J-08-133
ARBITRAGE – CONVENTION D’ARBITRAGE – EXISTENCE – CONDITIONS (NON REMPLIES) – NULLITE DE LA SENTENCE ARBITRALE.
La validité d’une convention d’arbitrage suppose réunies plusieurs conditions parmi lesquelles le consentement des parties. A défaut, cette convention d’arbitrage est nulle et non avenue et toute sentence arbitrale rendue sur la base de cette convention encourt nullité.
En l’espèce, non seulement la prétendue convention n’était qu’une simple lettre (appelée offre amiable). adressée au cocontractant mais surtout elle n’a pas été remise effectivement à son représentant légal qui n’a pas pu ainsi exprimer le consentement nécessaire à la validité de la convention d’arbitrage. Cette simple lettre ne pouvait donc fonder la sentence arbitrale rendue par la suite à la demande de l’une des parties.
Cour d’Appel de l’Ouest, arrêt n 21/CIV du 12 Mars 2008, affaire Sté British American Tabacco (B.A.T). contre Ritz Palace Nigth Club.
LA COUR
Vu l’assignation en annulation d’une sentence arbitraire en date du 12 Décembre 2005 de la british American Tobacco (BAT) Cameroon SA.
Vu les lois et règlements en vigueur, notamment l’acte uniforme OHADA du 11 Mars 1999relatif au droit de l’arbitrage, la loi N 2003/009 du 10 Juillet 2003 désignant les juridictions compétentes vises à l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage et fixant leur mode de saisine, la loi N 2006/015 du 29 Décembre 2006 portant organisation judiciaire.
Vu les conclusions des parties, celles de la BAT sous la plume de ses conseils la SCPA, NGON GO OTTOU et NDENGUE KAMENI, celles du Ritz Palace Night Club sous la plume de son gérant statuaire WABO FOTSO Jean Jacques.
Vu les réquisitions écrites du ministère public datées du 13 Novembre 2006.
Vu les autres pièces du dossier de la procédure.
Et après en avoir délibéré conformément à la loi sur le rapport du conseiller NANZOUE Flaubert.
Considérant que par exploit du 12 Décembre 2005 dûment enregistré de maître CHEDJOU Alain, huissier de justice à Bafoussam, la société British American Tabacco (BAT) Cameroon dont le siège est à Yaoundé BP 94, agissant pour suites et diligences de son Directeur Général et ayant pour conseils la SCPA NGONGO GO OTTOU et NDENGUE KAMENI, Avocats à Yaoundé a fait donner assignation à la société Ritz Palace Night Club département spécialisé de la S.N. EWAFI SARL dont le siège est à Bafoussam prise en la personne de son représentant légal, d’avoir à se trouver et comparaître devant la présente cour pour s’entendre annuler la sentence arbitrale n 001 PART 1/TAB-CNA/M9/05 rendu le 23 Septembre 2005 par le TRIBUNAL ARBITRAL de Bafoussam statuant en matière civile et commerciale et siégeant à juge unique.
EN LA FORME
Considérant que toutes les parties ont conclu comme indiqué ci-dessus;qu’il y a lieu de statuer contradictoirement à leur égard.
Considérant que le recours de la B.A.T. est recevable pour avoir respecté les formes prévues par la loi;qu’il y a lieu d’examiner son mérite.
AU FOND
Considérant qu’à l’appui de ce recours, la société demanderesse expose sous la plume de ses conseils susnommés que le 17 Mai 1996 intervenait entre elle et le Ritz Palace Night Club un « contrat de courtage publicitaire » aux termes duquel Ritz Palace Night Club s’engageait à mettre à la disposition de B.A.T. des espaces publicitaires aménagés en son sein et constitués de trois panneaux d’annonces moyennant un loyer de 150 000 francs.
Que cette convention intitulée « contrat de courtage publicitaire » pouvait être dénoncée par la partie la plus diligente en cas de non respect de l’une des clauses au moyen d’une simple mise en demeure pouvant aboutir à la résiliation après respect d’un délai de trois mois.
Qu’en date du 29 Octobre 2002 par exploit de Maître KAMDEM KANA, huissier de justice à Bafoussam, elle faisait notifier au défendeur la dénonciation de ce contrat.
Qu’en réaction, celui-ci lui notifia à son tour par acte Maître NGUETSOP Paul, huissier de justice, l’offre dite « offre amiable » ainsi libellée « vous pouvez nous communiquer votre acceptation de la proposition ci-dessus par votre lettre d’acceptation à nous adressée par votre visa, signature ou cachet en bas ou en marge de la présente lettre ou tout simplement par votre silence gardé pendant 8jours après réception de notre présente lettre, qui sont autant de moyens distincts mais certains d’extérioriser réellement votre volonté de compromettre avec nous aux fins de la formation valable entre vous et nous de la convention d’arbitrage;toutefois, vous pouvez rejeter notre proposition uniquement par réponse écrite explicite sur votre refus et à nous notifier au plus tard huit jours après réception de notre présente lettre et dans tous les cas, passé ce délai sans votre rejet, adviendra la convention d’arbitrage entre vous et nous aux fins louables d’une issue sans procès aux différends si peu souhaitables ».
Qu’en date du 09 Septembre 2005 le « Ritz Palace Night Club » l’assignait en arbitrage devant le tribunal arbitral de Bafoussam choisi unilatéralement par lui.
Qu’en dépit de sa contestation par acte d’huissier tant sur le fond que sur la forme de cette assignation, le juge arbitral rendit en violation de la loi et des principes de droit la sentence arbitrale querellée.
Que cette décision mérite d’être annulée parce que rendue sur la base d’une convention arbitrale inexistante en fait, la BAT, n’ayant jamais valablement exprimé son consentement;que l’offre à l’amiable pour laquelle le défendeur a considéré le silence gardé, au delà du délai de 8 jours, comme acceptation a été notifiée non pas à son représentant légal, mais à une secrétaire de son agence de Bafoussam.
Considérant que s’opposant à l’action de BAT Cameroun, le « Ritz Palace Night Club » fait valoir pour en demander le rejet, que les arguments développés par le demandeur avaient déjà été développés devant le tribunal arbitral sans succès.
Considérant qu’au rang des conditions de validité d’une convention figure le consentement ainsi que l’exige l’article 1108 du code civil.
Qu’en l’espèce la convention d’arbitrage du 30 Août 2005 était une simple lettre soumise à l’attention du Directeur Général de la BAT domiciliée à Yaoundé et déchargée le 30 Août 2005 dans un bureau de cette société à Bafoussam.
Qu’il ne ressort nulle part du dossier que le Directeur Général de la BAT, représentant légal de ladite société, destinataire de la correspondance l’a effectivement reçue.
Qu’en faisant décharger sa lettre par une personne non qualifiée, le Ritz Palace Night Club n’a pas mis son cocontractant en mesure d’exprimer le consentement nécessaire à la validité de la convention envisagée;qu’en l’absence de cet élément, la convention d’arbitrage de 30 Septembre 2005 est nulle et non avenue.
Considérant que l’article 26 de l’Acte Uniforme relatif à l’arbitrage dispose « le recours en annulation n’est possible que dans les cas suivants :
si le tribunal arbitral a statué sans convention d’arbitrage ou sur une convention nulle ou expirée,. ».
Considérant en l’espèce que la convention d’arbitrage qui a sous-tendu la sentence arbitrale querellée est réputée nulle et non avenue;qu’il y a lieu, en application du texte précité de l’annuler.
Considérant que la partie qui succombe supporte les dépens;qu’il échet de les laisser à la charge du défendeur.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement, en chambre civile et commerciale (annulation de sentence arbitrale), à l’unanimité des voix et en dernier ressort.
Reçoit la British American Tobacco (BAT) en son action et l’y dit fondée.
Annule en conséquence la sentence arbitrale N 001-PART-1/TAB-CNA/MY/05 rendue le 13 Septembre 2005 par le tribunal arbitral de Bafoussam.
(…).