J-08-160
Voir Ohadata J-02-06 et Ohadata J-04-105
EXECUTION PROVISOIRE – EXECUTION NON ENCORE ENTREPRISE – DEFENSE A EXECUTION PROVISOIRE ORDONNE – VIOLATION DE L’ARTICLE 32 (NON).
Lorsque les défenses à exécution provisoire interviennent avant le début de l’exécution provisoire, il n’y a pas violation de l’article 32 AUPSRVE et la CCJA doit se déclarer incompétente pour connaître d’un pourvoi en cassation pour ce motif.
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (C.C.J.A.), arrêt n 13 du 19 juin 2003, Affaire : SOCOM SARL (Conseils : Maîtres MANGA AKWA James-Roger, KOUO MOUDIKI Jacques Michel et DADIE SANGARET et Associés, Avocats à la Cour). Contre Société Générale de Banques au Cameroun (SGBC). (Conseil : Maître Henri JOB, Avocat à la Cour). Revue Camerounaise de l’Arbitrage n 22. Juillet-Août-Septembre 2003, p. 10, note Kenfack-Douajni Gaston.
LA COUR Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 19 juin 2003, où étaient présents :
– Messieurs, Seydou BA, Président;
– Jacques M’BOSSO, Premier, Vice-Président;
– Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-Président;
– Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge;
– Maïnassara MAÏDAGI, Juge rapporteur;
– Et, Maître Pascal Édouard NGANGA, Greffier en chef.
Sur le pourvoi en date du 26 aoûtt 2002 et enregistré au greffe de la Cour de céans le 12 septembre 2002 sous le n 046/2002/PC, formé par Maîtres MANGA AKWA James-Roger, boîte postale n 569 Douala et KOUO MOUDIKI Jacques Michel, boîte postale n 15050 Douala, Avocats au Barreau du Cameroun, dont les Cabinets sont respectivement situés à la rue MOTTE PIQUET à Bonanjo Douala et n 256 rue NGOSSO-DIN à Bali Douala, avec élection de domicile au Cabinet de Maîtres DADIE SANGARET Lynda et Associés, sis à l’immeuble Alliant, rue le Cœur 04 BP 1147 Abidjan 04, agissant au nom et pour le compte de SOCOM, société à responsabilité limitée, dans une cause l’opposant à la Société Générale de Banques du Cameroun, 1059, Boulevard de la République, rez-de-chaussée, immeuble Stamatiades, BP 5482 Douala, en cassation de l’arrêt n 292/DE du 24 mai 2002 rendu par la Cour d’Appel du Littoral à Douala, dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de défense à exécution en appel et en dernier ressort.
Reçoit la requête.
Ordonne les défenses à exécution provisoire.
Condamne la partie adverse aux dépens ».
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt :
Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAÏDAGI :
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu les dispositions du Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure, que par ordonnance n 1091 du 08 aoûtt 2001, le juge des référés du Tribunal de Première Instance de Douala a, entre autres, dit qu’en application des dispositions de l’article 1153 du Code Civil,les intérêts de droit sont dus en même temps que le principal et calculés au taux légal à compter du prononcé de la condamnation, soit le 05 mai 1993;dit qu’en rectification du décompte, les intérêts de droit à recouvrer par la SOCOM SARL calculés au taux légal de 7,9 % par an s’élèvent à 200 024.599 FCFA;ordonne l’exécution provisoire de la présente décision sur minute et avant enregistrement;qu’ayant interjeté appel de ladite décision, la SGBC a, par requête enregistrée au greffe de la Cour d’Appel du Littoral sous le n 012 en date du 10 octobre 2001, introduit une demande aux fins de défenses à exécution;que par Arrêt n 292/DE du 24 mai 2002, dont pourvoi, la Cour d’Appel du Littoral a ordonné les défenses à exécution provisoire.
SUR LA COMPETENCE
Vu l’article 14 alinéas 3 et 4 du Traité susvisé.
Vu l’article 32 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu que la Société Générale de Banques au Cameroun (SGBC), défenderesse au pourvoi, demande à la Cour, In limine litis, de se déclarer incompétente, aux motifs qu’il s’induit des articles 13 et 14 alinéas 3 et 4 du Traité OHADA, que la juridiction de céans ne peut être saisie que de la cassation, soit des décisions rendues en premier ressort par les juridictions des Etats parties, soit des arrêts rendus au fond sur appel des décisions rendues en premier ressort, le tout relativement à l’application des Actes uniformes;que par ailleurs, la Cour d’Appel du Littoral n’avait été saisie que de la question relative à la suspension de l’exécution d’une décision de justice, laquelle question n’est traitée par aucun Acte uniforme, mais plutôt par la loi camerounaise n 92/008 du 14 août 1992 fixant certaines dispositions relatives à l’exécution des décisions de justice, et qu’en vertu de l’article 4 (7) de cette loi, l’arrêt rendu par la Cour d’Appel du Littoral et dont la cassation est sollicitée n’est susceptible que du pourvoi d’ordre du Ministre de la Justice;qu’aucune partie au procès ne peut se pourvoir en cassation à l’encontre dudit arrêt et la Haute Cour de céans ne peut être saisie que lorsqu’il y a ouverture à cassation;que l’analyse de l’arrêt soumis à la censure de la Cour de céans, il n’apparaît nulle part que le débat ait porté sur une question relative à l’application d’un Acte uniforme.
Attendu qu’aux termes de l’article 14 alinéas 3 et 4 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité, à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales.
Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux ».
Attendu que l’Arrêt n 292/DE du 29 mai 2002 de la Cour d’Appel du Littoral à Douala a été rendu sur requête aux fins de défenses à exécution, en application de la loi n 92/008 du 14 août 1992 modifiée en ses articles 3 et 4 par la loi n 97/018 du 17 août 1997 et fixant certaines dispositions relatives à l’exécution des décisions de justice;que cette procédure de défenses à exécution est ouverte en cas d’appel interjeté contre une décision assortie de l’exécution provisoire et obéit à des règles de procédure spécifiques avec une voie de recours propre, à savoir le pourvoi d’ordre;que l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt ne soulève aucune question relative à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique;qu’en effet, contrairement à ce que prétend la demanderesse au pourvoi, l’article 32 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution n’est pas applicable en l’espèce, la procédure introduite le 10 octobre 2001 et qui a abouti à l’arrêt attaqué n’ayant pas eu pour objet de suspendre une exécution forcée déjà engagée, mais plutôt, d’empêcher qu’une telle exécution puisse être entreprise sur la base d’une décision assortie de l’exécution provisoire et frappée d’appel;qu’il s’ensuit que la Cour de céans doit se déclarer incompétente pour statuer sur le recours en cassation introduit par SOCOM SARL.
Attendu que la SOCOM SARL ayant succombé, doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Se déclare incompétente.
Condamne SOCOM SARL aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
– le Président;
– le Greffier en chef.
NOTE
L’arrêt ci-dessus rapporté, dont les faits sont rappelés dans l’article intitulé « L’état actuel de l’OHADA » publié au présent numéro de la. Revue, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage opère un revirement jurisprudentiel d’autant plus salutaire qu’il était souhaité. En effet, dans un précédent arrêt rendu le 11 octobre 2001, dit Arrêt Karnib, la juridiction supranationale avait semblé dire que les législations nationales réglementant l’exécution provisoire des décisions de justice ont été abrogées par le droit OHADA.
Une telle décision posait plus de problèmes qu’elle n’en solutionnait, d’autant qu’elle enlevait aux plaideurs, la possibilité d’obtenir du juge supérieur, la suspension des décisions contre lesquelles ils (ces plaideurs). avaient exercé un recours (appel ou pourvoi en cassation). Autrement dit, l’arrêt Karnib semblait dénier au juge étatique, le pouvoir de moduler l’exécution des décisions de justice, afin d’en prévenir les conséquences irréparables.
Une autre conséquence négative de l’arrêt Karnib portait sur la gestion du contentieux de l’exécution provisoire des sentences arbitrales, prévu par l’article 28 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, selon lequel le juge de l’annulation de la sentence est également compétent pour statuer sur le contentieux de l’exécution provisoire de ladite sentence.
En effet, si comme semblait le laisser apparaître l’arrêt Karnib, les dispositions ou lois nationales réglementant l’exécution provisoire des décisions de justice devaient être tenues pour abolies par le droit OHADA, sur quel fondement légal le juge de l’annulation allait-il donc gérer le contentieux de l’exécution provisoire des sentences arbitrales ?.
Par arrêt SOCOM du 19 juin 2003, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage affirme clairement, même si l’affirmation n’est qu’implicite, que les lois nationales relatives a l’exécution provisoire des décisions de justice demeurent en vigueur. Du coup, toutes les craintes suscitées par l’arrêt Karnib s’estompent.
Ainsi, les législations nationales sus évoquées demeurent incontestablement en vigueur et sont complémentaires au droit OHADA.
Le juge étatique conserve donc bel et bien SON POUVOIR de prévenir les conséquences irréparables de l’exécution inopportune ou prématurée d’une décision de justice, cette exécution fût-elle déjà engagée.
Aucun doute n’est permis à cet égard, car l’article 5 al.5 de la loi camerounaise n 92 du 14 avril 1992 visé par l’arrêt rapporté précise que l’exécution de la décision querellée est suspendue dès présentation du certificat de dépôt, c’est-à-dire dès réception par le greffe de la juridiction supérieure (Cour d’Appel ou Cour Suprême). de la requête aux fins des défenses à l’exécution de la décision querellée.
Gaston KENFACK DOUAJNI.
Magistrat Spécialiste en Contentieux Économique (ENM Paris).
Membre Correspondant de l’Institut pour l’Arbitrage International (Paris).
Membre de la London Court of International Arbitration (Panafrican Council).
Sous-Directeur de Législation Civile, Commerciale, Sociale et Traditionnelle.
au Ministère de la Justice – Yaoundé Cameroun.