J-08-251
RECOURS EN CASSATION – INTERET POUR FORMER CE RECOURS (OUI) – Recevabilité du moyen tiré du défaut d’intérêt à agir : non.
ORDONNNACE D’ARRET DE l’EXECUTION – Recevabilité du moyen tiré de la caducité de l’ordonnance attaquée : non.
MAINLEVEE DES SAISIES – JUGE COMPETENT – PRESIDENT DU TRIBUNAL (OUI) – Violation de l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution : annulation.
Il ressort des énonciations de l’ordonnance attaquée, que celle-ci réitérait une précédente décision, en l’occurrence, l’Ordonnance n 020/2002 rendue le 15 février 2002 par le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, laquelle ordonnait au profit de la Société LOTENY TELECOM, la suspension des poursuites dans le cadre de l’exécution de l’Arrêt n 1176 du 24 août 2001 de la Cour d’Appel d’Abidjan, « jusqu’à ce que la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême délibère et ordonne la mainlevée des saisies »;ladite Chambre Judiciaire ayant définitivement statué sur le pourvoi formé contre l’arrêt précité, le 05 décembre 2002 par Arrêt n 756/02, et le présent recours en annulation de l’ordonnance attaquée étant daté du 06 septembre 2002, c’est à cette date qu’il convient de se placer pour apprécier le caractère fondé ou non du recours;à ladite date, la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire ne s’étant pas prononcée, les requérants avaient bien un intérêt légitime à poursuivre l’exécution forcée de l’arrêt d’appel susvisé;il s’ensuit que l’argument fondé sur le défaut d’intérêt à agir pour contester le présent recours en annulation, est inopérant.
La Société LOTENY TELECOM relève elle-même que suite à la signification, le 09 juillet 2002, de l’ordonnance attaquée aux banques dans lesquelles elle disposait de comptes, lesdites banques se sont abstenues de tout paiement consécutif aux saisies pratiquées par les requérants en exécution du même arrêt d’appel susvisé;il est ainsi établi que ladite ordonnance a eu, conformément à son objet, des effets et des conséquences négatifs sur l’exécution de cet arrêt, et ne saurait donc être considérée comme caduque;il s’ensuit que l’argument fondé sur la caducité de l’ordonnance attaquée est également inopérant.
En application de l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, le juge compétent pour connaître de la mainlevée des saisies pratiquées en exécution de l’Arrêt n 1176 en date du 24 août 2001 de la Cour d’Appel d’Abidjan, est le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau, ou le magistrat délégué par lui;en retenant, dès lors, sa compétence et en prononçant l’Ordonnance n 40/2002 attaquée du 28 juin 2002, le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire a méconnu les dispositions de l’article 49 de l’Acte uniforme sus indiqué, et exposé sa décision à l’annulation;il échet, en conséquence, d’annuler l’ordonnance attaquée, pour cause de violation de la loi.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), Arrêt n 035 du 22 novembre 2007, Audience publique du 22 novembre 2007, Pourvoi n 045/2002/PC du 06/09/2002, Affaire : Murielle Corinne Christelle KOFFI;Sahouot Cédric KOFFI (Conseils : Maîtres Georges Patrick VIEIRA & NOUAMA APPIAH, Avocats à la Cour). contre Société LOTENY TELECOM (Conseils : Cabinet BOURGOIN & KOUASSI, Avocats associés à la Cour). Recueil de Jurisprudence n 10. Juillet / Décembre 2007, p. 69.Le Juris Ohada, n 1/2008, p. 47.
LA COUR Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A.), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant, en son audience publique du 22 novembre 2007, où étaient présents :
– Messieurs, Antoine Joachim OLIVEIRA, Président;
– Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge;
– Boubacar DICKO, Juge, Rapporteur;
– Et, Maître ASSIEHUE Acka, Greffier.
Sur le recours emegistré au greffe de la Cour de céans sous le n 045/2002/PC du 06 septembre 2002 et formé par Maître Georges Patrick VIEIRA, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan, Plateau Indénié, 3, rue des Fromagers, immeuble CAPSY Indénié, 1er étage à gauche, 01 BPV 156 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de Mademoiselle Murielle Corinne Christelle KOFFI et Sahouot Cédric KOFFI, enfants et ayants-droit de feu Victor BERGSON KOFFI, décédé à Abidjan le 05 mai 2002.
en annulation de l’Ordonnance n 40/2002 rendue le 28 juin 2002 par le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, au profit de la société LOTENY TELECOM, société anonyme, dont le siège social est à Abidjan Plateau, 12, avenue Crosson Duplessis, 01 BP 3865 Abidjan 01, agissant aux poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur Yerim Abib SOW, Président Directeur Général, demeurant en cette qualité au siège de ladite société, ayant pour Conseils, le Cabinet BOURGOIN & KOUASSI, Avocats associés à la Cour, demeurant à Abidjan, Résidence Eden, 44, avenue Lamblin, 01 BP 8658 Abidjan 01, et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort :
Ordonnons la mainlevée immédiatement des saisies attributions du 03 avril 2002 pratiquées par le sieur KOFFI BERGSON sur les comptes bancaires ouverts par la société LOTENY TELECOM, dans les établissements financiers : la SIB, la BICICI, la SGBCI, ECOBANK, la BIAO-CI, la Standard Chartered Bank-Côte d’Ivoire.
Laissons les dépens à la charge du Trésor Public ».
Les requérants invoquent à l’appui de leur recours, le moyen unique d’annulation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO :
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure, que Monsieur Victor BERGSON KOFFI, précédemment Président du Conseil d’Administration de la société LOTENY TELECOM, avait été déchu de cette qualité par délibération du Conseil d’Administration de ladite société;qu’en réaction, il attrayait la société LOTENY TELECOM en justice, à l’effet d’entendre celle-ci être condamnée à le rétablir dans ses fonctions et à lui payer des dommages-intérêts, en réparation de préjudices excipés;qu’ainsi, par Arrêt n 1176 en date du 24 août 2001, la Cour d’Appel d’Abidjan, faisant droit aux demandes précitées, condamnait, entre autres, la société LOTENY TELECOM à lui payer la somme de 1.400 000 000 FCFA à titre de dommages et intérêts;que Monsieur Victor BERGSON KOFFI d’abord, et, ensuite, à son décès survenu à Abidjan le 05 mai 2002, ses ayants-droit, Mademoiselle Murielle Corinne Christelle KOFFI et Monsieur Sahouot Cédric KOFFI, entreprirent d’exécuter ledit arrêt, en procédant à des saisies sur des comptes de la société LOTENY TELECOM, logés dans diverses banques locales;que sur requête adressée au Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, aux fins de mainlevée de ces saisies pratiquées par exploit en date des 17 janvier et 03 avril 2002, celui-ci, y faisant droit, prononçait l’Ordonnance n 40/2002 du 28 juin 2002, objet du présent recours en annulation formé par les ayants-droit de feu Victor BERGSON KOFFI.
Sur la recevabilité du recours
Attendu que la société LOTENY TELECOM, sous la plume de ses Conseils, le Cabinet BOURGOIN et KOUASSI, Avocats associés, relève dans « son mémoire en réponse au recours en annulation » en date du 20 janvier 2003, reçu à la Cour de céans le 24 janvier 2003, l’irrecevabilité dudit recours, aux motifs, d’une part, que l’Ordonnance n 040/2002 du 28 juin 2002 du Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, dont l’annulation est requise, ayant été rendue en exécution de l’Arrêt n l176 en date du 24 août 2001 de la Cour d’Appel d’Abidjan, cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi formé par la société LOTENY TELECOM, le 07 décembre 2001 devant la formation civile de la Chambre judiciaire de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire;que le 05 décembre 2002, cette Chambre a, par Arrêt n 756/02, vidé l’affaire au fond, en déboutant la société LOTENY TELECOM par un rejet de son pourvoi, et a par là, confirmé l’arrêt d’appel précité;que par cette décision de rejet rendue par la Cour Suprême, toute discussion relative à la suspension de l’exécution dudit arrêt n’est plus opportune;que l’ordonnance attaquée est devenue caduque, du fait du prononcé de l’Arrêt n 756/02 du 05 décembre 2002, qui la prive d’effet;qu’étant caduque, elle ne peut plus produire d’effet et par conséquent, un recours [en annulation] contre elle ne saurait être accueilli;que, d’autre part, l’attention de la Cour de céans sera attirée sur le fait que l’ordonnance attaquée n’a pas été un obstacle à ce que les requérants exécutent les condamnations prononcées par l’Arrêt n 1l76 du 24 août 2001 de la Cour d’Appel d’Abidjan, lesquels ont procédé à des saisies sur les comptes bancaires de la société LOTENY TELECOM, en l’occurrence, une saisie conservatoire de créances et une saisie-attribution de créances en date des 17 janvier et 03 avril 2002;que suite à la signification, le 09 avril 2002, de l’ordonnance attaquée par la société LOTENY TELECOM aux banques, tiers saisies, celles-ci se sont abstenues de tout paiement;qu’en dépit de cette signification, les ayants-droit de feu Victor BERGSON KOFFI ont poursuivi l’exécution de la saisie-attribution pratiquée le 03 avril 2002 et ont vaincu l’inertie desdites banques, en assignant ces dernières en délivrance d’un titre exécutoire assorti d’une astreinte d’un montant de 50 000 000 FCFA;que suite à cette procédure, les banques, tiers saisies, en l’occurrence la SIB et la BICICI, ont alors procédé au paiement de la somme de 33.114 068 FCFA;qu’il apparaît alors, que le commencement d’exécution de l’arrêt susvisé étant établi par le paiement partiel des sommes pour lesquelles la société LOTENY TELECOM a été condamnée, la Cour de céans observera que [l’annulation] de l’ordonnance attaquée, sollicitée par les requérants, ne leur procurera aucun avantage;que par conséquent, les ayants-droit de feu Victor BERGSON KOFFI ne justifient plus d’un intérêt à agir;condition de recevabilité du recours qu’ils ont formé, l’intérêt pour agir, consistant dans l’avantage que procurerait au demandeur la reconnaissance par le juge de la légitimité de sa prétention;qu’il échet dès lors, de :
Constater la caducité de l’Ordonnance n 40/2002 rendue le 28 juin 2002 par le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire.
Dire et juger que les ayants-droit de feu Victor BERGSON KOFFI ne justifient plus d’un intérêt pour agir.
Dire et juger que le recours des susnommés est entaché d’une fin de non-recevoir.
En conséquence.
Déclarer irrecevable la demande en annulation de l’ordonnance susvisée.
Mais, attendu, d’une part, qu’il ressort des énonciations de l’ordonnance attaquée, que celle-ci réitérait une précédente décision, en l’occurrence, l’Ordonnance n 020/2002 rendue le 15 février 2002 par le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, laquelle ordonnait au profit de la société LOTENY TELECOM, la suspension des poursuites dans le cadre de l’exécution de l’Arrêt n 1176 du 24 août 2001 de la Cour d’Appel d’Abidjan, « jusqu’à ce que la Chambre judiciaire de la Cour Suprême délibère, et la mainlevée des saisies »;que ladite Chambre judiciaire ayant définitivement statué sur le pourvoi formé contre l’arrêt précité le 05 décembre 2002 par Arrêt n 756/02, et le présent recours en annulation de l’ordonnance attaquée étant daté du 06 septembre 2002, c’est à cette date qu’il convient de se placer pour apprécier le caractère fondé ou non du recours;qu’à ladite date, la Chambre judiciaire de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire ne s’étant pas prononcée, les requérants avaient bien un intérêt légitime à poursuivre l’exécution forcée de l’arrêt d’appel susvisé;qu’il s’ensuit que l’argument fondé sur le défaut d’intérêt à agir pour contester le présent recours en annulation est inopérant.
Attendu, d’autre part, que la société LOTENY TELECOM relève elle-même que suite à la signification, le 09 juillet 2002, de l’ordonnance attaquée, aux banques dans lesquelles elle disposait de comptes, lesdites banques se sont abstenues de tout paiement consécutif aux saisies pratiquées par les requérants, en exécution du même arrêt d’appel susvisé;qu’il est ainsi établi que ladite ordonnance a eu, conformément à son objet, des effets et des conséquences négatifs sur l’exécution de cet arrêt, et ne saurait donc être considérée comme caduque;qu’il s’ensuit que l’argument fondé sur la caducité de l’ordonnance attaquée est également inopérant.
Attendu qu’il résulte de ce qui précède, que la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité du recours en annulation formé par les ayants-droit de feu Victor BERGSON KOFFI n’est pas fondée, et doit en conséquence, être rejetée.
Sur le moyen unique d’annulation
Vu l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu que les requérants relèvent que c’est à tort que la société LOTENY TELECOM a saisi le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, lequel était incompétent pour statuer;que l’objet de la requête de ladite société portant sur les voies d’exécution, en l’espèce, la demande de mainlevée d’une saisie conservatoire de créances pratiquée le 17 janvier 2002, le juge compétent en cette matière, en application de l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, est le Président de la juridiction de première instance du lieu de la saisie, ou le magistrat délégué par lui, et non le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, dont la décision n’est par ailleurs, susceptible d’aucun recours;qu’en raison de l’incompétence à statuer de celui-ci, il échet de prononcer l’annulation de l’ordonnance attaquée.
Attendu qu’il n’est pas contesté que l’objet de la requête de la société LOTENY TELECOM, suite à laquelle le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire a rendu l’ordonnance attaquée, porte sur les voies d’exécution, en l’espèce, la demande de mainlevée de saisies pratiquées sur des comptes bancaires de ladite société, en exécution, par les requérants, de l’Arrêt n 1176 en date du 24 août 2001 de la Cour d’Appel d’Abidjan;que la matière des voies d’exécution à laquelle se rattache le présent contentieux étant désormais régie et, ce, depuis le 11 juillet 1998, date de son entrée en vigueur, par l’Acte uniforme susvisé, il ressort des dispositions de l’article 49 dudit Acte uniforme, que tout litige relatif à une mesure d’exécution forcée relève, quelle que soit l’origine du titre exécutoire en vertu duquel elle est poursuivie, de la compétence préalable du Président de la juridiction statuant en matière d’urgence et en premier ressort, ou du magistrat délégué par lui;qu’en application de ce texte, le juge compétent pour connaître de la mainlevée des saisies pratiquées en exécution de l’Arrêt n l176 susvisé est le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan Plateau, ou le magistrat délégué par lui;qu’en retenant, dès lors, sa compétence et en prononçant l’Ordonnance n 40/2002 attaquée du 28 juin 2002, le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire a méconnu les dispositions de l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, et exposé sa décision à l’annulation;qu’il échet en conséquence, d’annuler l’ordonnance attaquée, pour cause de violation de la loi.
Attendu que la société LOTENY TELECOM ayant succombé, doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Rejette la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité du présent recours en annulation.
Annule l’Ordonnance n 40/2002 rendue le 28 juin 2002 par le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire.
Condamne la Société LOTENY TELECOM aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus, et ont signé :
– le Président;
– le Greffier.