J-08-181
Recours en annulation d’une sentence arbitrale.
Recours en annulation d’une sentence arbitrale rendue le 19 janvier à Paris par le Tribunal arbitral composé de MM. Henri ALBERT, Laurent NORMAND et Yves GUYON.
Cour d’Appel de Paris, 1ère Ch. C. section C, Arrêt du 26 octobre 1999. Société Jean Patou Parfumeur c/ Société Européenne Distribution Parfumerie « EDIPAR ».. Revue Camerounaise de l’Arbitrage n 8. Janvier Février Mars 2000, p. 10.
Numéro d’inscription au répertoire général : 1998/04570 Pas de jonction
Date ordonnance de clôture : 9 septembre 1999
Nature de la décision : CONTRADICTOIRE
Décision : REJET
DEMANDERESSE AU RECOURS EN ANNULATION :
La société JEAN PATOU PARFUMEUR.
dont le siège social est 7, Quai Saint-Florentin.
7) 5008 PARIS.
Représentée par la S.C.P. DUBOSCQ-PELLERIN, Avoué.
Assistée de Maître Carole MALINVAUD du Cabinet GIDE LOYRETTE – NOUEL, Avocats à la Cour (T 03).
DEFENDERESSE AU RECOURS EN ANNNULATION :
La société EUROPEENNE DISTRIBUTION PARFUMERIE « EDIPAR ».
Société à responsabilité limitée venant aux droits de la société GRES PRODUCTION.
dont le siège social est 15, avenue d’Eylau.
7) 5116 PARIS.
Représentée par la S.C.P. BOMMART FOSTER, Avoué.
Assistée de Maître Patricia GHOZLAND du Cabinet VEIL ARMFELT et Associés, Avocats à la Cour (T 06).
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats et du délibéré.
Président : Mme COLLOMP, Président de Chambre.
Assesseur : Madame GARBAN, Président de Chambre.
Assesseur : Monsieur HASCHER, Conseiller.
GREFFIER.
lors des débats et du prononcé de l’arrêt : Mlle FERRIE.
MINISTERE PUBLIC.
Représenté aux débats.
par Monsieur LAUTRU, Avocat Général.
qui a été entendu en ses explications.
DEBATS.
à l’audience publique du 28 septembre 1999.
ARRET – CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement par Madame COLLOMP, Président.
qui a signé la minute avec Mlle FERRIE, Greffier.
Les sociétés Grès et Jean Patou ont, le 31 octobre 1995, signé une convention suivant laquelle Grès effectuerait dans l’une de ses usines pour le compte de Patou, diverses prestations ayant trait à la mise sous alcool et au conditionnement de certaines lignes de parfum. Patou dénonçait le contrat le 12 novembre 1996, en raison de l’insuffisance des prestations qu’elle reprochait à GRES, laquelle décidait alors de recourir à l’arbitrage sur la base de la clause compromissoire de la convention du 31 octobre 1995. La sentence arbitrale rendue à Paris le 19 janvier 1998 par MM. Albert, Normand et Guyon a :
dit la S.A. GRES Production recevable en sa demande.
dit que le contrat du 31 octobre 1995 a été valablement conclu.
prononcé la résiliation dudit contrat, aux torts de la société Jean Patou, Parfumeur.
condamné la société Jean Patou Parfumeur à verser à la S.A. GRES Production, la somme de 1.700 000 F en réparation du dommage ainsi causé, ainsi qu’une somme de 300 000 F au titre des frais irrépressibles.
rejeté les autres demandes des parties, déclarées non fondées.
dit que chaque partie conservera à sa charge, les honoraires d’arbitrage qu’elle a avancés.
La société Jean Patou a formé contre cette sentence, un recours en annulation sur la base de l’article 1484 du Nouveau Code de Procédure Civile, pour non-respect de la contradiction, en raison de l’absence de discussion par les parties, de pièces relatives à la cession de GRES par son actionnaire principal;pour absence et contradictions de motifs;pour violation d’une règle d’ordre public, en l’espèce, celle du retrait litigieux des articles 1699 et suivants du code Civil.
La société EDIPAR, venant aux droits de la société GRES, conclut au rejet du recours et la condamnation de la société Jean Patou à lui verser 100 000 F au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
SUR CE, LA COUR :
Sur le premier moyen tiré du non-respect de la contradiction (article 1484 alinéa 4 du Nouveau Code de Procédure Civile). :
Considérant que la société Jean Patou soutient que le tribunal arbitral a statué en se fondant sur des éléments relatifs à la cession de GRES, qui n’ont pas été versés aux débats, et que ni les parties n’ont pu examiner;que la société EDIPAR venant aux droits de la société GRES, rappelle que le tribunal arbitral a rouvert les débats pour recueillir les explications des parties sur la cession de GRES, et qu’elle conclut au rejet du moyen.
Considérant qu’il ressort des énonciations de la sentence, que les arbitres ont trouvé dans les pièces du dossier, les éléments suffisants pour chiffrer la diminution du préjudice subi par GRES, du fait de la rupture du contrat, en prenant en considération le rachat de GRES, et qu’il n’était dès lors, pas nécessaire d’ordonner la communication des documents demandés par Jean Patou.
Considérant que le respect du contradictoire n’est pas l’obligation pour l’arbitre, de se plier aux modalités d’administration de la preuve voulues par une partie;que le refus du tribunal arbitral d’enjoindre la communication de pièces en raison de l’absence de toute pertinence ou utilité, en l’espèce, d’une telle production, n’a pas privé la société Jean Patou de la possibilité de participer à l’administration de la preuve, alors qu’il est constant que celle-ci a été informée en temps utile, des moyens et éléments de preuves de son adversaire et a pu les discuter;que le moyen doit être rejeté.
Sur le deuxième moyen tiré de l’inobservation des articles 1471 alinéa 2 et 1484 alinéa 5 du Nouveau Code de Procédure civile :
Sur l’absence de motivation :
Considérant que la société Jean Patou critique l’absence de motifs pertinents et suffisants de la sentence qui a rejeté le retrait litigieux, au vu d’une convention conclue entre l’actionnaire et l’acquéreur de GRES, et par ailleurs chiffré le préjudice subi par GRES à la somme de 1.700 000 F;que la société EDIPAR, venant aux droits de la société GRES, déclare qu’il n’a jamais existé d’accord entre elle et son principal actionnaire, la société Jean Patou reprochant en réalité aux arbitres, d’avoir mal jugé.
Considérant d’abord que le tribunal arbitral a expliqué que l’accord conclu entre l’actionnaire et l’acquéreur de GRES ne constituait pas une cession de créances;qu’en l’absence de cession par GRES des droits litigieux faisant l’objet de la contestation devant les arbitres, la possibilité pour la société Jean Patou en tant que défenderesse à l’arbitrage, d’acquérir ces droits à la place du concessionnaire en les retirant à ce dernier, ne se posait pas;que la société Jean Patou critique en réalité à nouveau les arbitres, pour n’avoir pas ordonné la production d’un hypothétique accord de cession de droits litigieux entre GRES et son actionnaire, et pour n’avoir pas suivi la recourante dans son argumentation.
Considérant ensuite, que le tribunal arbitral, après avoir énoncé qu’il trouvait dans le dossier de la procédure, les éléments suffisants pour évaluer le préjudice subi par GRES, a souverainement fixé celui-ci, en usant des pouvoirs d’amiable compositeur qui lui avaient été confiés par les parties dans la clause compromissoire, d’après un raisonnement dont il n’appartient pas au juge de l’annulation d’apprécier la pertinence.
Considérant que le moyen d’annulation, en sa première branche, n’est pas fondé.
Sur la contradiction de motifs :
Considérant que la société Jean Patou estime que le tribunal arbitral s’est contredit dans sa motivation sur la réparation du dommage subi par GRES, en affirmant, d’une part, que « le rachat de GRES doit être pris en considération » et que « cette diminution (de préjudice) doit être prise en considération », sans ordonner la communication de la convention entre l’actionnaire et l’acquéreur de GRES, et en concluant, d’autre part, que le tribunal « trouve dans les pièces du dossier, les éléments suffisants pour chiffrer cette diminution de préjudice », sans autre précision;que la société EDIPAR, venant aux droits de la société GRES, soutient que les motifs de la sentence sont exacts, convaincants et non contradictoires, l’argumentation de la société Jean Patou relevant d’un appel exclu en l’espèce, et étant irrecevable dans le cadre d’un recours en annulation.
Mais, considérant que suivant ce qui est expliqué ci-avant, la sentence déférée comporte bien des motifs sur les questions de l’exercice du retrait litigieux, la communication des pièces entourant la cession de GRES et la fixation du préjudice de cette dernière;que la sentence étant ainsi exempte du vice d’absence de motifs, le grief tiré de la contradiction de motifs constitue une critique du fond de la sentence, lequel échappe au juge de l’annulation;que le moyen pris en sa seconde branche doit être également rejeté.
Sur le troisième moyen tiré de la violation d’une règle d’ordre public (article 1484 alinéa 6 du Nouveau Code de Procédure Civile). :
Considérant que la société Jean Patou soutient qu’en la privant de sa prérogative d’exercer un retrait litigieux, au motif que la convention conclue entre l’actionnaire de GRES et l’acheteur de cette société ne constituait pas une cession de créance, le tribunal arbitral a violé l’ordre public;que la société EDIPAR, venant aux droits de la société GRES, explique que la question du retrait litigieux par Jean Patou ne pouvait se poser par suite de l’absence d’accord entre GRES et son actionnaire, et conclut au rejet du moyen.
Considérant que la société Jean Patou ne démontre pas en quoi les conclusions des arbitres sur l’absence de réalisation des conditions légales de la cession et du retrait de droits litigieux violent des prescriptions d’ordre public édictées pour la défense d’un intérêt général supérieur;qu’elle réitère ses critiques du bien-fondé de la solution donnée par les arbitres au litige qui l’oppose à la société GRES;que le moyen doit être rejeté.
Sur l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :
Considérant que, compte tenu du rejet du recours en annulation, il paraît inéquitable de laisser à la charge de la société EDIPAR, venant aux droits de la société GRES, une partie des sommes qu’elle a exposées et qui ne sont pas comprises dans les dépens;qu’il convient de condamner la société Jean Patou à lui payer à ce titre, la somme de 60 000 F.
PAR CES MOTIFS
Reçoit la société EDIPAR en ses conclusions d’intervention volontaire et de reprise d’instance.
Rejette le recours en annulation formé à l’encontre de la sentence rendue à Paris le 19 janvier 1998.
Condamne la société Jean Patou à payer à la société EDIPAR, venant aux droits de la société GRES, la somme de 60 000 F sur la base de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Condamne la société Jean Patou aux dépens et accorde à la S.C.P. Bommart Foster, avoué, le droit prévu à l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
– le Greffier;
– LE PRESIDENT.