J-08-164
Composition du Tribunal arbitral – Juge d’appui Juge de référés – Pouvoir du Juge d’appui – Respect de la volonté des parties.
Le juge des référés est le juge étatique d’appui dans une procédure arbitrale et a le pouvoir d’obliger la partie récalcitrante de désigner un arbitre sous astreinte.
Juge des référés DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE de Douala ? Ordonnance de référé n 140 du 4 décembre 2000, AFFAIRE : Société E.R.C. (Études. Réalisations Contrôles). S.A. c/ VIMAT SARL. Revue Camerounaise de l’Arbitrage n 25. Avril Mai Juin 2004, p. 3, note Gaston KENFACK-DOUAJNI.
Nature de l’affaire : Désignation d’un arbitre.
L’an deux mil et le quatre du mois de décembre.
Devant Nous, NYIE Brigitte, Juge au Tribunal de Première Instance de Douala, REPUBLIQUE DU CAMEROUN, tenant audience publique des référés en lieu et place du titulaire empêché, en notre Cabinet sis au Palais de Justice de ladite ville.
Assisté de Maître EPEE Agnès;Greffier.
A comparu Maître KAMAKO, Avocat à Douala, Conseil de la Société ERC;demanderesse;laquelle a exposé que par exploit en date du 27 octobre 2000 de Maître Elise Adèle KOGLA, Huissier de justice à Douala, sa cliente a fait donner assignation en référé d’heure à heure à la société VIMAT SARL, P.O. Box 114, représentée au Cameroun par VIMAT Cameroun B.P. 6440 Douala, d’avoir à se trouver et comparaître le 27 octobre 2000 à 11 heures par-devant le Président du Tribunal de Première Instance de céans, statuant en matière des référés, pour, est-il dit dans l’exploit.
Attendu que la demanderesse a attrait la société VIMAT SARL devant le juge de céans aux fins d’ordonner la désignation d’un arbitre.
A l’appel de la cause, la défenderesse a été entendue en ses moyens de défense, et l’affaire, après quelques renvois utiles, a été mise en délibéré pour l’ordonnance être rendue en date du 4 décembre 2000.
Advenue cette audience, la juridiction des référés, vidant son délibéré, a rendu par l’organe de son Président, le jugement dont la teneur suit :
NOUS, JUGE DES REFERES
Attendu que suivant exploit en date du 27 octobre 2000 du ministère de Maître Elise Adèle KOGLA, Huissier de justice à Douala, non encore enregistré, mais qui le sera en temps opportun et en vertu de l’ordonnance n 199 rendue le 25 octobre 2000 par Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de céans, la Société E.R.C. ayant pour Conseil Me KAMAKO, a fait donner assignation en référé d’heure à heure à la société VIMAT SARL ayant pour Conseil Me NGNIE KAMGA pour, est-il dit dans cet exploit :
Constater la très mauvaise foi et la résistance abusive de la société VIMAT quant à la désignation d’un arbitre.
Ordonner en conséquence à la susdite requise, la désignation d’un arbitre de son choix sous astreinte de 5 000 000 francs par jour de retard à compter de la demande en justice.
Ordonner l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement de l’ordonnance à intervenir.
Condamner la société VIMAT SARL aux entiers dépens.
Attendu qu’à l’appui de son action, la société ERC déclare que par contrat de sous-traitance signé entre les parties le 21 septembre 1999, elle est liée à la société VIMAT SARL – P.O. Box REA, Guastalla (RE) dont le siège est en Italie, avec représentation régionale au Cameroun, dénommée VIMAT Cameroun BP 6440 Douala.
Qu’il résulte dudit contrat, que la requérante avait pour obligation, d’assurer les charges du lot au génie civil, portes A, B, C et D et le montage de la charpente métallique et pose couverture, ce dans la construction d’une scierie à TALA-TALA, frontière Congo/Cameroun, par la société SOCALIB.
Qu’une fois les travaux achevés et livrés, la susdite requise se refuse de régler la facture de la requérante, donnant ainsi naissance à un différend.
Que l’article 22 du contrat dont s’agit a prévu une clause d’arbitrage en cas de litige qui n’a pas pu être résolu directement entre les parties.
Que c’est ainsi que le 1er septembre 2000, elle dut notifier une lettre à la débitrice VIMAT, d’avoir à désigner tel arbitre de son choix, en vain.
Que la résistance abusive de celle-ci lui cause d’énormes préjudices.
Que plusieurs sommations et d’autres démarches infructueuses de ERC ne pourront vaincre la résistance de la susdite requise à faire diligence, obligeant la requérante à courir à justice.
Attendu que pour répondre aux allégations de la requérante, la société VIMAT prétend que le juge des référés doit se déclarer incompétent, motif pris de ce qu’en demandant au juge des référés d’ordonner à elle d’avoir à désigner un arbitre, parce qu’elle y serait légalement tenue au sens de l’article 1134 du Code Civil, la société ERC invite cette juridiction à se prononcer dans un domaine dévolu à la loi, qui attribue la compétence au Tribunal de Grande Instance;Que surabondamment, la société ERC prétend avoir passé un contrat de sous-traitance avec la VIMAT pour la construction d’une scierie en République du Congo, et que cette dernière refuse de régler ses factures, alors que les travaux dont la réalisation lui avait été confiée auraient été achevés et livrés.
Que l’assertion de la ERC selon laquelle l’article 22 dudit contrat a prévu une clause arbitrale en cas de litige qui n’a pas pu être résolu directement par les parties, est inexacte.
Que l’article 22 du contrat est ainsi conçu : « tout litige entre les parties concernant le contrat pour lequel le sous-traitant a présenté des réserves écrites à l’adjudicateur, dans les délais indiqués ci-dessus, et qui n’a pu être résolu directement entre les parties, sera résolu par une commission d’arbitrage formée de trois membres nommés, un par chacune des parties, et le troisième par les deux arbitres ainsi désignés, ou en cas de désaccord entre eux sur la désignation, par le Président de la Chambre de Commerce de Douala ».
Qu’il ne ressort nulle part de l’ensemble des pièces produites par la ERC, qu’à un moment ou à un autre, elle a administré la preuve du caractère arbitrable d’un quelconque litige.
Que demander au juge des référés d’ordonner à la VIMAT la désignation d’un arbitre, revient à l’inviter à interpréter l’article 22 du contrat de sous-traitance;qu’une fois de plus, il échet de se déclarer incompétent.
Mais attendu qu’il existe entre ERC et la société VIMAT, un contrat de sous-traitance en vertu duquel les travaux de la construction de la scierie de TALA-TALA au Congo ont été exécutés;que l’article 22 dudit contrat stipule qu’en cas de litige non résolu à l’amiable entre les parties, il y aurait lieu de faire nommer des arbitres à cet effet.
Qu’à ce jour, la ERC estime que les travaux ayant été achevés et réceptionnés tel que mentionné dans l’attestation de mainlevée totale de la caution de bonne fin, elle a besoin d’argent pour supporter ses multiples charges, y compris celle des employés;qu’elle a adressé de multiples correspondances dans ce sens à la VIMAT, qui est restée inerte, ce qui l’a obligée à recourir à l’article 22 du contrat en désignant son propre arbitre.
Attendu que le juge des référés est requis aux fins d’enjoindre à la société VIMAT de désigner son arbitre, lequel pourra conjointement avec celui désigné par la ERC, examiner le différend que celle-ci évoque;qu’il n’a point été question d’interpréter l’article 22 du contrat tel qu’estimé par la défenderesse dans ses conclusions;que le juge des référés est compétent lorsqu’il y a urgence, et sa décision ne doit pas préjudicier au fond.
Attendu que dans le cas d’espèce, les travaux ont été achevés depuis le 7 septembre 2000;qu’il s’est suivi plusieurs correspondances évoquant des factures à payer;que plus encore, plusieurs sommations de désigner un arbitre de son choix ont été adressées à la VIMAT, qui est restée inerte.
Que face à cette inertie, la ERC se sentant acculée par ses créanciers, n’a saisi le juge des référés que pour enjoindre à la VIMAT de désigner un arbitre.
Qu’il est ainsi constant que la décision du juge des référés ne portera en rien sur l’interprétation du contrat et ne pourra préjudicier au fond.
Qu’il y a lieu de se déclarer compétent et d’ordonner à la société VIMAT, de désigner un arbitre de son choix aux fins d’examiner le litige pendant entre les deux parties.
Attendu que la partie qui succombe supporte les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière de référé et en premier ressort.
Et après en avoir délibéré conformément à la loi.
Au principal
Renvoyons les parties à se mieux pourvoir.
Mais dès à présent, vu l’urgence par provision.
Nous déclarons compétent.
En conséquence :
Ordonnons à la société VIMAT de procéder à la désignation d’un arbitre de son choix, sous astreinte de 500 000 francs par jour de retard à compter de la signification de notre ordonnance.
Ordonnons l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement de notre ordonnance.
Condamnons la société VIMAT aux dépens distraits au profit de Me KAMAKO, Avocat aux offres de droit.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique les même jour mois et an que dessus.
En foi de quoi, la présente ordonnance a été signée par le Président qui l’a rendue et le Greffier.
NOTE
L’intérêt de la décision rapportée résulte de ce qu’elle offre l’occasion de déterminer le juge d’appui en droit camerounais (I). ainsi que les pouvoirs de ce dernier en matière de constitution du tribunal arbitral (II).
I. Le juge d’appui en droit camerounais
L’une des faiblesses de l’arbitrage tient à la difficulté de constitution du tribunal arbitral, lorsque les parties ne s’accordent pas sur le choix du ou des arbitres, après la naissance du litige.
Dans le cadre de l’arbitrage institutionnel, la solution de la difficulté sus évoquée est généralement contenue dans le règlement d’arbitrage du centre ou de l’institution d’arbitrage choisis par les parties, ce règlement d’arbitrage précisant les modalités de constitution du tribunal arbitral, en cas de désaccord des parties à cet effet.
En revanche, dans l’arbitrage ad hoc où les parties prévoient elles-mêmes les règles de constitution du tribunal arbitral, la mise en œuvre de celles-ci peut se heurter à la mauvaise foi de l’une des parties, entraînant ainsi des difficultés dans la constitution du tribunal arbitral.
Les législations modernes relatives à l’arbitrage prévoient le recours au juge étatique, qui prêtera son concours a la constitution du tribunal arbitral.
Le juge d’appui est ce juge étatique qui va être sollicité par l’une des parties pour pallier les blocages apparaissant dans la constitution du tribunal arbitral. Ledit juge, qui peut aussi trancher les incidents ultérieurs de récusation et de remplacement des arbitres, va désigner des arbitres, en cas de refus ou de désaccord entre les parties à cet effet.
L’Acte uniforme relatif à l’arbitrage fait référence au juge d’appui en son article 5 conçu comme suit : « Les arbitres sont nommés, révoqués ou remplacés conformément à la convention des parties. A défaut d’une telle convention d’arbitrage ou si la convention est insuffisante : a). en cas d’arbitrage par trois arbitres, chaque partie nomme un arbitre et les deux arbitres ainsi nommés choisissent le troisième arbitre;si une partie ne nomme pas un arbitre dans le délai de trente jours à compter de la réception d’une demande à cette fin émanant de l’autre partie, ou si les deux arbitres ne s’accordent pas sur le choix du troisième arbitre dans un délai de trente jours à compter de leur désignation, la nomination est effectuée, sur la demande d’une partie, par le juge compétent dans l’Etat partie;b). en cas d’arbitrage par un arbitre unique, si les parties ne peuvent s’accorder sur le choix de l’arbitre, celui-ci est nommé, sur la demande d’une partie, par le juge compétent dans l’Etat Partie ».
L’Acte uniforme se bornant simplement à mentionner « le juge compétent dans l’Etat partie », il appartient au législateur de chaque Etat membre de l’OHADA, de prendre un texte pour préciser ce juge étatique compétent car, selon les organisations judiciaires, qui diffèrent d’un Etat partie à un autre, ce juge d’appui peut être le Président du Tribunal de Première Instance ou le Président du Tribunal de Grande Instance.
Par ailleurs, à l’intérieur d’un Etat partie, le juge d’appui sollicité sera tantôt le juge des requêtes et tantôt le juge des référés. Ces imprécisions relatives à la détermination du juge d’appui peuvent constituer une source supplémentaire de difficulté de constitution du tribunal arbitral;d’où la nécessité et l’utilité pour les droits nationaux, de préciser le juge d’appui, le mode de saisine de celui-ci et même la nature des décisions qu’il rend dans le cadre de la coopération qu’il apporte à l’arbitrage.
En général, les législations nationales précisent que la décision par laquelle le juge étatique désigne un arbitre à la place d’une partie défaillante, ou en cas de désaccord des parties à cet effet, n’est pas susceptible de recours. Cette règle présente l’avantage d’empêcher l’exercice de recours dilatoires et doit être approuvée, d’autant que l’appui du juge étatique à l’arbitrage n’est efficace que s’il est rapide. La limitation ou l’interdiction d’exercer des recours contre les décisions par lesquelles le juge étatique fournit son appui à l’arbitrage participe de ce souci de célérité.
La décision rapportée a été rendue par le juge des référés de Douala, suite à la saisine d’une partie dont l’adversaire, lié par une clause compromissoire dans le cadre du contrat de sous-traitance conclu par les parties, s’était abstenu de désigner son arbitre, au mépris de la clause compromissoire sus indiquée.
En date du 4 décembre 2000, au moment où intervient l’ordonnance de référé commentée, le droit camerounais n’est pas encore très bien fixé sur la détermination précise du juge étatique compétent pour aider à la constitution du tribunal arbitral.
En effet, à l’époque, les parties sollicitaient tantôt le juge des requêtes et tantôt le juge des référés. Le recours au juge des référés était alors encouragé par la doctrine qui voyait dans la possibilité, pour ledit juge des référés, d’associer la partie adverse à la procédure de désignation d’un arbitre, une manière de rendre opposable à ladite partie la désignation effectuée par le juge étatique et, en même temps, une stratégie d’annihilation de recours susceptibles d’être exercés contre la décision du juge d’appui.
On doit approuver le juge des référés de Douala d’avoir retenu sa compétence en qualité de juge d’appui, d’autant que, désignant plus tard les juridictions camerounaises compétentes visées à l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage et fixant leur mode de saisine, le législateur camerounais a, par sa loi n 2003/009 du 10 juillet 2003, indiqué que le juge étatique visé par l’article 5 de l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage « est le Président du Tribunal de Première Instance du lieu de l’arbitrage ou le magistrat qu’il désigne à cet effet ».
L’article 3 de ladite loi précise que « le magistrat ci-dessus désigné est saisi comme en matière de référé. » et que « .. sa décision n’est susceptible d’aucun recours ».
Il en résulte qu’au Cameroun, le juge d’appui est le juge des référés, comme le suggérait déjà la décision commentée. Cela étant, jusqu’où peut aller ce juge ? Que peut-il faire ? Que ne peut-il pas faire ?.
II. Les pouvoirs du juge d’appui en matière de constitution du tribunal arbitral
Un bref rappel des faits de la cause permettra de mieux préciser les pouvoirs du juge d’appui.
En vue de la construction d’une scierie à Tala-Tala, ville frontière entre le Cameroun et le Congo Brazzaville, la société de droit camerounais Études Réalisations Contrôles S.A, dite E.R.C, avait conclu un contrat de sous-traitance avec la société de droit italien dénommée VIMAT S.A.R.L, dont le siège social se trouve à Rea, Guastalla en Italie, avec représentation régionale au Cameroun, dénommée VIMAT Cameroun, BP 6440 Douala.
L’article 22 du contrat de sous-traitance est conçu comme suit : « tout litige entre les parties concernant le contrat pour lequel le sous-traitant a présenté des réserves écrites à l’adjudicateur dans les délais indiqués ci-dessus et qui n’a pu être résolu discrètement entre les parties, sera résolu par une commission d’arbitrage formée de trois membres nommés, un par chacune des parties et le troisième par les deux arbitres ainsi désignés, ou en cas de désaccord entre eux sur la désignation, par le Président de la Chambre de Commerce de Douala ».
Les travaux de construction de la scierie étant achevés et réceptionnés, la société ERC ne put obtenir de paiement de la Société VIMAT. C’est alors qu’elle décida de mettre en œuvre la clause compromissoire du contrat de sous-traitance ci-dessus citée, après de multiples demandes de paiement demeurées infructueuses.
Ayant nommé un arbitre, comme le prévoit l’article 22 du contrat suscité et se heurtant au refus de la société VIMAT de désigner elle aussi un arbitre, refus qui entravait la constitution du tribunal arbitral appelé à connaître du litige né entre les parties, la société ERC assigna la société VIMAT devant le juge des référés de Douala, à l’effet de voir ce dernier ordonner à la VIMAT « la désignation d’un arbitre de son choix, sous astreinte de 5 000 000 francs CFA par jour de retard, à compter de la demande en justice ».
La société VIMAT plaida l’incompétence du juge des référés de Douala, aux motifs, d’une part, que la demande de la société ERC est de la compétence d’attribution, non pas du juge des référés mais du Tribunal de Grande Instance et, d’autre part, que le litige opposant les parties n’est pas arbitrable.
S’appuyant sur l’article 22 suscité du contrat litigieux, le juge des référés de Douala retint sa compétence et fit droit à la demande de la société ERC, en ordonnant à la société VIMAT, de désigner un arbitre, sous astreinte de 500 000 francs CFA par jour de retard.
Bien que cette décision ait le mérite de révéler que le juge des référés est le juge d’appui, on peut s’interroger sur le bien-fondé de la décision commentée, au regard du contenu de la clause compromissoire liant les parties.
A cet égard, l’on doit rappeler que la société ERC demandait au juge, non pas de désigner un arbitre afin de briser la résistance ou de suppléer à la carence de la société VIMAT, comme le prévoit la clause compromissoire, mais d’ordonner à cette dernière de désigner son arbitre. Autrement dit, bien que s’appuyant sur la clause compromissoire liant les parties, la demande de la société ERC portait sur un objet non prévu par la clause d’arbitrage. Dans ces conditions, le juge des référés aurait dû se déclarer incompétent, non pas pour les motifs allégués par la partie défenderesse, mais en application du principe de la primauté de la convention des parties en matière d’arbitrage.
En effet, la primauté de la convention des parties constituant un principe fondamental de l’arbitrage tant interne qu’international, « c’est à la convention d’arbitrage, et à elle seule, qu’il incombe de désigner les arbitres, ou du moins de prévoir les modalités de leur désignation ».
Dès lors, la clause d’arbitrage prévoyant en l’espèce les modalités de constitution du tribunal arbitral, une partie ne pouvait s’en prévaloir que conformément à ses prévisions. Ainsi, sur la base de ladite clause, la société ERC aurait dû demander, non pas que soit ordonné à son adversaire de désigner un arbitre, mais que le juge procède à ladite désignation, en raison de la carence de la société VIMAT à cet effet.
Certes, la clause d’arbitrage prévoyait le recours à un tiers pré constitué (le Président de la Chambre de Commerce de Douala), en cas de désaccord entre les parties sur la constitution du tribunal arbitral.
On conçoit aisément le recours au juge d’appui, en cas de défaillance du tiers pré constitué, car il est de règle que si la désignation d’un arbitre ne peut être assurée par le tiers pré constitué, elle peut être demandée au juge d’appui.
Dans ce contexte, il ne semble pas superflu de préciser que le juge d’appui ne peut et ne doit pas être saisi avant le tiers pré constitué prévu par la convention d’arbitrage, au risque d’exposer à l’annulation la sentence que rendra le tribunal arbitral ainsi constitué, selon des modalités non prévues par ladite convention.
Quoi qu’il en soit, saisi d’une demande excédant les prévisions de la clause d’arbitrage, le juge d’appui doit se déclarer incompétent, notamment lorsque ladite demande est prétendument fondée sur la convention liant les parties, comme c’était le cas en l’espèce.
En effet, le juge d’appui est tenu de respecter la volonté des parties dans la constitution du tribunal arbitral et ne saurait faire droit à une demande qui excède les prévisions des parties, contenues dans la convention d’arbitrage.
Il apparaît que la décision rapportée aurait été justifiée en droit si la société ERC l’avait appuyée sur un fondement autre que la clause d’arbitrage, car celle-ci ne prévoit pas ce que sollicitait ladite société.
Par.
Gaston KENFACK DOUAJNI.
Magistrat Spécialiste en Contentieux Économique (ENM Paris).
Membre Correspondant de l’Institut pour l’Arbitrage International.
Membre du Comité Français de l’Arbitrage.
Membre de la London Court of International Arbitration (Panafrican Council).
Sous-Directeur de la Législation Civile, Commerciale, Sociale et Traditionnelle.
Ministère de la Justice, Yaoundé (CAMEROUN).