J-08-84
Procédures collectives – Règlement préventif – Suspension des poursuites individuelles – Condition – Indication par le débiteur dans la requête (non) – Créance non comprise dans le concordat (oui) – Opposabilité au créancier poursuivant (non).
Les créances des intimés n’ayant pas été désignées dans le concordat proposé, comme l’exige l’article 9 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, l’appelant ne peut se prévaloir de l’ordonnance de règlement préventif pour contester la saisie-vente.
Cour d’Appel d’Abidjan, 5ème Chambre B Civile et Commerciale, Arrêt n 842 du 11 juillet 2006, Affaire : SOCIETE « TRANSFORMATION DES BOIS TROPICAUX » dite TBT c/ 1 ). MLLE T. 2 ). M. K. 3 ). M. D. ET 04 AUTRES. Le Juris Ohada n 3/2007, p. 42.
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après.
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit d’huissier en date du 29 mars 2006 comportant ajournement au 11 avril 2006, la Société « TRANSFORMATION DES BOIS TROPICAUX » dite TBT, représentée par Monsieur I. et ayant pour Conseil Maître HONORE KOUOTO-ATEBI, Avocat près la Cour d’Appel d’Abidjan, a relevé appel de l’ordonnance de référé N 333 rendue le 13 mars 2006 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan qui, en la cause, a statué comme suit :
« Statuant en audience publique, par décision contradictoire, en matière d’urgence et en premier ressort.
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent, vu l’urgence.
Recevons la Société TBT en son action.
L’y disons mal fondée, l’en déboutons.
La condamnons aux dépens ».
Il ressort des énonciations de cette décision, que par jugement social contradictoire N 832/CS3/2004 rendue le 21 juillet 2004, la Société TBT a été condamnée par le Tribunal du Travail d’Abidjan à payer à Melle T. et 6 autres, ses ex-employés, la somme totale de 18.253.428 F à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Cette décision, bien que signifiée à la Société TBT le 31 aoûtt 2004, n’a fait l’objet d’aucun recours, et le 28 décembre 2004, par ordonnance N 6303/2004, ladite Société obtient son admission au bénéfice du règlement préventif.
Cette décision, qui ordonne la suspension de l’ensemble des poursuites individuelles entreprises à l’encontre de la Société TBT, et qui précise que la suspension sera opposable à tous les créanciers de la Société TBT, a été signifiée le 10 octobre 2005 à Melle T. et 6 autres.
Mais, le 25 janvier 2006, ceux-ci faisaient pratiquer une saisie-vente sur les biens meubles de la Société TBT, en exécution du jugement social de condamnation.
Ainsi, par exploit d’huissier daté du 27 février 2006, la Société TBT a saisi le Juge des référés pour solliciter la mainlevée de la saisie pratiquée, aux motifs que celle-ci est en violation des dispositions de l’ordonnance de règlement préventif, en ce que celle-ci suspend toutes les poursuites de tous les créanciers et que le maintien de la saisie préjudicierait aux intérêts des autres créanciers.
Les défendeurs, pour leur part, ont déclaré que cette ordonnance ne peut leur être appliquée.
Pour statuer comme il l’a fait, le Juge des référés a estimé que la créance dont le paiement est poursuivi est une créance de salaire, et qu’aux termes des articles 9 et 11 de l’Acte Uniforme relatif aux procédures collectives, la suspension des poursuites individuelles ne s’étend pas à ce type de créances.
Il a donc conclu que la Société TBT n saurait se prévaloir de l’ordonnance de règlement préventif, pour contester la saisie vente en cause, et l’a déboutée.
Au soutien de son appel contre cette décision, la Société TBT déclare que le Juge des référés a erré en qualifiant de créances de salaire, des dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Les dommages et intérêts n’ayant pas, selon elle, un caractère de salaire, elle sollicite l’infirmation de l’ordonnance querellée, et par conséquent, la mainlevée de la saisie-vente.
Les intimés, quant à eux, indiquent que la créance dont le recouvrement est entrepris, résulte d’une obligation de l’employeur à l’égard de ses ex-travailleurs, laquelle est née de la rupture abusive du lien social ayant existé entre eux, de sorte qu’elle a un caractère de salaire.
Ils ajoutent que leur créance, bien qu’antérieure à l’ordonnance portant suspension des poursuites individuelles, n’a pas été comprise dans le concordat établi par la Société TBT, et ce, contrairement aux dispositions de l’article 9 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.
Ils concluent donc à la confirmation de l’ordonnance entreprise.
DES MOTIFS
Toutes les parties ayant conclu, il y a lieu de statuer contradictoirement.
EN LA FORME
L’appel de la Société TBT a été interjeté dans les forme et délai prescrits par la loi;il échet de le déclarer recevable.
AU FOND
Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 5 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, la requête en règlement préventif doit indiquer les créances pour lesquelles le débiteur demande la suspension des poursuites individuelles.
L’article 9 alinéa 1 ajoute que la décision de suspension des poursuites individuelles s’applique aux poursuites tendant à obtenir le paiement des créances désignées par le débiteur et nées antérieurement à ladite décision.
En l’espèce, à l’examen des pièces du dossier, il apparaît que la créance de T. et autres, bien que née antérieurement à la décision de règlement préventif, n’a pas été indiquée par la Société TBT comme étant une créance pour laquelle elle demande la suspension des poursuites individuelles.
Or, l’une des conditions exigées par l’article 9 sus indiqué pour obtenir la suspension des poursuites individuelles, est que la créance ait été visée dans la requête.
Ainsi, la créance de T. et 6 autres n’ayant pas été désignée dans le concordat proposé, il apparaît de façon évidente que l’une des conditions cumulatives de l’article 9 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif n’est pas établie.
Dès lors, c’est à bon droit que le Premier Juge a indiqué que la Société TBT ne peut se prévaloir de l’ordonnance de règlement préventif N 6308 du 28 décembre, pour contester la saisie vente.
Il convient donc de confirmer l’ordonnance querellée, en substituant aux motifs invoqués par le Juge des référés, ceux ci-dessus développés.
La Société TBT, qui succombe en la cause, doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort.
EN LA FORME
Déclare recevable la Société de Transformation de Bois Tropicaux dite TBT, en son appel relevé de l’ordonnance de référé N 333 rendue le 13 mars 2006 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan.
AU FOND
L’y dit mal fondée et l’en déboute.
Confirme ladite ordonnance, par substitution de motifs.
Condamne la Société TBT aux dépens.
PRESIDENT : M. DIALLO MAHAMADOU.