J-08-155
DROIT DES TRANSPORTS – CONTRAT DE TRANSPORT – INEXECUTION – RESPONSABILITE DU TRANSPORTEUR – CONDITIONS – PREUVE DE L’EXISTENCE DU CONTRAT DE TRANSPORT (NON) – REJET DE LA DEMANDE.
L’action en responsabilité engagée par l’expéditeur de marchandises contre le transporteur ne peut prospérer faute pour l’expéditeur de rapporter la preuve de l’existence du contrat de transport en produisant le contrat de transport ainsi que la lettre de voiture et en justifiant du paiement des frais de transport des marchandises endommagées.
Tribunal de première instance de Bafoussam, jugement civil n 9 du 1er février 2008, Affaire TEGOUM Jules C/ LONGTIO Joseph.
LE TRIBUNAL
Vu les lois et règlement en vigueur.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Attendu que par exploit du 9 Mai 2005 de maître KAMDEM NONO Taddhée, Huissier de justice à Bafoussam enregistré le 12 Mai 2005, volume 02, folio 198, case et bordereau 3136 aux droits de quatre mille francs, le sieur TEGOUM Jules, commerçant à Bafoussam ayant pour conseils la KKADJITT LAW FIRM, Avocats associés à Bafoussam a donné assignation au nommé LONGTIO Joseph, transporteur ayant pour conseil Mes MBEUNGA Emmanuel et TEKAM Roger, Avocats au barreau du Cameroun d’avoir à se trouver et comparaître par devant le Tribunal de Première Instance de Bafoussam statuant en matière civile et commerciale pour est-il dit dans cet exploit :
Y venir le requis.
Constater que les 150 cartons d’œufs que sieur LONGTIO s’est engagé à transporter pour le compte du requérant de Bafoussam à Kousseri ne lui ont jamais été livrés.
Constater que ce défaut de livraison résulte de la destruction totale de la cargaison survenue au cours du transport.
Vu l’article 16 alinéa 1 de l’acte uniforme OHADA relatif aux contrats de transport de marchandises par route.
Condamner sieur LONGTIO Joseph à payer à TEGOUMO Jules la somme de 4 000 000 francs à titre de réparation du préjudice qu’il a subi et ainsi ventilée.
Principal 3 000 000 (2 000 par carton x 150).
Préjudice commercial 500 000.
Frais de procédure 500 000.
Le condamner également aux entiers dépens dont distraction au profit de la KKADJITT LAW FIRM, Avocats aux offres de droit.
Attendu qu’au soutien de son action, le demandeur expose que le 9 Mars 2005, il a conclu avec le sieur LONGTIO Joseph un contrat de transport de marchandises en vertu duquel ce dernier s’engageait à transporter pour son compte 150 cartons d’œufs frais de Bafoussam à Kousseri moyennant le payement de la somme de 300 000 francs.
Que ladite marchandise à été effectivement embarquée à bord du camion MERCEDES BENZ immatriculé sous le numéro NU 7724 C, propriété du défendeur.
Qu’au lieu dit WAZA, ledit camion s’est renversé causant la destruction de l’intégralité de la cargaison d’œufs évaluée à la somme de 3 000 000 francs.
Que depuis la survenance de ce sinistre, tous ses efforts tendant à rencontrer le susnommé en vue de statuer sur son dédommagement se sont soldés par des échecs.
Qu’en vertu des dispositions de l’article 16 alinéa 1 de l’acte uniforme OHADA sur le contrat de transport de marchandises par route « le transporteur est tenu de livrer les marchandises à destination. Il est responsable de l’avarie, de la perte totale ou partielle qui se produit pendant la période de transport ainsi que du retard à la livraison ».
Qu’en sa qualité de transporteur, le sieur LONGTIO n’a pas tenu à son obligation légale qui est de livrer la marchandise à destination.
Qu’il doit dès lors répondre de la perte totale de cette marchandise pendant le transport.
Qu’il sollicite en outre l’allocation d’une somme de 4 000 000 francs pour réparer le préjudice ainsi subi.
Qu’il produit à l’appui de ses allégations un procès verbal de constat de l’accident de circulation déploré, une sommation de payer servie à sieur LONGTIO Joseph le transporteur sans aucune réaction de sa part, un exploit de notification d’une mise en demeure avant poursuites judiciaires dans laquelle sieur LONGTIO reconnaît la réalité du contrat de transport et une plainte déposée par le défendeur contre son chauffeur et lui au parquet d’instance de Bamenda, de laquelle il ressort clairement qu’il est le propriétaire du camion MERCEDES BENZ immatriculé sous le numéro 7724-C, le même qui est en cause dans le sinistre déploré.
Attendu que pour faire échec de cette action, le défendeur via ses conseils susnommés conclut à son irrecevabilité comme mal orientée et se porte en même temps demandeur reconventionnel.
Que sur le premier moyen, maître MBEUNGA Emmanuel fait valoir que le transporteur n’est responsable des actes du préposé que lors de l’exécution du contrat intervenu entre le transporteur et l’expéditeur ou donneur d’ordre.
Qu’en l’espèce, renchérit-il, il n’existe aucun contrat entre le transporteur et l’expéditeur en l’absence de toute preuves justificatives y afférentes notamment le contrat de transport, la lettre de voiture et le paiement de la somme de 300 000 francs toute chose de nature à conclure que l’action dirigée contre lui est irrecevable pour avoir été mal orientée.
Que compte tenu de cette action abusive et vexatoire, il se porte demandeur reconventionnel et sollicite la condamnation du sieur TEGOUMO Jules à lui payer la somme de 4 480 000 francs ainsi répartie.
Transport et remorquage du camion 550 000 F.
Frais de réparation du camion 800 000 F.
Achat roue 340 000 F.
Perte sur marchandise transportée 8x400 000 F.
Manque à gagner (immobilisation du camion 2.700 000 F.
Qu’il verse à son tour aux débats un reçu N 55 du 12 Avril 2005 par transfert de remorquage camion de 550 000 francs, un reçu N 57 du 20 Avril 2005 pour réparation du camion d’un montant 800 000 une facture N 090 du 20 Avril pour achat des roues d’une valeur de 340 000 F et un bon de livraison savon.
Attendu que revenant à la charge, le demandeur affirme qu’il a bien existé un contrat de transport par route entre Bafoussam et Kousseri d’une cargaison de 150 cartons d’œufs.
Que la preuve dudit contrat peut être rapportée par tous les moyens surtout que l’écrit n’est pas une condition de validité du contrat de transport, encore moins de la lettre de voiture.
Qu’en ce sens l’article 3 de l’acte uniforme susvisé dispose que le contrat de transport « existe dès que le donneur d’ordre et le transporteur sont d’accord pour le déplacement d’une marchandise moyennant un prix convenu ».
Que s’agissant de la lettre de voiture, l’article 4 alinéa 4 du même article dispose que « l’absence ou l’irrégularité de a lettre de voiture … de même que la perte de cette lettre n’affecte ni l’existence, ni la validité du contrat de transport ».
Qu’au regard de ces dispositions légales, l’exigence de ces documents par le défendeur perd son intérêt.
Que par ailleurs, la preuve de paiement de la somme de 300 000 francs à titre de frais de transport se déduit aisément de l’embarquement et du transport effectif desdites marchandises de Bafoussam à WAZA lieu de l’accident, ce qui du reste n’est nullement contesté par le défendeur.
(…).
Attendu que contre ces arguments, le défendeur rétorque que conformément aux articles 2 et 3 de l’acte uniforme susvisé, le contrat de transport doit intervenir entre le transporteur et le donneur d’ordre qui doivent être clairement identifiés, le transporteur étant distinct du chauffeur de véhicule son préposé.
Qu’or en l’espèce, le prétendu contrat dont se prévaut le demandeur n’aurait été conclu qu’entre le chauffeur du camion et le sieur TEGOUM, ceci en fraude de ses droits et de ce fait ne lui est pas opposable et par conséquent il ne saurait répondre des actes perpétrés par ledit chauffeur et partant sollicite sa mise hors de cause.
(…).
Attendu par contre que la demande principale du nommé TEGOUM Jules est recevable en la forme.
Que toutefois en l’absence des pièces justificatives y afférentes notamment le contrat de transport de marchandises liant le transporteur et l’expéditeur, la lettre de voiture au sens des articles 2, 3 et 16 alinéa 4 de l’acte uniforme OHADA susvisé et aussi du reçu de paiement de la somme de 300 000 francs à titre de frais de transport de marchandises endommagées, cette demande ne saurait en l’état prospérer.
Qu’il échet de l’en débouter.
Attendu que chaque partie ayant succombé, il convient de faire masse des dépens entres elles.
PAR CES MOTIFS.
statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en premier ressort.
déclare le demande reconventionnelle de sieur LONGTIO Joseph irrecevable faite de consignation y afférente.
reçoit le nommé TEGOUM Jules en sa demande principale.
l’y dit cependant non fondée faute de pièces justificatives notamment le contrat de transport de marchandises liant les parties, la lettre de voiture et le reçu de paiement de la somme de 300 000 F à titre frais de transport de la marchandise endommagée.
l’en déboute en conséquence.