J-08-199
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – CONGE – VALIDITE.
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – CONGE – ANNULATION – EXPULSION – VALIDITE (NON).
Le congé ne saurait être validé dès lors qu’il a été annulé par le bailleur.
Il en est ainsi lorsqu’à la requête du bailleur, un exploit d’annulation du congé a été signifié au locataire par Huissier de justice.
Le congé sur la base duquel l’expulsion est sollicitée étant nul, il ne peut servir de fondement à une expulsion.
La nullité du commandement préalable et conséquemment celle de la saisie-vente qui en est résulté, doivent être ordonné dès lors que les dispositions de l’article 92 de l’Acte Uniforme portant recouvrement simplifié et voies d’exécution ont été violées.
Par conséquent, le bailleur doit être débouté de ses demandes en validation de congé et en expulsion.
Cour d’Appel D’Abidjan COTE D’IVOIRE, 3e Chambre Civile Et Commerciale B, N 83 Du 09/02/2007, Arrêt Civil Contradictoire, Affaire : ET STE SODISPAM (ME EKE MATHIAS). C / N’GBOCHO ANTOINE (ME LAURENTGLOGBO).
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions, moyens des parties et motifs ci-après.
EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, DES PRETENTION ET MOYENS DES PARTIES
Considérant que par exploit en date du 10 juillet 2006, la société SODISPAM a relevé appel du jugement civil contradictoire n 237 rendu le 06 février 2006 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan ayant ainsi statué :
« Reçoit Mr N’GBOCHO Antoine en son action.
L’y dit bien fondé.
Valide le congé servi le 20 avril 2004.
Prononce par conséquent l’expulsion de la société SODISPAM des lieux qu’elle occupe tant de sa personne, de ses biens que de tous occupants de son chef.
Condamne la société SODISPAM à payer aux bailleurs la somme de 4 180 000 F CFA à titre de loyer échus et impayés. Dit que le présent jugement est exécutoire par provision ».
Considérant qu’il résulte des pièces du dossiers que le 14 mai 2001, Mr N’GBOCHO Antoine, propriétaire d’un immeuble situé à Koumassi a donné un bail à usage commercial à la société SODISPAM qui y a exploité un super marché dénommé « Discount du 07 décembre », à raison d’un loyer de 220 000 F CFA par mois.
Que sur la base d’un congé en date du 20 avril 2004, Mr N’GBOCHO Antoine a assigné le 26 octobre 2006 la SODISPAM en validation de congé, en expulsion et en paiement d’arriérés de loyer d’un montant 3 300 000 FCFA couvrant les mois de juillet 2004 à octobre 2006.
Que le Tribunal a fait droit à sa demande en validant le congé, en ordonnant l’expulsion et en condamnation la SODISPAM au payement de la somme de 4.180 000 F CFA à titre d’arriérés de loyer, échus en cours d’instance.
Considérant qu’au soutien de son appel, la société SODISPAM, se fondant d’une part, sur un courrier en date du 24 mai 2004 par laquelle Mr N’GBOCHO Antoine l’informait avoir vendu son immeuble au Dr KEITA Mamoudou, d’autre part, sur un courrier du receveur des impôts fonciers de Koumassi en date du 13 septembre 2005 prescrivant aux locataires de l’immeuble de payer désormais leurs loyers entre ses mains en raison de la vente faite au Dr KEITA Mamoudou, affirme que Mr N’GBOCO Antoine n’est plus propriétaire de l’immeuble et n’a par conséquent pas la qualité pour agir.
Que par ailleurs, par un exploit en date du 11 mai 2004, Mr N’GBOCHO Antoine, a annulé le congé du 20 avril 2004 de sorte que c’est à tort qu’il a sollicité et obtenu la validation du même congé.
Qu’en ce qui concerne le montant des arriérés dus, Mr N’GBOCHO Antoine, dans un courrier du 03octobre 2006, a lui même reconnu que la SODISPAM ne lui devait que le mois de juillet 2004, soit la somme de 220 000 F CFA à titre d’arriérés de loyer, et indiquant par la même occasion que le nouvel acquéreur se chargerait du recouvrement du reliquat des arriérés.
Qu’en tout étant de cause, elle a soldé ses arriérés par des payements effectués à la CARPA et elle produit à cet effet des pièces.
Que pour ces différentes raisons, elle sollicite l’infirmation du jugement querellé.
Considérant qu’en réplique, Mr N’GBOCHO Antoine soutien qu’il demeure propriétaire de l’immeuble au motif qu’il ne l’a jamais vendu.
Que la SODISPAM ne rapporte pas la preuve de la vente alléguée par acte notarié comme l’exige la loi.
Qu’il n’a pas non plus annulé le congé du 20 avril 2004.
Que l’exploit d’annulation produit par l’intimé a été établit pour les besoins de la cause.
Que s’agissant des montants des arriérés, la SODISPAM ne peut prétendre s’être valablement libérée par un payement effectué à la CARPA puisque celle-ci n’est pas sa bailleresse.
Que par ailleurs, les pièces produites à cet effet par la SODISPAM ne comporte ni la date, ni la décharge de la CARPA prouvant qu’elle aurait effectivement reçu les chèques allégués émane d’un particulier alors que la CARPA n’intervient que lorsqu’un Avocat est concerné.
Qu’il en déduit que les pièces justificatives produites sont douteuses et ne permettent pas de justifier le paiement des arriérés du loyer.
Qu’il sollicite donc la confirmation de la condamnation de la SODISPAM.
Que par ailleurs, il sollicite un réajustement du montant de la condamnation à hauteur de 5.720 000 FCFA pour tenir compte des 07 mois écoulés depuis le prononcé du jugement et invite la Cour à parfaire ce montant du prononcé de son arrêt.
Considérant qu’en réplique, la société SODISPAM a produit 02 actes notariés de vente portant sur l’immeuble litigieux conclue entre Mr N’GBOCHO Antoine et Mr KEITA Mamoudou en date respective des 09 février et 11 mars 2004, des 02 et 16 septembre 2004 et a assigné en intervention forcée Mr KEITA Mamoudou.
Considérant qu’en réplique, Mr N’GBOCHO Antoine et Mr KEITA Mamoudou par le biais de leur Conseil Maître Laurent GUEDE, font valoir que la vente de l’immeuble a été faite sous conditions suspensives.
Qu’à la date de l’assignation à laquelle il faut se placer pour déterminer la qualité de propriétaire, les conditions suspensives n’étaient pas encore réalisées de sorte que la propriété de l’immeuble, à cette date, n’était pas encore transférée au nouvel acquéreur Mr KEITA Mamoudou.
Qu’ils en déduisent que Mr N’GBOCHO Antoine avait encore la qualité de propriétaire et par conséquent la qualité pour agir.
DES MOTIFS
Sur le caractère de la décision
Considérant que l’intimé et l’intervenant ont eu connaissance de la procédure et ont fait valoir leurs moyens;.
Qu’il y a lieu de statuer contradictoirement en application des dispositions de l’art 144 du Code de Procédure Civile.
EN LA FORME
Considérant que l’appel de la société SODISPAM a été relevé dans les formes et délais prévus par les art 164 à 169 du Code de Procédure Civil.
Qu’il y a lieu de le déclarer recevable.
Que par ailleurs, l’intervention forcée à l’art 103 alinéa 2 du Code de procédure civile.
Qu’il y a lieu de le déclarer recevable.
AU FOND
Sur la demande de validation de congé
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que le 10 mai 2004, Mr N’GBOCO Philippe Hervé, signataire conjoint avec Mr N’GBOCHO Antoine de l’acte de vente des 02 et 16 septembre 2004 en qualité de vendeur, a adressé un Courier au Directeur de la société SODISPAM.
Que dans ledit courrier, il l’a informé qu’en raison de formalisation en cour chez le notaire de l’acte de vente de son immeuble à un nouvel acquéreur, il lui ferait parvenir dans les 48 heures par voie d’Huissier un ordre d’annulation de l’exploit de congé du 20 avril 2004.
Qu’effectivement, le lendemain 11 mai 2004, à la requête de Mr N’GBOCHO Antoine, un exploit d’annulation du congé du 20 avril 2004, a été signifié à la société SDISPAM par le ministère de Maître OUNGBESREU Emile, Huissier de justice.
Qu’il en résulte que le bailleur, Mr N’GBOCHO Antoine, a procédé à l’annulation du congé donné à raison à son locataire, la société SODISPAM.
Que l’exploit d’annulation étant un acte authentique, il ne peu être contesté que par une procédure d’inscription en faux conformément aux dispositions de l’art 1319 du Code Civil et non par de simples dénégations de l’appelant.
Qu’à défaut de s’être régulièrement inscrit en faut et d’avoir obtenu une décision de déclaration de faux, l’exploit d’annulation du congé doit être considéré comme produisant tous ses effets, et ce, d’autant plus qu’il est corroboré par le courrier non contesté du 10 mai 2004 annonçant d’avance son établissement.
Que de ce qui précède, il résulte que le congé du 20 avril 2004 a été annulé.
Que le congé étant nul, il ne saurait être validé.
Que c’est donc à tort que le premier Juge l’a validé.
Qu’il échet d’infirmer le jugement querellé et de débouter Mr N’GBOCHO Antoine de sa demande de validation du congé du 20 avril 2004.
Sur la demande d’expulsion
Considérant qu’il est établi que le congé du 20 avril 2004 sur la base duquel l’expulsion est sollicitée est mal.
Que dès lors, il ne peut servi de fondement à une expulsion, et ce, conformément aux dispositions de l’art 93 de l’Acte Uniforme relatif au droit commercial général.
Qu’il y a lieu d’infirmer sur ce point le jugement attaqué et de débouter Mr N’GBOCHO Antoine de sa demande d’expulsion de la SODISPAM.
Sur le paiement des arriérés de loyer est une action accessoire à l’action principale en validation de congé et en expulsion.
Que dès lors que l’action principale est rejetée comme étant sans fondement, l’action accessoire qui en dépend doit également être rejetée.
Qu’il y a donc lieu d’infirmer le jugement attaqué et de débouter Mr N’GBOCHO Antoine de sa demande en paiement d’arriérés de loyers.
Sur les dépens
Considérant que l’intimé succombe.
Qu’il y a lieu de mettre les dépens à sa charge conformément aux dispositions de l’art 149 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, conformément, en matière civile, commerciale, administrative et en dernier ressort.
EN LA FORME
Déclare la société SODISPAM recevable en son appel.
Déclare également recevable l’intervention forcée de Mr KEITA Mamoudou.
AU FOND
Dit la société SODISPAM bien fondée en son appel.
Infirme le jugement entrepris.
Statuant à nouveau.
Constate que le congé du 20 avril 2004 sur la base duquel l’action en justice a été initiée a été annulée par un exploit en date du 11 mai 2004.
En conséquence.
Déboute Mr N’GBOCHO Antoine de ses demandes en validation de congé, en expulsion et en paiement d’arriérés de loyer.
Met les dépens à sa charge.