J-08-178
Convention d’arbitrage – Effet – Compétence du juge étatique à statuer – Non.
L’article C-6 de la convention d’arbitrage énonce que « Tout litige relatif au présent accord de joint venture sera réglé de façon définitive suivant les règles de conciliation et d’arbitrage et de la Chambre de Commerce Internationale, par un ou plusieurs arbitres nommés suivant lesdites règles ».
C’est donc à tort que la société ALLATION PROPERTY INC. a cru devoir saisir la juridiction de céans, bien qu’il s’agisse d’une mesure provisoire, la convention qui est la loi des parties ayant soumis la connaissance de tout litige sans exclusive à la juridiction arbitrale.
Il y a lieu, partant, de se déclarer incompétent.
Ordonnance de Référé n 40 du 14 octobre 1998 Affaire : SOCIETE ALLATION PROPERTY, INC. (Mes MOUTOME WOLBER). c/ 1). SOCIETE SIRPI ALUSTEEL CONSTRUCTION;2). SOCIETE ELF SEREPCA (Mes TABETANDO & NGWE). Revue Camerounaise de l’Arbitrage n 4. Janvier Février Mars 1999, p. 13.
L’an mil neuf cent quatre vingt dix-huit et le quatorze du mois d’octobre.
Par-devant nous, Daniel EBENE, Président du Tribunal de Première Instance de Douala tenant audience publique de référés ordinaires en la salle ordinaire de ses audience sise au Palais de Justice de ladite ville;JUGE.
Assisté de Maître NONO Geneviève, Greffier régulièrement assermentée.
Ont comparu Maîtres MOUTOME-WOLBER, Avocats associés à Douala, Conseils de la demanderesse, lesquels nous ont exposé que par exploit en date du 26 mai 1998 du ministère de Maître Elise Adèle KOGLA, Huissier de justice à Douala, leur cliente a fait donner assignation en référé à la société SIRPI ALUSTEEL CONSTRUCTION LTD et la société ELF SEREPCA d’avoir à se trouver et comparaître le mercredi 5 aoûtt 1998 à 14h 30 minutes par-devant le Juge des référés du Tribunal de céans, pour, est-il dit dans cet exploit :
PAR CES MOTIFS : Y venir les sus requis au principal;renvoyer les parties à se mieux pouvoir ainsi qu’elles aviseront;mais dès à présent et par provision, vu l’urgence : constater qu’il a été conclu entre les parties, en date du 28 juillet 1997, un accord de joint venture définissant les apports réciproques ainsi que la nature de leurs activités;constater que l’accord de joint venture du 28 juillet 1997 a prévu en son article A-7, un compte joint dans lequel devraient être versés les produits de la joint venture;constater que ledit compte a été ouvert à la BANCA DELLE SVIZZERA ITALIANO (B.S.I.) via Magatti 2, LUGANO (Suisse), sous le n A.119035;constater que par son contrat n LS 97039, la société ELF SEREPCA a confié à la société ALUSTEEL, la réalisation à partir de la Barge Major, d’une bouée sur le site de Kole;constater que la société ELF SERPCA a reçu instruction de la société ALUSTEEL, de virer les fonds relatifs au contrat ouvert à la CITIBANK NA CITIBANK HOUSE, 336 Strand, LONDON WC2-R1HB;que sur le compte joint n A.119035 ouvert à la BSI LUGANO suivant l’accord de joint venture du 28 juillet 1997;constater que l’intention de la société SIRPI ALUSTEEL est de détourner les fonds destinés à la joint venture;constater qu’en son article C-6, l’accord de joint venture du 28 juillet 1997 a prévu en cas de litige, l’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale;constater que pour la sauvegarde de ses intérêts et dans l’attente de la procédure d’arbitrage, la société ALLATION sollicite la désignation d’un séquestre des fonds relatifs au contrat LS 97039;en conséquence, désigner la société ELF SEREPCA séquestre des recettes du contrat LS 97039, à charge pour elle de conserver lesdits fonds jusqu’à l’issue de la procédure d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale, et rendre à celle des parties en faveur de laquelle les arbitres se prononceront;ordonner l’exécution provisoire de l’ordonnance à intervenir sur minute et avant enregistrement, vu l’urgence;condamner la société SIRPI ALUSTEEL Construction LTD. aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Douala MOUTOME et Gérard WOLBER, Avocats aux offres de droit.
La cause a été mise au rôle de l’année judiciaire en cours, puis appelée à l’audience tel que prévu dans l’acte introductif d’instance.
A l’appel de la cause, les parties ont été entendues en leurs moyens de défense, fins et conclusions.
Puis, après moult renvois utiles, a été retenue à celle du 30 09 96.
A cette date, le juge a déclaré le débat clos et la cause mise en délibéré pour ordonnance être rendue le 14.10.98. Advenue cette dernière audience, la juridiction des référés, vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu par l’organe de son juge, l’ordonnance dont la teneur suit :
NOUS, PRESIDENT, JUGE DES REFERES :
Attendu que suivant exploit en date du 26 mai 1998 du ministère de Maître Elise Adèle KOGLA, Huissier de justice à Douala, non encore enregistré, mais qui le sera en temps utile, la société ALLATION PROPERTY INC, dont le siège est à PANAMA EDIFICIO HONG KONG BANKA VENIDA SAMUEL LEWIS, République de PANAMA, ayant pour Conseils Maître Douala MOUTOME et Gérard WOLBER, ont fait donner assignation en référé à :
1) / La Société SIRPI ALUSTEEL CONSTRUCTION LTD, société de droit nigérian dont le siège social est à 2A, OSBORNE ROAD, FORESHORE TOWERS, 4th floor, Ikoyi, LAGOS (Nigeria), et en application du décret n 77/216 du 30 juin 1997 portant ratification de l’Accord de coopération en matière judiciaire du 27 mars 1972 entre le Cameroun et le Nigeria, notamment en son article 4 chapitre II relatif à la transmission des documents juridiques.
2) / La Société ELF SEREPCA, prise en la personne de son Directeur Général, BP 2214 Douala, pour, est-il dit dans cet exploit, y venir les sus requis.
Au principal :
– renvoyer les parties à mieux se pourvoir ainsi quelles aviseront.
Mais, dès à présent et par provision, vu l’urgence :
– constater qu’il a été conclu entre les parties en date du 28 juillet 1997, un accord de joint venture définissant les apports réciproques ainsi que la nature de leurs activités.
– constater que l’accord de joint venture du 28 juillet 1997 a prévu en son article A-7, un compte joint dans lequel devraient être versés les produits de la joint venture.
Constater que ledit compte a été ouvert à la BANCA BELLE SVIZZERA ITALIANO (BSI) via Magatti 2, LUGANO (Suisse), sous le n A.119035.
– constater que par contrat n L6-97039 la société ELF SEREPCA a confié à la société ALUSTEEL, la réalisation à partir de la Barge Major, d’une bouée sur le site de Kole.
Constater que la ELF SEREPCA a reçu instruction de la société ALUSTEEL, de virer les fonds relatifs au contrat ouvert à la CITIBANK NA CITIBANK HOUSE, 336 Strand, London WC2R;que sur le compte joint n A.119035 ouvert à la BSI Lugano suivant l’accord de joint venture du 28 juillet 1997.
– constater que l’intention de la société SIRPI ALUSTEEL est de détourner les fonds destinés à la joint venture.
– constater qu’en son article C-6, l’accord de joint venture du 28 juillet 1997 a prévu en cas de litige, l’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale.
– constater que pour sauvegarde de ses intérêts et dans l’attente de la procédure d’arbitrage, la société ALLATION sollicite la désignation d’un séquestre des fonds relatifs au contrat LS 97039.
EN CONSEQUENCE.
Désigner la société ELF SEREPCA séquestre des recettes du contrat n LS-97039, à charge pour elle de conserver lesdits fonds jusqu’à l’issue de la procédure d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale, et rendre à celle des parties et faveur de laquelle les arbitres se prononceront.
Ordonner l’exécution provisoire de l’ordonnance à intervenir sur minute et avant enregistrement, vu l’urgence.
Condamner la société SIRPI ALUSTEEL CONSTRUCTION LTD. aux dépens dont distraction au profit de Maîtres Douala MOUTOM et WOLBER, Avocats aux offres de droit.
Attendu qu’au soutien de son action, la Société ALLATION PROPERTY INC. expose qu’elle a conclu en date du 28 juillet 1997, un accord de joint venture et de coopération avec la société SIRPI ALUSTEEL CONSTRUCTION LTD, lequel consistait essentiellement pour elle, en un apport matériel de la Barge Major et pour SIRPI ALUSTEEL, en un apport ministériel de son implantation commerciale.
Que l’activité des parties portait sur des contrats de clientèle susceptibles d’être réalisés à partir de la Barge Major, notamment les travaux de construction, d’entretien, de réparation, de transformation, d’infrastructures pétroliers offshore.
Qu’en son article A-11, l’accord prévoyait, en raison de la présence dans la zone, de barges appartenant à la société SIRPI ALUSTEEL, un plan de charge équilibré entre les barges AFRICAN SEA WAKER (ASW) d’ALUSTEEL et Major ALLATION, de même qu’il prévoyait la non-concurrence de la Barge ‘ROSAMUND’ d’ALUS1EEL vis-à-vis de la ‘Major’ et de « ASW ».
Que l’article A-7 de l’accord prévoyait quant à lui, le versement sur un compte principal joint venture ouvert à la BANCA DELLE SVIZZERA ITALIANA (BSI), LUGANO (Suisse), sous le n A.1l9035, de tous les produits de la joint venture, ce compte fonctionnant sous les signatures conjointes des sieurs PERUCCI d’ALUS1EEL et FLATEBO d’ALLATION.
Que par contrat n LS-97039, la société ALUSTEEL s’est vue confier par la société ELF SEREPCA, l’exécution des travaux d’une bouée KLB 1 sur le site de Kole, ainsi que ceux sur le Riser « 12 » Betika.
Que ces travaux ont été réalisés à partir de la Barge Major, conformément aux termes de l’accord de joint venture.
Que cependant, pour le paiement des factures afférentes à ce contrat, la société ALUSTEEL a demandé à la ELF SEREPCA, d’effectuer le virement sur son compte ouvert à la CITY BANK NA CITIBANK HOUSE Strand, London WC21HB.
Que surprise de l’attitude de son partenaire, elle (ALLATION) a sommé la ELF SEREPCA à l’effet de lui indiquer des factures relatives au contrat LS-97039, comprenant à la fois le montant des travaux de la bouée ainsi que ceux sur le Riser « 12 » Betika.
Que confirmant les instructions reçues de la société ALUSTEEL, la société ELF SEREPCA a déclaré : « Nous vous informons avoir reçu de SIRPI ALUSTEL, la domiciliation bancaire suivante : CITIBANK NA CITIBANK HOUSE 336 Strand, London WC2R1HB ».
Que cette révélation est confortée par la suspicion d’une fraude qu’orchestre depuis un certain temps le partenaire.
Qu’il ressort expressément des stipulations de l’article A-7 de l’accord de joint venture passé entre la société SIRPI ALUSTEEL et elle, que :
Al. 2 : « Dès la mise en vigueur du présent accord, la JV ouvrira un compte bancaire appelé compte principal JV sur lequel seront versés tous les produits de la joint venture ».
Al. 3 : « Ce compte fonctionnera sous double signature des membres du Conseil défini plus haut ».
Qu’il est ainsi défini le compte destinataire des produits de la joint venture ouvert à la BSI LUGANO sous le n A.119035, lequel a été maintes fois crédité des fonds provenant des marchés passés dans le cadre de l’accord de joint venture.
Que SIRPI ALUSTEEL ne peut changer au gré de ses intérêts, la destination desdits fonds.
Que pour la sauvegarde de ses intérêts, elle sollicite que la société ELF SEREPCA soit désignée séquestre des recettes du contrat LS-97039, dans l’attente de ce que le litige soit réglé par la Chambre de Commerce Internationale, dans le cadre de la procédure d’arbitrage prévue à l’article C-6 de l’accord de joint venture du 28 juillet 1997.
Attendu que la société SIRPI ALUSTEEL CONSTRUCTION LTD. fait plaider par ses Conseils, Maîtres TABETANDO et KALJOB, Avocats à Douala, qu’elle a effectivement conclu en date du 17 février 1998, un contrat avec ELF SEREPCA, pour les travaux d’installation de la bouée KLB1 sur le site Kole et les travaux de raccordement du pipe 12 sur RTF 2.
Qu’il s’agit d’un contrat synallagmatique où la joint venture et ALLATION PROPERTY INC. sont étrangers.
Que pour s’en convaincre, il suffit de se reporter à l’attestation de travaux délivrée par ELF SEREPCA, ainsi qu’au contrat de joint venture sur son article A-9, 1equel énonce que les offres relatives à des affaires situées dans le champ d’application de l’accord, le seront au nom de la joint venture, qui sera dénommée « JV ALUSTEEL / ALLON », ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Que de façon générale, les offres destinées à des clients du Nigeria seront présentées par ALUSTEEL pour le compte de la joint venture et qu’en tout état de cause, une décision écrite du comité exécutif sera nécessaire au cas par cas, pour qu’une offre ne soit pas présentée au nom de la joint venture.
Que de plus, dans le cas où la joint venture obtient un contrat d’un client, ce contrat est signé par les deux membres de la joint venture.
Qu’il découle de ce qui précède, que l’action de ALLATION PROPERTY INC. vise plutôt à empêcher une partie à un contrat où il est étranger, à exécuter ses obligations.
Qu’en mieux, le compte ouvert à la BANKA DELLE SVIZZERA ITALIANA (BSI) LUGANO (Suisse), sous le n A.119035, n’a jamais fonctionné.
Que l’article 17 de l’accord prévoyait que ce compte fonctionnait sous les signatures des sieurs PERUCI d’ALUSTEEL et FLATEBO d’ALLATION.
Que la joint venture n’ayant pas correctement fonctionné, le sieur PERUCI n’a jamais déposé sa signature auprès de la BS.
Que bien plus, usant de la clause A5 du contrat de joint venture, ALLATION PROPERTY INC. a mis fin à l’accord, en date du 8 avril 1998.
Que suite à cette rupture du contrat, SIRPI ALUSTEEL a saisi la Chambre de Commerce Internationale de Londres, conformément à l’article C-6 du contrat de joint venture, pour arbitrage.
Que le séquestre se définissant comme le dépôt d’une clause litigieuse entre les mains d’un tiers, en attendant le règlement de la contestation, les fonds dont s’agit n’appartenant pas à la joint venture ALUSTEEL / ALLATION, mais provenant d’un contrat entre SIRPI ALUSTEEL CONSTRUCTION et ELF SEREPCA, la demande ainsi introduite ne se justifie pas.
Qu’il s’agit d’une demande amenant le juge des référés à interpréter une convention, à rechercher les intentions des parties.
Qu’à défaut de se déclarer incompétent, il conviendrait d’ordonner le placement par ELF SEREPCA, des fonds séquestrés en dépôt à terme au taux du marché international, jusqu’à l’issue de la procédure d’arbitrage.
Attendu que Maître Marie Andrée NGWE, Avocat à Douala et Conseil de la société ELF SEREPCA, plaidant pour celle-ci, affirme au contraire que la désignation de sa cliente comme séquestre dans les conditions exigées par la SIRPI ALUSTEEL, entraîne pour elle, de multiples obligations qu’elle ne peut supporter.
Qu’elle n’a donc pas de convenance à accepter cette nomination, encore que nul ne peut être obligé d’être séquestre.
Qu’il appartient aux parties de s’entendre sur la personne à désigner et de l’indiquer au tribunal, et qu’à défaut, la juridiction de céans désignera un tiers séquestre de premier ordre, en fixant les conditions.
Attendu que face au refus de la société ELF SEREPCA de se voir désigner séquestre, la société ALUSTEEL PROPERTY INC, sans être aucunement contrariée, propose la désignation pour la même mission, de la Société Commerciale de Banque Crédit Lyonnais, Agence de Bonanjo.
Attendu que le présent litige oppose en réalité les parties à l’accord joint venture et de coopération.
Attendu que l’article C-6 de cette convention énonce que « Tout litige relatif au présent accord de joint venture sera réglé de façon définitive suivant les règles de conciliation et d’arbitrage et de la Chambre de Commerce Internationale, par un ou plusieurs arbitres nommés suivant lesdites règles ».
Que c’est à tort que la société ALLATION PROPERTY INC. a cru devoir saisir la juridiction de céans, bien qu’il s’agisse d’une mesure provisoire, la convention qui est la loi des parties ayant soumis la connaissance de tout litige sans exclusive à la juridiction arbitrale.
Qu’il y a lieu, partant, de se déclarer incompétent.
Et attendu que la partie qui succombe supporte les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en matière de référé, en premier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Nous déclarons incompétent.
Condamnons la demanderesse aux dépens distraits au profit de Maître TABETANDO, Avocat aux offres de droit.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique, les mêmes jour, mois et an que dessus.
En foi de quoi, la présente ordonnance a été signée par le Juge et le Greffier, en approuvant lignes, mots rayés nuls et renvois eu marge./.