J-08-151
INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – RESPECT DES DELAIS (OUI) – RECEVABILITE DE L’OPPOSITION (OUI).
INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE – COMPETENCE RATIONAE LOCI – ELECTION DE DOMICILE (VALABLE) – EXCEPTION D’INCOMPETENCE (IRRECEVABLE).
INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE – SIGNIFICATION – INDICATION DMUNTANT DES FAIS ET INTERETS (OUI) – NULLITE DE L’EXPLOIT DE SIGNIFICATION (NON).
INJONCTION DE PAYER – CREANCE – CARACTERES – CERTITUDE (OUI) – VALIDITE DE L’ORDONNANCE (OUI).
SOCIETES COMMERCIALES – SARL – SARL UNIPERSONNELLE (NON) – -GERANT – RESPONSABILITE DES DETTES SOCIALES (NON).
INJONCTION DE PAYER – CREANCE – DETTE CAMBIAIRE – DELAI DE GRACE (NON).
L’opposition à une ordonnance d’injonction de payer est recevable lorsqu’elle est formée dans le délai de quinze jours après la signification de l’ordonnance comme le prévoit la loi.
Le créancier qui sollicite une ordonnance d’injonction de payer doit en principe porter son action devant le tribunal du lieu où demeure effectivement le débiteur. Mais, lorsque les parties ont dérogé, comme les y autorise la loi, à cette règle de compétence territoriale au moyen d’une élection de domicile portée dans leur convention, celle-ci doit être respectée.
Un exploit de signification ne saurait être annulé au motif que l’huissier n’a pas précisé le montant des frais de greffe et d’intérêt lorsqu’il apparaît d’ailleurs que le montant de ces frais et intérêts a été précisé et que les parties en formant opposition reconnaissent implicitement la valeur de la signification.
Lorsqu’il ressort des documents produits en l’espèce deux contrats de vente à crédit de véhicules pour lesquels l’acheteur a souscrit des traites que la créance du débiteur est certaine, doit être rejetée la contestation portant sur l’incertitude du montant de la créance qui fonde une procédure d’injonction de payer.
Dès lors qu’une action en paiement est dirigée contre une SARL et qu’il ne s’agit pas d’une SARL unipersonnelle, le gérant de cette SARL ne saurait être tenu personnellement responsable des dettes sociales et une action engagée contre le gérant ne saurait être recevable.
Le débiteur contre qui est engagée une action pour non paiement des traites relatives à une vente à crédit de véhicules ne saurait bénéficier du délai de grâce prévu par l’article 39 de l’AUPSRVE car, il s’agit en l’espèce, d’une dette de nature cambiaire.
Article 10 AUPSRVE
Tribunal de Grande Instance de la Mifi, Jugement n 19/civ du 15 avril 2008, affaire NSANGOU ABDOU, Super Confort Express Voyages c/ Cameroon Motors Industries.
LE TRIBUNAL
Vu l’exploit d’assignation en date des 06 et 07 juin 2007.
Vu l’Acte Uniforme OHADA n 6 portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et Voies d’exécution.
Vu le procès verbal de non conciliation n 05/06-07 rendue le 14 Novembre 2007 par le juge conciliateur du Tribunal de céans.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Attendu que par exploit en date des 06 et 07 juin 2007 dûment enregistré à Yaoundé le 06 Septembre aux droits de 7.600 francs de Maître MAH Ebénézer Paul, huissier de justice à Yaoundé, agissant par l’intermédiaire de Maître TCHANGO Augustin, huissier de justice à Bafoussam, le sieur NSANGOU ABDOU, chef d’entreprise demeurant à Yaoundé, et la société Super Confort Express Voyages Sarl dont le siège est à Yaoundé ont donné assignation à la Cameroon Motors Industries ci-après désignée (CAMI) SA prise en la personne de son représentant légal à Bafoussam d’avoir à se trouver et à comparaître par devant le Tribunal de Grande Instance de la Mifi statuant en matière civile et commerciale pour est-il dit dans cet exploit.
Constater que le juge compétent en matière d’injonction de payer est celui du domicile du débiteur.
Dire et juger en conséquence votre juridiction incompétente.
Constater que l’exploit de signification du 22 Mai 2007 est entaché de nombreuses irrégularités de nature à justifier sa nullité.
Constater que ledit exploit ne précise pas conformément aux dispositions de l’article 8 de l’Acte Uniforme OHADA portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et Voies d’exécution, le montant des frais prévus dans l’ordonnance d’injonction de payer n 9/IP du 02 Mai 2007.
Constater que ledit exploit fait double emploi en ajoutant aux frais prévus dans l’ordonnance querellée d’autres frais.
Subsidiairement :
Constater que monsieur NSANGOU ABDOU est gérant de la société Super Confort Express Voyages.
Dire et juger qu’il ne saurait être personnellement débiteur des dettes de la société.
Le mettre en conséquence hors de cause.
Constater que le non règlement des dettes par la société Super Confort Express Voyages est dû à un cas fortuit, notamment de nombreux cas d’accidents dont elle a fait l’objet.
Accorder en conséquence à la société Super Confort Express Voyages un délai supplémentaire de 18 mois pour purger sa dette.
Condamner la Cameroon Motors Industries (CAMI) SA aux dépens dont distraction au profit de Maître DAOUDA NKOUONDJOM, avocat aux offres de droit.
Attendu que les parties ont conclu par leurs conseils respectifs : Maître NKOUONDJOM pour le demandeur et la SCPA NOUGWA et NKOUONGUENG pour le demandeur le défendeur.
Attendu qu’au soutien de leur opposition les demandeurs allèguent.
Que par ordonnance n 09/IP rendue le 02 Mai 2007, le Président du Tribunal de Grande Instance de la Mifi les a enjoint d’avoir à payer à la Cameroon Motors Industries la somme de 88.903.449 francs CFA.
Que ladite ordonnance qui leur a été signifiée le 22 Mai 2007 encourt nullité pour violation de l’article 8(1) de l’Acte Uniforme OHADA portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et Voies d’exécution.
Que cet article dispose qu’ » à peine de nullité la signification de la décision portant injonction de payer contient sommation d’avoir : soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par la décision ainsi que les intérêts et frais de greffe dont le montant est précisé ».
Qu’il se dégage de l’exploit attaqué l’absence de la précision du montant des frais de greffe et d’intérêts, c’est pourquoi il encourt nullité.
Qu’en violation de l’article 3 de l’Acte Uniforme sus visé, le créancier a saisi la juridiction de son domicile et non celle du lieu où demeure effectivement le débiteur comme l’exige cette disposition, c’est pourquoi il y a lieu de se déclarer incompétent.
Que par ailleurs la créance n’est pas certaine car il ne reconnaît pas devoir la somme de 66.599.387 francs en principal sur laquelle porte l’injonction de payer.
Qu’en outre l’huissier instrumentaire fait double emploi en réclamant le coût de l’exploit de signification, le droit de recette, la TVA/DR, le TP alors que l’ordonnance a prévue la faramineuse somme de 12.500 000 francs pour faire face à ces frais.
Que non seulement le montant du coût des frais accessoires ne se justifie pas mais également ce montant est exagéré, c’est pourquoi il y a lieu sinon de déclarer nul l’exploit de signification, du moins de ramener le montant du coût des frais à des justes proportions.
Qu’enfin la société Super Confort Express Voyages ne s’oppose pas au règlement de sa dette, mais seulement elle fait observer que non seulement le montant réclamé n’est pas exact, mais aussi le retard du règlement est dû à un cas fortuit, à savoir de nombreux cas d’accidents dont elle a fait l’objet, soit au total 05 cas dont deux ont conduit à l’immobilisation totale des véhicules concernés;c’est pourquoi il sollicite un délai de grâce pour éponger ses dettes.
Que le sieur NSANGOU ABDOU est gérant de la société Super Confort Express Voyages Sarl et ne saurait être déclaré personnellement débiteur des dettes de ladite société.
Qu’il y a lieu de le mettre hors de cause.
Attendu que pour s’opposer à l’action la société défenderesse a soutenu qu’il y a lieu de déclarer l’opposition recevable comme faite dans les forme et délai légaux;mais de le déclarer non fondée pour les motifs ci-dessous.
Que s’agissant de l’incompétence, l’article 9 du code de procédure civile et commerciale dispose qu’en matière commerciale, le demandeur pourra assigner à son choix :
« devant le Tribunal du défendeur.
« devant celui dans le ressort duquel la promesse a été faite et la marchandise livrée.
« devant celui dans le ressort duquel le paiement devait être effectué ».
Qu’au vu des contrats de vente à crédit des véhicules avec constitution de nantissement desquels résulte la créance, il résulte de l’article 14 que la compétence a été expressément attribuée au Tribunal de Bafoussam.
Qu’il en résulte que le Tribunal de céans est bien compétent.
Que s’agissant de la nullité de l’exploit de signification du 22 Mai 2007 pour violation de l’article 8 de l’Acte Uniforme OHADA au motif que l’huissier n’aurait pas précisé le montant des frais de greffe et d’intérêts, la jurisprudence s’est déjà prononcée à plusieurs fois sur ce point en décidant que la nullité de la signification n’a d’incidence que sur la recevabilité de l’opposition.
Qu’elle ne rend pas l’ordonnance caduque mais empêche le délai d’opposition de courir.
Que le sieur NSANGOU ABDOU est mal fondé à solliciter sa mise hors de cause, la société Super Confort Express Voyages étant son affaire personnelle.
Que s’agissant du délai de grâce de 18 mois sollicité pour éponger la dette, le débiteur est mal fondé à solliciter eu égard à sa mauvaise foi.
Que par ailleurs l’article 39 de l’Acte Uniforme OHADA sus visé exclu le délai de grâce pour les dettes cambiaires comme c’est le cas en l’espèce.
Qu’elle sollicite l’exécution provisoire s’agissant d’une créance contractuelle exigible, conformément à l’article 3 (1) de la loi N 92/008 du 14 Août 1992 fixant certaines dispositions relatives à l’exécution des décisions de justice.
SUR LA RECEVABILITE DE L’OPPOSITION
Attendu que l’article 10 de l’Acte Uniforme OHADA n 6 dispose que l’opposition doit être formée dans les 15 jours de la signification de l’ordonnance.
Attendu que dans le cas d’espèce la signification a été faite le 22 Mai 2007, et l’opposition formée le 06 Juin 2007c’est à dire dans le délai légal.
qu’il y a lieu de la déclarer recevable.
SUR L’EXCEPTION D’INCOMPETENCE
Attendu que le demandeur a soulevé l’incompétence du Tribunal au motif que l’article 3 de l’Acte Uniforme sus visé attribue compétence à la juridiction du lieu où demeure effectivement le débiteur.
Mais attendu que le paragraphe 2 de ce même article 3 dispose que les parties peuvent déroger à ces règles de compétence au moyen d’une élection de domicile prévue au contrat.
Attendu que l’article 14 du contrat dispose « pour tous litiges de la formation, de l’interprétation ou de l’exécution du présent contrat, compétence est expressément attribuée au Tribunal de Bafoussam.
A cet effet, l’acheteur déclare élire domicile à Bafoussam. ».
Attendu que de ce qui précède il y a lieu de rejeter l’exception d’incompétence soulevée par les opposants.
SUR LA NULLITE DE L’EXPLOIT DE SIGNIFICATION
Attendu que les demandeurs ont sollicité la nullité de l’exploit de signification au motif que l’huissier n’a pas précisé le montant des frais de greffe et d’intérêts.
Mais attendu qu’il résulte bien dudit exploit de signification que la société Super Confort Express Voyages et le sieur NSANGOU ABDOU ont été enjoint de payer la somme de 66. 599.387 F en principal, augmentée des frais et accessoires d’un montant de 12.500 000 F soit un total de 79 099.387 francs.
Attendu que l’exploit de signification a pour effet de porter la décision à la connaissance du débiteur, et de faire courir les délais d’opposition, ce qui a été fait.
Attendu que ces demandeurs qui sollicitent que leur opposition soit déclarée recevable reconnaissent implicitement la valeur de la signification qui leur a été faite.
Qu’il y a lieu de rejeter ce grief comme non fondé.
SUR LA MISE HORS DE CAUSE DU SIEUR NSANGOU ABDOU
Attendu que le sieur NSANGOU ABDOU sollicite sa mise hors de cause au motif qu’il est gérant de la société Super Confort Express Voyages Sarl et ne saurait être personnellement être déclaré responsable des dettes de ladite société.
Attendu que la société Super Confort Express Voyages est une société à responsabilité limitée.
Attendu qu’il résulte de l’article 309 de l’Acte Uniforme OHADA n 2 relatif au droit des sociétés commerciales que la société à responsabilité limitée est une société dans laquelle les associés ne sont responsables des dettes sociales qu’à concurrence de leurs apports.
Attendu que dans le cas d’espèce sieur NSANGOU ABDOU a soutenu qu’il n’est que le gérant de Super Confort Express Voyages.
Attendu qu’en l’absence de tout élément pouvant justifier que Super Confort Express Voyages Sarl unipersonnelle appartenant à ce dernier, il est fondé à solliciter sa mise hors de cause.
SUR LA CERTITUDE ET LE MONTANT DE LA CREANCE
Attendu que les demandeurs à l’opposition ont contesté le caractère certain de la créance en soutenant que dans l’injonction de payer, la créance était de 66.599.389 F alors que dans sa correspondance du 23 Décembre de 2007, la créancière fait état d’un solde débiteur de 62.961.622 francs compte tenu des versements effectués entre temps.
Mais attendu que le caractère certain de la créance est incontesté.
Attendu qu’il est produit aux débats les deux contrats de vente par lesquels la CAMI a vendu à crédit à Super Confort Express Voyages qui a souscrit 10 effets N 1272 à 1281 avec des échéanciers de paiement payable le 15 de chaque mois, du 15/02/05 au 15/11/05 et dix autres effets N 2284 à 2293 payables le 30 de chaque mois à compter du 28 février 2006.
Attendu que l’ordonnance querellée a été rendue le 2 mai 2007 et enjoignait les débiteurs de payer la somme de 66.599.387 francs en principal.
Attendu qu’à la date du 12 Décembre 2007, l’extrait des comptes de Super Confort Express Voyages dans les livres de la CAMI affichait en solde débiteur de 62.961.622 francs.
Attendu que ceci est la preuve que même après la signification de l’ordonnance querellée, des paiements ont été faits et pris en compte.
Attendu que cet extrait des comptes a été communiqué à Super Confort Express Voyages qui ne l’a jamais contesté :
Qu’il y a lieu de dire que le principal de la créance est de 62.961.622 F.
SUR LES FRAIS
(…).
SUR L’EXECUTION PROVISOIRE (…)
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties en matière civile et commerciale et en premier ressort, en collégialité et à l’unanimité.
EN LA FORME
Reçoit l’opposition comme faite dans les forme et délai légaux.
AU FOND
Rejette comme non fondée l’exception d’incompétence soulevée par les opposants.
Dit qu’il y a lieu de mettre NSANGOU ABDOU hors de cause.
Déboute les opposants des autres chefs.
Reçoit la Cameroon Motors Industries (CAMI) SA en sa demande en paiement.
L’y dit partiellement fondée.