J-08-233
INJONCTION DE PAYER – OBLIGATION DU JUGE DE VERIFIER LES CARACTERES DE CERTITUDE, DE LIQUIDITE ET D’EXIGIBILITE de la CREANCE – Méconnaissance des dispositions des articles 1 et 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution : oui.
Il résulte de l’analyse des dispositions des articles 1er et 2 de l’Acte uniforme sus indiqué, que le recours à la procédure d’injonction de payer, en vue du recouvrement d’une créance, n’est régulier que lorsque ladite créance, d’une part, revêt les trois caractères de certitude, de liquidité et d’exigibilité et, d’autre part, a une cause contractuelle, ou lorsque l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante. En l’espèce, il est constant comme résultant de l’examen des pièces du dossier de la procédure, que la créance dont le recouvrement est poursuivi par l’entreprise SEAE-LV, selon la procédure d’injonction de payer, est constituée de produit de TVA prélevée et reversée par la SODECI à l’Administration fiscale, d’intérêts de retard, de frais de justice et de frais d’agios. Il suit qu’en condamnant la SODECI à payer la somme de 63 342.546 FCFA, sans s’assurer si les conditions de mise en œuvre de la procédure d’injonction de payer étaient réunies, alors même que la créance réclamée ne remplit pas les conditions requises de certitude, de liquidité et d’exigibilité, tout comme elle manque de cause contractuelle, la Cour d’Appel d’Abidjan a méconnu les dispositions des articles 1 et 2 de l’Acte uniforme susvisé, et exposé son arrêt à la cassation;il échet de casser ledit arrêt.
Article 1 AUPSRVE
Article 2 AUPSRVE
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), Arrêt n 020/2007 du 31 mai 2007, Audience publique du 31 mai 2007, Pourvoi n 080/2003 du 12 septembre 2003, Affaire : Société de Distribution d’Eau de Côte d’Ivoire dite SODECI (Conseil : Maître NDèye ADJOUSSOU-THIAM, Avocat à la Cour). contre Entreprise Solution Euro-Africaine Louis VALLEGRA dite SEAE-LV (Conseil : Maître TAPE MANAKALE, Avocat à la Cour). Recueil de Jurisprudence n 9. Janvier/Juin 2007, p. 87. Le Juris Ohada n 3/2007, p. 28.
LA COUR Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), Première Chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’Arrêt suivant, en son audience publique du 31 mai 2007, où étaient présents :
– MM. Jacques M’BOSSO, résident, rapporteur;
– Maïnassara MAIDAGI, Juge;
– Biquezil NAMBAK, Juge;
– Et, Maître ASSIEHUE Acka, Greffier.
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le numéro 080/2003 du 12 septembre 2003 et formé par Maître NDèye ADJOUSSOU-THIAM, Avocat à la Cour, demeurant Résidence ATTA l, 6e étage, 01 BP 7877 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Société de Distribution d’Eau de Côte d’Ivoire dite SODECI, dans la cause qui l’oppose à l’entreprise Solution Euro-Africaine Louis VALLEGRA dite SEAE-LV, dont le siège social est à Abidjan Vridi, 18 BP 163 Abidjan 18, ayant pour Conseil Maître TAPE MANAKALE Ernest, Avocat à la Cour, demeurant 26, Avenue Lamblin, Immeuble l’Équateur, 3e étage, 01 BP 5176 Abidjan 01.
en cassation de l’Arrêt n 357 rendu le 28 mars 2003 par la deuxième Chambre Civile de la Cour d’Appel d’Abidjan, et dont le dispositif est le suivant :
« En la forme :
Déclare l’entreprise dite Solution Euro-Africaine Louis VALLEGRA dite SEAE-LV, recevable en son appel relevé du Jugement n 478 rendu le 03 avril 2002 par le Tribunal d’Abidjan.
AU FOND :
L’y dit bien fondée.
Infirme en toutes ses dispositions, ledit jugement.
Statuant à nouveau.
Restitue à l’Ordonnance d’injonction de payer n 1l.901.2001 du 30/1012001, son plein et entier effet.
Condamne la SODECI aux dépens ».
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, les moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Président :
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure, que par convention en date du 19 décembre 1997, les sociétés SODECI et SEAE-LV avaient constitué un groupement dénommé « Groupement SODECI / SEAE LV », lequel avait obtenu par adjudication, le marché de construction des bassins de lagunage de l’usine du caoutchouc de Yacoli Dabou en Côte d’Ivoire, avec pour maître d’ouvrage, la Société Africaine de Plantations d’Hévéas dite SAPH;qu’aux termes de ladite convention, les parties avaient décidé, d’une part, que le maître d’ouvrage se libérera des sommes dues à leur groupement, en créditant le compte ouvert par la SODECI en son nom à la SGBCI et, d’autre part, que les sommes perçues au titre du marché par la SODECI seraient reparties à raison de 4,7 % pour la SODECI et 95,3 % pour la SEAE-LV, qui devait exécuter le marché sous le contrôle de la SODECI et adresser pour paiement, ses factures à celle-ci;que c’est ainsi qu’en réglant chaque facture, la SODECI avait prélevé à la source, le montant de la TVA qu’elle reversait, selon elle, à l’Administration fiscale, en application de l’article 271 du Code Général ivoirien des Impôts;qu’estimant pour sa part, que la retenue des impôts à la source par la SODECI était contraire à la convention des parties, la SEAE-LV avait sollicité et obtenu de la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, une Ordonnance d’injonction de payer n 1l901/2001 du 30 octobre 2001 condamnant la SODECI au paiement de la somme totale de 63 342.506 FCFA, dont 22.559 985 FCFA au titre des prélèvements de TVA des 17 novembre et 14 décembre 1998;8 000 000 FCFA de frais de justice;16.539.336 FCFA d’intérêts de retard et 16.243.185 FCFA de frais d’agios;que s’opposant à ladite ordonnance d’injonction de payer obtenue par la SEAE-LV pour créance non due, la SODECI avait saisi le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, qui avait débouté SEAE-LV de sa demande de paiement;que sur appel de la SEAE-LV, la Cour d’Appel d’Abidjan a rendu l’arrêt dont pourvoi.
Sur le premier moyen
Vu les articles 1 et 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué, d’avoir violé les articles 1, 2 et 5 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce que l’arrêt attaqué a considéré, d’une part, que la SODECI n’ayant pas la qualité d’entrepreneur et la SEAE-LV n’étant pas son sous-traitant, elle ne devait pas opérer des retenues à la source de la TVA sur les sommes destinées à la SEAE-LV, puisque celle-ci est une entreprise soumise elle-même à la TVA et, d’autre part, que la SEAE-LV a payé, elle-même sa part de TVA à l’administration fiscale, alors que, selon le moyen, et « comme la SEAE-LV reconnaît elle-même implicitement dans ses conclusions du 19 novembre 2002, les retenues, contestées à tort, sont légales et obligatoires;elle n’a donc pas de créance sur la SODECI. Elle ne peut donc pas demander le remboursement des sommes litigieuses sur le fondement de l’Acte uniforme précité. [Il s’ensuit] que l’ordonnance d’injonction de payer a été rendue en violation des termes des articles 2 et 5 précités, car manquant de base contractuelle et de fondement, la créance principale de 22.559 985 F réclamée n’étant pas due (..);la SODECI ne doit pas à la SEAE-LV, la prétendue créance principale, la TVA prélevée ayant été entièrement reversée à l’administration (..);non seulement la SEAE-LV n’a pas pu établir qu’elle a payé doublement la TVA, mais elle n’a surtout pas produit de justificatifs à l’appui de sa demande concernant les intérêts, les honoraires d’avocat, les frais d’huissier et de greffe, qui portent sa réclamation de 22.559 985 FCFA à la somme de 63 342.506 FCFA, objet de la décision d’injonction de payer »;qu’en confirmant l’Ordonnance d’injonction de payer n 1190/2001 du 30 octobre 2001 par l’arrêt attaqué, toujours selon le moyen, la Cour d’Appel d’Abidjan a violé les dispositions des articles 1, 2 et 5 de l’Acte uniforme précité, et son arrêt encourt cassation de ce chef.
Attendu que les articles 1 et 2 de l’Acte uniforme susvisé disposent respectivement, que « le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer », et que « la procédure d’injonction de payer peut être introduite, lorsque :
1) la créance a une cause contractuelle.
2) l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante ».
Attendu qu’il résulte de l’analyse des dispositions sus énoncées, que le recours à la procédure d’injonction de payer en vue du recouvrement d’une créance, n’est régulier que lorsque ladite créance, d’une part, revêt les trois caractères de certitude, de liquidité et d’exigibilité et, d’autre part, a une cause contractuelle, ou lorsque l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante;qu’en l’espèce, il est constant comme résultant de l’examen des pièces du dossier de la procédure, que la créance dont le recouvrement est poursuivi par l’entreprise SEAE-LV, selon la procédure d’injonction de payer, est constituée de produit de TVA prélevée et reversée par la SODECI à l’administration fiscale, d’intérêts de retard, de frais de justice et de frais d’agios;qu’il suit qu’en condamnant la SODECI à payer la somme de 63 342.546 FCFA, sans s’assurer si les conditions de mise en œuvre de la procédure d’injonction de payer étaient réunies, alors même que la créance réclamée ne remplit pas les conditions requises de certitude, de liquidité et d’exigibilité, tout comme elle manque de cause contractuelle, la Cour d’Appel d’Abidjan a méconnu les dispositions des articles 1 et 2 de l’Acte uniforme susvisé, et exposé son arrêt à la cassation;qu’il échet de casser ledit arrêt et d’évoquer, sans qu’il soit besoin d’examiner le second moyen du pourvoi.
Sur l’évocation
Attendu que par acte d’appel valant premières conclusions en date du 02 mai 2002, l’entreprise SEAE-LV a relevé appel du Jugement n 478 du 03 avril 2002 du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, « pour les torts et griefs que lui cause ledit jugement », en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en recouvrement;qu’elle prie la Cour « de faire triompher le droit, en infirmant la décision du Tribunal, et condamner la société SODECI, ressuscitant ainsi l’ordonnance d’injonction de payer n 11301 rendue le 30 octobre 2001 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan Plateau ».
Attendu que pour sa part et dans ses conclusions en cause d’appel en date du 28 juin 2002, la SODECI, par le canal de son Conseil, Maître NDèye ADJOUSSOU THIAM, Avocat à la Cour, prie la Cour « de confirmer le jugement entrepris, par ce que les retenues des 17 novembre et 13 décembre 1998 sont parfaitement légales, et que par conséquent, la demande de la société SEAE-LV est totalement injustifiée ».
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux sur le fondement desquels l’arrêt attaqué a été cassé, il échet de rejeter la demande d’infirmation du jugement entrepris formulée par l’entreprise SEAE-LV, en confirmant en toutes ses dispositions, ledit jugement.
Attendu que la SEAE-LV ayant succombé, il échet de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Casse l’Arrêt n 357 rendu le 28 mars 2003 par la Cour d’Appel d’Abidjan.
Évoquant et statuant sur le fond.
Confirme en toutes ses dispositions le Jugement n 478 rendu le 03 avril 2002 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan Plateau.
Condamne la SEAE-LV aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
– le Président;
– le Greffier.