J-08-177
ARBITRAGE INTERNATIONAL – NOTION NATURE ECONOMIQUE DE L’OPERATION AYANT DONNE LIEU AU LITIGE – MOUVEMENT DE SERVICES ET PAIEMENTS A TRAVERS LES FRONTIERES.
ARBITRE – COMPOSITION DU TRIBUNAL ARBITRAL – REGULARITE – DEMISSION D’UN ARBITRE EN COURS DE DELIBERE – SENTENCE RENDUE ULTERIEUREMENT – ANNULATION – CARACTERE DILATOIRE OU ABUSIF DE LA DEMISSION – CIRCONSTANCE INDIFFERENTE.
RECOURS EN ANNULATION – ARTICLES 1502 ET 1504 NCPC – COMPOSITION IRREGULIERE DU TRIBUNAL ARBITRAL – TRIBUNAL AMPUTE PAR LA DEMISSION D’UN ARBITRE EN COURS DE DELIBERE – RECOURS FONDE.
Le caractère interne ou international de l’arbitrage se déduit exclusivement de la nature économique de l’opération ayant donné lieu à l’arbitrage, indépendamment du lieu de celui-ci, de la loi applicable au fond ou de la nationalité des parties. En application de ce principe, est international l’arbitrage relatif à une opération économique impliquant un mouvement de biens, de services ou un paiement à travers les frontières, et mettant en cause, de ce fait, les intérêts du commerce international.
Le caractère éventuellement dilatoire et abusif de la démission d’un arbitre au cours du délibéré est sans incidence sur la question de la régularité de la composition du tribunal arbitral.
Indépendamment des obligations qui pouvaient peser sur lui et de la responsabilité dont elles pourraient être la source dans le cadre d’autres instances, la démission de l’arbitre n’a pas constitué une cause d’interruption de l’instance, mais a amputé le tribunal arbitral de l’un de ses membres, avant que la sentence ait été rendue.
La composition du tribunal arbitral n’étant donc plus conforme à la convention fondant et légitimant son pouvoir juridictionnel, doit être annulée la sentence rendue dans ces conditions, alors au surplus que le Président du Tribunal de Grande Instance était saisi de la difficulté et que le recourant avait déjà désigné un arbitre remplaçant.
Cour d’Appel de PARIS (1ère Ch. C), 1er juillet 1997. Affaire : Agence Transcongolaise des Communications Chemins de fer Congo Océan (ATC-CFCO). c/ Compagnie Minière de l’Ogooué (Comilog). Revue Camerounaise de l’Arbitrage n 3. Octobre Novembre Décembre 1998, p. 16.
LA COUR
Pour les besoins de l’exploitation d’une mine de manganèse située au Gabon, à proximité des frontières congolaises, la société Compagnie Minière de l’Ogooué (Comilog) a conclu, le 27 mars 1957, avec les autorités congolaises, une convention ferroviaire intitulée « Convention pour l’établissement et l’exploitation du chemin de fer Comilog » devant lui permettre de faire transiter ses trains chargés de minerai sur les voies du chemin de fer public congolais « Congo Océan » (CFCO).
Cette convention, qui devait être complétée ultérieurement par d’autres conventions dites « de traction particulière », dont celle conclue le 3 juin 1991, comportait une clause compromissoire renvoyant à l’arbitrage, les différends pouvant survenir entre les parties pour l’application des accords.
A la suite d’une collision survenue le 5 septembre 1991 entre un train de marchandises composé de wagons appartenant à l’Agence Transcongolaise des Communications Chemin de Fer Congo Océan (ATC-CFCO), tracté par une locomotive COMILOG et conduite par un employé COMILOG, et un train de voyageurs congolais, les parties, qui n’avaient pas trouvé de solution amiable à la question des responsabilités encourues, ont mis en œuvre la procédure d’arbitrage.
ATC-CFCO et COMILOG désignaient respectivement en qualité d’arbitres MM. A, Avocat au Barreau de Pointe-Noire, et B, Expert agréé par la Cour de Cassation;le Président de la SNCF nommait enfin M. C. pour présider le tribunal arbitral.
Alors que la procédure d’arbitrage touchait à son terme et que l’affaire, qui avait été plaidée le 20 juin 1995 était en délibéré, M. A. informait le Président du Tribunal arbitral, par courrier du 15 septembre 1995, qu’il démissionnait de ses fonctions, en raison de l’intervention d’une tierce personne, à savoir Mme D, membre du service juridique de la SNCF, dans le délibéré arbitral.
L’ATC-CFCO indiquait qu’elle saisissait immédiatement en référé, le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris de cette difficulté, ainsi que d’une demande de récusation des deux autres arbitres, le tribunal devant être, à son avis, reconstitué dans sa globalité, à la suite de la démission intervenue;par ailleurs, elle-même désignait aussitôt Mme E. en remplacement de M. A.
En dépit de toutes ces difficultés, le tribunal rendait à Paris, le 25 septembre 1995, une sentence non signée de l’arbitre « convoqué et absent », décidant que les responsabilités devaient être partagées à raison de 90 % pour ATC-CFCO et de 10 % pour COMILOG.
ATC-CFCO a formé contre cette sentence, un recours en annulation fondé sur les dispositions des articles 1502 et 1504 du Nouveau Code de Procédure Civile, pour défaut de respect du principe de la contradiction, irrégularité de la composition du tribunal arbitral et contrariété à l’ordre public international et aux droits de la défense.
Elle demande d’annuler la sentence et de lui allouer la somme de 100 000 FF au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
COMILOG soutient en réplique et en se fondant sur les dispositions de l’article 1493 du Nouveau Code de Procédure Civile, que la Cour d’Appel de Paris n’est pas compétente pour statuer, alors que selon la Convention du 23 mars 1957, le lieu de l’arbitrage était fixé à Pointe-Noire, que la loi de procédure applicable audit arbitrage n’était pas la loi française mais la loi congolaise, et qu’il ne s’agit pas de surcroît, d’un arbitrage international mettant en cause les intérêts du commerce international, le litige ayant son origine « dans un transfert de service limité » au territoire congolais ».
Elle ajoute que le recours est en tout état de cause mal fondé et qu’i doit être rejeté;elle sollicite une somme de 500 000 FF de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 100 000 FF sur le fondement de l’article 700 précité.
SUR CE, LA COUR :
Sur la compétence de la Cour d’Appel de Paris pour statuer
Considérant que l’article 1493 dont se prévaut COMILOG pour conclure à l’incompétence de la Cour d’Appel de Paris, est relatif aux difficultés de constitution du tribunal arbitral;qu’il est sans intérêt pour la solution de la difficulté soulevée, laquelle doit être réglée par référence exclusive aux articles 1502 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile.
Considérant qu’en matière d’arbitrage international, la sentence arbitrale rendue en France peut, aux termes de l’article 1054 du Code précité, faire l’objet d’un recours en annulation dans les cas prévus à l’article 1502, ce recours devant alors, selon l’article 1505, être soumis à la Cour d’Appel dans le ressort de laquelle ladite sentence a été rendue.
Considérant que COMILOG prétend que la Cour d’Appel de Paris ne serait pas compétente pour statuer sur la validité d’un arbitrage purement interne dont le siège était à Pointe-Noire au Congo.
Considérant que le caractère interne ou international de l’arbitrage se déduit exclusivement de la nature économique de l’opération économique ayant donné lieu à l’arbitrage, indépendamment du lieu de celui-ci, de la loi applicable au fond ou de la nationalité des parties.
Qu’en application de ce principe, est international, l’arbitrage relatif à une opération économique impliquant un mouvement de biens, de services, ou un paiement à travers les frontières et mettant en cause, de ce fait, les intérêts du commerce international.
Considérant qu’en l’espèce, l’accident ferroviaire du 5 septembre 1991 s’est produit sur le territoire congolais;qu’il a mis en cause un train composé de wagons congolais tractés par une locomotive appartenant à la société gabonaise COMILOG, conduite par un employé de celle-ci, qui circulait au Congo dans le cadre de conventions conclues entre le Congo et le Gabon pour permettre à ce dernier d’évacuer, moyennant paiement au premier, de droits de péage, son minerai de manganèse dans les meilleures conditions possibles.
Considérant que contrairement à ce que soutient COMILOG, l’opération qui est à la base de l’arbitrage implique bien un mouvement de services et des paiements à travers les frontières du Gabon et du Congo, et intéresse à ce titre, le commerce international.
Que l’arbitrage est donc un arbitrage international justiciable des textes sus rappelés.
Et considérant que si l’article 7 de la Convention de traction du 3 juin 1991 dispose que le lieu de l’arbitrage dont elle envisage l’éventualité sera fixé à Pointe-Noire au Congo, les parties ont en l’espèce, expressément convenu au cours de la première réunion d’arbitrage (procès-verbal du 23 juillet 1993), que par dérogation à cette stipulation générale, le lieu de l’arbitrage serait fixé dans le cas considéré, à Paris, où la sentence a été rendue.
Que la Cour d’Appel de Paris est donc bien compétente pour statuer.
Sur le recours en nullité
Considérant que selon les articles 1502 alinéa 2 et 1504 du Nouveau Code de Procédure Civile, la sentence arbitrale encourt l’annulation, si le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé.
Considérant qu’ATC-CFCO fait valoir précisément que le tribunal arbitral, dont un des arbitres venait de démissionner, et dont les deux autres faisaient l’objet d’une demande de récusation sur laquelle il devait être statué à l’issue d’une audience fixée au 27 septembre 1995, n’était plus régulièrement constitué lorsqu’il a rendu sa sentence le 25 septembre 1995.
Considérant qu’après avoir tenté sans succès, conformément aux dispositions de l’article 7 de la Convention de traction réciproque du 3 juin 1991, de régler leur différend à l’amiable, les parties ont mis en œuvre la procédure d’arbitrage prévue par l’article 27 du même Accord, qui dispose « dans le cas où les conclusions ne seraient pas acceptées par l’une ou l’autre des parties, il sera statué par voie d’arbitrage, dans les conditions prévues à l’article 21 de la Convention ferroviaire du 27 mars 1957 ».
Considérant que cet article 21 stipule quant à lui, « au cas où des différends surgiraient entre les parties pour l’application de la présente convention.. il serait statué par voie d’arbitrage.. le collège arbitral sera composé de trois membres;celle des parties qui demandera l’arbitrage choisira un arbitre.. dans les 30 jours de cette notification, l’autre partie doit choisir un arbitre.. dans les 30 jours de cette notification, les deux arbitres doivent choisir un tiers arbitre.. si les deux arbitres ne se sont pas mis d’accord sur le choix du tiers arbitre, chacune des parties est en droit de demander au Président de la SNCF de désigner d’office, l’arbitre ».
Considérant qu’en application de ces dispositions, COMILOG et ATC-CFCO ont respectivement désigné en qualité d’arbitres, B, Expert agréé auprès de la Cour de Cassation et A, Avocat à Pointe-Noire, les 21 et 26 juin 1992.
Que le Président de la SNCF a nommé de son côté, C. comme tiers arbitre, lequel a accepté ses fonctions le 2 janvier 1993.
Considérant qu’après plusieurs réunions d’arbitrage, des échanges de mémoires, des auditions de témoins et une expertise, l’affaire a été plaidée le 20 juin 1995.
Qu’après avoir participé au délibéré, le 13 septembre 1995 et alors que le projet de sentence venait de lui être communiqué par le Président C, l’arbitre A. a informé ce dernier par courrier du 15 septembre transmis le lendemain en télécopie, qu’il démissionnait de ses fonctions.
Considérant qu’en dépit de cette difficulté, M. C, qui avait pris acte le 19 septembre de la démission de A, et qui était informé de la procédure initiée par ATC-CFCO devant le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris sur le fondement de l’article 1457 du Nouveau Code de Procédure Civile, a fait connaître aux parties qu’il rendrait néanmoins la sentence le 25 septembre 1995, ce qu’il a fait, en constatant l’absence de A, qu’il avait convoqué.
Considérant que pour s’opposer au recours en annulation formé par ATC-CFCO contre la sentence rendue dans ces conditions, COMILOG fait essentiellement valoir :
que la démission de A, intervenue pour un motif fallacieux, s’inscrit comme les procédures initiées à sa suite, dans le cadre de manœuvres dilatoires destinées à éviter le prononcé d’une sentence qui ne donnait pas satisfaction à la partie congolaise;
qu’elle est « inopérante », alors que l’article 1462 du Nouveau Code de Procédure Civile impose à l’arbitre de poursuivre sa mission jusqu’à son terme, que selon l’article 1465 du même Code, l’instance arbitrale n’est interrompue que pour les seules causes énumérées aux articles 369 à 376, et qu’aux termes de l’article 371, l’interruption ne se produit pas si l’événement se produit après l’ouverture des débats, ce qui a bien été le cas en l’espèce.
que la sentence qui a été rendue à la majorité des voix, conformément à la convention des parties, après délibéré du collège arbitral, alors que l’arbitre absent avait été régulièrement convoqué, est régulière en la forme et au fond.
Mais, considérant en premier lieu que le caractère éventuellement dilatoire et abusif de la démission de A. est indifférent pour la solution du présent litige, lequel est limité à la question de savoir si la sentence a ou non été rendue par un tribunal arbitral régulièrement constitué.
Considérant en second lieu que force est de constater, qu’indépendamment des obligations qui pouvaient peser sur lui et de la responsabilité dont elles pourraient être la source dans le cadre d’autres instances, l’arbitre A. n’a pas mené sa mission à son terme et que cet événement, qui ne concerne pas les parties mais le tribunal lui-même et la pérennité d’un pouvoir juridictionnel exclusivement fondé sur la convention d’arbitrage et subordonné par suite à la conjonction exacte des conditions prévues par celle-ci, n’est pas de nature à avoir constitué une cause d’interruption d’instance telle que prévue par les textes énumérés par COMILOG, qui sont inapplicables au cas considéré.
Considérant enfin, qu’il est constant que l’arbitre A. a démissionné au cours du délibéré de la sentence, de sorte qu’au moment où il a statué, le tribunal arbitral n’était plus constitué que du seul arbitre désigné par COMILOG et du Président C.
Considérant qu’il en résulte qu’à la différence des hypothèses évoquées par COMILOG, où la sentence reste valide parce que prononcée par le tribunal choisi par les parties, même si l’un des arbitres n’a pas participé au délibéré ou s’il a refusé de la signer, dès lors que continuant d’assumer sa mission, il a bien été mis à même d’en exercer les prérogatives, la décision présentement contestée a été rendue par un tribunal arbitral amputé de l’un de ses membres et dont la constitution n’était plus conforme à la convention fondant et légitimant son pouvoir juridictionnel.
Considérant que la sentence rendue dans ces conditions, alors au surplus que le Président du Tribunal de Grande Instance était saisi de la difficulté et que ATC-CFCO avait déjà désigné un arbitre remplaçant, doit pour ce seul motif et sans qu’il soit utile d’examiner les autres moyens d’annulation du demandeur au recours, être annulée.
Considérant que par voie de conséquence, COMILOG doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Considérant que les circonstances de la cause ne justifient pas d’accorder à ATC-CFCO le bénéfice des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, auquel COMILOG, qui supportera les dépens, ne peut elle-même prétendre.
PAR CES MOTIFS
Annule la sentence rendue le 25 septembre 1995 dans l’instance ayant opposé l’Agence Transcongolaise des Communications Chemin de fer Congo Océan à la société Compagnie Minière de l’Ogoué.
Déboute les parties de leurs demandes de dommages et intérêts et celles fondées sur l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Dit que les dépens du recours seront supportés par la société Compagnie Minière de l’Ogoué.
Mme COLLOMP, prés.;GARBAN, Pascal, cons.;Mes ANCRI, BELLAICHE, av.
NOTE
L’arrêt ci-dessus rapporté, rendu le 1er juillet 1997 par la Cour d’Appel de Paris, est intéressant en ce qu’il rappelle la notion d’arbitrage international (I). et statue, en même temps, sur le sort d’une sentence rendue par un tribunal arbitral tronqué (II).
I. LA NOTION D’ARBITRAGE INTERNATIONAL
Les faits de la cause ayant été exposés dans l’arrêt commenté, il convient simplement de rappeler que pour faire échec à la demande d’annulation de la sentence intervenue, la COMILOG soutenait, d’une part, que l’arbitrage l’opposant à ATC-CFCO n’était pas international, et d’autre part, que la Cour d’Appel de Paris n’était pas compétente pour statuer sur la validité d’un arbitrage dont le siège avait été conventionnellement fixé à Pointe-Noire au Congo.
Sur la compétence ratione loci, la Cour d’Appel de Paris relève que lors de la première réunion d’arbitrage, les parties en litige avaient expressément retenu comme lieu de l’arbitrage, non plus Pointe-Noire, mais Paris, où la sentence a été rendue, et en tire la conséquence que « la Cour d’Appel de Paris est donc bien compétente pour statuer ». Ce faisant, la Cour d’Appel de Paris est en phase avec les articles 1503 et 1504 du Nouveau Code de Procédure Civile français (NCPC), textes qui permettaient que soit porté devant elle le recours en annulation contre la sentence attaquée.
S’agissant de la définition de l’internationalité de l’arbitrage, il importe de relever qu’il existe généralement une définition économique (A). et une définition juridique (B). de ladite internationalité.
A. Définition économique
Ici, « l’internationalité de l’arbitrage résulte de l’objet du litige, et plus précisément, de l’opération économique qui en est l’occasion ».
L’arrêt commenté constitue une illustration de cette définition économique de l’internationalité de l’arbitrage. En effet, il en résulte qu’ ».. est international, l’arbitrage relatif à une opération économique impliquant un mouvement de biens, de services ou un paiement à travers les frontières et mettant en cause de ce fait, les intérêts du commerce international ».
Confrontant la définition ainsi rappelée aux circonstances de l’espèce, la Cour de Paris y voit un mouvement de services et de paiements à travers les frontières, puisqu’elle relève que l’accident ferroviaire ayant donné lieu à la procédure arbitrale s’est produit au Congo, dans le cadre d’une convention en vertu de laquelle la société gabonaise COMILOG devait évacuer son manganèse à travers le chemin de fer Congo-Océan, moyennant paiement d’une rémunération à la société congolaise ATC-CFCO.
A la suite d’une jurisprudence constante, le droit français a, en 1981, adopté cette définition économique de l’internationalité, en énonçant dans l’article 1492 N.C.P.C, qu’ » est international l’arbitrage qui met en cause des intérêts du commerce international ».
Bien que l’on ait reproché à cette définition économique de l’arbitrage international, son élasticité et sa généralité, il importe de relever que l’arrêt commenté s’insère dans la longue lignée des arrêts dans lesquels la Cour d’Appel de Paris interprète « ..dans une formule très élaborée », la notion de « mise en cause des intérêts du commerce international ». Ladite Cour a d’ailleurs repris cette définition économique de l’internationalité de l’arbitrage, dans un arrêt postérieur à celui commenté.
Fermement établie en droit français, cette définition économique de l’arbitrage international coexiste avec une définition juridique que l’on retrouve dans certains systèmes de droit autres que français.
B. Définition juridique
Un arbitrage est ici considéré comme international, lorsqu’il présente, par rapport à un pays déterminé, des éléments d’extranéité, lesquels constituent des points de rattachement ou de contact avec d’autres pays.
En fonction du poids ou de l’importance de ces éléments de rattachement, « .. la situation ou la relation sera soumise, soit à un ordre juridique étranger, soit à l’ordre juridique national.. Constituent ainsi autant de points de contact possibles avec tel ou tel Etat : la nationalité et le domicile du ou des arbitres, la nationalité des parties, le domicile, la résidence ou le siège social de celles-ci, le lieu de conclusion ou d’exécution du contrat, etc. ».
Les lois suisse (art. 176). et italienne (art. 832). ont adopté cette définition juridique de l’arbitrage international.
De même, la Loi-type de la CNUDCI du 21 juin 1985 sur le Droit Commercial International a adopté cette définition juridique de l’arbitrage international.
Qu’elle soit économique ou juridique, la définition de l’arbitrage international s’adapte parfaitement à l’arbitrage tel que conçu par le Traité OHADA. Sauf à préciser que, dans ce contexte, les pays signataires dudit Traité sont considérés comme un ensemble, un bloc homogène, de telle sorte que l’arbitrage sera international lorsqu’il est relatif à un rapport de droit impliquant un mouvement de biens, de services ou de monnaie par-dessus les frontières du bloc constituant l’espace OHADA (définition économique), ou encore, lorsque le ou les éléments d’extranéité à prendre en considération renvoient à un ou des Etats-tiers par rapport à l’ensemble de ceux formant le bloc sus évoqué (définition juridique).
Cela dit, l’internationalité économique peut coïncider avec l’internationalité juridique, lorsqu’un litige oppose deux parties résidant dans des pays différents, et met ainsi nécessairement en cause « Les intérêts du commerce ».
Il ne serait pas mal venu que les rédacteurs des textes relatifs à l’arbitrage OHADA s’inspirent de l’arrêt COMILOG pour insérer dans lesdits textes, des dispositions permettant de solutionner les difficultés que posent les tribunaux arbitraux tronqués.
Gaston KENFACK DOUAJNI.
Magistrat Spécialiste en Contentieux Économique ENM-Paris.
Membre de la Cour Internationale d’Arbitrage de la CCI de Paris.
Sous-Directeur de la Législation Civile, Commerciale, Sociale et Traditionnelle.
au Ministère de la Justice – Yaoundé, Cameroun.