J-08-136
1) – DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – NON RESPECT DES CLAUSES ET CONDITIONS DU BAIL – DROIT AU RENOUVELLEMENT ( NON) – DROIT AU DELAI CONGE (NON).
2) – DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – NON RESPECT DES CLAUSES ET CONDITIONS DU BAIL – NON PAIEMENT DES LOYERS ECHUS – RESILIATION (OUI).
1). Lorsqu’il apparaît que l’exploitation d’un local à usage commercial n’est pas faite conformément aux stipulations du bail en raison du non paiement des loyers échus, le locataire indélicat, ne peut bénéficier du droit au renouvellement du bail et par conséquent ne saurait se prévaloir du non respect de la formalité relative au congé par acte extrajudiciaire qui doit être donnée par le bailleur six mois avant la date de résiliation telle que prévue par l’article 93 de l’AUDCG.
2). Le non paiement par le locataire de plusieurs termes de loyers échus est une cause de résiliation du contrat de bail. En l’espèce, le locataire prétendait non seulement qu’il avait effectué des travaux de réfection pour rendre le local viable, mais aussi qu’il avait dressé des actes pour le compte du bailleur sans percevoir ses honoraires et qu’il avait également versé une certaine somme au bailleur, toutes ce sommes pouvant être compensées avec les loyers dus. Mais, faute pour lui de verser au dossier de la procédure des pièces pour justifier tant ses allégations que toutes ses dépenses, il a considéré que les loyers n’avaient pas été payés. Par conséquent, le juge a conclu à la résiliation du bail et prononcé son expulsion des lieux loués.
(Tribunal de Première Instance de Bafoussam, ordonnance de référé n 7 du 15 janvier 2008, affaire Me HAPPI MESSACK contre CHEMBO André Léopold).
NOUS, PRESIDENT, JUGE DES REFERES :
Vu l’exploit introductif d’instance.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Vu les lois et règlements en vigueur.
Attendu que par exploit du 22 Novembre 2007 non encore enregistré mais qui le sera en temps opportun de Maître TCHANGO Augustin NOUBISSIE, huissier de justice à Bafoussam, Me HAPPI MESSACK, Notaire à Bafoussam ayant pour conseils Maîtres KAMGA et KADJE, avocats associés à Bafoussam a donné assignation au sieur CHEMBO André Léopold, comptable à Bafoussam et ayant pour conseil Maître TOUOPA Anne, Avocat au Barreau du Cameroun d’avoir à se trouver et comparaître par devant Nous pour est-il dit dans cet exploit :
Dire et juger que l’occupation du requis est devenue abusive parce que sans droit ni titre.
Mais dès à présent, vu l’urgence et le péril en la demeure.
Constater la rupture du contrat de bail ayant lié les parties.
En conséquence, ordonner l’expulsion de Sieur CHEMBO André Léopold du local qu’il occupe en face de l’UCCAO à Bafoussam tant de corps, de biens que de tous les occupants de son chef, sous astreinte de 200 000 francs par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir.
Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toutes voies de recours.
Attendu qu’au soutien de son action, le demandeur expose que le 31 mars 2003, il cédait à bail au défendeur un local sis en face de l’UCCAO.
Qu’à ce jour, non seulement ledit locataire reste redevable envers lui de la somme de 2.800 000 francs représentant plusieurs termes de loyers échus et impayés mais aussi les locaux sont dans un état de délabrement avancé dû au manque d’entretien.
Que la mise en demeure de payer et libérer à lui servie le 15 Octobre 2007 est restée sans effet.
Que cette insolvabilité et le mauvais entretien des lieux lui causent énormément préjudice.
Qu’il y a urgence et péril en la demeure dont seule une ordonnance d’expulsion assortie d’astreindre mettrait un terme.
Qu’il produit à l’appui de ses allégations un contrat de bail signé des parties le 31 Mars 2003 dûment enregistré et une mise en demeure du 15 Octobre 2007.
Attendu que pour faire échec à cette action, le défendeur par le biais de son conseil susnommé conclut à l’irrecevabilité de l’action pour violation de l’article 93 de l’acte uniforme OHADA sur le droit commercial général.
Que Maître TOUOPA fait valoir que le sieur CHEMBO André Léopold ayant déjà exercé comme expert comptable dans le local litigieux pendant plus de quatre ans, il était désormais lié à son bailleur par un contrat de bail à durée indéterminée.
Qu’à ce titre, pour mettre fin au contrat le liant au demandeur, ce dernier, s’il entendait le résilier, se devait de lui donner un délai congé d’une durée de 6 mois pour lui demander de libérer les lieux conformément à l’article 93 de l’acte uniforme susvisé qui dispose :
« Dans le cas d’un bail à durée indéterminée, toute partie qui entend le résilier doit donner congé par acte extra judiciaire au moins de six mois à l’avance.
Le preneur, bénéficiaire du droit au renouvellement en vertu de l’article 91 ci-dessus, peut s’opposer à ce congé, au plus tard à la date d’effet de celui-ci en notifiant au bailleur par acte extra judiciaire sa contestation de congé.
Faute de contestation dans ce délai, le bail à durée indéterminée cesse à la date fixée par le congé ».
Que l’article 91 sus indiqué de cet acte dispose :
« Le droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée est acquis au preneur qui justifie avoir exploité conformément aux stipulations du bail l’activité prévue à celui-ci pendant une durée minimale de deux ans ».
Qu’en parcourant les pièces versées aux débats par le demandeur, l’on constate qu’il n’a ni produit un exploit d’huissier encore moins un autre acte valant congé et l’informant que dans les six mois de sa réception, le contrat de bail les liant sera résilié alors qu’il occupe son local depuis plus de quatre ans, toute chose qui justifie l’irrecevabilité de l’action à lui excipée.
Attendu que contre ces arguments les conseils du demandeur rétorquent que l’exception soulevée par le défendeur est non seulement tardive mais aussi non fondée et par conséquent ne saurait prospérer.
Que d’après eux, au cours de la descente effectuée par la juridiction de céans sur les lieux, le défendeur a été longuement entendu et a présenté sa défense au fond.
Qu’en faisant machine arrière pour présenter une telle exception, il accuse un sérieux retard, lequel justifie le rejet de cette exception.
Que par ailleurs, le sieur CHEMBO ne s’étant pas conformé aux clauses et conditions du bail par le non paiement des loyers ne saurait se prévaloir d’un quelconque droit au renouvellement dudit bail conformément à l’article 91 de l’Acte Uniforme susvisé qui dispose en substance que « le droit au renouvellement du bail… est acquis au preneur qui justifie avoir exploité conformément aux stipulation du bail ».
Que bien plus, renchérissent ces conseils, le contrat de bail en cause est un contrat à durée déterminée et non à durée indéterminée comme le prétend le défendeur.
Qu’à ce titre c’est plutôt l’article 92 alinéa 2 du même acte qui s’applique et non l’article 93 cité à tort par lui et d’après cet article 92 « le preneur qui n’a pas formé sa demande de renouvellement dans ce délai est déchu du droit au renouvellement ».
Qu’en l’absence d’une telle demande, concluent – ils, cette exception n’est que fantaisiste.
Attendu qu’à l’analyse, il est constant et cela appert de l’article 92 de l’Acte Uniforme OHADA sur le droit commercial général que non seulement le droit au renouvellement du bail ne fait pas de distinction entre un contrat de bail à durée déterminée ou indéterminée, mais aussi n’est possible qu’au locataire qui justifie tant de l’exploitation conformément aux stipulations du bail de l’activité prévue à celui -ci que pendant une durée minimale de deux ans.
Qu’il se dégage de la lettre et de l’esprit de ce texte que deux conditions du reste cumulatives doivent être réunies pour bénéficier du droit au renouvellement du bail à savoir : exploiter conformément aux stipulations du bail l’activité prévue à celui – ci d’une part et pendant une durée minimale de deux ans d’autre part.
Mais attendu qu’en l’espèce, s’il est indéniable que le sieur CHEMBO André Léopold exploite le local litigieux depuis plus de deux ans aux fins d’expertise comptable, il reste cependant que cette exploitation n’est pas faite conformément aux stipulations du bail en raison du non paiement des loyers dus aux termes échus.
Que dans ces conditions, s’agissant d’un locataire indélicat, il ne saurait bénéficier du droit au renouvellement du bail et partant n’est pas soumis à la formalité relative au congé par acte extrajudiciaire au moins six mois à l’avance en cas de résiliation prévue par l’article 93 du même acte et dont se prévaut le conseil du défendeur pour soutenir l’irrecevabilité de l’action en l’espèce.
Qu’il s’ensuit dès lors qu’une telle irrecevabilité est dénuée de tout fondement juridique et par conséquent encourt rejet.
Attendu que sur le fond du litige, il est indéniable que le défendeur ne paie pas régulièrement ses loyers et est redevable envers le demandeur de plusieurs termes de loyers échus et impayés.
Que pour justifier cette carence, il prétend au cours de son audition lors de la descente effectuée par la juridiction de céans sur les lieux qu’il a non seulement effectué des travaux de réfection pour rendre le local viable évalués à 1.400 000 francs, mais aussi a dressé quatre bilans pour le compte du demandeur sans toutefois percevoir ses honoraires, sans compter qu’il lui a préalablement versé une somme de 300 000 francs.
Qu’il chiffre toutes ses dépenses à une somme de 6 000 000 francs largement supérieurs aux 2 000 000 francs que le demandeur lui réclame et sollicite de ce fait une compensation.
Mais attendu que non seulement le défendeur ne produit au dossier de la procédure aucune pièce pour justifier tant ses allégations que toutes ses dépenses, mais aussi il ne ressort du contrat de bail liant les parties aucune disposition relative à une quelconque compensation même si ces dépenses étaient justifiées.
Qu’il découle dès lors que ces moyens de défense ne constituent que des paravents creux insusceptibles de faire échec à l’action dirigée contre lui.
Attendu qu’en tout état de cause, le défaut d’un seul terme de loyer à son échéance donne lieu conformément à l’article XI liant les parties à la résiliation de plein droit du contrat de bail après simple lettre de mise en demeure de payer.
Que la sommation de payer et de libérer du 15 Octobre 2007 adressée au sieur CHEMBO André Léopold étant restée jusqu’à ce jour sans effet, il convient d’ordonner la résiliation de plein droit dudit contrat et prononcer par conséquent l’expulsion du susnommé du local litigieux tant de corps, de biens que de tous occupants de son chef.
Attendu que pour vaincre une éventuelle résistance du défendeur à s’exécuter promptement, il y a lieu d’assortir cette mesure d’une astreinte de cinq mille francs par jour de retard à compter de la notification qui lui sera faite de la présente ordonnance, laquelle est exécutoire par provision nonobstant toutes voies de recours.
Et attendu que la partie qui succombe supporte les dépens.
PAR CES MOTIFS
Nous, Président, juge des référés.
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière des référés et en premier ressort.
Rejetons comme non fondée l’irrecevabilité de l’action excipée par le conseil du défendeur, ce dernier ne pouvant bénéficier en l’espèce du droit au renouvellement prévu à l’article 91 de l’Acte Uniforme OHADA sur le droit commercial général.
AU FOND, constatons la violation par le sieur CHEMBO André Léopold de l’article 11 du contrat de bail le liant au demandeur en ce qu’il cumule plusieurs termes de loyers impayés.
Disons dès lors ledit bail résilié de plein droit et partant ordonnons son expulsion du local litigieux tant de corps, de biens que de tous occupants de son chef, ce sous astreinte de cinq mille francs par jour de retard à compter de la notification qui lui sera faite de la présence ordonnance.
Disons cette ordonnance exécutoire par provision nonobstant toutes voies de recours.
(…).