J-08-258
CIMA – DROIT DES ASSURANCES – ACCIDENT DE LA CIRCULATION – INDEMNISATION – DELAI IMPOSE A L’ASSUREUR POUR PRESENTER SON OFFRE D’INDEMNITE.
L’assureur doit faire aux ayants-droit de la victime d’un accident de la circulation, une offre d’indemnité, dans un délai d’un an à compter du jour de l’accident. L’assureur qui fait cette offre plus d’un an après le sinistre, est condamné à payer une pénalité.
Article 231 CODE CIMA
Article 233 CODE CIMA
Article 249 CODE CIMA
Cour Suprême, Chambre judiciaire. Arrêt n 231/04 du 15 avril 2004. Société COLINA SA (la SCPA AHOUSSOU-KONAN et Associés). c/ Ayants-droit de DICKO Boureima (Me KIGNIMA). Actualités Juridiques n 48 / 2005, p. 122. Observations DIALLO Daniel.
LA COUR
Vu l’exploit de pourvoi en cassation du 22 septembre 2000.
Vu les pièces du dossier.
Sur le premier moyen de cassation tiré de l’irrecevabilité de l’action du fait de la suspension du délai de transaction
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué (Cour d’Appel d’Abidjan, 28 avril 2000) et des productions, que le 4 février 1997, un véhicule de marque ISUZU conduit par GUIRA Ibrahima, appartenant à Madame BATCHO Louise et assuré par la compagnie d’assurances COLINA, occasionnait un accident de la circulation sur l’axe Abidjan / Grand Bassam, au cours duquel DICKO Boureima décédait;que par jugement n 60 du 3 juin 1999, le Tribunal d’Abidjan a condamné Madame BATCHO, sous la garantie de la société COLINA, à payer aux ayants-droit de DICKO Boureima, la somme de 5.230.876 F à titre de dommages-intérêts;que par arrêt n 545 du 28 avril 2000, la Cour d’Appel d’Abidjan a débouté la COLINA de son appel principal;a par contre, déclaré l’appel incident des ayants-droit, fondé, et réformant le jugement, a condamné la COLINA à payer aux ayants-droit, la somme de 1.307 719 F à titre de pénalité de retard, et l’a confirmé en ses autres dispositions;que par exploit du 22 septembre, la société COLINA a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
Attendu qu’il est reproché à la Cour d’Appel d’avoir déclaré recevable l’action des ayants-droit, alors que, selon le pourvoi, le délai de transaction de 12 mois a été suspendu par la correspondance du 21 juillet 1998 de la COLINA pour réclamer les pièces des ayants-droit à leur Conseil, et ce, en vertu de l’article 249 du Code CIMA.
Mais, attendu que l’irrecevabilité de l’action, du fait de la suspension du délai de 12 mois, ne figure pas parmi les cas d’ouverture à cassation prévus à l’article 206 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Administrative;que le moyen n’est donc pas recevable.
Sur le second moyen tiré de l’insuffisance des motifs
Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’Appel, d’avoir insuffisamment motivé sa décision, en condamnant la COLINA à payer la somme de 1.307 719 F à titre de pénalité pour offre d’indemnité tardive, alors que, selon le pourvoi, compte tenu de la suspension du délai de 12 mois pour présenter l’offre d’indemnité, par la correspondance de la COLINA aux ayants-droit pour leur demander de produire leurs pièces, et ce, en application de l’article 249 du Code CIMA, aucun retard dans la présentation de cette offre ne peut être imputé à l’assureur, pour justifier sa condamnation à une telle pénalité.
Mais, attendu que pour condamner la COLINA à payer la somme de 1.307 719 F à titre de pénalité pour offre d’indemnité tardive, la Cour d’Appel a considéré que « pour rejeter ce chef de demande, la premier juge a estimé que les intérêts de retard ne sont pas payés dans les délais;mais, considérant que la demande des ayants-droit de feu Boureima DICKO porte sur les pénalités de retard et non des intérêts de droit, qu’en l’espèce, l’offre n’ayant pas été faite dans les délais impartis, il y a lieu d’infirmer le jugement sur ce point, et de faire droit à la demande des ayants-droit de feu Boureima DICKO, conformément aux dispositions de l’article 233 du code CIMA, soit 1.307 719 F »;qu’en effet, l’accident s’étant produit le 4 février 1997, le délai de 12 mois à compter du jour de l’accident, dont disposait l’assureur pour présenter une offre d’indemnité, en application de l’article 231 du Code CIMA, expirait le 4 février 1998;que par ailleurs, les ayants-droit de la victime n’ont assigné la COLINA devant le tribunal que le 13 juillet 1998, soit plus d’un an après l’accident, sans que l’assureur n’ait fait une offre d’indemnité;que la lettre de l’assureur du 21 juillet 1998 aux ayants-droit étant intervenue après l’expiration du délai de 12 mois, n’a donc eu aucune incidence sur ce délai et n’a pas pu le suspendre;que par conséquent, la Cour d’Appel, en statuant comme elle l’a fait, pour condamner la COLINA à payer une pénalité, a suffisamment motivé sa décision;que ce moyen n’est pas fondé;qu’il y a lieu de rejeter le pourvoi.
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi formé par COINA contre l’Arrêt n 545 en date du 28 avril 2000 de la Cour d’Appel d’Abidjan.
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
Président : M. BAMBA LANCINE.
Conseillers : M. AGNINI YOUSSOUF (Rapporteur).
M. WOUNE BLEKA.
Greffier : Me N’GUESSAN Germain.
Note
De quel délai dispose l’assureur de responsabilité, pour présenter une offre d’indemnité aux ayants-droit d’une victime d’un accident de la circulation, sans encourir de pénalité ? Telle était en substance, la question qu’avait à résoudre la Cour Suprême, saisie d’un pourvoi initié par un assureur, après qu’une Cour d’Appel l’eût condamné à payer la somme de 1.307 719 FCFA à titre de pénalités de retard, à des ayants-droit qui ont estimé que l’offre à eux présentée plus de 12 mois après l’accident, violait les dispositions de l’article 231 du Code CIMA.
Les deux moyens du pourvoi lui-même ont, semble-t-il, quelque peu facilité la tâche du juge suprême. En effet, le premier moyen invoqué était « l’irrecevabilité de l’action (des demandeurs), du fait de la suspension du délai de transaction », ce à quoi la Cour a répondu que ce n’était pas un moyen prévu par le Code de Procédure Civile. Dans le cas d’espèce, l’assureur soutenait que, suite à l’accident survenu le 4 février 1997, il a écrit aux ayants-droit le 21 juillet 1998, pour réclamer des pièces, estimant que cette correspondance avait suspendu ledit délai, jusqu’à la réponse des bénéficiaires de l’offre.
Or, en ne posant pas, à notre sens, le problème comme il l’aurait fallu, à savoir la violation de la loi en son article 239 al. 2 du Code des Assurances, qui dispose que « le litige entre l’assureur et la victime (ou ses ayants-droit, selon le cas). ne peut être porté devant l’autorité judiciaire, qu’à l’expiration du délai de l’article 231 », lequel article 231 est ainsi libellé : « (…). l’assureur qui garantit (..). est tenu de présenter dans un délai maximum de 12 mois à compter de l’accident, une offre d’indemnité à la victime (…). En cas de décès de la victime, l’offre est faite à ses ayants-droit (..). », nous a privé de la position de la Haute Juridiction sur un problème qui se pose fréquemment entre assureurs et victimes, directes ou indirectes, sur la question de savoir comment calculer le délai de 12 mois de l’article 231, lorsque, comme prévu dans le Code, une cause de suspension dudit délai intervient (articles 247 à 253).
Dans son second moyen de cassation, l’assureur reprochait à la Cour d’Appel, d’avoir insuffisamment motivé sa décision, la Cour Suprême ayant démontré le contraire pour justifier le rejet de ce second moyen. Une fois de plus, nous ne pouvons que regretter que la Haute Juridiction n’ait pas été saisie de front de la violation de la loi, notamment les articles 231 et 249 du Code CIMA, dont le contenu a été ci-dessus cité. En effet, la Cour d’Appel a motivé sa décision d’accorder des pénalités de retard, mais ce faisant, a-t-elle fait une appréciation exacte de la portée de la suspension du délai de six semaines à compter de la correspondance par laquelle l’assureur demande les renseignements ? (..). l’assureur n’a reçu aucune réponse ou qu’une réponse incomplète, « le délai prévu à l’article 231 est suspendu à compter (..). jusqu’à la réception de la lettre contenant les renseignements demandés »;or, l’expérience le prouve, il n’est pas évident qu’une offre présentée plus de 12 mois après un accident soit du fait de l’assureur et entraîne automatiquement des pénalités à son encontre, comme peut le laisser croire la lecture de l’arrêt du 15 avril 2004.
Par ailleurs, le délai de l’article 231 est un délai de principe, qui souffre des exceptions, à savoir les suspensions et prorogations, contenues dans les articles 247 à 253. Ainsi, pour que l’assureur puisse présenter une offre, cela suppose, d’une part, qu’il dispose des informations nécessaires à cette présentation, et d’autre part, que ces dernières lui sont fournies dans les délais compatibles avec ceux auxquels lui-même est astreint.
Dans le cas d’espèce, la question était de savoir si, dans le délai lui astreignant de faire une offre, l’assureur avait reçu les éléments nécessaires, et a donc commis une faute en ne s’exécutant pas dans le délai de 12 mois. Seule une réponse positive à cette question peut fonder en droit, la position à la fois de la Cour d’Appel et de la Cour Suprême, mais le problème tel que soumis à la Cour Suprême, nous privant de la réponse à cette question, ne peut que raviver encore plus nos regrets exprimés plus haut.
M. DIALLO Daniel.
Juriste d’Entreprise.