J-08-109
SOCIETES COMMERCIALES – ASSEMBLEE GENERALE – DECISION PRISE A L’UNANIMITE – ABUS DE MINORITE – CONDITIONS NON REUNIES – FAUTE (NON) – REJET.
Le délit d’abus de minorité, pour être constitué, suppose d’une part que le vote ait porté sur une opération essentielle pour la société et, d’autre part, que l’opposition des minoritaires ait porté atteinte à l’intérêt social.
Mais il suppose, essentiellement, que la minorité, par son vote, ait empêché de prendre la décision nécessitée par l’intérêt de la société. Tel n’est pas le cas lorsque la décision incriminée a été prise à l’unanimité.
(Tribunal de Grande Instance du Mfoundi, JUGEMENT CIVIL N 205 DU 12 JANVIER 2004, AFFAIRE SNAC C/ MOUICHE).
LE TRIBUNAL
Vu les dispositions légales.
Vu les pièces du dossier de procédure.
Attendu que par exploit du 9 Novembre 2001 à la requête conjointe de la Société Nouvelle d’Assurance du Cameroun (SNAC) SA la Société SNAC-VIE SA;les sieurs Jean-Yves Julien et Jean CHEBAUT, Me NGWE Gabriel Emmanuel Huissier de justice à Yaoundé, a assigné le sieur MOUICHE Moïse devant le Tribunal de Grande Instance de céans, statuant en matière civile et commerciale, pour s’entendre condamner à leur payer la somme de 50 000 000 F à titre de dommages-intérêts pour abus de minorité tel que prévu par l’article 131 de l’Acte Uniforme OHADA sur le droit des Sociétés Commerciales et le Groupement d’intérêt Économique.
Attendu que Me ADA NNENGUE Brigitte, pour le compte des demandeurs et Maîtres BAYEBEC et VOUKENG, pour le compte du défendeur, ont versé leurs conclusions écrites au dossier de procédure;qu’il y a lieu de statuer contradictoirement à l’égard de toutes les parties.
Attendu que dans ses conclusions datées du 26 Juin 2002, le sieur MOUICHE Moïse a présenté une demande reconventionnelle et a sollicité la somme de 50 000 000 F à titre de dommages-intérêts pour abus d’action en justice.
Que dans les mêmes conclusions il sollicite, au principal, le sursis à statuer en attendant l’issue de la procédure pénale pendante devant le Tribunal de Première Instance de Douala.
Attendu que les actions principale et reconventionnelle des parties ont été introduites dans les forme et délai de la loi;qu’il y a lieu de les déclarer recevables.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier que dans le but de se mettre en conformité avec les dispositions du codes des assurances des Etats membres de la « CIMA » et de l’Acte Uniforme OHADA sur les Sociétés commerciales et le groupement d’intérêt économique, préconisant la séparation des opérations d’assurances-vie et d’assurance de dommages, les actionnaires de la SNAC avaient tenu une assemblée générale mixte le 14 Octobre 1998 à Douala.
Que décision fut prise de transférer le portefeuille-vie de la SNAC à la Société « SNAC-VIE »;créée à cette fin, avec un capital détenu à 85,5% par « ATHENA-Afrique », actionnaire majoritaire de la SNAC par rapport au sieur MOUICHE Moïse, actionnaire minoritaire.
Que quelques jours après cette assemblée générale mixte, le sieur MOUICHE Moïse dénonce la procédure adoptée pour la constitution de cette nouvelle Société à travers une série de correspondances.
Sur la demande de sursis à statuer
(…).
Sur l’action principale en abus de minorité
Attendu que les demandeurs déclarent dans leurs écritures que les actes posés par le sieur MOUICHE Moïse contre les dirigeants sociaux de la SNAC, les ordres qui leur ont été donnés par voie de sommation, le refus systématique par le défendeur de voter la résolution portant sur la convention de transfert du portefeuille vie de la SNAC à « SNAC-VIE » ainsi que les autres résolutions et les actes posés par la suite pour tenter d’imposer la scission des Sociétés sont constitutifs d’abus de minorité au regard de l’article 131 de l’Acte Uniforme OHADA sur le droit des Sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.
Attendu que le défendeur soutient de son côté que le fait pour lui d’avoir voté contre la résolution portant convention de transfert du portefeuille-vie n’a pas empêché l’adoption de cette résolution.
Que l’article 131 susvisé ne vise pas à restreindre le droit de vote des associés minoritaires ou à leur imposer un seuil dans lequel ils doivent exprimer leur suffrage.
Attendu que l’examen de l’article 131 (2) de l’Acte Uniforme OHADA visé a amené à relever l’exigence de deux conditions à l’abus de minorité, l’exigence d’une opération essentielle pour la Société, d’une part, la contrariété de l’opposition des minoritaires avec l’intérêt social, d’autre part.
Attendu que dans le cas de l’espèce il ressort de la lecture du procès-verbal de l’assemblée générale mixte du 14 Octobre 1998;dressé par Me Jacqueline Moussinga, que toutes les résolutions avaient été adoptées à l’unanimité.
Qu’il en découle la preuve suffisante que la position contraire du défendeur n’avait pu empêcher l’adoption des résolutions mises au vote.
Que le défendeur ne saurait dès lors être fautif d’abus de minorité pour les actes légitimement posés après le vote.
Que la décision du Tribunal de Première Instance de Douala, statuant en matière correctionnelle, montre bien que les demandeurs n’avaient pas tout mis en œuvre pour que les accusations portées contre le défendeur à la suite de ces actes prospèrent.
Que la responsabilité prévue pour l’alinéa 1 de l’article 131 requiert que soit établie la faute, entre autres éléments.
Que cette faute n’existant pas dans le cas de l’espèce, que la réparation sollicitée par les demandeurs principaux n’est pas fondée.
Sur la demande reconventionnelle d’abus d’action en justice
(…).
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière civile et commerciale et en premier ressort.
Reçoit les demandes principales et reconventionnelles des parties en la forme.
AU FOND.
(…)Déboute les sieurs J. Yves Julien, Jean CHEBAUT et autres de leur demande de 50 000 000 F pour abus de minorité comme mal fondée;(…).