J-08-162
ARBITRAGE – NOTION – REGLEMENT DE REFERE PRE-ARBITRAL DE LA CCI – ORDONNANCE PRISE PAR LE TIERS EN APPLICATION DE CE REGLEMENT – NATURE CONVENTIONNELLE – EXCLUSION DE LA QUALIFICATION DE LA SENTENCE – CONSEQUENCE – IRRECEVABILITE DU RECOURS EN ANNULATION.
INSTITUTION PERMANENTE D’ARBITRAGE – CHAMBRE DE COMMERCE INTERNATIONALE – REGLEMENT DE REFERE PRE-ARBITRAL – DECISION DU TIERS – QUALIFICATION – MECANISME CONTRACTUEL – AUTORITE DE LA CHOSE CONVENUE – EXCLUSION DE LA QUALIFICATION DE SENTENCE – IRRECEVABILITE DU RECOURS EN ANNULATION EXERCE a SON ENCONTRE.
RECOURS EN AnNULATION – RECEVABILITE – CONDITION – NATURE DE SENTENCE DE LA DECISION ATTAQUEE – REGLEMENT DE REFERE PRE-ARBITRAL DE LA CCI – ORDONNANCE PRISE PAR LE TIERS EN APPLICATION DE CE REGLEMENT – NATURE CONVENTIONNELLE – EXCLUSION DE LA QUALIFICATION DE LA SENTENCE – CONSEQUENCE – IRRECEVABILITE DU RECOURS EXERCE A SON ENCONTRE.
Il résulte des termes du préambule du Règlement pré-arbitral de la CCI, que la qualification d’arbitrage a été soigneusement évitée en gommant toute référence aux expressions évoquant une telle qualification.
L’ordonnance rendue d’après le Règlement de référé pré-arbitral de la CCI, mécanisme contractuel qui repose sur la coopération des parties, a, malgré son appellation, une nature conventionnelle : elle n’a d’autorité que celle de la chose convenue;en conséquence, est irrecevable le recours en annulation.
Cour d’Appel de Paris (1ère Ch. C.). 29 avril 2003. Affaire : Société Nationale des Pétroles du Congo et République du Congo c/ Société Total Fina Elf E & P Congo. Revue Camerounaise de l’Arbitrage n 23. Octobre Novembre Décembre 2003, p. 20.
LA COUR
La République du Congo et la Société Nationale des Pétroles du Congo (« SNPC ») ont introduit un recours en annulation à l’encontre d’une ordonnance rendue le 6 février 2002 par M. X, tiers nommé et statuant dans le cadre du référé pré-arbitral de la Chambre de Commerce Internationale (« CCI »), auquel le protocole général d’accord, qu’elles avaient conclu le 10 septembre 2001 avec un engagement sur ses modalités d’exécution relatives au paiement de quantités de pétrole brut avec la société Total Fina Elf E & Congo (« TEP Congo ») pour refinancer les dettes de la République du Congo, faisait référence à l’article 10.
« chaque partie pourra solliciter des mesures provisoires ou conservatoires, en application du Règlement de référé pré-arbitral de la Chambre de Commerce Internationale, le tiers statuant en référé en application de ce Règlement ayant compétence exclusive à cet effet ».
La République du Congo et la SNPC expliquent d’abord que l’ordonnance de référé pré-arbitral, rendue à l’initiative de la société TEP Congo après qu’elles lui aient fait part de leur intention de mettre fin au protocole, en raison notamment d’un différend sur la formulation des attestations délivrées à la République du Congo par TEP Congo en tant qu’opérateur de terminaux pétroliers, qui :
leur interdit de faire obstacle à l’exécution du contrat de vente de pétrole conclu par les parties, et donc d’en suspendre ou interrompre unilatéralement l’exécution, tant que les griefs de fonds ne seront pas jugés par le tribunal arbitral compétent pour en connaître.
arrête les frais de procédure de référé pré-arbitral à 30 000 US $, chaque partie supportant la moitié, soit 15 000 US $, les défenderesses devant rembourser à la demanderesse le montant de 15 000 US $ dans les trente jours suivant la communication de l’ordonnance.
rejette toutes les autres conclusions.
est en réalité une sentence, puisqu’elle tranche le litige soumis au tiers investi à cet effet d’un pouvoir juridictionnel.
Elles ajoutent que l’article 6 6 du règlement de référé pré-arbitral, qui appelle les parties à exécuter sans délai l’ordonnance rendue et à renoncer, lorsque cela est possible, à exercer toutes voies de recours, n’interdit pas d’introduire un recours en annulation, toujours possible à l’encontre d’une sentence rendue en France en matière d’arbitrage international, nonobstant toute clause contraire.
Elles concluent ensuite à l’annulation de l’ordonnance, pour deux moyens : le non-respect de sa mission par le tiers (art. 1502-3 NCPC) qui s’est estimé compétent pour se prononcer sur les demandes formulées en dehors de la demande de référé, qui visait à leur interdire de faire obstacle à l’exécution du contrat de vente de pétrole en vertu duquel devait intervenir une première livraison d’hydrocarbures le 9 janvier 2002, et de la réponse écrite à celle-ci;le non-respect du principe de la contradiction (art. 1502-4 NCPC), le tiers ne leur ayant pas permis de discuter des pièces produites par la société TEP Congo la veille de l’audience, à l’appui de la nouvelle demande de cette dernière portant cette fois sur l’ensemble du protocole et dont l’objet tendant au transfert et au rééchelonnement de dettes est plus large qu’un simple contrat de vente du pétrole, dont la cession n’est qu’une modalité d’exécution, demande à laquelle elle n’ont pu, non plus, répondre. La République du Congo et la SNPC demandent à la Cour de condamner la société TEP Congo, outre aux dépens, à leur verser chacune la somme de 10 000 Euros au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La Société TEP Congo conclut d’abord à l’irrecevabilité du recours. Elle dit que le règlement de référé pré-arbitral n’est pas un règlement d’arbitrage et donc, que les ordonnances rendues dans ce cadre ne sont pas des sentences arbitrales, dont elles se distinguent essentiellement pour être dépourvues de tout caractère définitif. Elle conclut ensuite au rejet du recours, expliquant que les recourantes critiquent en réalité le fond de la décision du tiers, en reprochant à celui-ci d’avoir admis que les termes de la demande soient modifiés pour tenir compte de l’évolution de la situation factuelle du dossier, puisque la livraison prévue au 9 janvier était finalement intervenue, et que, s’agissant par ailleurs d’une procédure d’urgence, il n’y a rien de choquant à admettre aux débats, deux jours avant l’audience, quatre courriers échangés entre les parties depuis le dépôt de la demande de référé pré-arbitral. La société TEB Congo conclut en définitive à la condamnation in solidum de la République du Congo et de la SRPC, outre aux dépens, à lui verser une somme de 20 000 Euros sur la base de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
SUR CE, LA COUR
Considérant que la République du Congo et la SNPC affirment, pour voir déclarer leur recours recevable, que l’ordonnance de référé pré-arbitral est, malgré son intitulé, une sentence arbitrale, puisqu’elle tranche le litige soumis au tiers, investi à cet effet d’un pouvoir juridictionnel.
Considérant que la recevabilité du recours en annulation à l’encontre de la décision du tiers statuant en référé soulève au préalable, non la question de la qualification de la décision rendue en tant que sentence susceptible de recours au titre de l’article 1504 du Nouveau Code de Procédure Civile, ou en tant qu’ordonnance, insusceptible de recours, ce qui suppose déjà admise l’assimilation du tiers à l’arbitre, mais celle de la mission du tiers puisque, comme le remarque la société TEP Congo, le règlement de référé pré-arbitral n’indique pas qu’il s’agit d’un règlement d’arbitrage.
Considérant que d’après le préambule du règlement de référé pré-arbitral de la CCI adopté par les parties, celui-ci « met à la disposition des usagers du commerce international, un nouveau mécanisme par lequel des mesures peuvent être rapidement prises lorsque certaines difficultés surviennent dans le cadre de relations contractuelles. Ce Règlement répond à un besoin spécifique : celui de recourir à très bref délai, à un tiers – « le tiers statuant en référé » – habilité à ordonner des mesures provisoires revêtant un caractère d’urgence ».
Qu’il est manifeste que la qualification d’arbitrage a été soigneusement évitée, en gommant toute référence aux expressions évoquant une telle qualification.
Considérant que la mesure ordonnée dans l’ordonnance du 6 février 2002 qui fait interdiction à la République du Congo et à la SNPC, de faire obstacle à l’exécution du contrat de vente de pétrole conclu avec la société TEP Congo, tant que les griefs de fond ne seront pas jugés par le tribunal arbitral compétent pour en connaître, ne préjuge pas au fond et ne modifie en rien la situation des parties tant que les arbitres, dont l’intervention est prévue par la clause compromissoire du protocole général d’accord, ne se sont pas prononcés.
Considérant que M. X. a reçu de la République du Congo, de la SNPC et de la société TEP Congo, la mission de rendre une décision qu’elles ont contractuellement et par avance rendue obligatoire, ainsi que le souligne la règle d’efficacité pratique contenue à l’article 6 6 du règlement de référé pré-arbitral de la CCI, qui dispose que « les parties s’engagent à exécuter sans délai l’ordonnance de référé ».
Considérant que l’ordonnance du 6 février 2002, rendue d’après un mécanisme contractuel qui repose sur la coopération des parties a, malgré son appellation, une nature conventionnelle, qu’elle n’a d’autorité que celle de la chose convenue;qu’en conséquence, est irrecevable le recours en annulation ouvert contre les sentences.
Considérant qu’il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de la société TEP Congo les frais qu’elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, au remboursement desquels la République du Congo et la SNPC ne peuvent non plus prétendre, puisqu’elles supportent les dépens.
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevable le recours en annulation à l’encontre de l’ordonnance de référé pré-arbitral rendue le 6 février 2002.
Déboute les parties de toutes leurs demandes.
(.. ).
MM. PERRIE, prés;MATET, HASCHER, cons.
Mes GARAUD, GAILLARD, av.
NOTE
L’arrêt ci-dessus rapporté de la Cour d’Appel de Paris permet de mieux cerner la procédure de référé pré-arbitral de la Chambre de Commerce Internationale (II), à l’occasion d’une affaire dont il convient, au préalable, de préciser les circonstances (I).
I). Les circonstances de fait
Bien que l’arrêt ne soit pas particulièrement prolixe dans la relation des faits, il en résulte qu’un Protocole d’Accord avait été conclu le 10 septembre 2001 entre la République du Congo, la Société Nationale des Pétroles du Congo, d’une part, et la Société Total Fina Elf Congo, d’autre part, en vue du rééchelonnement et du refinancement des dettes extérieures de la République du Congo par le produit d’exploitation du pétrole congolais.
La Société Total Fina Elf Congo était l’opérateur des terminaux pétroliers dans ce Protocole, dont l’une des clauses, reproduite en partie par l’arrêt, était conçue comme suit : « Tous les différends découlant de l’accord, qui ne seraient pas résolus à l’amiable dans les trois mois suivant la notification par l’une des parties à l’autre dudit différend, seront tranchés définitivement suivant le Règlement d’Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale par trois arbitres nommés conformément à ce Règlement.
(.. ).
Chaque partie pourra solliciter des mesures provisoires ou conservatoires en application du Règlement de référé pré-arbitral de la Chambre de Commerce Internationale, le tiers statuant en référé, en application de ce Règlement, ayant compétence exclusive à cet effet ».
Des difficultés étant survenues entre les parties au Protocole du fait d’une mésentente sur la formulation des attestations délivrées par Total Fina Elf Congo à la République du Congo, cette dernière et la Société Nationale des Pétroles du Congo firent part à la première citée, de leur intention de mettre fin au Protocole d’Accord.
C’est alors qu’en application de la clause de référé pré-arbitral CCI ci-dessus reproduite du Protocole, la Société Total Fina Elf Congo saisit la Chambre de Commerce Internationale, aux fins de désignation d’un tiers ayant pour mission de dissuader la République du Congo et la Société Nationale des Pétroles du Congo de mettre à exécution leur intention de suspendre l’application du Protocole.
En date du 6 février 2002, le tiers nommé par le Président de la Cour Internationale d’Arbitrage, en application du Règlement de référé pré-arbitral de la CCI, rendit à Paris une ordonnance faisant interdiction à la République du Congo et à la Société Nationale des Pétroles du Congo, d’empêcher l’exécution du contrat de vente de pétrole conclu par les parties. Ladite ordonnance condamnait, par ailleurs, les défenderesses au paiement des frais de la procédure, dans les trente jours suivant la communication de l’ordonnance, puis rejetait toutes les autres conclusions.
Ayant reçu notification de cette ordonnance, la République du Congo et la Société Nationale des Pétroles du Congo introduisirent auprès de la Cour d’Appel de Paris, un recours en annulation à son encontre, au motif que ladite ordonnance est, en réalité, une sentence arbitrale.
A l’appui de leur recours, les demanderesses en annulation invoquaient certains des motifs prévus par le Nouveau Code français de Procédure Civile (NCPC). pour l’annulation d’une sentence arbitrale, à savoir, le non-respect de sa mission par le tiers (art. 1502-3 NCPC). et le non-respect du principe de la contradiction par ledit tiers (art. 1502-4 NCPC).
En effet, les recourantes estimaient, d’une part, que le tiers s’est prononcé sur des demandes « formulées en dehors de la demande de référé » et, d’autre part, qu’il a statué sur la base de pièces produites par la Société Total Fina Elf Congo la veille de l’audience, sans les avoir mises en mesure de discuter desdites pièces.
Répondant à l’argumentation développée dans la requête en annulation de l’ordonnance de référé pré-arbitral querellée, la Société Total Fina Elf Congo conclut à l’irrecevabilité de ladite requête, après avoir soutenu qu’une ordonnance de référé pré-arbitral n’est pas une sentence arbitrale qui, seule, peut donner lieu à un recours en annulation.
Vidant sa saisine, la Cour d’Appel de Paris a rendu l’arrêt rapporté, qui permet de mieux cerner le référé pré-arbitral CCI, mode de règlement des différends qui demeure mal connu, malgré sa relative ancienneté.
II). La nature de l’ordonnance de référé pré-arbitral
Il convient de présenter le référé pré-arbitral de la CCI (A). avant de déterminer la nature de l’ordonnance rendue par le tiers dans le cadre de ladite procédure (B).
A). Le référé pré-arbitral de la CCI
Le référé pré-arbitral fait partie de la gamme de mesures que la Chambre de Commerce Internationale de Paris, l’Organisation mondiale des milieux d’affaires, a mis à la disposition des opérateurs du commerce international pour le règlement rapide de leurs litiges.
En effet, en vigueur depuis 1990, « le règlement de référé pré-arbitral permet aux parties d’obtenir des mesures conservatoires ou de remise en état présentant un caractère d’urgence, des paiements par provision, l’exécution d’une mesure contractuelle, la préservation ou la conservation d’éléments de preuve. Nommé à cet effet par le Président de la Cour Internationale d’Arbitrage ou choisi par les parties, le tiers statuant en référé, qui peut trancher sur sa compétence, rendra une ordonnance dans les trente jours de la transmission du dossier. Sa décision ne lie pas la diction compétente au fond.
Le Règlement de référé pré-arbitral permet donc aux parties de demander des mesures conservatoires ou urgentes, alors que le tribunal arbitral n’est pas encore constitué ».
Analysant le référé pré-arbitral de la CCI, la Cour de Paris rappelle les énonciations du préambule du Règlement de ce référé, énonciations selon lesquelles la CCI « met à la disposition des usagers du commerce international, un nouveau mécanisme par lequel des mesures peuvent être rapidement prises lorsque certaines difficultés surviennent dans le cadre des relations contractue1les. Ce Règlement répond à un besoin spécifique : celui de recourir à très bref délai, à un tiers – le tiers statuant en référé – habilité à ordonner des mesures provisoires revêtant un caractère d’urgence ».
Ainsi présenté, le référé pré-arbitral de la CCI est assez proche de la procédure de référé telle que connue et pratiquée en droit français et dans la majorité des pays d’Afrique francophone de l’espace OHADA.
En effet, les deux types de référé permettent aux parties d’obtenir des mesures provisoires ou conservatoires urgentes. Toutefois, la question est de savoir si l’ordonnance rendue par le tiers dans le cadre de la procédure de référé pré-arbitral est de même nature que celle rendue par le juge étatique.
B). La nature de l’ordonnance de référé pré-arbitral
Le référé devant le juge étatique permet d’obtenir des mesures plus efficaces en raison de leur caractère exécutoire, tandis que les mesures ordonnées par le tiers, si elles sont obligatoires pour les parties, n’ont aucun caractère exécutoire.
A cet égard, la Cour d’Appel de Paris précise que l’ordonnance de référé pré-arbitral « rendue d’après un mécanisme contractuel qui repose sur la coopération des parties … n’a d’autorité que celle de la chose convenue ».
Il en résulte que l’exécution d’une ordonnance de référé pré-arbitral est largement tributaire de la bonne volonté et de la coopération de la partie contre laquelle elle a été rendue, exactement comme un accord de médiation ou de conciliation survenu entre des parties en litige et n’ayant aucun caractère exécutoire pour la partie contre laquelle ledit accord est intervenu.
Cette différence de nature entre l’ordonnance de référé du juge étatique et celle du tiers statuant en référé pré-arbitral s’explique par ceci que, investi par la puissance publique, le juge étatique dispose de l’imperium, qui confère à sa décision un caractère exécutoire, alors que le tiers statuant en référé, nommé sur une base contractuelle, donc par la volonté des parties, comme en matière d’arbitrage, rend une ordonnance qui est de nature contractuelle et qui, « malgré son caractère obligatoire souligné par la règle d’efficacité pratique contenue à l’article 6 6 du règlement de référé pré-arbitral, selon lequel les parties s’engagent à exécuter sans délai l’ordonnance de référé, n’a de valeur et d’autorité que celle de la chose convenue », comme l’affirme l’arrêt commenté.
La différence de nature des ordonnances sus évoquées va rejaillir sur le type de recours susceptibles d’être exercés à leur encontre.
En effet, si les ordonnances de référé du juge étatique sont susceptibles d’appel, il reste à déterminer le recours qui peut être exercé contre l’ordonnance de référé pré-arbitral;d’où l’intérêt de l’arrêt rapporté, qui permet de distinguer la sentence arbitrale de l’ordonnance de référé pré-arbitral.
Si, comme mentionné plus haut, le tiers statuant en référé pré-arbitral est nommé sur une base contractuelle, comme l’est l’arbitre, une différence fondamentale de nature existe entre l’ordonnance de référé pré-arbitral et la sentence arbitrale car, tout en ayant un caractère contractuel à l’image de l’ordonnance de référé pré-arbitral, la sentence arbitrale a un caractère juridictionnel qui la distingue de l’ordonnance de référé pré-arbitral.
La raison en est que le tiers statuant en référé pré-arbitral n’est pas un arbitre;de là découle une différence fondamentale sur la nature des décisions que vont rendre chacune des deux personnalités, différence que l’on retrouve dans le type de recours susceptibles d’être exercés contre l’ordonnance de référé pré-arbitral.
Consistant dans une procédure qui ne peut être mise en œuvre qu’ » alors que le tribunal arbitral n’est pas encore constitué », c’est-à-dire avant la mise en œuvre de la clause arbitrale, le référé pré-arbitral n’est pas un arbitrage. Partant, l’ordonnance de référé pré-arbitral n’est pas une sentence arbitrale et ne peut donc faire l’objet, ni d’un exequatur, ni d’un recours en annulation. D’où l’irrecevabilité prononcée par la Cour d’Appel de Paris au sujet du recours en annulation introduit par la République du Congo et la Société Nationale des Pétroles du Congo à l’encontre de l’ordonnance de référé pré-arbitral du 6 février 2002.
Étant muet sur les recours susceptibles d’être exercés contre l’ordonnance de référé pré-arbitral, le Règlement de référé pré-arbitral de la CCI doit être conçu uniquement comme étant un moyen mis à la disposition des opérateurs du commerce international pour permettre à ceux-ci d’obtenir des mesures urgentes tendant à sauvegarder leurs intérêts, en attendant de mettre en œuvre la clause d’arbitrage pour aboutir à une sentence arbitrale qui, elle, peut soit bénéficier d’un exequatur en vue de son exécution forcée, soit faire l’objet d’un recours en annulation.
Il en résulte que la clause de règlement de référé pré-arbitral devrait toujours être couplée avec une clause compromissoire, pour des raisons d’efficacité. C’est d’ailleurs de cette façon qu’elle a été conçue en l’espèce, et une lecture serrée de la clause de règlement des différends contenue dans le Protocole d’Accord et reprise plus haut permet d’affirmer que les parties ont entendu, d’une part, recourir à l’arbitrage CCI pour le règlement des litiges susceptibles de survenir entre elles et, d’autre part, voulu qu’en cas de recherches de mesures provisoires avant la constitution du tribunal arbitral, celles-ci soient obtenues sur le seul fondement du Règlement de référé pré-arbitral de la CCI, à l’exclusion du recours au juge étatique à cet effet. C’est la raison pour laquelle la clause correspondante du Protocole mentionne la « compétence exclusive » du tiers statuant en référé, prévu par le Règlement de référé pré-arbitral de la CCI.
Dans une telle hypothèse, le recours idoine à exercer contre l’ordonnance de référé pré-arbitral intervenue semble être la requête en arbitrage émanant de la partie qui estime que ladite ordonnance lui fait grief.
Du reste, la République du Congo et la Société Nationale des Pétroles du Congo n’ont-elles pas, plus tard, introduit une requête en arbitrage contre la Société Total Fina Elf Congo ?.