J-08-116
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – MODIFICATION DES CLAUSES DU BAIL – LOYERS – REVISION – ABSENCE D’ACCORD – REVISION JUDICIAIRE – CONDITIONS.
En l’absence d’accord des parties sur le nouveau montant du loyer, la juridiction compétente saisie fixe le nouveau loyer en tenant compte des éléments prévus à l’article 85 de l’AUDCG.
En l’espèce, le locataire estimait que le montant du loyer du devait être revu à la baisse car non seulement la surface louée avait été surestimée lors de la conclusion du contrat mais également il avait connu depuis la conclusion du contrat une baisse de son chiffre d’affaires du fait du blocage des voies d’accès. Le bailleur pour sa part soutenait que le loyer devait être revu à la hausse compte tenu des loyers pratiqués dans le voisinage. Les juges en tenant notamment compte des prix moyens de location pratiqués dans le voisinage ont décidé que le loyer devait être revu à la hausse.
(Tribunal de Grande Instance de YAOUNDE, JUGEMENT CIVIL N 241 DU 21 JANVIER 2004, AFFAIRE Société HELCAM S.A C/ La S.C.I STAMA).
LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Ouï les parties en leurs demandes, fins et conclusions.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Attendu que par exploit du 30 avril 2005 du ministère de Maître TCHAME DEUNA Rachel huissier de justice à Yaoundé, enregistré le 30 mai 2003, volume 7, folio 80, case et bordereau 2522/2 aux droits de quatre mille francs, la Société HELCAM S.A ayant pour conseil Maître NKOUENDJIN YOTNDA, avocat au barreau du Cameroun, a fait donner assignation à la Société civile immobilière (SCI) STAMA, d’avoir à se trouver et comparaître par devant le Tribunal de Grande Instance du Mfoundi, statuant en matière civile et commerciale pour :
Recevoir la demande de la requérante et l’y dire fondée.
Constater que la sommation décidant unilatéralement de l’augmentation des loyers du local commercial litigieux à plus de 300% et donnant congé est tardive et illégale.
Constater que la requérante a saisi le Tribunal de céans aux fins de faire prévaloir son droit de préemption dans la cession de la SCI STAMA.
Constater que la requérante ne jouit plus du bail litigieux dans les mêmes conditions favorables, depuis la fermeture des principales voies d’accès au fonds de commerce de la requérante.
Constater par ailleurs que la surface commerciale louée n’est pas 1500 m² mais plutôt 1094 m².
Dire et juger que le loyer est ramené à 700 000 F pour le local commercial et 300 000 F pour le logement.
Nomme le greffier en chef du Tribunal de céans séquestre des loyers jusqu’à la décision définitive et relative à la cession de la SCI STAMA.
Dire que les dépens seront partagés par les parties.
Attendu qu’au soutien de son action, la demanderesse allègue par l’organe de son conseil susnommé qu’elle occupe dans l’unique immeuble constituant la SCI STAMA, un local à usage commercial et un autre à usage d’habitation, que le local commercial fait l’objet d’un bail duquel résulte que la surface louée est de 1500m² pour un loyer de 900 000 F par mois.
Que le local à usage d’habitation occupé par le Directeur de HELCAM n’avait pas fait l’objet d’un bail puisqu’il abrite la fille du gérant de la SCI STAMA et est cependant payé à 500 000 F par mois;qu’il résulte de la sommation faite à la demanderesse par la SCI STAMA que l’unique immeuble constituant cette Société civile immobilière a été vendu à un tiers non associé à ladite SCI et que le nouveau gérant majoritaire entend procéder à une augmentation de loyer en passant pour le bail commercial de 900 000 F à 3 000 000 F à raison de 2000 F le m².
Que la demanderesse s’oppose à une telle augmentation parce qu’elle a assigné la SCI STAMA en nullité de la vente ou cession de ladite Société civile immobilière, cela nonobstant les dispositions régissant le droit commercial article 93 de l’acte uniforme OHADA N 2 aux termes duquel le bailleur envisageant congé doit servir la mise en demeure avant l’expiration du bail, ce qui n’a pas été le cas.
Que par ailleurs un expert immobilier a procédé au métrage du magasin loué et son rapport fait savoir que la surface du local commercial est de 1094m² et non de 1500m².
Que la Société HELCAM ne jouit plus des conditions qu’elle avait auparavant en ce que l’ambassade des Etats-Unis a fait bloquer les voies principales d’accès ce qui a porté un coup fatal au chiffre d’affaires.
Qu’au regard de ces conditions, l’article 94 de l’Acte Uniforme suscité prévoit que la révision du loyer peut ne pas se faire uniquement à la hausse.
Que le gérant actuel au cas où les loyers dont l’augmentation est sollicitée venait à être payés il peut ne pas être en mesure de les rembourser, c’est pourquoi il convient de désigner le Greffier en Chef du Tribunal de céans séquestre;ce d’autant plus que le Tribunal de Grande Instance du Mfoundi saisi reconnaîtra le droit de préemption de la demanderesse.
Attendu que pour faire échec à l’action de la demanderesse, la défenderesse fait valoir par l’organe de son conseil Maître TCHAGANG, avocat au Barreau du Cameroun que la contestation d’augmentation des loyers élevée par la demanderesse n’est pas fondée.
Que le bail liant HELCAM à la SCI STAMA avait été signé pour le compte de la Société STAMA par la fille du gérant qui est l’épouse du directeur de HELCAM.
Que celle ci n’avait pas qualité pour le faire et l’a fait avec la complaisance et que c’est elle qui avait procédé au métrage des surfaces contenues dans le contrat de bail commercial.
Que tous les arguments liés à la baisse des activités de HELCAM ne sauraient prospérer ce d’autant plus que le prix moyen payé par mètre carré par d’autres locataires du nouvel acquéreur de l’immeuble est de 3775 F par mètre carré et les loyers payés par HELCAM sont payés à 636,6 F le mètre carré.
Qu’il convient de débouter la demanderesse.
Attendu qu’aux termes de l’article 85 de l’acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit commercial général « à défaut d’accord écrit entre les parties sur le nouveau montant du loyer, la juridiction compétente est saisie par la partie la plus diligente.
Pour fixer le montant du nouveau loyer, la juridiction compétente tient notamment compte de la situation des locaux, leur superficie, l’état de vétusté, le prix des loyers commerciaux couramment pratiqués dans le voisinage pour des locaux similaires ».
Attendu que fort des dispositions suscitées et se fondant sur le bail conclu entre la Société Air France et la défenderesse pour une superficie de 258 mètres carrés, le bail aurait été consenti pour un loyer mensuel de 1076 000 F que le contrat signé entre la Société BULL et la défenderesse pour un local de 248 m², cette Société payait un loyer mensuel de 800 000 F.
Qu’il s’ensuit que le prix moyen du mètre carré dans l’immeuble de la défenderesse en matière de bail commercial est de 3773 F le mètre carré.
Qu’en admettant que la surface louée par la Société HELCAM soit de 1094 mètres carrés et en appliquant le montant de 3773 F le mètre carré, le nouveau loyer d’un montant de 3 000 000 F par mois est exigé de la défenderesse reste raisonnable.
Qu’il convient d’admettre ce nouveau montant du loyer mensuel dû par HELCAM à la défenderesse.
Attendu qu’il n’y a pas lieu de désigner un séquestre, cette demande étant dès lors inutile.
Attendu que toutes les parties ont conclu.
Attendu que la partie qui succombe au procès en supporte les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et commerciale et en premier ressort.
Reçoit la Société HELCAM en son action;l’y dit mal fondée, l’en déboute.
Fixe le prix du loyer litigieux à 3 000 000 (trois millions) par mois.
Condamne la Société HELCAM aux dépens (…).