J-08-144
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – NON RESPECT DES CONDITIONS (NON PAIEMENT DES LOYERS) – RESILIATION – DEMANDE – NON RESPECT DES CONDITIONS – ABSENCE DE MISE EN DEMEURE (PREAVIS) – IRRECEVABILITE DE LA DEMANDE DE RESILIATION.
Si le bailleur est fondée à demander la résiliation judiciaire du bail commercial en cas de non respect des clauses du contrat notamment le non paiement des loyers, il doit cependant respecter les formalités légales notamment celles relatives à la mise en demeure préalable de payer les loyers qui doit être adressée au locataire. En l’espèce, le préavis servi au locataire d’avoir à libérer les locaux ne saurait se substituer à cette une mise en demeure d’autant qu’elle ne remplit pas les conditions requises pour la loi.
Faute de respecter cette formalité, la demande de résiliation est déclarée irrecevable.
Tribunal de Première Instance de Bafoussam, JUGEMENT CIVIL N 44 DU 20 avril 2007, AFFAIRE SUCCESSION KOM MARIE CONTRE TALLA MAURICE.
LE TRIBUNAL
Vu l’article introductif d’instance.
Vu les lois et règlements en vigueur.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Attendu que par exploit du 04 Août 2005 de Me KAMDEM NANA Thaddhée, Huissier de Justice à Bafoussam, enregistré le 29 août 2005, vol 02, folio 144, case et bordereau 3707/Bd N 93/2 aux droits de quatre mille francs (4000), la succession KOM Marie ayant pour conseil Maître TANDA Zachée, Avocat à Bafoussam, a fait donner assignation à TALLA Maurice, commerçant demeurant à Bafoussam, d’avoir à se trouver et comparaître par devant le Tribunal de Première Instance de Bafoussam statuant en matière civile et commerciale pour, est-il dit dans cet exploit :
Recevoir la succession requérante en sa demande et l’y dire fondée.
Condamner le sieur TALLA Maurice à lui payer la somme de 96 000 F à titre d’arriérés de loyer, de même qu’au paiement des loyers à échoir jusqu’au jour de la libération effective, majoré de celle de 250 000 F à titre de dommages et intérêts.
Ordonner son expulsion des lieux loués sous astreinte de 10 000 F par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir.
Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toutes voies de recours.
Condamner le sieur TALLA Maurice aux entiers dépens.
Attendu que toutes les parties ont conclu;qu’il y a lieu de statuer contradictoirement à leur égard.
Attendu qu’au soutien de son action, la demanderesse expose que TALLA Maurice occupe une partie de l’immeuble de la succession requérante sis au quartier Djeleng II à Bafoussam moyennant un loyer de 12 000 F comme en fait foi la déclaration de location verbale enregistrée à Bafoussam le 11 Janvier 2005(.).
Que depuis le 05 Juillet 2004, elle a notifié au sus-nommé un préavis conformément aux dispositions légales en lui impartissant un délai de 06 mois pour libérer les lieux loués.
Que malgré ce préavis, ledit locataire non seulement s’obstine à se maintenir de force dans ces lieux mais également ne paye plus les loyers.
Que c’est ainsi qu’il reste redevable envers elle de la somme de 96 000 F représentant huit (8) mois d’arriérés de loyers échus.
Que le non paiement d’un seul terme de loyer à son échéance constituant une cause péremptoire de résiliation du contrat de bail, ce dernier s’expose à l’expulsion.
Qu’à ce titre, elle sollicite que le Tribunal lui donne acte en sa demande et condamne ce dernier à lui payer ce que de droit et ordonne son expulsion des lieux objet du bail.
Que pour étayer ses allégations, elle verse aux débats les photocopies de déclaration verbale de bail commercial du 04 Janvier 2005, 08 quittances de paiement des frais d’enregistrement du bail avec pénalité par dame veuve TALLA, 02 quittances de paiement de la taxe foncière par la demanderesse, une lettre de préavis au défendeur en date du 09 Juillet 2004, une sommation de délibérer les lieux datée du 02 Décembre 2004, le devis des dépenses faites par le défendeur pour l’aménagement de la boutique du marché « A ».
Attendu que pour faire échec à cette action, le défendeur dans ses conclusions du 10 Octobre 2005 et du 07 Août 2006 fait valoir d’une part qu’il a pris en location le local de la demanderesse depuis 1998 et a toujours payé son loyer contre reçu jusqu’au mois de Février 2005.
Qu’au moment de prendre en location ce qu’il convient d’appeler aujourd’hui boutique, c’était une véranda.
Qu’avec l’accord de dame KOM Marie, il a transformé ladite véranda en boutique en élevant les murs, crépissant, y plaçant une porte métallique, réfectionnant la dalle, etc. à la condition que les frais devaient lui être remboursés, ce qui n’a pas été fait à ce jour.
Que les frais engagés pour la transformation de la véranda en boutique s’élèvent à 712.400 francs.
Que depuis son entrée dans cette boutique, c’est lui qui a toujours payé les impôts à la fois le bail qui est à sa charge et le précompte sur loyer qui est à la charge de la bailleresse suivant les dispositions du code général des impôts.
Qu’après un certain temps de location le représentant de sa bailleresse, le nommé KAMDEM Henri ne passait plus chercher le loyer comme par le passé, le locataire ayant saisi le juge conciliateur pour régler le différend les opposant.
Que la dette étant quérable et non portable, il revenait à la bailleresse de lui servir une mise en demeure de respecter les clauses du bail, ce que n’a pas fait cette dernière.
Qu’à cet effet, elle ne peut donc solliciter son expulsion sans violer les termes de l’article 95 de l’Acte Uniforme OHADA portant droit commercial général.
Que d’autre part, sa bailleresse doit lui verser reconventionnellement une indemnité d’éviction de 2.600 000 si elle tient absolument à ce qu’il libère les lieux, son droit au refus du renouvellement du bail n’étant pas assorti d’un motif grave et légitime, le locataire n’ayant pas été mis en demeure de s’exécuter.
Qu’au moment où les préavis lui ont été notifiés, il n’avait pas encore accumulé les arriérés de loyer, les lettres de préavis ne portant d’ailleurs aucune trace d’une demande de payer le loyer ou de régulariser cette situation.
Qu’au surplus, celle-ci doit lui rembourser la somme de 120 000 F représentant le précompte sur loyer qu’il a payé alors que cette obligation incombe au bailleur.
Qu’enfin, il est de bon droit que la demanderesse lui rembourse également la somme de 712 000 F à titre des dépenses engagées pour la transformation de la véranda en boutique, l’article 74 de l’acte sus -visé ne trouvant pas son fondement ici, les répartitions ne devant pas être confondues à la construction d’un local.
Qu’il produit à son tour aux débats les photocopies d’une requête aux fins de conciliation, la notification d’une convocation, la notification d’une lettre, le devis des dépenses faites pour l’aménagement de la boutique du marché « A », plus les différentes factures du matériel acheté pour la construction de cette boutique et celles des précomptes sur loyers payés.
Attendu qu’à l’analyse et sur la demande principale, l’article 101 de l’Acte Uniforme OHADA portant droit commercial général dispose que « le preneur est tenu de payer le loyer et de respecter les clauses et conditions du bail.
A défaut de paiement du loyer ou en cas d’inexécution d’une clause du bail, le bailleur pourra demander à la juridiction compétente, la réalisation du bail et l’expulsion du preneur et de tout occupant de son chef, après avoir fait délivrer par acte extrajudiciaire, une mise en demeure d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail ».
Qu’en l’espèce, il ressort des débats que la demanderesse a servi un préavis à son locataire d’avoir à libérer les locaux objet du bail et non une mise en demeure de payer les loyers dus et échus.
Qu’on ne saurait substituer le préavis à la mise en demeure dont de surcroît les conditions requises par le texte sus visé ne sont pas remplies.
Qu’en omettant d’accomplir cette formalité, la bailleresse a violé la lettre et l’esprit de ce texte.
Que cette omission rend par conséquent son action irrecevable en l’état.
(…).
Attendu que la partie qui succombe supporte les dépens;que ceux-ci doivent être solidairement mis à leur charge.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en premier ressort.
Déclare les demandes principale et reconventionnelle de la succession KOM Moïse et TALLA Maurice irrecevables en l’état respectivement pour violation de l’article 101 de l’Acte Uniforme OHADA sur le droit commercial général en raison de l’absence de mise en demeure préalable servie à la défenderesse d’avoir respecté les clauses et conditions de bail pour la première citée et défaut de consignation afférente à la seconde.