J-08-128
Voir Ohadata J-08-126
SAISIE CONSERVATOIRE – DEMANDE EN ANNULATION – NULLITE PRONONCEE – MAINLEVEE.
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBO-DIOULASSO, JUGE DES REFERES, Ordonnance du 28 avril 2006, affaire Héritiers KOTE Youssouf c/ BICIA-B.
L’an deux mil six
Et le vingt huit avril
Nous, Mathias NIAMBA, Président du Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso, siégeant en matière de référé en notre Cabinet sis au Palais de Justice de ladite ville, assisté de Maître KISSANA Adama, Greffier en Chef, avons rendu l’ordonnance dont la teneur suit :
DANS L’AFFAIRE.
Héritiers de feu KOTE Youssouf, représentés par KOTE Daouda, demeurant, à Bobo-Dioulasso, ayant pour Conseil Maître Issa H. DIALLO, Avocat à la Cour, Ouagadougou.
CONTRE.
Banque Internationale pour le Commerce, l’Industrie et l’Agriculture du Burkina (BICIA-B), ayant pour Conseil Maître Moumouny KOPIHO, Avocat à la Cour, demeurant à Ouagadougou.
Vu les pièces du dossier.
Vu les dispositions des articles 464 et suivants du Code de Procédure Civile.
Par acte d’huissier du 13 février 2006 et en vertu de l’ordonnance N 23/2006 rendue par le Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso le 10 février 2006, placée au pied d’une requête à lui présentée le 06 février 2006, les héritiers de feu KOTE Youssouf assignaient en référé la BICIA-B à l’effet de voir ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire de créance pratiquée sur le compte bancaire n 0905402027600112 appartenant à KOTE Youssouf, condamner la BICIA-B à leur payer les honoraires d’avocat, assortir l’ordonnance à intervenir d’une astreinte de un million (1 000 000) de francs, et condamner la BICIA-B aux dépens.
A l’appui de leur requête, les héritiers de feu KOTE Youssouf, par le biais de leur Conseil, exposent que du vivant de leur auteur KOTE Youssouf, celui-ci était lié à la BICIA-B en son agence de Bobo-Dioulasso, par le compte bancaire n 0905402027600112;qu’après son décès et à la date du 12 mai 2005, le solde dudit compte était créditeur de la somme de vingt huit millions trente huit mille huit cent quatre vingt cinq (28 038 885) francs;que suite aux démarches entreprises par les héritiers de feu KOTE Youssouf pour entrer en possession de cette somme, la BICIA-B exerçait une rétention abusive sur ledit montant;que la BICIA-B justifiait son droit de rétention par l’existence de somme d’argent qui lui est due par KOTE Aboubacar, en vertu d’une convention de compte courant avec cautionnement hypothécaire de KOTE Youssouf et de ses deux avenants;qu’estimant cette rétention abusive, l’affaire avait été portée devant le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso, débattue à son audience du 25 janvier 2006 et mise en délibéré au 10 février 2006;que cependant, la BICIA-B pratiquait une saisie sur la même somme par procès-verbal de saisie conservatoire de créance en date du 25 janvier 2006 et dénoncé le 1er février 2006;que cette saisie était effectuée en vertu des grosses de la convention de compte courant avec cautionnement hypothécaire du 22 janvier 1998 et de ses deux avenants.
Qu’il résulte pourtant de ces différents actes, que pour le remboursement des sommes dues à la BICIA-B, KOTE Youssouf avait donné en garantie son immeuble formant la parcelle A du lot 148 de la zone commerciale de Bobo-Dioulasso, objet du titre fonder n 1474;qu’ainsi, l’engagement de KOTE Youssouf ne portant que sur son immeuble, la BICIA-B ne peut donc s’en prévaloir comme titre pour pratiquer une saisie sur la somme réclamée;qu’ils concluent donc à la mainlevée de la saisie conservatoire du 25 janvier 2006 pour violation des dispositions de l’article 55 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution;les héritiers de KOTE Youssouf soutiennent en outre que dans le cadre de la présente procédure, ils ont exposé des frais d’ouverture du dossier d’honoraires d’avocats et de déplacement d’avocat en aller et retour de Ouagadougou à Bobo-Dioulasso, qu’ils sollicitent que la BICIA-B soit condamnée à rembourser, conformément à l’article 6 nouveau de la loi portant organisation judiciaire au Burkina Faso;que le montant total de ces frais exposés s’élève à la somme de six millions soixante dix sept mille neuf cent quatre vingt un (6 077.981) francs.
En réplique, la BICIA-B, par le biais de son Conseil, soulève l’incompétence du juge des référés sur le fondement de l’article 63 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, et demande ainsi au Président de la juridiction de céans de se déclarer incompétent pour connaître de la présente affaire.
Elle soulève également l’incompétence du juge des référés, motif pris de ce qu’il existe déjà une procédure pendante entre elle et les requérants, tendant à déclarer nuls les actes notariés invoqués dans la présente affaire;qu’il s’ensuit que connaître de la présente affaire revient à demander au juge des référés de se prononcer sur le fond du dossier;qu’en invoquant donc le bénéfice de l’article 467 du Code de Procédure Civile, elle sollicite que le juge des référés se déclare incompétent pour accorder la mesure sollicitée.
AU FOND, la BICIA-B soutient qu’il y a lieu de débouter les héritiers de feu KOTE Youssouf, au motif que l’engagement de KOTE Youssouf portait aussi bien sur son immeuble que sur ses autres biens dont la créance saisie;que ce dernier, en se portant caution de KOTE Aboubacar, n’a pas entendu limiter son engagement au seul immeuble donné en garantie;qu’elle invoque donc le bénéfice de l’article 12 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, pour soutenir que c’est à juste titre que la saisie conservatoire de créance a été pratiquée sur le compte de la caution.
DISCUSSION
DE LA COMPETENCE DU JUGE DES REFERES
Attendu qu’aux termes de l’article 63 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, « la demande de mainlevée est portée devant la juridiction compétente qui a autorisé la mesure. Si celle-ci a été prise sans autorisation préalable, la demande est portée devant la juridiction du domicile ou du lieu où demeure le débiteur ».
Attendu qu’en l’espèce, la saisie conservatoire pratiquée par la BICIA-B dont les héritiers de KOTE Youssouf demandent la mainlevée, a été prise sans autorisation préalable de la juridiction compétente;que les requérants, débiteurs dans le cas d’espèce, ont porté leur demande de mainlevée devant la juridiction de Bobo-Dioulasso, juridiction de leur domicile;qu’au regard des dispositions de l’article 63 ci-dessus cité, il convient de déclarer que la juridiction de Bobo-Dioulasso est compétente pour connaître de la présente affaire.
Attendu qu’aux termes de l’article 49 alinéa 1er du même Acte uniforme, « la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui ».
Attendu qu’en l’espèce, le litige opposant les parties est relatif à une saisie conservatoire pratiquée par la BICIA-B le 25 janvier 2006;que le présent litige a été porté devant le Président du Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso siégeant en matière de référé;qu’au regard donc de tout ce qui précède, il sied dès lors dire le juge des référés compétemment saisi.
DE LA MESURE SOLLICITEE
Attendu qu’aux termes de l’article 12 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, « la caution peut garantir son engagement en consentant une sûreté réelle sur un ou plusieurs de ses biens. Elle peut également limiter son engagement à la valeur réalisation du ou des biens sur lesquels elle a consenti une telle sûreté ».
Attendu qu’en l’espèce, KOTE Youssouf, en se portant caution de KOTE Boubacar, a garanti son engagement en consentant une hypothèque sur son immeuble formant la parcelle A du lot 148 de la zone commerciale de Bobo-Dioulasso, objet du titre foncier n l447 vol. VIII lui appartenant;qu’en dehors de cette garantie hypothécaire, aucune autre sûreté n’a été consentie pour assurer le recouvrement de la créance de la BICIA-B.
Attendu cependant qu’aux termes de l’article 4 alinéa 1er du même Acte uniforme, « le cautionnement ne se présume pas, quelle que soit la nature de l’obligation garantie. A peine de nullité, il doit être convenu de façon expresse entre la caution et le créancier ».
Attendu qu’en l’espèce, il ne ressort nulle part dans la convention de compte courant avec cautionnement hypothécaire de KOTE Youssouf passée entre la BICIA-B et KOTE Aboubacar, qu’outre l’immeuble affecté en garantie de la dette, KOTE Youssouf a entendu garantir le paiement de la créance par tout autre bien lui appartenant;qu’il n’a donc pas entendu engager tout son patrimoine pour assurer le paiement de la dette, mais a plutôt engagé le seul immeuble sus référencé, chose qui a été convenue de façon expresse entre les parties;qu’en l’absence donc de toute autre convention expresse portant engagement de tout le patrimoine de KOTE Youssouf en garantie du paiement de la dette, la BICIA-B ne peut poursuivre le recouvrement de sa créance que sur l’immeuble hypothéqué de la caution.
Qu’en conséquence, il convient de déclarer que la BICIA-B est mal fondée au sens des articles 4 et 12 de l’Acte uniforme ci-dessus cité, à pratiquer une saisie sur la créance de KOTE Youssouf.
Attendu en outre qu’aux termes de l’article 28 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, « sauf s’il s’agit d’une créance hypothécaire ou privilégiée, l’exécution est poursuivie en premier lieu sur les biens meubles et en cas d’insuffisance de ceux-ci, sur les immeubles.
Qu’il en résulte donc que lorsqu’il s’agit d’une créance hypothécaire, l’exécution forcée doit être poursuivie en premier lieu sur le bien objet de l’hypothèque.
Attendu qu’en l’espèce, la créance de la BICIA-B est garantie par l’immeuble formant la parcelle A du lot 148 de la zone commerciale de Bobo-Dioulasso, objet du titre foncier n 1447 vol. VIII appartenant à KOTE Youssouf.
Que pour le recouvrement de sa créance, la BICIA-B a poursuivi concomitamment la saisie dudit immeuble et la saisie conservatoire de la créance de vingt huit millions trente huit mille huit cent quatre vingt cinq (28 038 885) francs appartenant à la même caution, en l’occurrence KOTE Youssouf;qu’en l’étape actuelle, la BICIA-B n’a pas encore vendu l’immeuble afin de se payer sur le prix de la vente.
Que pourtant, au sens des dispositions ci-dessus citées, la BICIA-B ne peut poursuivre l’exécution forcée de sa créance sur les biens meubles du débiteur qu’en cas d’insuffisance de l’hypothèque.
Que cependant, la créance dont la BICIA-B poursuit le recouvrement s’élève à la somme de cent cinquante huit millions huit cent trente sept mille huit cent vingt et sept (150.837.827) francs, alors qu’il résulte du rapport d’expertise immobilière du 25 octobre 2004 versé au dossier, que l’immeuble sus référencé affecté en garantie de la créance est estimé à une valeur de quatre cent douze millions deux cent quarante deux mille deux cent trente (412 242 230) francs;qu’il s’ensuit qu’au regard de ces éléments et en l’absence de toute autre expertise, il y a lieu de retenir que l’immeuble objet de l’hypothèque suffit largement à assurer le remboursement intégral de la BICIA-B.
Que dans le cas d’espèce, la BICIA-B ne peut apporter la preuve de l’insuffisance du bien hypothéqué pour pouvoir poursuivre outre la saisie de l’immeuble, celle de la créance de la caution;qu’ainsi, bénéficiant d’une garantie hypothécaire suffisante, la BICIA-B est mal fondée au sens de l’article 28 précité, à poursuivre le recouvrement sur les biens meubles du débiteur.
Attendu par ailleurs, qu’il résulte de la lecture de l’article 54 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, que « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter de la juridiction compétente, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement ».
Attendu que la BICIA-B a pratiqué une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, notamment en procédant à la saisie conservatoire de la créance de ce dernier.
Que toutefois, il résulte des développements précédents, que la BICIA-B dispose d’un immeuble affecté en garantie du remboursement de sa dette;que ledit immeuble à lui seul suffit largement à recouvrir sa créance;que le recouvrement de sa créance est donc pleinement garanti par une hypothèque suffisante et dont il est loisible à la BICIA-B d’en poursuivre la vente, conformément à la loi;qu’il s’ensuit en conséquence, que les circonstances du cas d’espèce sont telles que le recouvrement de la créance de la BICIA-B ne peut aucunement être menacé;que ne pouvant alors pas justifier de circonstances de nature à menacer le recouvrement de sa créance, elle ne remplit pas les conditions exigées à l’article 54 suscité pour pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur;que c’est donc à tort que la saisie conservatoire de créance a été pratiquée sur les comptes de KOTE Youssouf.
Qu’au regard de tout ce qui précède, il sied dès lors ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 25 janvier 2006 par la BICIA-B sur le compte bancaire n 0905402027600112 appartenant à KOTE Youssouf et dont le solde créditeur est de vingt huit millions trente huit mille huit cent quatre vingt cinq (28 038 885) francs, pour violation des articles 28 et 54 de l’Acte uniforme précité.
Attendu qu’il convient de prendre des dispositions utiles pour assurer l’exécution de notre ordonnance;que le recours à l’astreinte est au rang des moyens légaux donnés au juge pour l’exécution des décisions de justice;qu’en disposant que « les Cours et Tribunaux peuvent, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution des décisions » (article 426 du Code de Procédure Civile), le législateur a entendu permettre à tout juge de recourir à l’astreinte pour l’exécution de sa propre décision;que le même pouvoir appartient à la juridiction de céans qui est le juge des référés (articles 433, 464 alinéa 5 du Code de Procédure Civile) compétemment saisi de la présente affaire;qu’il échet fixer l’astreinte à trois cent mille (300 000) francs CFA par jour de retard, à compter de la notification de la présente.
Attendu qu’aux termes de l’article 6 de la loi portant organisation judiciaire au Burkina Faso, « dans toutes les instances, le juge, sur demande expresse et motivée, condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ».
Attendu qu’en l’espèce, les héritiers de KOTE Youssouf sollicitent que soit condamnée la BICIA-B à leur payer la somme de six millions soixante dix sept mille neuf cent quatre vingt et un (6 077.981) francs CFA au titre des frais non compris dans les dépens;que ce montant représente les frais exposés tout au long de la présente procédure pour assurer leur défense.
Que leur réclamation est fondée en son principe au sens de la disposition précitée, mais excessive en son quantum;qu’il échet de la ramener à de justes proportions et condamner la BICIA-B à leur payer la somme de cinq cent mille (500 000) francs CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement en matière de référé et en premier ressort.
Nous déclarons compétent.
Déclarons nulle la saisie conservatoire de créance pratiquée sur le compte bancaire BICIA-B n 0905402027600112 appartenant à KOTE Youssouf.
Ordonnons par voie de conséquence, la mainlevée de la saisie pratiquée sur ledit compte.
Ordonnons pour son exécution, le paiement d’une astreinte de trois cent mille (300 000) FCFA par jour de retard à compter de la notification de la présente ordonnance.
Condamnons la BICIA-B à payer aux ayants-droit de KOTE Youssouf, la somme de cinq cent mille (500 000) francs au titre des frais exposés non compris dans les dépens.
Condamnons la BICIA-B aux dépens.
Ainsi ordonnée les jour, mois et an susdits.
Et ont signé le Président et le Greffier.
LE PRESIDENT.
LE GREFFIER.