J-08-246
application des dispositions de l’acte uniforme sur les procedures collectives d’apurement du passif – Compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA au regard des articles 257 et 258 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif : oui.
INAPPLICATION DE L’ACTE UNIFORME SUR LES PROCEDURES COLLECTIVES D’APUREMENT DU PASSIF OUVERTES ANTERIEUREMENT A l’ENTREE EN VIGUEUR DE CET ACTE – Violation des dispositions des articles 257 et 258 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif : cassation.
L’affaire ayant été examinée depuis les requêtes introductives d’instance des 29 août 2000 et 18 octobre 2000, jusqu’à l’acte de pourvoi au regard des dispositions des articles 159 et suivants de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, elle soulève des questions relatives à l’application de l’Acte uniforme sus indiqué et justifie la compétence de la Cour de céans à examiner le présent pourvoi, en application de l’alinéa 3 de l’article 14 du Traité institutif de l’OHADA.
La liquidation des biens de la Société SENEMATEL ayant été ouverte à compter du 19 mai 1998, ce sont les dispositions des textes de droit interne existant avant l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme sus indiqué, qui lui sont applicables;d’où il suit qu’en se prononçant sur la demande de surenchère du dixième sur le prix de cession globale des immeubles et matériels industriels appartenant à la Société SENEMATEL, sur le fondement des articles 159 et suivants de l’Acte uniforme suscité, la Cour d’Appel a violé les dispositions des articles 257 et 258 dudit Acte uniforme.
Article 159 AUPCAP ET SUIVANTS
Article 257 AUPCAP
Article 258 AUPCAP
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), Arrêt n 027/2007 du 19 juillet 2007, Audience publique du 19 juillet 2007, Pourvoi n 108/2003/PC du 20 octobre 2003, Affaire : Société Civile Immobilière Dakar Invest dite « SCI Dakar Invest » et Société Civile Immobilière Dakar Centenaire dite « SCI Dakar Centenaire » (Conseils : Étude Guédel NDIAYE et Associés, Avocats à la Cour). contre 1 / Société BERNABE SENEGAL (Conseil : Maître Moustapha NDOYE, Avocat à la Cour);2 / Idrissa NIANG ès qualité de syndic de la liquidation de la Société SENEMATEL (Conseil : Maître Ibrahima DIAWARA, Avocat à la Cour);3 / Etat du SENEGAL;4 / Cheikh Tidiane NDIAYE (Conseils : Maîtres Ousmane NGOM et Associés, Avocats à la Cour). Recueil de Jurisprudence n 10. Juillet / Décembre 2007, p. 40. Le Juris Ohada n 1 2008, p. 11.
LA COUR Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A.), a rendu, en Assemblée plénière, l’Arrêt suivant, en son audience publique du 19 juillet 2007, où étaient présents :
– Messieurs, Ndongo FALL, Président;
– Antoine Joachim OLIVEIRA, Second vice-Président;
– Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge;
– Boubacar DICKO, Juge, Rapporteur;
– Biquezil NAMBAK, Juge;
– Et, Maître ASSIEHUE Acka, Greffier.
Sur le pourvoi enregistré le 20 novembre 2003 au greffe de la Cour de céans sous le n 108/2003/PC et formé par l’Étude Guédel NDIAYE et Associés, Avocats à la Cour, agissant au nom et pour le compte de la Société Civile Immobilière DAKAR Invest dite SCI DAKAR Invest et de la Société Civile Immobilière DAKAR Centenaire dite SCI DAKAR Centenaire, demeurant à Dakar, 73 bis, rue Amadou Assane Ndoye, dans la cause qui les oppose, d’une part, à la société BERNABE SENEGAL, dont le siège social est à Dakar, Km 2,5, boulevard du Centenaire, ayant pour Conseil Maître Moustapha NDOYE, Avocat à la Cour à Dakar, y demeurant 2, place de l’Indépendance, Immeuble SDIH et, d’autre part, à Monsieur Idrissa NIANG ès qualité de syndic de la liquidation des biens de la société SENEMATEL, demeurant à Dakar, 13, rue Jules Ferry, ayant pour Conseil Maître Ibrahima DIAWARA, Avocat à la Cour demeurant 43, rue Félix Faure à Dakar, à l’Etat du Sénégal, en la personne de Monsieur l’Agent Judiciaire de l’Etat, demeurant à Dakar, angle boulevard de la République et avenue Carde et à Monsieur Cheikh Tidiane NDIAYE, ex-Président du Conseil d’Administration de la SENEMATEL, demeurant 49, avenue du Président Lamine Guèye à Dakar, ayant pour Conseils Maîtres Ousmane NGOM et Associés, Avocats à la Cour demeurant, 78, rue Moussé Diop à Dakar, en cassation de l’Arrêt n 187 rendu le 03 avril 2003 par la Cour d’Appel de Dakar 2ème Chambre civile et commerciale, et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort :
Déclare irrecevable l’appel du Cabinet d’Expertise Idrissa NIANG.
Reçoit les interventions volontaires de SCI Dakar Invest, SCI Dakar Centenaire, Cheikh Tidiane NDIAYE et l’Etat du Sénégal.
AU FOND :
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Condamne le Cabinet d’Expertise Idrissa NIANG, SCI Dakar Invest et SCI Dakar Centenaire aux dépens ».
Les requérantes invoquent à l’appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO :
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure, que par jugement en date du 19 mai 1998, le Tribunal Régional hors classe de Dakar prononçait la liquidation des biens de la société SENEMATEL et désignait Monsieur Idrissa NIANG en qualité de syndic et Monsieur Ibrahima SAMB en qualité de Juge-commissaire, lequel fut par la suite remplacé par Madame Habibatou Babou FAYE;que dans le cadre de cette liquidation de biens, le syndic susnommé avait entrepris de réaliser l’actif de ladite société sous la forme d’une cession globale d’actif comprenant des immeubles et du matériel industriel, et ce, en application des articles 160 à 163 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif;qu’à l’issue de la publicité faite par voie de presse, des offres avaient été reçues au greffe du Tribunal Régional hors classe de Dakar et transmises au syndic, lequel, après en avoir donné communication au débiteur failli pour recueillir ses observations, avait retenu les offres formulées par les sociétés demanderesses au pourvoi, à savoir SCI Dakar Invest et SCI Dakar Centenaire;que le syndic ayant transmis lesdites offres au juge-commissaire, celui-ci rendait l’Ordonnance n 749/2000 du 23 juin 2000 autorisant la cession globale des actifs aux sociétés susnommées, pour la somme de 525 555 000 francs CFA, et ordonnait au syndic de passer les actes nécessaires à la réalisation de la cession, laquelle réalisation fut faite, en ce qui concerne les immeubles, par la mutation au nom des sociétés demanderesses, au livre foncier;que, cependant, par exploit en date du 19 juillet 2000, le syndic ayant notifié l’ordonnance susvisée, tant au débiteur failli qu’aux créanciers inscrits, l’un d’entre eux, la société BERNABE SENEGAL, par exploits en date des 18 et 21 aoûtt 2000, signifiait au Cabinet d’Expertise Idrissa NIANG, Syndic de la liquidation de la SENEMATEL, sa décision de faire surenchère du dixième sur le prix de cession globale des immeubles et matériels industriels appartenant à cette dernière, aux motifs que « le prix de cession est insuffisant pour la désintéresser, compte tenu de la production admise pour la somme de 1.522.661.447 FCFA et du nombre de créanciers privilégiés »;que c’est dans le cadre de cette surenchère que, par chèque CLS n 2088737 en date du 18 aoûtt 2000, la société BERNABE SENEGAL avait d’abord offert en paiement la somme de 52.555 500 francs CFA, rejetée par le syndic, puis un « chèque de banque » d’un montant de 578.11 0.500 francs CFA représentant et le prix de la surenchère précitée, et celui de la cession globale des immeubles ainsi que des matériels industriels;que par deux ordonnances rendues les 13 et 19 octobre 2000, le Juge-commissaire rejetait la demande de cession de l’actif de la SENEMATEL au profit de la société BERNABE SENEGAL, et la surenchère formée par celle-ci;que par acte n 395 en date du 24 octobre 2000 au greffe du Tribunal Régional hors classe de Dakar, la société BERNABE SENEGAL formait opposition auxdites ordonnances, à l’effet d’entendre cette juridiction déclarer sa surenchère valable et, en conséquence, ordonner la cession de l’actif de la SENEMATEL à son profit;que par Jugement n 715 en date du 11 avril 2001, le Tribunal Régional hors classe de Dakar faisait droit à ladite demande;que par exploit en date du 17 avril 2001, le Cabinet d’Expertise Idrissa NIANG interjetait appel dudit jugement;que Maîtres Guédel NDIAYE et Associés, pour le compte des SCI Dakar Invest et Dakar Centenaire, déposaient des conclusions tendant à déclarer recevable l’intervention volontaire des sociétés précitées;que concernant ladite intervention en particulier, après avoir admis « qu’il ne peut être sérieusement contesté que SCI Dakar Invest et SCI Dakar Centenaire ont intérêt à intervenir dans la procédure consacrée essentiellement au sort de leurs droits d’adjudicataires des actifs de la SENEMATEL. », la Cour d’Appel de Dakar, par Arrêt n 187 en date du 03 avri12003, objet du présent pourvoi, confirmait le Jugement n 715 entrepris en toutes ses dispositions.
Sur la compétence de la Cour de céans
Attendu que dans ses mémoires en date des 05 février et 06 mai 2005, la société BERNABE SENEGAL, sous la plume de son Conseil, Maître Moustapha NDOYE, Avocat à la Cour, a sollicité « qu’il plaise à la Cour, de bien vouloir se déclarer incompétente et renvoyer les demanderesses à mieux se pourvoir ou rejeter ledit recours par voie d’ordonnance, conformément à l’article 32 du Règlement de Procédure, puisque les textes visés à l’appui du pourvoi ne pouvaient trouver application au litige, en raison du fait que la procédure collective, notamment la liquidation des biens de la SENEMATEL, a été ouverte le 19 mai 1998 par jugement du Tribunal Régional de Dakar, et qu’aux termes des articles 257 et 258 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, la procédure visée par le syndic ne s’applique qu’aux procédures collectives ouvertes après sa date d’entrée en vigueur fixée au 1er janvier 1999;que la Cour [de céans] ne peut casser et annuler un arrêt de la Cour d’Appel sur la base de textes qui ne trouvent pas application… Elle doit à titre subsidiaire, conformément à l’alinéa 2 de l’article 32 dudit Règlement, déclarer le recours non fondé ».
Mais, attendu que même si les articles 257 et 258 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif disposent respectivement que « celui-ci n’est applicable qu’aux procédures collectives ouvertes après son entrée en vigueur », et qu’ » il entrera en vigueur le 1er janvier 1999 », il ne saurait être contesté que c’est en usant des dispositions de l’article 159 dudit Acte uniforme, que la société BERNABE SENEGAL a fait surenchère du dixième sur le prix de cession globale des immeubles appartenant à la SENEMATEL, et ce, par exploit d’huissier en date du 18 aoûtt 2000, laquelle surenchère a été suivie de deux requêtes en date des 29 août et 18 octobre 2000 adressées à Madame le Juge-commissaire de la liquidation des biens de la SENEMATEL, la première sollicitant de déclarer satisfactoire, la surenchère du dixième effectuée par elle et ordonner au syndic de passer les actes nécessaires, et la seconde demandant d’ordonner la cession de biens à son profit, conformément à l’article 162 de l’Acte uniforme sus indiqué;que suite au rejet desdites requêtes par Madame le Juge-commissaire, aussi bien le Tribunal Régional hors classe de Dakar que la Cour d’Appel de Dakar, saisis de l’affaire, se sont respectivement fondés sur les dispositions des articles 159 et suivants de l’Acte uniforme sus indiqué, pour asseoir leur décision.
Attendu qu’il ressort de tout ce qui précède, que l’affaire, objet du présent pourvoi, a été examinée depuis les requêtes introductives d’instance des 29 août 2000 et 18 octobre 2000, jusqu’à l’acte de pourvoi, au regard des dispositions des articles 159 et suivants de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif;que l’affaire soulève en conséquence, des questions relatives à l’application de l’Acte uniforme sus indiqué, et justifie donc la compétence de la Cour de céans à examiner le présent pourvoi, en application de l’alinéa 3 de l’article 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, aux termes duquel, « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats Parties, dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité, à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales »;qu’il suit que l’exception d’incompétence de la Cour de céans soulevée par la société BERNABE SENEGAL, défenderesse au pourvoi, n’étant pas fondée, il échet de se déclarer compétent.
Sur le moyen relevé d’office par la Cour
Vu les dispositions des articles 257 et 258 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.
Attendu que les articles 257 et 258 de l’Acte uniforme susvisé disposent respectivement que « celui-ci [présent Acte uniforme] n’est applicable qu’aux procédures collectives ouvertes après son entrée en vigueur », et qu’ » il entrera en vigueur le 1er janvier 1999 ».
Attendu, en l’espèce, que par jugement en date du 19 mai 1998, confirmé en toutes ses dispositions par Arrêt n 26 en date du 13 janvier 2000 de la Cour d’Appel de Dakar, le Tribunal Régional hors classe de Dakar avait prononcé la liquidation des biens de la SENEMATEL, fixé la date de cessation des paiements au premier janvier 1997, désigné Monsieur Ibrahima SAMB en qualité de juge commissaire, et Monsieur Idrissa NIANG en qualité de syndic.
Attendu que la présente procédure collective, à savoir la liquidation des biens de la société SENEMATEL étant ouverte à compter du 19 mai 1998, ce sont les dispositions des textes de droit interne existant avant l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme sus indiqué, qui lui sont applicables;qu’il suit qu’en se prononçant sur la demande de surenchère du dixième sur le prix de cession globale des immeubles et matériels industriels appartenant à la société SENEMATEL, sur le fondement des articles 159 et suivants de l’Acte uniforme précité, la Cour d’Appel de Dakar a violé les dispositions des articles 257 et 258 dudit Acte uniforme;qu’il échet en conséquence, de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer.
Sur l’évocation
Attendu que le premier juge a, en la cause, appliqué à tort les dispositions de l’Acte uniforme précité, à une procédure collective ouverte antérieurement à sa date d’entrée en vigueur, soit le 1er janvier 1999.
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux ayant justifié la cassation de l’arrêt attaqué, il y a lieu d’annuler le jugement entrepris et de renvoyer les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront.
Attendu qu’il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Se déclare compétente.
Casse l’Arrêt n 187 rendu le 03 avril 2003 par la Cour d’Appel de Dakar.
Évoquant.
Annule le Jugement n 715 rendu le 11 avril 2001 par le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar.
Renvoie les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront.
Dit que chaque partie supporte ses propres dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus, et ont signé :
– le Président;
– le Greffier.