J-08-165
CONVENTION PRINCIPALE NON ECRITE – PREUVE.
CONVENTION D’ARBITRAGE NON ECRITE – PREUVE.
Il est constant, de par les pièces du dossier de la procédure et des allégations des parties, que AXA a loué les services de NGANDO BEBEY en lui confiant une mission d’expertise, en contrepartie d’une rémunération sous forme d’honoraires, dont le paiement pose actuellement problème;l’acceptation de cette mission par NGANDO BEBEY a scellé la rencontre des volontés des parties, créant ainsi un lien contractuel qui répond aux canons des contrats d’entreprises;il y a donc lieu de soutenir que, même en l’absence d’écrit, il y a eu contrat entre AXA et NGANDO BEBEY et leur litige sur le paiement d’honoraires est d’origine contractuelle.
En l’absence de l’acceptation par toutes les parties, l’aspect consensuel qui caractérise toute convention d’arbitrage fait défaut et elle est inexistante;sans convention d’arbitrage de laquelle les arbitres tirent leurs pouvoirs juridictionnel, il y lieu de se déclarer incompétent.
Sentence arbitrale partielle du 20 octobre 2004, AFFAIRE NGANDO BEBEY c/ Société AXA Assurances. Revue de l’Arbitrage n 26. Juillet-Août-Septembre 2004, p. 3, note Roger SOCKENG.
L’an deux mil quatre
Et le vingt du mois d’octobre
Nous soussignés,... arbitres demeurant tous à Douala, nommés respectivement suivant ordonnances n 829 du 15 avril et 1136 du 28 juin 2004, de Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de Douala Bonanjo, et par NGANDO BEBEY, une des parties
Vu les pièces du dossier et les conclusions des parties.
Vu les dispositions de l’Acte uniforme OHADA sur l’arbitrage.
Considérant que par requête écrite en date du 12 juillet 2004, sieur NGANDO BEBEY, expert toutes branches confondues, Directeur du CENEAD, demeurant à Douala, lequel fait élection de domicile en l’Étude de Maître MANGA MOUSSOLE, Avocat au Barreau du Cameroun, BP 5415 Douala Tél./Fax 342 1925, a saisi le collège arbitral de céans d’une demande de règlement du litige qui l’oppose à la société AXA Assurances Cameroun, dont le siège social est à Douala au 309 rue Bebey EYIDI, BP 4068 Douala, ayant pour Conseils la SCP MOUTOME et Associés, Avocats au Barreau du Cameroun, litige portant d’une part sur le paiement d’honoraires et débours, suite à son expertise dans l’affaire AXA-SAGA évalué par lui à la somme de 37.500 000 francs, et d’autre part, à la réparation du préjudice économique et moral résultant du non paiement de ces honoraires, respectivement fixés à 50 000 000 francs et 230 000 000 francs.
Considérant que In limine litis, la société AXA Assurances, sous la plume de son Conseil, soulève l’exception d’incompétence du collège arbitral, tirée de l’absence d’un rapport contractuel entre les parties, d’une convention d’arbitrage et du pouvoir juridictionnel du collège arbitral.
Que sur l’absence d’un rapport contractuel, elle a fait valoir qu’aux termes de l’article 21 alinéa 1 du Traité OHADA du 17 octobre 1993, seuls les litiges nés de l’exécution d’un contrat sont arbitrables, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, puisqu’il n’y a jamais eu de rapport contractuel entre AXA et NGANDO BEBEY, qui pour le confirmer ne produit aucun contrat à l’appui de sa demande.
Que parlant de l’absence de convention d’arbitrage, elle a relevé que les correspondances produites par le demandeur comme valant convention d’arbitrage traduisent simplement la volonté des parties de déférer leur litige à un collège arbitral, mais ne renferment pas les éléments substantiels nécessaires à la validité de la convention d’arbitrage, qui sont l’objet du litige et la mission confiée au collège arbitral.
Qu’en effet, elles ne définissent pas le litige à trancher, la mission des arbitres, son étendue et les droits et obligations auxquels les parties ont voulu s’astreindre.
Que pour le pouvoir juridictionnel du collège arbitral, elle a fait observer dans un premier temps, qu’en l’absence de convention d’arbitrage, il est inexistant, étant donné qu’il est tiré de cet acte.
Que dans un deuxième temps, AXA a marqué sa surprise née de ce qu’au lieu de ne s’en tenir qu’au contentieux que veulent régler les parties et qui est relatif à l’affaire MOBILIS, SAGA, AXA, SDV et CAMRAIL, concernant le surplus d’honoraires sollicité par NGANDO BEBEY, contentieux qui a même été soumis au juge conciliateur devant qui les parties ont opté pour l’arbitrage, son adversaire a saisi le collège non seulement pour cette affaire, mais aussi pour d’autres telles celle de la SFID, SICO SADAPIN, CAMTRACO, en y ajoutant des demandes de réparation aux montants exorbitants.
Que ces litiges n’ayant fait l’objet d’aucun accord des parties à les voir soumettre à l’appréciation du collège de céans, celui-ci ne dispose d’aucun pouvoir juridictionnel pour en connaître.
Qu’elle conteste enfin la manière dont le collège arbitral a été constitué, du fait que les ordonnances ayant désigné des membres dudit collège sont intervenues en violation de l’article 3.1 de la loi n 2003/009 du 10 juillet 2003, celles-ci ayant été obtenues par voie gracieuse alors qu’aux termes de cette disposition, elles devraient être rendues contradictoirement par le juge des référés.
Considérant qu’en réplique, NGANDO BEBEY, par le biais de son Conseil, soutient l’existence d’une relation contractuelle entre AXA et lui, née de l’étroite collaboration qu’ils ont entretenue pendant 32 ans et matérialisée par des correspondances dans lesquelles, tant la défunte CCAR devenue AXA, que AXA elle-même, informent certaines personnalités sur ce qu’il est leur collaborateur.
Que cette collaboration est le résultat d’une rencontre de volonté entre les parties, marquée par la demande exprimée par l’une et l’acceptation de l’autre.
Qu’il y a eu cette même rencontre de volonté entre elles pour la mission que AXA lui a confiée et dont le paiement d’honoraires pose actuellement problème.
Qu’en parlant de la convention d’arbitrage, en l’occurrence le compromis, il a abondé dans le sens de son existence en se référant aux correspondances du 11 mars 2002, 11 décembre 2002 de NGANDO BEBEY à AXA, 21 janvier 2003 de AXA à NGANDO BEBEY et du 17 février 2004 de Me MOUTOME pour le compte de AXA à NGANDO BEBEY;qui pour lui, renferment tous les éléments d’un compromis, à savoir : le litige à soumettre au collège, le mode de désignation et le nombre d’arbitres, le mode d’arbitrage qui est celui de l’OHADA choisi par les parties, et enfin, la mission des arbitres, la durée de cette mission étant celle prévue par l’Acte uniforme OHADA sur l’arbitrage.
Que pour justifier la référence faite à ces correspondances, il a souligné que les parties ayant opté pour l’application du droit communautaire OHADA, il s’y appuie pour relever qu’aux termes de l’article 3 de l’Acte uniforme OHADA sur l’arbitrage, l’écrit n’est pas une condition d’existence du compromis, mais un mode de preuve de cette existence et référence peut être faite à un document qui le renferme.
Qu’en conséquence, la convention d’arbitrage existant à travers les correspondances sus référencées, il y a lieu de conclure à l’existence du pouvoir juridictionnel des arbitres, tiré justement de cette convention.
Qu’en ce qui concerne la composition du collège arbitral, il a laissé entendre qu’elle s’est faite conformément aux dispositions de l’article 5 de l’Acte uniforme OHADA sur l’arbitrage.
Considérant qu’au regard de ce qui précède, le collège arbitral se doit de répondre à deux questions essentielles, à savoir :
a-t-il existé un lien contractuel entre les parties ?.
existe-t-il une convention d’arbitrage ?.
SUR L’EXISTENCE DU LIEN CONTRACTUEL
Considérant qu’il est constant, de par les pièces du dossier de la procédure et des allégations des parties, que AXA a loué les services de NGANDO BEBEY en lui confiant une mission d’expertise, en contrepartie d’une rémunération sous forme d’honoraires, dont le paiement pose actuellement problème.
Que l’acceptation de cette mission par NGANDO BEBEY a scellé la rencontre des volontés des parties, créant ainsi un lien contractuel qui répond aux canons des contrats d’entreprises.
Qu’il y a lieu de soutenir que même en l’absence d’écrit, il y a eu contrat entre AXA et NGANDO BEBEY et leur litige sur le paiement d’honoraires est d’origine contractuelle.
SUR L’EXISTENCE DE LA CONVENTION D’ARBITRAGE
Considérant que les correspondances échangées par les parties ne traitent pas de l’existence de la convention d’arbitrage, en l’espèce le compromis.
Considérant que bien qu’il se dégage de cet échange leur ferme volonté de soumettre leur litige à la connaissance d’un tribunal arbitral dont elles ont arrêté, tant la composition que les modalités de désignation des arbitres;bien qu’elles s’y soient accordées pour l’application des actes uniformes OHADA régissant cette matière;bien que l’objet du litige semble être défini, AXA n’accepte pas la référence à ces correspondances faites par son adversaire comme valant convention d’arbitrage.
Qu’en l’absence de cette acceptation, l’aspect consensuel qui caractérise toute convention d’arbitrage fait défaut et elle est inexistante.
Que sans convention d’arbitrage de laquelle les arbitres tirent leurs pouvoirs juridictionnels, il y a lieu de se déclarer incompétent.
C’est pourquoi, après avoir délibéré, le collège arbitral, par sentence partielle rendue contradictoirement à l’égard des parties :
Constate l’absence d’une convention d’arbitrage (compromis).
Se déclare en conséquence incompétent.
Liquide les frais administratifs à la somme de.
Dit que ces frais et les honoraires des arbitres seront supportés à part égale par les parties.
NOTE
Rendue le 20 octobre 2004 par un collège de trois arbitres, la sentence arbitrale partielle rapportée est intéressante, tant par la solution adoptée que par les problèmes soumis à la sanction des arbitres.
Il convient de revisiter les faits ayant donné lieu à cette sentence partielle.
En effet, par requête écrite datée du 12 juillet 2004, sieur NGANDO BEBEY, Expert toutes branches confondues, Directeur du CENEAD, demeurant à Douala, ayant pour Conseil Maître MANGA MOUSSOLE, Avocat au Barreau du Cameroun, a saisi le collège arbitral d’une demande de règlement du litige qui l’oppose à la société AXA Assurances Cameroun, dont le siège est à Douala, ayant pour Conseil la Société Civile Professionnelle MOUTOME et Associés;le requérant explique qu’il a effectué une expertise dans l’affaire AXA / SAGA et que ses honoraires et débours, à cet égard, s’évaluent à la somme de 37.500 000 francs.
Précisant que la Société AXA a refusé d’honorer ses engagements, il a subi de ce fait un préjudice économique évalué à 50 000 000 de francs et un préjudice moral fixé à 230 millions de francs.
Réagissant à la demande ci-dessus rappelée, la société AXA a, In limine litis, soulevé l’exception d’incompétence du collège arbitral, en se basant sur l’inexistence d’un contrat principal entre les parties, sur l’absence d’une convention d’arbitrage et du pouvoir juridictionnel des arbitres, puis sur la violation de l’article 3 alinéa 1 de la loi n 2003/009 du 10 juillet 2003 sur le mode de saisine du juge d’appui dans la constitution du tribunal arbitral.
Le collège des arbitres avait donc à répondre à deux questions essentielles et à une interrogation subsidiaire :
1). Peut-il exister un lien contractuel entre les parties, en l’absence d’une convention écrite?.
2). La convention d’arbitrage (ici le compromis). peut-elle exister en l’absence d’un écrit ?.
3). Enfin, quel est le mode de saisine du juge étatique d’appui en matière de constitution du tribunal arbitral ?
On le voit bien, l’intérêt de la sentence rapportée éclate en trois directions et c’est autour de ce triptyque que nous allons laisser couler nos réflexions et nos doutes.
I. La preuve de l’existence d’un contrat principal en l’absence d’une convention écrite
La question de la preuve de l’existence d’un contrat principal ne soulève guère de difficultés de principe lorsque la convention est écrite et signée des parties.
En arbitrage interne ou international, la forme écrite du contrat est souhaitée pour éviter les ambiguïtés de preuve relatives à son existence.
Dans la sentence rapportée, il n’existe pas de contrat principal écrit, liant la société AXA Assurances Cameroun et le sieur NGANDO BEBEY.
La question soulevée ici est celle de savoir s’il peut exister un contrat principal liant les parties, en l’absence d’un écrit le matérialisant. En d’autres termes, le contrat principal peut-il être verbal ?.
Le collège arbitral a répondu à cette question par l’affirmative : considérant « qu’il y a lieu de soutenir que même en l’absence d’écrit, il y a eu contrat entre AXA et NGANDO BEBEY et leur litige sur le paiement d’honoraires est d’origine contractuelle ».
Pour aboutir à cette conclusion, les arbitres se sont basés sur les pièces du dossier de la procédure d’après lesquelles AXA a loué les services du sieur NGANDO BEBEY en lui confiant une mission d’expertise, avec pour contrepartie une rémunération sous forme d’honoraires;l’acceptation de ladite mission par NGANDO BEBEY a scellé la rencontre des volontés des parties, créant ainsi un lien contractuel qui répond aux canons des contrats d’entreprises.
Si la solution ainsi adoptée semble pertinente, il reste que la preuve de l’existence du lien contractuel est fortement tributaire de la nature du contrat. Il fallait donc au préalable qualifier la nature du contrat liant NGANDO BEBEY, en sa qualité d’Expert toutes branches confondues, et la société AXA Assurances, qui est une société commerciale. Un contrat conclu entre un professionnel et une société commerciale se soumet à la preuve commerciale, au regard de l’Acte uniforme OHADA sur le droit commercial général.
La preuve en matière commerciale étant libre, l’existence du lien contractuel peut donc valablement se fonder sur les correspondances échangées entre les parties et la notoriété de M. NGANDO en tant que collaborateur depuis 32 ans, de la CCAR devenue AXA.
Au total, la preuve par excellence de l’existence d’un lien contractuel demeure un contrat écrit et signé des parties.
Toutefois, la preuve par tout moyen étant admise en matière commerciale, il appartient à celui qui excipe de l’existence du contrat d’en rapporter la preuve. Aussi, est-ce à juste titre que la solution adoptée par les arbitres doit être approuvée, même si l’argumentaire développé pour aboutir au résultat laisse quelques doutes.
Finalement, il s’agit du triomphe du consensualisme sur le formalisme, celui-ci ne pouvant constituer un obstacle à la manifestation de la volonté des parties.
II. La preuve de l’existence d’une convention d’arbitrage non écrite
La question de la preuve de l’existence de la convention d’arbitrage a également donné lieu à interrogation dans la cause rapportée.
En effet, les arbitres étaient appelés à dire si une convention d’arbitrage (compromis). peut être non écrite et lier néanmoins les parties.
Ayant pourtant relevé l’existence d’un contrat principal non écrit, les arbitres ont curieusement affirmé « qu’en l’absence de l’acceptation par toutes les parties, l’aspect consensuel qui caractérise toute convention d’arbitrage fait défaut et elle est inexistante.
Que sans convention d’arbitrage de laquelle les arbitres tirent leurs pouvoirs juridictionnel, il y lieu de se déclarer incompétent ».
Que dire de cette solution ?.
On pourrait d’emblée s’interroger sur le fait que les arbitres aient ici rendu une « sentence partielle », comme si une autre sentence est à venir.
Il est vrai que la partie à laquelle cette « sentence partielle » fait grief peut chercher à prouver devant le juge étatique, l’existence ou la réalité de la convention d’arbitrage la liant à la partie adverse;auquel cas l’expression « sentence partielle » se comprendrait, puisqu’alors le tribunal arbitral peut reprendre l’examen de l’affaire jusqu’à la production d’une sentence définitive.
Cela étant, les arbitres ont, par cette sentence, fait application du principe désormais bien établi en matière d’arbitrage moderne d’après lequel le tribunal arbitral est compétent pour statuer sur toutes les questions relatives à sa propre compétence. On parle, à cet égard, du principe de compétence-compétence.
LE TRIBUNAL arbitral a également rappelé que la justice arbitrale est fondée sur le consensualisme et que la liberté de compromettre doit être manifeste et non implicite.
Mais la solution adoptée, bien que justifiée, n’emporte pas totalement notre adhésion, puisque le consensualisme ne tire pas toujours son existence du formalisme. Autrement dit, la réalité d’une convention d’arbitrage ne résulte pas toujours d’un instrumentum la constatant matériellement.
Certes, l’article 3 de l’Acte uniforme sur l’arbitrage dispose que : « La convention d’arbitrage doit être faite par écrit ou par tout autre moyen permettant d’en administrer la preuve, notamment par la référence faite à un document la stipulant ».
Il en résulte que le principe retenu pour la preuve de la convention d’arbitrage se trouve être celui de l’exigence d’un écrit;mais il faut relever que l’écrit n’est retenu qu’à titre de principe, sans être un mode probatoire exclusif, puisqu’il est permis de recourir à « tout autre moyen permettant d’en administrer la preuve, notamment par la référence faite à un document la stipulant ».
Parmi les moyens pouvant servir de preuve, on peut penser ici aux documents portant l’estampille des parties, les correspondances échangées, les télégrammes, télécopies, courriers électroniques ainsi que les échanges des conclusions entre les parties.
Le demandeur NGANDO BEBEY a produit des correspondances datées des 11 mars 2002 et 11 décembre 2002 qu’il avait adressées à AXA, puis celles du 21 janvier 2003 et du 17 février 2004 de AXA à NGANDO BEBEY. Ces correspondances renferment tous les éléments d’un compromis à savoir, l’objet du litige, le mode de désignation et le nombre des arbitres, la loi applicable, la mission des arbitres et la durée de cette mission.
A l’analyse, on peut se rendre compte de ce que les documents ainsi produits étaient suffisants pour caractériser l’existence d’un compromis, dès lors que l’attitude de la Société AXA correspond à celle d’une partie à une convention d’arbitrage qui, après s’être engagée, cherche les voies et moyens pour se rétracter.
Il est de règle qu’une partie au compromis (qui a lié sa volonté). devient plutôt défaillante lorsqu’elle refuse de désigner son arbitre et ne se reconnaît plus dans la convention arbitrale nouée entre les parties, cette convention fût-elle non écrite.
En se déclarant incompétent, le tribunal arbitral semble souligner que l’écrit constitue le moyen unique de preuve de l’existence de la convention d’arbitrage. Or, tel ne nous semble pas être, ni la lettre, ni l’esprit de l’article 3 alinéa 2 de l’Acte uniforme sur l’arbitrage, qui prévoit la preuve « par tout autre moyen », c’est-à-dire, une preuve libre.
En effet, aucune forme particulière n’est exigée pour la convention d’arbitrage;on peut très bien conclure verbalement une convention d’arbitrage;il suffit de pouvoir prouver son existence par tous les moyens.
A la suite du rapport contractuel liant les parties, les arbitres auraient donc dû constater l’existence du compromis, qui leur donnait la possibilité d’exercer leurs pouvoirs juridictionnels.
III. Le mode de saisine du juge étatique d’appui en matière de constitution du tribunal arbitral
Le collège arbitral n’a pas répondu de manière spécifique à la question qui était posée par rapport à la violation de l’article 3 alinéa 1 de la loi n 2003/009 du 10 juillet 2003.
Il s’est limité à mentionner dans les motifs de la sentence, que la désignation des arbitres avait été faite conformément aux dispositions de l’article 5 de l’Acte uniforme du 11 mars 1999 sur l’arbitrage.
Pourtant, la question pertinente posée était celle de savoir, si au regard de la loi camerounaise du 10 juillet 2003 portant désignation des juridictions compétentes visées à l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage et fixant leur mode de saisine, le juge étatique d’appui en matière de constitution du tribunal arbitral est le juge des requêtes ou le juge des référés.
Pour la société AXA, la désignation des arbitres par ordonnance sur requête constitue une violation de la loi du 10 juillet 2003, qui précise en son article 3 que le magistrat ci-dessus désigné est saisi comme en matière de référé ou par « motion on notice ».
Pour une grande partie de la doctrine, le juge des référés est le seul juge d’appui pour la constitution du tribunal arbitral. C’est d’ailleurs l’esprit et la lettre de la loi.
On peut néanmoins émettre quelques réserves sur la disposition de la loi selon laquelle : « Le magistrat ci-dessus désigné est saisi comme en matière de référé », car il n’est pas précisé si ce magistrat statue comme le juge des référés.
Du reste, en matière de référé, le mode de saisine varie en fonction du type de référé;en matière de référé d’heure à heure, le Président est saisi au préalable d’une requête pour autoriser le requérant à assigner à bref délai.
Pour le référé ordinaire, le juge est saisi par assignation ou ajournement;en matière non urgente, il n’y a donc pas qu’un mode unique de saisine du juge des référés.
Quoi qu’il en soit, lorsqu’une partie à la convention d’arbitrage refuse de désigner son arbitre, quel est l’intérêt de procéder par voie contentieuse pour suppléer à sa carence ?.
Le caractère consensuel de l’institution arbitrale justifie que la loi du 10 juillet 2003 ait ainsi voulu que cette partie récalcitrante soit contrainte de comparaître devant le juge d’appui pour être associé à la désignation de son arbitre.
Certes, une partie vicieuse peut toujours, soit soulever l’incompétence du juge des référés In limine litis, soit faire appel après la décision désignant les arbitres.
Si ladite partie soulève l’incompétence du juge des référés qui se déclare néanmoins compétent pour statuer, elle peut exciper de l’article 201 du Code de Procédure Civile et Commerciale applicable au Cameroun et faire appel de l’ordonnance avant-dire droit par laquelle le juge des référés a retenu sa compétence.
En effet, le déclinatoire de compétence du juge des référés fondé sur l’article 201 sus évoqué interdit audit juge de joindre l’exception d’incompétence au fond, l’obligeant ainsi à statuer par ordonnance avant-dire droit susceptible d’appel.
Si la partie récalcitrante fait plutôt appel de l’ordonnance de désignation d’arbitre et introduit en même temps une requête en défense à l’exécution de l’ordonnance susvisée, le tribunal arbitral ne pourra pas valablement se constituer, puisque l’exécution de l’ordonnance sera suspendue du fait du certificat de dépôt délivré par le Greffier d’appel, même si cela pourrait être manifestement illégal.
Il apparaît qu’une partie désireuse de gagner du temps peut retarder autant que possible la constitution du tribunal arbitral;l’article 3 de la loi du 10 juillet 2003 énonçant que la décision de désignation d’un arbitre est insusceptible de recours, les juges étatiques saisis à cet effet doivent s’employer à faire échec aux manœuvres dilatoires sus évoquées.
Cela étant, lesdites manœuvres dilatoires peuvent, nous semble-t-il, être contrecarrées par une ordonnance de désignation des arbitres rendue sur requête;on se serait donc attendu à ce que le tribunal arbitral rappelle, à tout le moins, que la décision de désignation d’arbitre, fût-elle une ordonnance sur requête, ne peut faire l’objet d’aucun recours, conformément à la loi du 10 juillet 2003 sus évoquée.
On le voit bien, la sentence partielle rendue par le collège arbitral ad hoc à Douala est riche d’intérêts au regard des questions soulevées;elle nous a, en effet, permis de revisiter quelques points saillants de l’arbitrage OHADA et de susciter des réflexions dubitatives sur certaines questions juridiques.
Roger SOCKENG.
Docteur en Droit. Magistrat, Enseignant Associé à la Faculté des Sciences juridiques et politiques de l’Université de Douala.