voies d’exécution.
Par conséquent, il y a lieu de déclarer l’opposition recevable.
S’il est vrai que les organes de direction, de gestion et d’administration d’une société commerciale ont pouvoir pour engager la société sans avoir à justifier d’un mandat spécial, l’appelant doit être débouté de sa demande en recouvrement, dès lors que l’attitude desdits organes laisse croire qu’il s’agit d’une relation personnelle portant entre eux et la société débitrice.
Il en est ainsi lorsque les organes de gestion, de direction et d’administration, bénéficiaires d’effets de commerce en vertu des relations commerciales entretenues par leur société avec une autre débitrice, les endossent au profit d’un tiers autre que leur société, sans rapporter la preuve du lien de causalité existant entre le nouveau bénéficiaire et cette dernière entité sociale.
Cour d’Appel d’Abidjan, 1ère Chambre Civile et Commerciale, Arrêt n 527 du 20 mai 2005, Affaire : SOCIETE IDF, SARL c/ SNC FATIMA, SARL. Le Juris Ohada n 3/2007, p. 38.
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties en leurs conclusions.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Suivant exploit daté du 03 février 2003 de Maître AYIE KIPRE THERESE, Huissier de Justice à Abidjan, la Société IDF SARL, agissant aux poursuites et diligences de son représentant légal, a interjeté appel contre le jugement n 19/2003 du 08 janvier 2003 rendu par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, qui en la cause a statué ainsi :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale et en premier ressort :
Déclare recevable et bien fondée l’opposition introduite par la Société SNC FATIMA.
Déboute la Société IDF de sa demande en recouvrement.
Condamne la Société IDF aux dépens ».
Dans son acte d’appel valant premières conclusions, la Société IDF SARL expose qu’elle a vendu à la Société SNC FATIMA, et ce, à la suite de bon de commande, diverses pièces de véhicules d’un montant de 65 507.300 francs CFA, pour lequel elle a sollicité et obtenu du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, l’ordonnance d’injonction de payer N 3768/2002 condamnant l’intimée à lui payer la somme sus indiquée.
Cependant, elle souligne qu’à la date du 19 juillet 2002, la SNC FATIMA a formé opposition contre l’ordonnance dont s’agit, suite à la signification à elle faite, le 28 mai 2002.
Et, elle poursuit pour dire que le 08 janvier 2003, le Tribunal de Première Instance statuant sur cette action déclarait, contre toute attente, la Société SNC FATIMA recevable en son opposition, et elle, mal fondée en sa demande en recouvrement.
Pour elle, soutient-elle, une telle décision mérite la censure de la Cour de céans pour violation de l’article 10 alinéa 2 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
La Société IDF SARL souligne In limine litis l’irrecevabilité de l’opposition formée par la Société SNC FATIMA, tirée de la violation de l’article 10 alinéa 2 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Selon elle, et aux termes de l’article 10 suscité, l’opposition doit être formée dans les 15 jours suivant la première mesure d’exécution, lorsqu’il est établi que l’acte de signification de l’ordonnance d’injonction de payer n’a pas été signifié à la personne même du débiteur.
Or, l’appelante souligne qu’une saisie-attribution a été pratiquée le 02 juillet 2002, en vertu de l’ordonnance querellée sur les sommes détenues par la SOTRA pour le compte de la Société SNC FATIMA, suivant exploit de Maître TIHERI LAURENT, Huissier de Justice à Abidjan.
Ainsi, elle affirme que la SNC FATIMA disposait d’un délai de quinze jours pour former opposition, à compter de cette date, et en application des dispositions de l’article 10 alinéa 2.
Tel n’est pas le cas en l’espèce, poursuit-elle, la SNC FAT/MA a exercé cette voie de recours à la date du 19 juillet 2002, soit plus de quinze (15) jours après la saisie-attribution.
Dès lors, il échet de déclarer l’opposition irrecevable.
Subsidiairement, l’appelant sollicite l’infirmation du jugement querellé et la condamnation de l’intimée au payement de la somme de 65 507.300 francs, car cette dernière ne justifie pas l’avoir désintéressée depuis la livraison des pièces commandées.
En réplique aux écritures de l’appelante, la SNC FATIMA se réjouit du fait que la Société IDF SARL reconnaisse que l’ordonnance d’injonction de payer querellée n’ait pas été signifiée à sa personne.
Cependant, la Société IDF SARL qui, selon elle, veut faire courir le délai d’opposition imparti à partir du 02 juillet 2002, date de la saisie-attribution qu’elle aurait fait pratiquer entre les mains de la SOTRA à son préjudice, oublie que ladite saisie-attribution était pratiquée entre les mains d’un tiers, en l’occurrence la SOTRA, celle-ci doit être obligatoirement dénoncée au débiteur saisi, en l’occurrence elle.
Et, c’est cet acte de dénonciation qui constitue pour le débiteur saisi, le premier acte, la première mesure d’exécution à partir de laquelle commence à courir le délai d’opposition, argumente la SNC FATIMA.
Or, elle souligne qu’en l’espèce, la saisie-attribution du 02 juillet 2002 n’a nullement été dénoncée à sa personne.
Ainsi, aucun délai n’ayant couru à son égard, l’opposition formée par elle à la date du 19 juillet 2002 doit donc être déclarée recevable en la forme.
Poursuivant son argumentation, la SNC FATIMA souligne que dans son acte d’appel daté du 31 janvier 2003, la Société IDF justifie le fondement de sa créance par des bons de livraison de pièces de véhicule qu’elle aurait effectuées à son profit, or dans sa requête aux fins d’injonction de payer en date du 15 mai 2002, IDF justifiait sa créance par des effets de commerce revenus impayés, et c’est donc sur le fondement de l’article 2 de l’Acte Uniforme de l’OHADA sur les procédures simplifiées de recouvrement, que l’appelante a sollicité et obtenu l’ordonnance de condamnation querellée.
Cependant, elle soutient, comme l’a reconnu le Premier Juge, « aucun des effets de commerce ou chèques émis par la SNC FATIMA et produits au dossier n’ont été libellés au nom de la Société IDF;en outre, il n’est pas non plus rapporté la preuve que lesdits effets ont été endossés à son profit par leur bénéficiaire, le nommé A.;dès lors, dans ces conditions, seul le bénéficiaire desdits effets a qualité pour en réclamer leur payement.
En conséquence, elle sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.
Reprenant ses écritures, la Société IDF soutient que le premier Juge a méconnu les dispositions pertinentes du Traité OHADA sur le droit des société, en décidant tel qu’il l’a fait.
Pour elle, la conjugaison des dispositions des articles 121 et 277 de l’Acte Uniforme sur le droit des sociétés commerciales et groupements d’intérêt économique permet de relever qu’à l’égard des tiers, les organes de gestion, de direction et d’administration ont, dans les limites fixées par le présent acte uniforme pour chaque type de société, tout pouvoir pour engager la société, sans avoir à justifier d’un mandat spécial. Toute limitation de leurs pouvoirs légaux par les statuts est inopposable aux tiers ».
En d’autres termes, les gérants, les Directeurs Généraux et autres organes de direction des personnes morales n’ont pas à justifier, dans leurs relations avec les tiers, d’un mandat, dit l’appelante.
Ainsi, en application de ces principes sus énoncés, le jugement qui décide que les effets de commerce n’ont pas été libellés au profit de la personne morale mais de son représentant légal, et que la preuve n’est pas faite de l’endossement de ces effets au profit de la personne morale, n’est pas conforme au droit.
Dès lors, elle sollicite l’infirmation du jugement querellé.
Le Ministère Public a conclu à la recevabilité de l’appel de IDF et au bien-fondé de sa demande de recouvrement, en redonnant à l’ordonnance d’injonction de payer n 3768/2002, son plein et entier effet.
SUR CE
Les parties ayant conclu et déposé, il convient de statuer contradictoirement à leur égard.
EN LA FORME
SUR LA RECEVABILITE DE L’OPPOSITION
D’une part, l’article 10 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant recouvrement des créances simplifiées et voies d’exécution dispose que « … Toutefois, si le débiteur n’a pas reçu personnellement la signification de la décision portant injonction de payer, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai de quinze jours suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponible, en tout ou en partie, les biens du débiteur. », et d’autre part, l’article 160 du même Acte uniforme dispose que « dans un délai de huit jours, à peine de caducité, la saisie est dénoncée au débiteur par acte d’huissier ou d’agent d’exécution ».
En l’espèce, la Société IDF ne conteste pas que l’ordonnance querellée n’a jamais été signifiée à la personne de l’intimée, et mieux, par exploit d’huissier daté du deux (02) juillet 2002, a fait pratiquer saisie-attribution des sommes dues à la SNC FATIMA par la SOTRA, entre les mains de celle-ci.
Or, cette saisie-attribution, qui serait la première mesure d’exécution, ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou en partie les biens de sa débitrice, telle qu’admise par l’alinéa 2 de l’article 10 suscité, n’a pas été dénoncée conformément aux dispositions de l’article 160 précitées.
Dès lors, la computation du délai d’opposition ne peut être admise à compter de la date de la saisie-attribution.
Il échet en conséquence, de déclarer l’opposition intervenue entre temps recevable.
AU FOND
SUR LA DEMANDE EN RECOUVREMENT DE CREANCE DE LA SOCIETE IDF
S’il est vrai qu’il résulte des dispositions de l’article 121 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et groupements d’intérêt économique, qu’à l’égard des tiers, les organes de gestion, de direction et d’administration ont, dans les limites fixées par le présent Acte uniforme pour chaque type de société, tout pouvoir pour engager la société sans avoir à justifier d’un mandat spécial, il n’est pas moins vraisemblable que l’attitude des organes de gestion, de direction et d’administration qui, bénéficiaires d’effets de commerce en vertu des relations commerciales entretenues par leur société avec une autre débitrice, et les endosse au profit d’un tiers autre que leur société, sans rapporter la preuve de lien de causalité existant entre le nouveau bénéficiaire et cette dernière entité sociale, ne laisse croire qu’il s’agisse d’une relation personnelle prévalant entre eux et la société débitrice.
Or en l’espèce, tel est le cas.
Dès lors, il échet de débouter la Société IDF de sa demande en recouvrement.
SUR LES DEPENS
IDF succombe;il convient la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort.
Déclare l’appel formé par la Société IDF contre le jugement civil N 19 du 08 janvier 2003, recevable.
L’y dit mal fondée.
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Condamne la Société IDF aux dépens.
PRESIDENT : M. YAO-KOUAME ARKHURST H. MARIE FELICITE.