J-08-174
ARBITRAGE – CLAUSE COMPROMISSOIRE INCLUSE DANS UNE CESSION D’ACTIFS D’ENTREPRISE – EXCEPTION D’INCOMPETENCE DES JURIDICTIONS ETATIQUES SOULEVEE EN APPEL – IRRECEVABILITE POUR CAUSE DE TARDIVETE – EXCEPTION INOPPOSABLE AU SALARIE DE L’ENTREPRISE CEDEE EN RAISON DE L’INOPPOSABILITE DE LA CLAUSE AUX TIERS.
CESSION D’ACTIFS D’ENTREPRISE – MAINTIEN DES CONCTRATS INDIVIDUELS EN COURS.
L’incompétence des juridictions étatiques, en raison de l’existence d’une convention d’arbitrage, doit être soulevée avant toute défense au fond, ainsi qu’il est disposé à l’article 11 de l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage dans l’espace OHADA. Cette exception, non évoquée devant le premier juge, qui a vidé sa saisine sur le fond, ne peut être admissible à l’examen de la Cour, par égard au principe du double degré de juridiction.
La clause compromissoire dont s’agit, insérée dans le protocole de cession, ne vaut qu’à l’égard des parties cédantes, l’Etat gabonais et la CFG, d’une part, et la partie cessionnaire, en l’occurrence CORA WOOD, d’autre part, pour les litiges susceptibles de s’élever entre elles.
En raison de la combinaison des motifs exposés supra, la Cour de céans ne peut valablement accueillir l’exception soulevée par l’intimée.
Il est établi, par détermination de l’article 78 du code du travail gabonais, que le contrat de travail ayant été conclu entre KOUMBA KONDJO et la société CFG, a été transféré de droit par l’effet de la cession d’actifs à CORA WOOD, nonobstant les dispositions contraires convenues entre les parties cédantes et la partie cessionnaire;pour compter de cette date, KOUMBA KONDJO est devenu employé de CORA WOOD, avec droits et avantages acquis.
Article 78 DU CODE DE TRAVAIL GABONAIS
Cour d’appel judiciaire de Port-Gentil, chambre sociale, arrêt du 22 juillet 2008, affaire KOUMBA KONDJO c/ La Confédération Syndicale Gabonaise et La société CORA WOOD GABON.
LA COUR
APRES EN AVOIR DELIBERE CONFORMEMENT A LA LOI.
Statuant sur l’appel interjeté par sieur KOUMBA KONDJO le 29 juillet 2004 du jugement contradictoire rendu le 10 juin 2004 par le Tribunal de première instance de Port-Gentil, qui l’a débouté des fins de sa requête.
LA COUR se réfère, pour l’exposé des faits et de la procédure au jugement déféré, et pour les prétentions des parties à leurs conclusions respectives, desquelles il ressort les éléments ci-après.
Monsieur KOUMBA KONDJO a été embauché par la compagnie forestière du GABON, en abrégé la CFG, en qualité d’agent administratif le 18 septembre 1997 au salaire de 603 391 francs.
Du fait des pertes cumulées résultant de l’exploitation de la CFG, cette société a été mise en location-gérance, par convention passée le 28 septembre 1998, puis vendue à la société CORA WOOD, au prix de trois milliards (3 000 000 000) de francs, par protocole de cession d’actifs du 9 septembre 2001.
Au titre des conditions de reprise, stipulées dans une convention de mise à disposition du personnel signée le 9 novembre 2001, la société CORA WOOD a choisi, et obtenu de l’Etat gabonais, co-signataire du protocole de cession aux côtés de la CFG, de ne retenir que quatre cent (400) des mil quatre vingt (1 080) employés, à charge par la puissance publique de répondre des conséquences du plan social, s’agissant des réparations à servir au personnel non retenu.
Par lettre du 23 mai 2002, non produite au dossier, monsieur le Directeur Général de la CFG a requis l’autorisation de monsieur l’Inspecteur du travail, qu’il a obtenue par retour de courrier du 5 juin 2002, aux fins d’entreprendre pour motif économique, le licenciement de 645 travailleurs.
Tirant conséquence de cette autorisation, la société CORA WOOD, par lettre du 6 juin 2002, a informé le personnel anciennement engagé à la CFG, que l’accès à son site était fermé, le temps nécessaire pour lui de recruter son personnel et de remettre les différents équipements en état.
C’est dans ces conditions, et sans bénéfice d’aucune autre formalité, que le requérant affirme avoir perdu son emploi.
Se prévalant de la qualité d’employé de CORA WOOD par le fait du protocole de cession de la CFG, KOUMBA KONDJO a saisi le Tribunal pour entendre son nouvel employeur condamné à lui payer diverses sommes, pour violation de la procédure de licenciement, outre des dommages intérêts conséquents pour rupture abusive.
Se fondant sur le même protocole de cession ainsi que sur la convention de mise à disposition du personnel, qui n’ont pas transféré au cessionnaire le personnel de la CFG, mais au contraire, l’ont autorisé à opérer librement son choix, la société CORA WOOD a fait observer qu’il n’a jamais existé de lien juridique entre le requérant et elle, et a conclu, sinon à l’irrecevabilité, du moins au débouté pur et simple de l’action adverse, dont le caractère vexatoire lui ouvrait droit à réparation, qu’elle a sollicitée à hauteur de la somme de 500 000 de francs.
Par jugement du 19 mai 2005, le Tribunal a rendu le jugement dont appel.
Devant la Cour KOUMBA KONDJO sollicite l’infirmation du jugement déféré, au double motif pris de ce que :
D’une part, et se fondant sur l’effet relatif des contrats, le protocole de cession d’actifs et la convention de mise à disposition du personnel qui ne lui sont pas opposables, emportent des conséquences de droit à la charge du cessionnaire, notamment et en l’occurrence, la subsistance des contrats en cours du fait de la modification de la situation juridique de l’employeur résultant de ladite cession d’actifs, ainsi qu’il est disposé à l’article 78 du code du travail, dont les dispositions font autorité sur les conventions particulières.
D’autre part, et sur l’acquis de la survivance de son contrat de travail à durée indéterminée, que celui-ci a été rompu par son nouvel employeur en l’absence de toute faute, et en méconnaissance de la procédure en vigueur en pareille circonstance.
Invitant la Cour à statuer à nouveau, l’appelant sollicite la condamnation de CORA WOOD à lui payer la somme de 2.835.157 francs pour violation de la procédure, et celle de 100.813.226 francs à titre de dommages et intérêts.
Dans sa réponse, la société CORA WOOD soulève, à titre principal, l’incompétence de la Cour et des juridictions gabonaises, dessaisies au profit d’un collège arbitral ou de juridictions internationales, pour régler les litiges résultant de la convention de location gérance, du protocole de cession et de la convention de mise à disposition du personnel.
Subsidiairement sur le fond, l’intimé qui a repris ses moyens soutenus devant le premier juge, conclut à la confirmation du jugement entrepris, en faisant valoir, d’une part, l’autorisation de l’inspecteur du travail aux fins de licenciement pour motif économique, d’autre part le bénéfice du plan social régulièrement perçu par l’appelant auprès du Trésor public, et enfin l’arrêt du 21 février 2005 dont elle suggère à la Cour d’appliquer les dispositions au cas d’espèce, arrêt qui a écarté la règle du transfert des droits réclamés par Landry OGUELE à CORA WOOD pour cause de cession d’actifs de la CFG.
SUR QUOI
Sur la RECEVABILITÉ de l’APPEL
Attendu qu’en matière sociale, les jugements contradictoires sont susceptibles d’appel dans les quinze jours de leur prononcé.
Qu’il échet de recevoir KOUMBA KONDJO en son appel relevé dans les onze jours de la décision critiquée.
IN LIMINE LITIS SUR L’INCOMPETENCE DE LA COUR TIREE DE L’EXISTENCE DE LA CLAUSE COMPROMISSOIRE DANS LE PROTOCOLE DE CESSION D’ACTIFS
Attendu en droit, que l’appel soumet à réformation, la chose jugée devant le Tribunal, afin qu’il soit statué à nouveau en fait et en droit par la Cour.
Attendu que l’incompétence des juridictions étatiques, en raison de l’existence d’une convention d’arbitrage, doit être soulevée avant toute défense au fond, ainsi qu’il est disposé à l’article 11 de l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage dans l’espace OHADA.
Attendu que cette exception, non évoquée devant le premier juge, qui a vidé sa saisine sur le fond, ne peut être admissible à l’examen de la Cour, par égard au principe du double degré de juridiction.
Attendu au surplus que la clause compromissoire dont s’agit, insérée dans le protocole de cession, ne vaut qu’à l’égard des parties contractantes, en l’occurrence les parties cédantes, notamment l’Etat gabonais et la CFG, et la partie cessionnaire, en l’occurrence CORA WOOD, pour les litiges susceptibles de s’élever entre elles.
Attendu que de la combinaison des motifs exposés supra, la Cour de céans ne peut valablement accueillir l’exception soulevée par CORA WOOD.
Qu’il échet de la rejeter, comme soulevée tardivement.
SUR LE SORT DU CONTRAT DE TRAVAIL DE KOUMBA KONDJO AU TERME DE LA CESSION DES ACTIFS DE LA CFG A CORA WOOD
Attendu que l’appelant soutient, sur les mérites des dispositions de l’article 78 du code du travail, que son contrat a été transféré de droit au nouvel employeur du fait de la cession des actifs de la CFG, alors que, se prévalant, à la fois, des dispositions expresses contraires dudit protocole de cession d’actifs et de l’arrêt OGUELE du 21 février 2005, l’intimé soutient qu’il n’a jamais été lié à KOUMBA KONDJO.
Attendu qu’en vertu des dispositions de l’article 8 in fine du code civil, il est de principe qu’il ne peut être dérogé par des conventions particulières aux lois qui intéressent l’ordre public.
Attendu que le protocole d’accord de cession d’actifs, en tant qu’expression de la volonté des parties, ne peut l’emporter sur les dispositions du code du travail, qui consacrent en leur article 78, la subsistance des contrats en cours en cas de modification de la situation juridique de l’employeur pour cause de vente, comme en l’espèce.
Attendu que l’arrêt rendu par la Cour de céans le 21 février 2005, en tant que chose jugée entre OGUELE Landry et CORA WOOD, n’a autorité que pour les mêmes faits et à l’égard des mêmes parties, sans pouvoir lier le juge, dans l’examen de la présente espèce;.
Attendu que de ce qui précède il est établi, que par détermination de la loi, le contrat de travail ayant été conclu entre KOUMBA KONDJO et la société CFG, a été transféré de droit par l’effet de la cession d’actifs à CORA WOOD dès le 9 septembre 2001, nonobstant les dispositions contraires convenues entre les parties cédantes et la partie cessionnaire.
Attendu que pour compter de cette date, en l’occurrence le 9 septembre 2001, KOUMBA KONDJO est devenu employé de CORA WOOD, avec droits et avantages acquis.
SUR LA PROCEDURE DE LICENCIEMENT
Attendu que KOUMBA KONDJO a fait l’objet d’un licenciement pour motif économique, autorisé par l’inspecteur du travail le 5 juin 2002, faisant suite à une requête du Directeur Général de la CFG déposée le 23 mai 2002.
Attendu que la situation individuelle de KOUMBA KONDJO à l’égard de la CORA WOOD remonte au jour de la cession des actifs de la CFG, notamment le 9 septembre 2001, date à partir de laquelle, cette dernière entité a cessé d’exister en droit.
Attendu que la procédure de licenciement entreprise ultérieurement le 23 juin 2002 par une autorité déchargée par la loi du pouvoir de direction d’une entité, au demeurant inexistante par principe, ne peut opérer des suites de droit.
Attendu que l’administration d’une bonne justice commande d’écarter cette pièce des débats, et de replacer les parties dans les positions où elles se trouvaient avant la prise en compte de cette demande.
Qu’ainsi, il résulte des pièces du dossier, que la relation de travail, entre KOUMBA KONDJO et la société CORA WOOD son nouvel employeur, transférée à cette dernière le 9 septembre 2001 par cession d’actifs de la CFG, a été rompue à l’initiative de l’employeur le 6 juin 2002, en l’absence de toute faute.
A TITRE PREJUDICIEL SUR LE POUVOIR D’EVOCATION DE LA COUR EN RAISON DE LA REGLE DE NON LIMITATION DES DROITS DES TRAVAILLEURS
Attendu qu’en vertu des dispositions de l’article 10 du code du travail, toute limitation concédée par voie conventionnelle ou non, des droits légaux reconnus au travailleur est nulle et non avenue.
Attendu qu’il appartient à la Cour, par voie d’évocation, de pourvoir au rétablissement des droits éludés par le demandeur.
Attendu que la Cour ne fait pas mauvaise application de la loi, au regard des demandes circonscrites à l’indemnisation pour non respect de la procédure de licenciement et aux dommages et intérêts, d’examiner d’office les questions liées au préavis, au certificat du travail, à l’indemnité de licenciement, dont la liquidation est acquise de droit au travailleur en cas de rupture abusive du contrat de travail à durée indéterminée, sans qu’il ne soit besoin pour ce dernier de les solliciter.
Attendu qu’en cause d’évaluation des droits de KOUMBA KONDJO, la Cour ne peut être liée au solde de tout compte, non chiffré, opportunément versé au dossier par CORA WOOD, à propos de sommes versées par une autorité étrangère à la relation de travail en règlement d’un plan social entrepris en violation de la loi, encore et surtout que même s’il avait été entrepris à bon droit, ledit solde de tout compte, dépourvu de toute indication sur le montant et la nature des droits perçus, n’aurait pu sous cette forme, opérer l’effet libératoire recherché, ainsi qu’il est disposé à l’article 153 du code du travail.
SUR LA VIOLATION DE LA PROCEDURE DE LICENCIEMENT
Attendu que le contrat de travail a durée indéterminée prend fin au terme de l’entretien préalable, par la remise d’une lettre de licenciement contenant les causes réelles et sérieuses justificatives de la rupture.
Attendu que l’inobservation de cette procédure, ouvre droit à une indemnité au profit de l’employé, égale à trois mois de salaire.
Qu’il échet de condamner CORA WOOD à payer à KOUMBA KONDJO la somme de 1.810.173 francs.
SUR L’INDEMNITE COMPENSATRICE DE PREAVIS
Attendu que la partie qui prend l’initiative de la rupture d’un contrat de travail, est astreinte à accorder à l’autre, un préavis pour une durée de droit fixée à l’article 65 du code du travail, et en cas d’inobservation, de lui verser une indemnité compensatrice dans les dispositions arrêtées à l’article 69 du code susvisé.
Attendu qu’en raison d’une durée de travail de 4 ans, il est acquis au bénéfice du travailleur un préavis de 2 mois.
Qu’il échet en conséquence, au salaire moyen de 603 391 de lui allouer la somme de 1.206.782 francs pour ce chef.
SUR L’INDEMNITE DE LICENCIEMENT
Attendu qu’en cas de licenciement pour un motif autre que la faute lourde, tout travailleur justifiant d’une ancienneté de deux ans peut prétendre à une indemnité de licenciement, égale à vingt pour cent du salaire moyen par année continue.
Qu’ayant exercé pendant 4 ans, monsieur KOUMBA KONDJO peut prétendre à une indemnité de licenciement fixée à 482.712 francs.
SUR LES DOMMAGES ET INTERETS
Attendu que la rupture abusive d’un contrat à durée indéterminée ouvre droit à des dommages intérêts au bénéfice de l’employer.
Que la cour dispose des éléments suffisants d’appréciation pour arbitrer à la somme de 5 000 000 de francs le montant des réparations à allouer à sieur KOUMBA KONDJO.
PAR CES MOTIFS.
Statuant publiquement par arrêt contradictoire en matière sociale et en dernier ressort.
In limine litis.
Rejette l’exception soulevée.
Reçoit KOUMBA KONDJO en son appel comme régulier en la forme.
AU FOND.
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau.
Dit qu’il ne peut être dérogé aux dispositions d’ordre public par des conventions particulières.
En conséquence.
Dit que le contrat de travail ayant lié monsieur KOUMBA KONDJO et la CFG a été transféré à la société CORA WOOD, qui était devenue le nouvel employeur, au jour de la conclusion du protocole de cession des actifs, intervenue le 9 septembre 2001, et ce, nonobstant les dispositions contraires convenues par les parties.
Dit de ce fait, que la demande de licenciement pour motif économique, sollicitée le 23 mai 2002, par le Directeur Général de la CFG, ne peut valablement lier la Cour et produire les effets de droit, en ce que cette initiative a été engagée par une autorité déchargée de tout pouvoir de direction, sur une entité économique, au demeurant liquidée.
Que la Cour l’écarte des débats comme non avenue.
Constate que le contrat de travail transféré à la société CORA WOOD a été rompu par l’employeur, en l’absence de toute faute, et en méconnaissance de la procédure en vigueur en pareille circonstance.
Déclare abusive la rupture du contrat intervenue le 15 octobre 2002.
Condamne la société CORA WOOD à payer à KOUMBA KONDJO les sommes de :
1) 870.173 francs pour violation de la procédure de licenciement.
4) 82.712 francs au titre de l’indemnité de licenciement.
1) 206.782 francs à titre d’indemnité compensatrice de préavis.
5) 000 000 de francs à titre de dommages intérêts.
Déboute les parties de leurs conclusions plus amples ou contraires.
Consacre la gratuité de la présente instance.