J-08-140
VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE IMMOBILIERE – CONVENTION HYPOTHECAIRE – INCOMPETENCE DU NOTAIRE – NULLITE DE LA CONVENTION – NULLITE DE LA SAISIE (OUI) – MAIN LEVEE (OUI).
Lorsque la convention hypothécaire qui fonde une saisie immobilière est nulle pour cause d’incompétence du notaire instrumentaire, la saisie immobilière engagée devient sans fondement. Elle doit par conséquent être déclarée nulle et la mainlevée de la saisie ordonnée.
Tribunal de Grande Instance de la Mifi, JUGEMENT N 32/CIV DU 20 MARS 2007, AFFAIRE FIRST TRUST Savings and Loan CONTRE TCHOUTEZO Jean Pierre.
LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Ouï les parties en leurs conclusions.
Ouï le ministère public en ses réquisitions.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Attendu qu’à la requête de la First Trust Savings and loan, société coopérative d’épargne et de crédit dont le siège social est à Douala BP 15271 agissant poursuites et diligences de son Directeur Général et ayant pour conseil Maître TCHAPPI Emile, Avocat au Barreau du Cameroun au cabinet duquel domicile est élu, et en vertu.
1) de la grosse d’une convention de prêt avec affectation hypothécaire N 1805 du 14 Septembre 2004 du répertoire de l’étude de liquidation de maître Tchinda Joseph, Notaire à Bafoussam, passé entre la First Trust Savings and Loan et TCHOUTEZO Jean Pierre.
2) du certificat d’inscription hypothécaire N 262 du 17 Décembre 2004 par le conservateur de la propriété foncière de l’Ouest.
3) D’un protocole d’accord en date du 22 Octobre 2004 entre ces mêmes parties et.
4) D’un pouvoir spécial aux fins de saisie immobilière en date du 08 Juillet 2005.
Maître Chedjou Alain, Huissier de justice près la Cour d’appel de l’Ouest et les Tribunaux de Bafoussam a fait commandement en date du 16 Septembre 2005 aux Ets Tchoutezo Jean Pierre demeurant à Bafoussam, d’avoir à payer dans les 20 jours à la First Trust Savings and Loan ou à l’huissier instrumentaire, la somme de 9.884 485F soit 8.650.750 F en principal et 1.233.735 F au titre des frais accessoires, somme représentant le montant de la créance de la First Trust Savings and Loan sur les Ets Tchoutezo Jean Pierre, l’avertissant que faute par lui de s’exécuter dans le délai susvisé il y sera contraint par expropriation, et spécialement de l’immeuble urbain bâti sis à Bafoussam, au lieu dit Kouogouo d’une contenance superficielle de 223M2, objet du titre foncier N 2207 du département de Mifi, vol 2, folio 6, appartenant en toute propriété à Tchoutezo Jean Pierre.
Que ce dernier ne s’étant pas exécuté dans le délai sus visé, la partie poursuivante déposait un cahier de charges au Greffe de céans, fixait au 17 Février 2006 la date de l’adjudication par devant Notaire après accomplissement des formalités légales.
Attendu que le 15 Janvier 2006, maître Ndongla Louis Bernard, avoca,t agissant au nom et pour le compte de Tchoutezo Jean Pierre déposait au Greffe des dires et observations tendent à la nullité des poursuites sur le fondement de cinq moyens.
1) la nullité absolue de la convention de prêt sus visée, pour violation du Décret N 95/034 du 24 février 1995 portant statut et organisation de la profession de Notaire.
2) La violation de l’article 254 de l’Acte Uniforme OHADA portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et Voies d’exécution.
3) la violation de l’article 267 (2) de l’Acte Uniforme sus visé.
4) la violation de l’article 267 alinéa 8 de l’Acte Uniforme OHADA sus visé.
5) la violation de l’article 269 alinéa 2 de l’Acte Uniforme dont s’agit.
Que sur le premier moyen fondé sur la nullité de la convention de prêt il a soutenu :
Que la convention dont s’agit porte le numéro 1805 du 14 Septembre 2004 du répertoire de l’Étude de Joseph Tchinda, et stipule qu’elle a été passée en l’étude de ce dernier et signée par les parties et le Notaire, alors que celui-ci est décédé le 23 Décembre 2002 à Bafoussam, et ne pouvait donc recevoir cette convention en Septembre 2004.
Que c’est par devant la liquidation de l’Étude de maître Tchinda que cette convention a été passée en 2004 alors que le liquidateur n’a pas qualité pour recevoir de nouveaux actes.
Qu’il y a violation des articles 24, 46 et 80 (C) du décret N 95/034 du 24 Février 1995 portant statut et organisation de la profession de Notaire.
Que pour tous ces motifs, la convention encourt une nullité absolue entraînant en conséquence la nullité des poursuites engagées.
Que sur le deuxième moyen fondé sur la violation de l’article 254 de l’Acte Uniforme OHADA N 6, ce texte exige que le commandement doit contenir à peine de nullité les noms et adresses du créancier et du débiteur, et s’il s’agit de personnes morales, ses formes, dénomination et siège social.
Que dans le cas d’espèce le commandement a omis de préciser le siège social, la boîte postale et la forme juridique de la partie saisie, et encourt en conséquence nullité.
Que sur le troisième moyen pris de la violation de l’article 267 al 2 de l’Acte Uniforme OHADA N 6, cet article dispose que le cahier des charges contient à peine de nullité l’énonciation du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont exercées contre le débiteur, et du commandement avec la mention de sa publication.
Que le saisissant se contente d’affirmer que le commandement a été visé et inscrit le 1er Novembre 2005, sans en rapporter la moindre preuve.
Que pour ce motif, le cahier des charges encourt nullité.
Que pour le quatrième moyen fondé sur la violation de l’article 67 (8) de l’Acte Uniforme OHADA N 6.
Cette disposition prévoit que le cahier des charges contient à peine de nullité les conditions de la vente et, notamment les droits et obligations des vendeurs et adjudicataires, le rappel des frais de poursuites et toutes conditions particulières.
Qu’en violation de cette disposition, la partie poursuivante ne mentionne nulle part dans le cahier des charges le montant des frais de poursuite.
Que sur le cinquième moyen pris de la violation de l’article 269 alinéa 2 de l’Acte Uniforme OHADA N 6, cet article dispose qu’à peine de nullité la sommation de prendre communication du cahier des charges est signifiée au saisie, à personne ou à domicile, et aux créanciers inscrits à domicile élu.
Qu’en violation de ces dispositions, ladite sommation n’a pas été signifiée au saisi, mais a plutôt été servie au sieur Tchoutezo Jean Pierre.
Que les Établissements Tchoutezo Jean Pierre, personne morale sont différents de la personne de Tchoutezo Jean Pierre.
Que la sommation qui a plutôt été servie à ce dernier encourt nullité.
Qu’à la lumière de tous ces développements, les Établissements Tchoutezo Jean Pierre sollicitent que soit prononcée la nullité de la procédure, la main levée du commandement et la condamnation de la partie poursuivante aux frais.
SUR LA NULLITE DE LA CONVENTION
Attendu qu’il est reproché à la convention de prêt dont s’agit d’avoir faussement affirmé être passée le 14 Septembre 2004 par devant maître Joseph Tchinda, Notaire à Bafoussam, alors que ce dernier était décédé deux ans auparavant.
Que le liquidateur de l’Étude qui est le véritable Notaire instrumentaire n’avait pas qualité pour recevoir un tel acte.
Attendu que sur ce moyen le saisissant objecte que le liquidateur n’a pas outrepassé ses pouvoirs.
Qu’il s’est limité à parfaire une convention qui était déjà présente du vivant de maître Tchinda.
Qu’elle figure d’ailleurs au procès verbal de l’inventaire qui a été conduit à ladite Étude au décès de son titulaire.
Mais attendu que si la convention avait été passée auparavant comme il est affirmé, elle aurait été enregistrée et classée au rang des minutes, et le liquidateur se limiterait à en délivrer des expéditions.
Attendu que ladite convention porte bien en titre « par-devant maître Tchinda Joseph », Notaire au ressort de la Cour d’Appel de l’Ouest à Bafoussam, y demeurant soussigné;qu’elle mentionne expressément à la clôture : « après lecture faite les comparants ont signé le présent acte avec maître Joseph Tchinda, ce dernier Notaire ».
Qu’au verso, on peut lire les mentions de l’enregistrement : Enregistré à Bafoussam (actes civils) le 15 Septembre 2004.
Attendu qu’en affirmant faussement qu’elle a été dressée et signée par maître Joseph Tchinda, cette convention est manifestement fausse et encourt nullité.
Attendu que la convention étant nulle la saisie immobilière engagée est sans fondement.
Qu’il y a lieu en conséquence sans qu’il en soit nécessaire d’examiner les autres moyens, de déclarer la procédure nulle, et d’ordonner la main levée de ladite saisie.
Attendu que les dépens sont à la charge de la partie qui succombe, qu’il y a lieu de les mettre à la charge du saisissant.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière civile et commerciale et en premier et dernier ressort, en collégialité et à l’unanimité.
Déclare nulle et de nul effet la convention N 1805 du 14 Septembre 2004 du répertoire de maître TCHINDA Joseph, Notaire à Bafoussam.
En conséquence déclare nulle la procédure de saisie immobilière engagée par la First Trust Savings and Loan sur l’immeuble objet du titre foncier N 2207/Mifi.
En ordonne la main levée.