J-08-197
DROIT DES SURETES – ANTICHRESE – CONVENTION – ABROGATION DES DISPOSITIONS RELATIVES A L’ANTICHRESE – INEXISTENCE DE L’ANTICHRESE DANS LE DROIT POSITIF IVOIRIEN – INEXISTENCE DE LA CONVENTION.
L’article 150 de l’Acte Uniforme portant organisation du droit des sûretés ayant abrogée les dispositions relatives à l’antichrèse, celle-ci n’existe plus dans le droit positif ivoirien.
Par conséquent, la convention d’antichrèse passée entre les parties est inexistante.
Article 150 AUS
Tribunal de Première Instance de Bouaflé, Jugement N 37 du 02 mars 2006, Affaire : N’GUESSAN JACQUES. N’GUESSAN GOORE CHARLES c/ La Coopérative Agricole de Zegata.
LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier.
Oui les parties en leurs déclarations, fis et mémoire.
Vu les conclusions écrites du Ministère Public.
Attendu que suivant exploit d’huissier en date du 13 avril 2005, N’GUESSAN JACQUES et N’GUESSAN GOORE Charles ont assigné la Coopérative Agricole de Zegata représentée par son président KONAN KOUAME JACQUES devant le Tribunal civil de céans pour s’entendre :
– déclarer leur action recevable et les y dire bien fondé.
– avant dire droit nommer un administrateur séquestre en vue de la gestion de la plantation litigieuse.
– déclarer nulle et de nullité absolue la convention d’antichrèse.
– remettre N’GUESSAN GOORE Charles et la Coopérative Agricole de zegeta de la plantation litigieuse tant de sa personne, de ses biens, que tous occupants de son chef.
– ordonner le remboursement par N’GUESSAN GOORE Charles de la somme de 300 000 F à la Coopérative.
– condamner la défenderesse aux dépens.
Attendu qu’au soutien de leur action des demandeurs exposent que garder à vue à la brigade de Gendarmerie de Bouaflé, KOFFI N’GUESSAN JACQUES pour recouvrer sa liberté a donné des instructions à son fils N’GUESSAN GOORE Charles pour contracter un prêt de 300 000 F auprès de la Coopérative a exigé qu’il lui donne sa plantation de cacao d’une superficie de 01,5 hectare pour une durée de trois (03) ans.
Qu’étant dans leurs besoins, ils ont conclu le contrat le 19 janvier 2005.
Qu’ils font remarquer que deux (02) jours seulement après la signature de ladite convention, KOFFI N’GUESSAN ayant recouvré la liberté, a réuni la somme empruntée et contracté la créancière pour la désintéresser et récupérer sa plantation, mais celle-ci a opposé un refus catégorique au motif que la convention n’était pas arrivée à son terme.
Que toutes les démarches amiables entreprises auprès d’elle étant restées vaines, ils ont décidé de solliciter du Tribunal son expulsion de la plantation car celle-ci étant leur unique source de revenu, l’exécution de la convention compromettait incontestablement leur survie et celle de leur famille.
Que par ailleurs en tout état de cause, la convention d’antichrèse dont se prévaut la défenderesse ayant été conclu par acte sous-seing privé, elle est frappé de nullité absolue en application des dispositions du décret n 71-74 du 16 Février 1971 relatif aux procédures domaniales et foncières ainsi que celle d la loi de finance n 70-209 du 10 Mars 1970 qui prescrivent en la matière la forme authentique.
Que toutefois, ils demeurent disposés à lui rembourser la somme de 300 000 F empruntée par eux.
Que pour sauvegarder leurs intérêts, ils sollicitent qu’il plaise au Tribunal nommer KOUAME YAO Mathurin en qualité d’administrateur séquestre de la plantation litigieuse par une décision avant dire droit.
Attendu que par mémoire en réplique, la coopération agricole de Zégata représentée par KONAN KOUAME Jacques résiste aux prétentions des demandeurs.
Qu’elle allègue que gardé à vue à la Brigade de Gendarmerie de Bouaflé, KOFFI N’GUESSAN Jacques a demandé à sa famille notamment son fils N’GUESSAN GOORE Charles d’emprunter la somme de trois cent mille (300 000) F avec elle pour le sortir d’affaire.
Qu’aux termes de leur entretien, la Coopérative a accepté de leur prêter ladite somme mais à condition de prendre en antichrèse une de leurs cacaoyères qu’elle exploitera pendant trois ans (03) ans à compter de la campagne 2005-2006.
Que vu l’urgence et le risque de faire la prison que courait KOFFI N’GUESSAN Jacques, elle a accordé le prêt pour le faire libérer avant de chercher à remplir les formalités requises pour les textes dans ce genre de contrat.
Qu’elle fait observer qu’à sa libération, au lieu de se présenter à la Coopérative pour se rendre chez un notaire en vue d’accomplir lesdites formalités, les demandeurs contre toute attente lui servait une assignation à comparaître devant le Tribunal puis une convocation délivrée par un Juge dudit Tribunal en vue de trouver un règlement amiable.
Que devant ledit juge, les demandeurs se sont engagés à payer la somme empruntée le 12 Mai 2005, mais, advenue cette date, ils ont sollicité un report au 26 Mai pour s’acquitter de leur dette.
Qu’à encore une fois à la date convenue, ils n’ont pu honorer leur engagement montrant ainsi, leur caractère versatile.
Qu’elle fait remarquer que les demandeurs étant en possession de la plantation leur demande en nomination d’un administrateur séquestre et surtout en expulsion s’avère sans objet.
Que par ailleurs ceux-ci ne s’étant pas présentés à la coopérative pour accomplir les formalités prévues par les textes font preuve de mauvaise foi en soulevant la nullité de la convention qui les lie.
Que vu que l’affaire traîne en longueur alors que les trois cent mille (300 000) francs auraient pu permettre à la Coopérative de mener des activités lucratives rentables, elle sollicite reconventionnellement la condamnation des demandeurs par le Tribunal à lui payer la somme de cinq cent trente cinq mille (535 000) francs à titre de dommages-intérêts à raison de trente cinq mille francs (35 000) francs pour les frais occasionnés par les différents rendez vous devant le Juge conciliateur et le Tribunal et cinq cent mille (500 000) francs le manque à gagner résultant de l’immobilisation des trois cent mille (300 000) francs sans préjudice du remboursement de ladite somme.
Attendu qu’en réplique, les demandeurs en plus de leurs différents chefs de demandes originels, sollicitent du Tribunal qu’il déboute la défenderesse de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts.
Qu’ils allèguent pour ce faire que la procédure actuelle n’est pas en rien abusive car tenant à sauvegarder leurs intérêts légitimes.
Que par ailleurs, la somme empruntée a toujours été mise à la disposition de la défenderesse qu’il l’a refusée.
Que pour preuve, ils ont présenté à la barre du Tribunal lors de l’audience du 10 novembre 2005 la somme de cent cinquante mille en guise de remboursement partiel mais la défenderesse a encore une fois refusé.
Qu’au vu de l’attitude de celle-ci, le Tribunal doit faire droit à leurs demandes et la débouter de la sienne.
Attendu qu’au delà de la procédure pendante devant le Tribunal, les parties ont signé un protocole d’accord suite auquel les demandeurs avaient sollicité la radiation d la procédure avant de se rétracter.
Attendu que la procédure a été communiquée au Ministère public qui a conclu le 18 janvier 2006.
SUR CE
SUR LE CARACTERE DE LA DECISION.
Attendu que la défenderesse a été assignée à personne.
Qu’il y a lieu de statuer contradictoirement.
EN LA FORME
SUR LA RECEVABILITE DE L’ACTION PRINCIPALE
Attendu que l’action de N’GUESSAN Jacques et N’GUESSSAN GOORE Charles a été introduite dans les formes et délais légaux.
Qu’en outre, elle obéit aux dispositions de l’article 3 du Code de procédure civile.
Qu’il échet de la déclarer recevable.
SUR LA RECEVABILITE DE LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE
Attendu qu’elle a été introduite avant la clôture des débats.
Qu’elle est connexe à l’action principale à qui elle sert de moyen de défense.
Qu’il y a lieu de déclarer recevable.
SUR LA NOMINATION D’UN ADMINISTRATEUR SEQUESTRE
Attendu que par la présente décision le Tribunal vide sa saisine.
La demande de nomination d’un administrateur séquestre devient sans objet.
SUR LA DEMANDE EN ANNULATION DE LA CONVENTION D’ANTICHRESE
Attendu que conformément aux dispositions de l’article 150 de l’acte uniforme sur les arrêtés, les dispositions relatives à l’antichrèse sont abrogées au point que celle-ci n’existe plus dans le droit positif ivoirien.
Qu’en conséquence la convention d’antichrèse passée entre les demandeurs et la Coopérative de zegata est inexistante.
Qu’il convient donc de remettre les parties dans leur état initial.
SUR LA DEMANDE EN EXPULSION ET REMBOURSEMENT DE LA SOMME DE 300 000 F
Attendu qu’il n’a jamais existé de contrat entre les parties.
Qu’il échet d’ordonner l’expulsion de la Coopérative de la plantation litigieuse et la restitution de la somme de 300 000 F par les demandeurs à la Coopérative.
SUR LES DEPENS.
Attendu que la défenderesse succombe.
Qu’il échet de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort.
EN LA FORME
Déclare N’GUESSAN Jacques et N’GUESSAN Gooré Charles bien fondés.
Dit que le contrat d’antichrèse est inexistant.
Ordonne la restitution de la somme de 300 000 F par les demandeurs à la.
Coopérative.
Déboute la Coopérative de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts comme étant mal fondée.
La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.