J-08-126
Voir Ohadata J-08-128
AUTORITE DE LA CHOSE JUGEE – NECESSITE D’IDENTITE DES PARTIES, DE LA CAUSE ET DE L’OBJET DES PROCEDURES EN PRESENCE – PRODECURE DE DISTRACTION D’IMMEUBLE SAISI ET DE RESTITUTION DU SOLDE CREDITEUR D’UN COMPTE BANCAIRE – IDENTITE DES PROCEDURES (NON).
CAUTIONNEMENT HYPOTHECAIRE – CAUTION SOLIDAIRE – CAUTION DECEDEE – DROIT DE RETENTION DU BANQUIER SUR LE SOLDE DU COMPTE BANCAIRE RECLAME PAR ELS AYANTS DROIT – ABSENCE DE CREANCE LIQUIDE ET EXIGIBLE – ABSENCE DE CONNEXITE ENTRE LA RETENTION ET LA CREANCE – HYPOTHEQUE SUFFISANTE POUR GARANTIR LA CREANCE DU BANQUIER – MAINLEVEE DU DROIT DE RETENTION.
En l’état d’une demande par les héritiers du titulaire d’un compte bancaire, du solde de ce compte, il ne peut être opposé l’autorité de la chose jugée par une ordonnance refusant la distraction d’un immeuble saisi par la banquier créancier du défunt au titre d’un cautionnement hypothécaire solidaire, les deux procédures ne présentant pas une identité d’objet et de cause, même si les parties sont identiques.
Le banquier ne peut, face à la demande des héritiers, opposer le droit de rétention sur le solde du compte bancaire appartenant au défunt, jusqu’à complet paiement de ce qui lui est dû par son débiteur principal même si sa créance à son égard est matérialisée par la convention de compte courant avec cautionnement hypothécaire, titre exécutoire (sic). au sens de l’article 33 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;en effet, dans !e cas d’espèce, la convention de compte courant précise en son article 2 alinéa 3 que la dénonciation du compte doit intervenir dans un délai de quinze (15). jours à l’autre partie, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par contre-lettre alors qu’il ne figure pas dans le présent dossier, un acte attestant que le banquier a clôturé le compte courant dont s’agit, ni la preuve de la dénonciation de la clôture dudit compte au défunt ou à ses ayants-droit;ainsi, en l’espèce, la convention de compte courant bien qu’étant un titre exécutoire (sic). au sens de l’article 33 de l’Acte uniforme ci-dessus cité, ne peut servir de fondement à une procédure de saisie exécution, car ne constatant pas une créance liquide et exigible;qu’en absence donc de la clôture et de la dénonciation du compte courant, la BICIA-B n’apporte pas la preuve que sa créance, base de l’exercice de son droit de rétention, est certaine, liquide et exigible.
En outre, il convient de relever que la connexité entre ladite créance et la chose retenue fait défaut;que la créance dont le banquier poursuit le recouvrement résulte d’une convention de compte courant, tandis que la somme qu’elle détient par-devers elle a pour fondement un contrat de dépôt bancaire dont la nature juridique diffère de celle d’une convention de compte courant.
Enfin, aux termes de l’article 42 alinéa 3 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, « le créancier doit renoncer au droit de rétention, si le débiteur lui fournit une sûreté réelle équivalente »;or, pour garantir le remboursement de sa créance envers le défunt, caution, le banquier bénéficie d’une hypothèque portant sur l’immeuble de celui-ci;étant déjà titulaire d’une sûreté à même de couvrir intégralement le remboursement de sa créance, la BICIA-B méconnaîtrait la disposition précitée en exerçant un droit de rétention sur le solde du compte;il sied dès lors, de dire que la rétention de ladite somme est injustifiée et cause un trouble manifestement illicite aux ayants-droit de la caution qu’il y a lieu de faire cesser.
Article 10 AUS
Article 12 AUS
Article 42 AUS
Article 33 AUPSRVE
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBO-DIOULASSO, JUGE DES REFERES, ORDONNANCE DU 10 FEVRIER 2006, affaire KOTE Daouda et autres c/ Banque internationale pour le commerce, l’industrie et l’agriculture du Burkina (BICIA-B). Observations Professeur Joseph ISSA SAYEGH.
L’an deux mil six
Et le dix février
Nous, Mathias NIAMBA, Président du Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso, siégeant en matière de référé en notre Cabinet sis au Palais de Justice de ladite ville, assisté de Maître ZERBA Ibrahima, Greffier en Chef, avons rendu l’ordonnance dont la teneur suit
DANS L’AFFAIRE :
KOTE Daouda et treize autres ayant pour Conseil Maître OUATTARA Yacouba, Avocat à la Cour, Ouagadougou.
CONTRE.
La Banque Internationale pour le Commerce, l’Industrie et l’Agriculture du Burkina (BICIA-B) de Bobo-Dioulasso, Société Anonyme ayant son siège social à Ouagadougou, pour laquelle domicile est élu en l’Étude de Maître Moumouny KOPIHO, Avocat à la Cour, Ouagadougou.
Par acte d’huissier en date du 06 janvier 2006 et en vertu de l’ordonnance n 002/2006 du Président du Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso, placée au pied d’une requête datée du 27 décembre 2005, KOTE Daouda et treize (13) autres ont assigné la BICIA-B de Bobo-Dioulasso devant le juge des référés, à l’effet de voir ordonner la remise de la somme de vingt-huit millions trente-huit mille huit cent quatre-vingt cinq (28 038 885) francs aux héritiers de feu KOTE Youssouf, sous astreinte de un million de francs (1 000 000) francs par jour de retard, condamner la BICIA-B de Bobo-Dioulasso à leur payer la somme de cinq millions cent trente deux mille neuf cent quatre-vingt un (5.132.981) francs au titre des frais non compris dans les dépens, et condamner la BICIA-B de Bobo-Dioulasso aux dépens.
A l’appui de leurs prétentions, les ayants-droit de feu KOTE Youssouf exposent que de son vivant, leur défunt père était lié à l’agence BICIA-B de Bobo-Dioulasso par le compte bancaire n 0905402027600112 qui présentait à la date du 12 mai 2005, un solde créditeur de la somme de 28 038 885 francs CFA;que toutes les démarches par eux entreprises pour entrer en possession de ladite somme sont restées infructueuses pour des raisons qu’ils ignorent;que la BICIA-B retient donc ladite somme par-devers elle de façon illégale;que ces agissements constituent un trouble manifestement illicite;qu’au regard de l’article 464 du Code de Procédure Civile et de l’urgence, il y a lieu qu’il plaise au Président du Tribunal de céans, de faire cesser en faisant droit à leur requête.
En réplique, l’agence BICIA-B de Bobo-Dioulasso, par le biais de son Conseil, soulève In limine litis deux (02) exceptions de procédure relatives au défaut de mandat conféré à Maître OUATTARA Yacouba pour représenter KOTE Aboubacar cité dans l’acte de saisine du juge des référés, et à l’autorité de la chose jugée.
AU FOND, la défenderesse soutient que KOTE Youssouf, avant son décès, s’était porté caution pour garantir le remboursement d’un prêt à hauteur de cent dix millions (110 000 000) de francs accordé à KOTE Aboubacar, dans le cadre de la convention de compte courant du 29 janvier 1992;qu’à cet effet, KOTE Youssouf affectait en garantie son immeuble formant la parcelle A du centre commercial de Bobo-Dioulasso objet du titre foncier n 1474 au profit de la BICIA-B;que le débiteur principal n’ayant pas honoré ses engagements, il revient à la caution de s’en acquitter, laquelle est tenue solidairement, conformément à l’article 10 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés;que l’article 12 du même Acte uniforme prévoit le droit pour la caution, de limiter son engagement à la valeur de réalisation des biens sur lesquels la sûreté est consentie;qu’en l’absence de limitation dans le présent cas, KOTE Youssouf est susceptible de poursuite sur tout son patrimoine;que c’est donc ce qui justifie la rétention par elle du montant réclamé.
MOTIFS DE LA DECISION
I. Sur l’exception de nullité de l’acte d’assignation
Attendu qu’il résulte de l’article 55 alinéa 3 du Code de Procédure Civile, que les Avocats sont dispensés d’avoir à justifier de leur mandat pour représenter leur client en justice;qu’en l’espèce, Maître OUATTARA Yacouba étant régulièrement inscrit au tableau de l’Ordre des Avocats du Burkina Faso, il convient de le dispenser de ladite justification;qu’ainsi, l’exception d’irrecevabilité mérite d’être rejetée.
II. Sur l’exception de la chose jugée quant à la requête des ayants-droit de KOTE Youssouf
Attendu qu’il y a autorité de la chose jugée lorsque la même question litigieuse oppose les mêmes parties prises en la même qualité et que la question litigieuse procède de la même cause que la précédente, soit la concomitance d’une identité d’objet, de cause et de parties.
Attendu qu’en l’espèce, la requête objet de la présente audience de référé porte sur la restitution de la somme de 28 038 885 francs CFA appartenant aux successibles de Feu KOTE Youssouf, tandis que celle objet de l’ordonnance de référé n 102 du 13/10/2005 portait sur la distraction d’immeuble saisie par la BICIA-B;que s’il y a identité de parties, l’identité d’objet et de cause font cependant défaut;que même si l’exception d’autorité de chose jugée peut être reçue en tout état de la procédure (art. 145 et 146 du Code de Procédure Civile), il y a lieu de la rejeter comme étant mal fondée.
III. Sur la mesure sollicitée
Attendu qu’aux termes de l’article 42 alinéa 1er de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, « le droit de rétention ne peut s’exercer que :
avant toute saisie.
si la créance est certaine, liquide et exigible.
s’il existe un lien de connexité entre la naissance de la créance et la chose retenue ».
Attendu qu’en l’espèce, la BICIA-B de Bobo-Dioulasso garde par-devers elle, la somme de 28 038 885 francs CFA appartenant à KOTE Youssouf, jusqu’à complet paiement de ce qui lui est dû par KOTE Aboubacar, son débiteur principal;que sa créance à son égard est matérialisée par la convention de compte courant avec cautionnement hypothécaire de KOTE Youssouf, titre exécutoire au sens de l’article 33 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu que dans !e cas d’espèce, la convention de compte courant avec affectation hypothécaire passée entre les parties, précise en son article 2 alinéa 3 que la dénonciation du compte doit intervenir dans un délai de quinze (15) jours à l’autre partie, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par contre-lettre;qu’il ne figure pourtant pas dans le présent dossier, un acte attestant que la BICIA-B a clôturé le compte courant dont s’agit, ni la preuve de la dénonciation de la clôture dudit compte à KOTE Aboubacar ou aux ayants-droit de Feu KOTE Youssouf par lettre recommandée avec accusé de réception.
Qu’ainsi, en l’espèce, la convention de compte courant bien qu’étant un titre exécutoire au sens de l’article 33 de l’Acte uniforme ci-dessus cité, ne peut servir de fondement à une procédure de saisie exécution, car ne constatant pas une créance liquide et exigible;qu’en absence donc de la clôture et de la dénonciation du compte courant, la BICIA-B n’apporte pas la preuve que sa créance, base de l’exercice de son droit de rétention, est certaine, liquide et exigible.
Attendu en outre qu’il convient de relever que la connexité entre ladite créance et la chose retenue fait défaut;que la créance dont la BICIA-B poursuit le recouvrement résulte d’une convention de compte courant, tandis que la somme de 28 038 885 francs CFA qu’elle détient par-devers elle a pour fondement un contrat de dépôt bancaire dont la nature juridique diffère de celle d’une convention de compte courant.
Attendu enfin, qu’aux termes de l’article 42 alinéa 3 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, « le créancier doit renoncer au droit de rétention, si le débiteur lui fournit une sûreté réelle équivalente ».
Attendu que pour garantir le remboursement de sa créance envers KOTE Aboubacar, la BICIA-B bénéficie d’une hypothèque portant sur l’immeuble de KOTE Youssouf ci-dessus cité;qu’étant déjà titulaire d’une sûreté à même de couvrir intégralement le remboursement de sa créance, la BICIA-B méconnaîtrait la disposition précitée en exerçant un droit de rétention sur la somme de 28 038 885 francs CFA appartenant en propre à KOTE Youssouf;qu’il sied dès lors, dire que la rétention desdites sommes par la BICIA-B est injustifiée et cause un trouble manifestement illicite aux ayants-droit de KOTE Youssouf, qu’il y a lieu de faire cesser.
Attendu qu’aux termes de l’article 464, 2ème du Code de Procédure Civile, « le Président du Tribunal peut prescrire, même en cas de contestation sérieuse, les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».
Attendu qu’en l’espèce, il est établi que la BICIA-B, Agence de Bobo-Dioulasso, retient par-devers elle sans aucune base légale ni fondement juridique sérieux, la somme de 28 038 885 francs CFA contenue dans le compte de feu KOTE Youssouf;que cette rétention injustifiée crée un trouble manifestement illicite, qu’il y a lieu de faire cesser;qu’il convient donc, par application de l’article 464 susvisé, que la juridiction de céans ordonne la restitution de ladite somme aux ayants-droit de KOTE Youssouf.
Attendu qu’il convient de prendre des dispositions utiles pour assurer l’exécution de notre ordonnance;que le recours à l’astreinte est au rang des moyens légaux donnés au juge pour l’exécution des décisions de justice;qu’en disposant que « les Cours et Tribunaux peuvent, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution des décisions » (article 426 du Code de Procédure Civile), le législateur a entendu permettre à tout juge de recourir à l’astreinte pour l’exécution de sa propre décision;que le même pouvoir appartient au juge de l’exécution de toutes les décisions de justice qui en droit positif burkinabé, est le juge des référés (articles 433, 464 alinéa 5 du Code de Procédure Civile);qu’il échet fixer l’astreinte à deux cent mille (200 000) francs CFA par jour de retard à compter de la notification de la présente.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement en matière de référé et en premier ressort.
Rejetons les exceptions d’autorité de la chose jugée et de nullité de l’Acte d’assignation présentées par la BICIA-B de Bobo-Dioulasso.
Déclarons les ayants-droit de KOTE Youssouf recevables en leur demande.
Ordonnons à l’Agence BICIA-B de Bobo-Dioulasso, la remise de la somme de 28 038 885 francs CFA aux ayants-droit de KOTE Youssouf.
Ordonnons pour son exécution, le paiement par la BICIA-B de Bobo-Dioulasso, d’une astreinte de deux cent mille (200 000) francs CFA par jour de retard à compter de la notification de la présente ordonnance.
Condamnons la BICIA-B de Bobo-Dioulasso à payer aux ayants-droit de KOTE Youssouf, la somme de un million (1 000 000) francs CFA au titre des frais exposés non compris dans les dépens.
Condamnons enfin, la BICIA-B, agence de Bobo-Dioulasso, aux dépens.
Ainsi ordonnée le jour, mois et an susdits.
Et ont signé le Président et le Greffier.
LE PRESIDENT.
– le Greffier.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur.
Bien que remarquablement motivée, cette ordonnance attire quelques observations :
au sens de l’article 33 AUPSRVE, un titre exécutoire s’entend de celui revêtu d’une formule exécutoire que seules les juridictions peuvent apposer pour permettre au titulaire de requérir la force publique;on peut douter que la convention hypothécaire (sauf s’il s’agit d’une grosse hypothécaire). ou la convention de comte courant mérite une telle qualification.
nous manquons d’éléments de fait pour approuver l’ordonnance lorsqu’elle dit qu’il n’y avait aucun lien de connexité entre le compte courant du débiteur défunt et la créance garantie par ce dernier à titre de caution;il eût été plus approprié pour le banquier de demander une saisie conservatoire ou une saisie attribution (s’il disposait d’un vrai titre exécutoire). sur le solde du compte bancaire du défunt pour s’opposer à la demande des héritiers.
dire que le rétenteur doit lever sa rétention s’il dispose d’une autre sûreté c’est à la condition que la sûreté dont il dispose par ailleurs est équivalente;on peut douter qu’une hypothèque, lourde et onéreuse à mettre en œuvre soit équivalente à un droit de rétention qui appelle, par sa rudesse, un dénouement rapide, quitte à le convertir en réalisation d’un gage.