J-08-194
ARBITRAGE – SENTENCE RENDUE A L’ETRANGER – REJET DU RECOURS EN NULLITE FORME A L’ETRANGER – L’EXEQUATUR EN FRANCE – APPEL PENDANT DE L’ORDONNANCE AYANT ACCORDE L’EXEQUATUR – REQUETE AUX FINS D’EXECUTION PROVISOIRE – ART – 1479 ET 1500 N.C.P.C – INAPPLICABILITE AUX ORDONNANCES D’EXEQUATUR RELATIVES A CES SENTENCES – IRRECEVABILITE DE LA REQUETE.
EXECUTION PROVISOIRE – REQUETE – SENTENCE RENDUE A L’ETRANGER – APPEL PENDANT DE L’ORDONNANCE AYANT ACCORDE L’EXEQUATUR – INAPPLICABILITE DE L’ARTICLE 1479 N.C.P.C.
Les énonciations de l’article 1479 N.C.P.C, par leur formulation dépourvue de toute ambiguïté, sont destinées à recevoir application, lorsque c’est une sentence arbitrale qui fait l’objet d’un appel ou d’un recours en annulation. Aux termes de l’article 1500 NCPC, il a été prévu de les étendre au cas où une sentence « étrangère » est elle-même susceptible d’être déférée à la Cour, c’est-à-dire au cas prévu par l’article 1504 NCPC, concernant le recours en annulation formé contre une sentence rendue en France en matière d’arbitrage international. Dès lors que la décision soumise à l’examen de la Cour n’est pas une sentence « étrangère » elle-même, mais l’ordonnance distincte accordant l’exécution de cette sentence, il en résulte que l’article 1479 ne peut recevoir application.
Cour d’Appel de Paris, Ordonnance sur incident à fin d’exécution provisoire. 27 novembre 1984. Affaire : Société J. Lalanne c/ Deutsche Gesellschaft für Wirtschaftliche Zusammenarbeit. Revue Camerounaise de l’Arbitrage n 16. Janvier Février Mars 2002, p. 14.
Nous Conseiller, Magistrat chargé de la mise en état
Vu la procédure suivie en cause d’appel entre la Société J. Lalanne et la Société Deutsche Gesellschaft für wirtschaftliche Zusammenarbeit, en abrégé D.E.G.
Attendu que le 16 mars 1983, une sentence arbitrale a été rendue à Bâle (Suisse) dans le différend opposant la société D.E.G, société de droit allemand, à la société J. Lalanne, société de droit français.
Que cette sentence, entre autres dispositions, a condamné la société J. Lalanne à payer à la société D.E.G, une somme de D.M. 407.953, avec intérêts, et qu’il n’a pas été prononcé d’exécution provisoire de ladite sentence.
Attendu que le recours en nullité formé en Suisse par la société J. Lalanne contre cette sentence a été rejeté par la Cour d’Appel de Bâle, par arrêt du 25 aoûtt 1983.
Attendu que cette sentence a fait l’objet d’une décision d’exequatur en France, suivant ordonnance rendue le 4 août 1983 par le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris, à la requête de la société D.E.G.
Attendu que cette ordonnance d’exequatur est actuellement frappée d’appel par la société J. Lalanne, dans le cadre des dispositions de l’article 1502 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Attendu que par conclusions déposées le 4 septembre 1984, la société D.E.G. expose que cet appel de l’ordonnance d’exequatur, qui a pour effet de suspendre l’exécution de la sentence arbitrale, par application des dispositions de l’article 1506 du même Code, a été formé dans un but purement dilatoire, et lui cause un grave préjudice, dans la mesure où il laisse à penser que la société J. Lalanne cherche à gagner du temps pour organiser son insolvabilité.
Que dans ces conditions, se référant aux dispositions combinées des articles 1500 et 1479 du Nouveau Code de Procédure Civile, elle nous requiert d’ordonner l’exécution provisoire de la sentence étrangère, ou subsidiairement, de subordonner l’exécution provisoire à 1a constitution d’une garantie sous forme d’une caution bancaire, et de « confirmer que ladite sentence peut être exécutée, nonobstant l’appel de l’ordonnance d’exequatur du Président du Tribunal de Grande Instance de Paris ».
Attendu qu’à la barre, la société D.E.G, tout en disant convenir qu’une difficulté pourrait se poser sur l’interprétation à donner des dispositions de l’article 1479 précité et sur l’application de cet article à la cause, considère qu’il y a lieu d’appliquer « simplement » le texte qui confère au magistrat de la mise en état, le pouvoir d’ordonner l’exécution provisoire dans les conditions prévues aux articles 525 et 526 du Nouveau Code de Procédure Civile, et fait plaider que la décision qu’elle sollicite répond à l’esprit de la réforme du droit français de l’arbitrage, soucieux d’en réaliser une « analogie » entre les sentences de droit interne et les sentences étrangères.
Attendu que la société J. Lalanne conclut au rejet de cette demande, tout d’abord en faisant observer que la sentence étrangère n’a pas été assortie de l’exécution provisoire, précisément par le fait que le droit suisse exclut, en matière d’arbitrage, le prononcé d’une telle mesure, et surtout en soutenant que l’article 1479 du Nouveau Code de Procédure Civile est inapplicable à la cause, dans la mesure où ce texte ne concerne que le cas où c’est la sentence elle-même qui se trouve déférée en cause d’appel, et non, comme en la présente espèce, l’ordonnance qui lui a conféré l’exequatur.
Attendu que l’article 1479 du Nouveau Code de Procédure Civile, édicté en matière de droit interne, dispose tout d’abord, que les règles sur l’exécution provisoire des jugements sont applicables aux sentences arbitrales, puis ajoute qu’en cas d’appel ou de recours en annulation, le Premier Président ou le magistrat chargé de la mise en état, dès lors qu’il est saisi, peut accorder l’exequatur à la sentence arbitrale assortie de l’exécution provisoire – qu’il peut aussi ordonner l’exécution provisoire dans les conditions prévues aux articles 525 et 526 – que sa décision vaut exequatur.
Attendu que ces énonciations, de par leur formulation dépourvue de toute ambiguïté, sont destinées à recevoir application, lorsque c’est une sentence arbitrale qui fait l’objet d’un appel ou d’un recours en annulation.
Qu’étant édictées en matière de droit interne, c’est effectivement au bénéfice des dispositions de l’article 1500 invoqué par la partie demanderesse à l’incident, qu’il a été prévu de les étendre au cas où une sentence « étrangère » est elle-même susceptible d’être déférée à la Cour, c’est-à-dire au cas prévu par l’article 1504 du Nouveau Code de Procédure Civile, à savoir, l’hypothèse d’un recours en annulation formé contre une sentence rendue en France en matière d’arbitrage international.
Attendu qu’en l’espèce, la décision soumise à l’examen de la Cour n’étant pas une sentence « étrangère » elle-même, mais l’ordonnance distincte accordant l’exécution de cette sentence, il en résulte que l’article 1479 ne peut recevoir application en la circonstance.
Qu’au surplus, et surabondamment, aucun élément ne commande de prescrire l’exécution provisoire de la sentence dont s’agit, dès lors qu’une telle décision, aux termes de l’article 1479 précité, prendrait ipso facto valeur d’exequatur et viendrait, en cette valeur, s’inclure dans une instance dont l’objet consiste précisément à discuter de l’exequatur précédemment accordé par le juge d’exécution.
Qu’en conséquence, il ne peut être fait droit aux prétentions de la société D.E.G.
PAR CES MOTIFS
Rejetons la demande de la société D.E.G.
Disons que les dépens de l’incident suivront le sort de ceux du principal.
Mme MARTZLOFF, cons.;DESSAIX et FISSELZER BARBEY, av.