J-08-243
SAISIE IMMOBILIERE – COMMANDEMENT TENDANT A SAISIE REELLE – SIGNIFICATION AU DEBITEUR – Violation de l’article 254 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui impose au créancier poursuivant de signifier personnellement au débiteur le commandement aux fins de saisie réelle : non.
SOCIETES COMMERCIALES – POUVOIR DE REPRESENTATION EN JUSTICE – DELEGATION DE CE POUVOIR – Violation de l’article 254 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, le mandat spécial donné par la BIAO n’émanant pas de son Directeur Général mais du Directeur du risque et du crédit : non.
saisie immobiliere – commandement tendant a saisie reelle – annexion obligatoire de l’etat des droits reels au commandemnet (non) – Violation de l’article 267 de l’Acte uniforme susvisé pour non coïncidence des dates du commandement et de l’état foncier annexé au cahier des charges : non.
L’expression « … doit être signifié au débiteur. » ne signifie pas que la signification doit être faite exclusivement à la personne même du débiteur, mais plutôt selon l’une des formes prévues par les textes. En l’espèce, la signification ayant été faite au domicile du débiteur, telle que prévue par les articles 240 et 250 du Code ivoirien de Procédure Civile, Commerciale et Administrative par la remise d’une copie de l’exploit à la personne présente au domicile, et par l’envoi au débiteur, d’une lettre recommandée avec accusé de réception, le premier juge, en statuant comme il l’a fait, n’a en rien violé les dispositions de l’article 254 de l’Acte uniforme susvisé. Le moyen n’est donc pas fondé, et doit être rejeté.
Contrairement à l’argumentaire de la COTRACOM, le pouvoir spécial du 18 février 2004 donné par le Directeur du Risque et du Crédit, qui lui-même a reçu délégation du Directeur Général de la BIAO-CI, représentant légal, « d’agir et comparaître en justice au nom de la société, transiger, compromettre, faire exécuter toute décision de justice. », est parfaitement régulier, les dispositions de l’article 487 de l’Acte uniforme suscité n’interdisant pas à un Président Directeur général ou à un Directeur général, de déléguer ses pouvoirs à un collaborateur pour agir au nom de la société;d’où il suit que cette seconde branche du moyen ne peut non plus prospérer.
L’annexion de « l’état des droits réels inscrits sur l’immeuble concerné délivré par la Conservation Foncière à la date du commandement » exigée par le second alinéa de l’article 267 de l’Acte uniforme susvisé, ne fait pas partie des mentions prescrites à peine de nullité par le premier alinéa dudit article 267;ainsi, ce second moyen tiré de la violation dudit article 267 en son dernier alinéa n’est pas fondé, et doit être rejeté.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), Arrêt n 033/2007 du 22 novembre 2007, Audience publique du 22 novembre 2007, Pourvoi n 023/2005/PC du 09 juin 2005, Affaire : 1 / Compagnie des Transports Commerciaux dite COTRACOM;2 / Aminata YOUSSOUF (Conseil : Maître Agnès OUANGUI, Avocat à la Cour). contre Banque Internationale de l’Afrique de l’Ouest Côte d’Ivoire dite BIAO-CI (Conseil : Maître SIBAILLY Guy César, Avocat à la Cour). Recueil de Jurisprudence n 10. Juillet / Décembre 2007, p. 23.
LA COUR Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A.), a rendu l’Arrêt suivant, en son audience publique du 22 novembre 2007, où étaient présents :
– Monsieur, Jacques M’BOSSO, Président;
– Maïnassara MAIDAGI, Juge;
– Biquezil NAMBAK, Juge, rapporteur;
– Et, Maître ASSIEHUE Acka, Greffier.
Sur le pourvoi enregistré le 09 juin 2005 au greffe de la Cour de céans sous le n 023/2005/PC et formé par Maître Agnès OUANGUI, Avocat à la Cour, demeurant à l’immeuble SIPIM, 5ème étage, 24 bd Clozel, 01 BP 1306 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Compagnie des Transports Commerciaux dite COTRACOM et Dame Aminata YOUSSOUF, dans une cause les opposant à la Banque Internationale de l’Afrique de l’Ouest-Côte d’Ivoire dite BIAO-CI, ayant pour Conseil, Maître SIBALLY Guy César, Avocat à la Cour, demeurant 25, avenue Chardy, 04 BP 1155 Abidjan 04.
en cassation du Jugement n ADD/119 BIS CIV rendu le 23 mai 2005 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant en audience publique, par décision contradictoire, en matière civile et en premier ressort :
Reçoit les dires et observations des défendeurs;les dit mal fondés;les rejette.
Constate que toutes les formalités requises par la loi pour parvenir à la vente de l’immeuble litigieux, ont été accomplies par la BIAO-CI;lui en donne acte.
Renvoie la cause et les parties à l’audience des crédits du 27 juin 2005;réserve les dépens ».
Les requérantes invoquent à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezi1 NAMBAK :
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu les dispositions du Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure, que par acte d’ouverture de crédit des 8 et 16 septembre 1987 passé en l’Étude de Maître CHEIKNA SYLLA, Notaire, la BIAO-CI avait accordé à la COTRACOM, sous la garantie de Dame Aminata YOUSSOUF, caution solidaire et hypothécaire, un crédit à court terme d’un montant de 45 000 000 FCFA;que la COTRACOM n’ayant pas honoré ses engagements de remboursement, la BIAO-CI avait mis à contribution la caution de Dame Aminata YOUSSOUF, en faisant procéder à la saisie immobilière de l’immeuble hypothéqué;qu’au terme de ladite procédure, la BIAO-CI avait fixé l’audience éventuelle au 23 mai 2005 par-devant le Tribunal de Première Instance d’Abidjan Plateau;que selon les dires et observations, la COTRACOM et Dame Aminata YOUSSOUF avaient sollicité du tribunal, la nullité de la saisie immobilière diligentée par la BIAO-CI, pour irrégularité des actes de procédure;que par Jugement n ADD/119 BIS CIV rendu le 23 mai 2005 dont pourvoi, le Tribunal de Première Instance d’Abidjan avait rejeté les dires et observations des défendeurs, et renvoyé le dossier à la vente à l’audience du 27 juin 2005.
Sur le premier moyen pris en sa première branche
Vu l’article 254 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution.
Attendu qu’il est reproché au jugement attaqué, la violation de l’article 254 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que, pour statuer comme il a été indiqué ci-dessus, le premier juge a estimé que ledit article ne dit pas qu’il faut nécessairement signifier le commandement à la personne du débiteur, de sorte que le commandement fait au domicile de Madame Aminata YOUSSOUF est recevable, alors que, selon le moyen, l’article 254 susvisé impose au créancier poursuivant, l’obligation de signifier personnellement au débiteur, l’exploit de commandement aux fins de saisie réelle;qu’en l’espèce, le commandement aux fins de saisie réelle du 03 mars 2005 n’ayant pas été signifié personnellement à Dame Aminata YOUSSOUF, ni à la COTRACOM, mais plutôt à un certain SIRIKI, c’est à tort que le premier juge n’a pas déclaré ledit commandement nul, par application des dispositions de l’article 254 susvisé;d’où il suit que ce jugement doit être cassé de ce chef.
Mais, attendu que contrairement à ce que soutiennent les demandeurs au pourvoi, l’expression « …doit être signifié au débiteur. » ne signifie pas que la signification doit être faite exclusivement à la personne même du débiteur, mais plutôt, selon l’une des formes de signification prévues par les textes en vigueur;qu’en l’espèce, la signification a été faite au domicile du débiteur, tel que prévu par les articles 249 et 250 du Code ivoirien de Procédure Civile, Commerciale et Administrative, à savoir que l’huissier a remis une copie de l’exploit à la personne présente au domicile et avisé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le débiteur absent;qu’il suit qu’en statuant comme il l’a fait, le premier juge n’a en rien violé les dispositions de l’article 254 de l’Acte uniforme sus indiqué;qu’ainsi, le moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.
Sur le premier moyen pris en sa seconde branche
Attendu qu’il est reproché également au jugement attaqué, la violation de l’article 254 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que le premier juge a estimé que la signature du pouvoir spécial donné par la BIAO-CI est valable, car mandat avait été donné en bonne et due forme par la BIAO audit signataire, alors que, selon le moyen, le pouvoir spécial donné le 18 février 2004 par la BIAO-CI n’émane pas de l’Administrateur Directeur Général de la BIAO-CI en la personne de VAN OOSTERZE, mais plutôt d’un certain Gilles ROUMAIN, désigné comme le Directeur du Risque et du Crédit;d’où il suit qu’en n’annulant pas ce pouvoir spécial donné par une personne qui n’était pas habilitée à le faire, le premier juge a fait une mauvaise application de l’article 254 susvisé, et sa décision encourt de ce fait cassation.
Mais, attendu que contrairement à l’argumentaire de la COTRACOM, le pouvoir spécial du 18 février 2004, pour avoir été donné par le Directeur du Risque et du Crédit, lequel a reçu délégation du Directeur Général de la BIAO-CI, représentant légal, « d’agir et comparaître en justice au nom de la société, transiger, compromettre, faire exécuter toute décision de justice. », est parfaitement régulier, les dispositions de l’article 487 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique n’interdisant pas à un Président Directeur Général ou Directeur Général de déléguer ses pouvoirs à un collaborateur, pour agir au nom de la société;d’où il suit que cette seconde branche du moyen ne peut non plus prospérer.
Sur le second moyen
Attendu qu’il est enfin reproché au jugement attaqué, la violation de l’article 267, dernier alinéa de l’Acte uniforme portant voies d’exécution, en ce que le premier juge a rejeté l’argument d’irrecevabilité tiré de la non-coïncidence de la date du commandement et de l’état foncier annexé au cahier des charges, au motif que l’objectif de cette formalité est simplement de permettre de savoir s’il y a eu ou non, des créanciers inscrits sur l’immeuble objet de la procédure, alors que, selon le moyen, il n’est point douteux qu’en application des dispositions de l’article 267, dernier alinéa de l’Acte uniforme susvisé, il doit être annexé, à peine de nullité, au cahier des charges, l’état des droits réels inscrits sur l’immeuble concerné, délivré par la conservation foncière « à la date du commandement »;qu’en l’espèce, le commandement ayant été délivré au conservateur foncier le 11 mars 2005, l’état foncier produit par ses soins devrait être daté du même jour;tel n’est pourtant pas le cas, l’état foncier produit par la BIAO-CI à l’appui de son cahier des charges datant du 21 mars 2005, en violation de l’article 267 susvisé;d’où une mauvaise application et appréciation de ce texte par le premier juge, entraînant la cassation du jugement rendu.
Mais, attendu que l’annexion de « l’état des droits réels inscrits sur l’immeuble concerné délivré par la conservation foncière à la date du commandement », exigée par le second alinéa de l’article 267 de l’Acte uniforme susvisé, ne fait pas partie des dix mentions prescrites à peine de nullité par le premier alinéa dudit article 267;qu’ainsi, ce second moyen de cassation doit être rejeté comme non fondé.
Attendu que la COTRACOM et Madame Aminata YOUSSOUF ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Rejette le pourvoi formé par la COTRACOM et Madame Aminata YOUSSOUF.
Les condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus, et ont signé :
– le Président;
– le Greffier.