J-08-101
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE – CCJA – MOYEN FONDE SUR LA Violation des articles 38 et 156 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution : NON – rejet.
MOYEN FONDE SUR LA Violation de l’article 153 de l’Acte uniforme Portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution – pretendue omission de condamnation aux interets et aux frais – interets et frais non liquides par le jugement en execution – moyen non fonde – rejet.
La Cour d’Appel, pour rendre l’arrêt objet du pourvoi, a été saisie sur appel relevé d’une ordonnance ayant ordonné la mainlevée d’une saisie-attribution de créance. La Cour d’Appel n’ayant été saisie ni du problème de responsabilité d’un tiers ni de celui d’un tiers saisi, l’arrêt attaqué n’a pu violer les dispositions des articles 38 et 156 de l’Acte uniforme sus indiqué.
L’arrêt ayant prononcé la condamnation à titre d’indemnité de préavis, n’a à aucun moment précisé à partir de quelle date doivent courir les intérêts de droit, cette date pouvant être soit le jour de l’assignation, soit le jour de l’arrêt, soit le jour de la signification de l’arrêt, et les dépens réclamés n’ayant ni été liquidés par le jugement, ni fait l’objet d’une taxation par le Président du Tribunal, les intérêts de droit et les frais réclamés ne peuvent donc être recouvrés, en application de l’article 153 de l’Acte uniforme sus indiqué. En ordonnant la mainlevée de la saisie-attribution du 05 mars 2004, la Cour d’Appel n’a en rien violé les dispositions dudit article 153.
Article 38 AUPSRVE
Article 153 AUPSRVE
Article 156 AUPSRVE
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), Arrêt n 031/2006 du 28 décembre 2006, Audience publique du 28 décembre 2006, Pourvoi : n 095/2004/PC du 06 septembre 2004, Affaire : COLINA S.A. (Conseil : Maître Agnès OUANGUI, Avocat à la Cour). c/ 1 ). Union des Transporteurs de Bouaké dite UTB S.A. (Conseils : Maîtres AHOUSSOU, KONAN & Associés, Avocats à la Cour);2 ). Banque Internationale de l’Afrique de l’Ouest COTE D’IVOIRE dite BIAO-CI (Conseil : Maître Le PRINCE D. BLESSY, Avocat à la Cour). Recueil de Jurisprudence N 8 / 2006, p. 46. Le Juris Ohada, n 2/2007, p. 15.
LA COUR Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), Première Chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 28 décembre 2006, où étaient présents :
– Messieurs, Jacques M’BOSSO, Président;
– Maïnassara MAIDAGI, Juge, rapporteur;
– Biquezil NAMBAK, Juge;
– Et, Maître ASSIEHUE Acka, Greffier.
Sur le pourvoi enregistré le 06 septembre 2004 au greffe de la Cour de céans sous le n 095/2004/PC et formé par Maître Agnès OUANGUI, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan, immeuble SIPIM, 5ème étage, 24 boulevard Clozel, 01 BP 1306 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de COLINA S.A, société anonyme, sise à Abidjan Plateau, boulevard Roume, immeuble COLINA, 01 BP 3832 Abidjan 01, agissant aux poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur Raymond FARHAT, Directeur général, demeurant à Cocody, rue des Belliers, 04 BP 31 Abidjan 04, dans la cause l’opposant d’une part, à l’UNION DES TRANSPORTEURS DE BOUAKE dite UTB S.A, dont le siège est à Bouaké, 01 BP 285 Bouaké 01, prise en la personne de son représentant légal Monsieur KOUAME KONAN N’SIKAN, et ayant pour Conseils la SCPA AHOUSSOU, KONAN & Associés, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan, 19 boulevard Angoulvant, immeuble Neuilly, 1er étage, 01 BP 1366 Abidjan 01 et, d’autre part, à la Banque Internationale de l’Afrique de l’Ouest COTE D’IVOIRE dite BIAO-CI, société anonyme dont le siège est au 8-10 avenue Joseph Anoma à Abidjan Plateau, 01 BP 1274 Abidjan 01, représentée par Monsieur Philippe Van OOSTERZEE, Administrateur Directeur général, domicilié à Abidjan Cocody, II Plateaux, Rue des Jardins, Lots 360 et 364.
en cassation de l’Arrêt n 685 rendu le 22 juin 2004 par la Cour d’Appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé et en dernier ressort.
EN LA FORME :
Déclare recevable l’appel relevé par la Société COLINA le 27 avril 2004, de l’ordonnance de référé n 1455/04 rendue le 31 mars 2004 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan.
AU FOND :
L’y dit mal fondée.
L’en déboute.
Confirme ladite ordonnance en toutes ses dispositions.
La condamne aux dépens ».
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt :
Sur le rapport de Monsieur le juge Maïnassara MAÏDAGI
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure, que dans un litige opposant COLINA S.A à l’UNION DES TRANSPORTEURS DE BOUAKE dite UTB S.A, la première avait obtenu, par Arrêt n 270 rendu le 05 mars 1999 par la Cour d’Appel d’Abidjan, la condamnation de la seconde à lui payer la somme de 27 040.390 FCFA au titre d’indemnité de préavis;que munie de cette décision, COLINA S.A. a entrepris des mesures d’exécution à l’encontre de UTB S.A, en pratiquant des saisies-attributions de créances en date du 07 mai 2001 entre les mains de la BIAO-CI et de la BICICI, pour avoir paiement du principal, des intérêts et frais;qu’estimant que la BIAO-CI et la BICICI n’avaient pas apporté leurs concours, alors qu’elles avaient été légalement requises, COLINA S.A. avait saisi le juge des référés à l’effet d’obtenir la condamnation solidaire de celles-ci à lui payer le montant des causes de la saisie-attribution de créance;que par Ordonnance n 2266/2ème CA CIV en date du 12 juin 2001, la juridiction présidentielle du Tribunal d’Abidjan condamnait, in solidum, la BIAO-CI et la BICICI au paiement de la somme de 27 040.390 FCFA;que munie de cette décision, COLINA S.A. entreprenait une exécution à l’encontre de la BIAO-CI, exécution suite à laquelle la BIAO-CI avait procédé au paiement de la somme de 30.270.251 FCFA, représentant 27 040.390 FCFA en principal, 1.386.838 FCFA en intérêts de droit calculés à compter de la date de l’Ordonnance sus indiquée, et 1.845 023 FCFA au titre des frais de procédure;que considérant que le paiement effectué par la BIAO-CI n’avait pas pris en compte les intérêts de droit et frais découlant de l’arrêt de condamnation initial de la Cour d’Appel, COLINA S.A entreprenait une autre mesure d’exécution à l’encontre de UTB S.A, sa débitrice initiale, pour lui réclamer le montant desdites sommes qu’elle estimait s’élever à 21.616.298 FCFA;que suite à une saisie-attribution de créance pratiquée sur ses comptes domiciliés à la BIAO-CI, UTB S.A. saisissait le juge des référés, lequel, par Ordonnance n 1455 du 31 mars 2004, ordonnait la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 10 mars 2004 par COLINA S.A;que sur appel de cette dernière, la Cour d’Appel d’Abidjan rendait l’Arrêt confirmatif n 685 en date du 22 juin2004, objet du présent pourvoi.
Sur le premier moyen
Vu les articles 38 et 156 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé ou commis une erreur dans l’interprétation des dispositions des articles 38 et 156 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que la Cour d’Appel, pour faire droit à la demande de mainlevée de UTB S.A. relative à la saisie-attribution de créance du 10 mars 2004, a considéré « que la COLINA SA. ne contestant pas que l’exécution entreprise par elle, a abouti au paiement de la somme de 31 040.350 FCFA, elle ne peut donc entreprendre une exécution du même Arrêt n 270 du 05 mars 1999 », alors que, selon le moyen, il résulte des dispositions desdits articles 38 et 156 sus indiqués, que le tiers saisi qui ne respecte pas ses obligations légales énumérées aux termes desdits articles, peut être condamné au paiement des causes de la saisie en sus des dommages-intérêts;que c’est sur le fondement desdits articles 38 et 156 que le juge des référés a, par Ordonnance de référé n 2266 du 12 juin 2001, prononcé la condamnation personnelle et solidaire des sociétés BIAO-CI et BICICI à payer la somme de 27 040.390 FCFA pour non respect des obligations légales incombant aux tiers saisis, Ordonnance en exécution de laquelle la requérante a entrepris des mesures d’exécution à l’encontre de la BIAO-CI, laquelle a procédé le 11 juin 2002, au paiement de la somme de 30.270.251 FCFA;qu’il apparaît donc au vu de ce qui précède, que le paiement de la somme de 30.270.251 FCFA par la BIAO l’a été à titre personnel, au titre de la condamnation prononcée à son encontre;que par conséquent, la Cour d’Appel d’Abidjan, en statuant comme elle l’a fait, a manifestement méconnu les dispositions des articles 38 et 156 sus évoqués.
Attendu que les articles 38 et 156 de l’Acte uniforme susvisé disposent respectivement que « les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures, en vue de l’exécution ou de la conservation des créances. Ils doivent y apporter leur concours lorsqu’ils en sont légalement requis. Tout manquement par eux à ces obligations peut entraîner leur condamnation à verser des dommages-intérêts. Le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut également, et sous les mêmes conditions, être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf son recours contre le débiteur », et « le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier, l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur, ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures. Il doit communiquer copie des pièces justificatives.
Ces déclarations et communications doivent être faites sur le champ à l’huissier ou à l’agent d’exécution, et mentionnées dans l’acte de saisie, ou au plus tard dans les cinq jours, si l’acte n’est pas signifié à personne.
Toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à être condamné au paiement des causes de la saisie, sans préjudice d’une condamnation au paiement de dommages-intérêts ».
Attendu que la Cour d’Appel d’Abidjan, pour rendre l’Arrêt n 685 du 22 juin 2004, objet du présent pourvoi, a été saisie sur appel relevé contre l’Ordonnance n 1455 du 31 mars 2004 ayant ordonné la mainlevée d’une saisie-attribution de créance pratiquée par COLINA S.A au préjudice de UTB S.A;que la Cour d’Appel a confirmé l’ordonnance attaquée en toutes ses dispositions, au motif, entre autres, « que la COLINA S.A. ne contestant pas que l’exécution entreprise par elle, a abouti au paiement de la somme de 31.772 251 francs pour une condamnation principale de 27 040.390 FCFA, elle ne peut donc entreprendre une exécution du même Arrêt n 270 du 05 mars 1999 »;que la Cour d’Appel n’ayant été saisie ni du problème de responsabilité d’un tiers, ni de celui d’un tiers saisi, l’arrêt attaqué n’a pu violer les dispositions sus énoncées des articles 38 et 156 de l’Acte uniforme susvisé;qu’il s’ensuit que le premier moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.
Sur le second moyen
Vu l’article 153 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé ou commis une erreur dans l’interprétation des articles 153 et 157 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que la Cour d’Appel, pour conclure à la confirmation de l’Ordonnance de référé n 1455 du 31 mars 2004, a soutenu que « la COLINA S.A réclame des intérêts de droit à compter de la date d’assignation, alors que l’arrêt dont l’exécution est entreprise est relatif à un problème de responsabilité civile, de sorte qu’il a un caractère constitutif … en ce sens que les intérêts de cette créance courent non pas à compter de l’assignation, mais à compter de la décision de condamnation … ainsi, les intérêts calculés à compter de l’assignation ne sont pas dus », alors que selon le moyen, de l’analyse des articles 153 et 157 sus indiqués, le créancier disposant d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, pratiquer une mesure de saisie-attribution de créance à l’encontre de son débiteur, cette mesure d’exécution devant consister en la réclamation du paiement non seulement du principal, mais également, des intérêts de droit et frais dus au titre de la décision de condamnation;que toujours selon le moyen, l’arrêt du 05 mars 1999 est admis par la jurisprudence, contrairement à ce que soutient la Cour d’Appel, comme étant une décision déclarative de droit, en ce qu’il ne fait que constater une situation préexistante, et contraindre le débiteur à exécuter une prestation à laquelle il est tenu en cas de non respect du délai de préavis prévu par l’article 9 de la Convention du 07 mars 1995 liant les parties, et l’article 21 du code CIMA;que la créance existant déjà au jour de la demande en justice, c’est à juste titre que la bénéficiaire a fait courir les intérêts de droit dus par la Société UTB à partir de la date de l’assignation introductive d’instance jusqu’à la date de la remise du chèque de règlement du principal par la BIAO-CI, en sa qualité de tiers saisi.
Attendu qu’aux termes de l’article 153 de l’Acte uniforme susvisé, « tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers, des créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations ».
Attendu qu’il ressort de l’analyse des dispositions sus énoncées de l’article 153 de l’Acte uniforme susvisé, que pour qu’un créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance puisse, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur, il faut que ladite créance soit liquide et exigible.
Attendu, en l’espèce, que COLINA S.A avait procédé à la saisie-attribution de créance du 10 mars 2004 en vue de recouvrer, selon elle, les intérêts de droit découlant de l’Arrêt de condamnation n 270 du 05 mars 1999 et allant du jour de l’assignation à la date de la remise du chèque de règlement du principal par la BIAO-CI en sa qualité de tiers saisi, ainsi que les frais.
Mais attendu que l’arrêt n 270 du 05 mars 1999, bien qu’ayant condamné UTB S.A. à payer la somme de 27 040.390 F à COLINA S.A. à titre d’indemnité de préavis, n’a à aucun moment précisé à partir de quelle date doivent courir les intérêts de droit, cette date pouvant être soit le jour de l’assignation, soit le jour de l’arrêt, soit le jour de signification de l’arrêt;que d’autre part, les dépens réclamés par COLINA S.A. n’ont ni été liquidés par le jugement, ni fait l’objet d’une taxation par le Président du Tribunal;que de tout ce qui précède, les intérêts de droit et les frais réclamés par COLINA S.A n’étant pas liquides, ne peuvent donc être recouvrés, en application de l’article 153 sus énoncé de l’Acte uniforme susvisé;qu’en ordonnant la mainlevée de la saisie-attribution du 05 mars 2004, la Cour d’Appel n’a en rien violé les dispositions dudit article 153 et qu’en conséquence, le second moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.
Attendu que COLINA S.A ayant succombé, il échet de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Rejette le pourvoi formé par COLINA S.A.
La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
– le Président;.
– le Greffier.