J-08-271
ArbITRAGE – exequatur en COTE D’IVoire DU JUGEMENT D’UN TRIBunaL français AYanT RENdU EXECutoire EN FrANCE UNE SENTENCE arbiTRALE – VIOLATION DES DISPOSITiONS DE l’ACCOrD DE COOPERatION ENTRE LA COTE D’IVOIRE ET La FRanCE EN matiERE DE JUGEMENT (NON) – EXEQUATUR (oui).
Les décisions judiciaires rendues dans un pays étranger ne peuvent donner lieu à exécution en Côte d’Ivoire, que si elles y sont déclarées exécutoires. Le tribunal doit prendre sa décision d’exequatur, si le jugement rendu en France remplit les conditions énumérées aux articles 36 à 47 de l’Accord de Coopération en matière de Justice entre la République Française et la République de Côte d’Ivoire.
Cour Suprême, Chambre judiciaire. Arrêt n 501 du 13 juin 2002. La société SICAFCA S.A. (SCPA ABELKASSI et Associés). c/ société J. ARON and Company (U.K.). (Me Charles DOGUE, ABBE YAO et Associés). Actualités Juridiques n 50 / 2005, p. 285.
LA COUR
Vu l’exploit aux fins de pourvoi en cassation.
Vu les conclusions écrites du Ministère Public en date du 7 février 2002.
Sur le moyen unique de cassation tiré de la violation ou erreur dans l’application ou l’interprétation des dispositions des articles 136 et suivants de l’Accord de Coopération en matière de Justi2ce entre la République Française et la République de Côte d’Ivoire, et les dispositions de la Convention de New York du 10 juin 1958 relative à la reconnaissance et à l’exécution des sentences arbitrales
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’ordonnance attaquée (n 496 du 17 février 1998) du Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, qu’aux termes d’une sentence arbitrale n AP 95/11-02 du 26 juillet 1996 rendue par la Chambre des Cafés et Poivres du Havre, la Société Industrielle de Café et de Cacao dite SICAFCA a été condamnée à payer à la société J3. ARON and Company, la somme de 171 912 dollars US augmentée des intérêts au taux légal depuis le 29 novembre 1994, outre celle de 30 000 F français, au titre des frais de procédure avancés par le demandeur;que cette décision a été rendue exécutoire par jugement du 7 février 1997 du Tr4ibunal de Grande Instance du Havre;que par ordonnance de référé n 496 du 17 février 1998, le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan a exequaturé le jugement du Tribunal du Havre;que la SICAFCA a alors formé un pourvoi en cassation contre cette ordonnance.
Attendu qu’il est reproché à l’ordonnance présidentielle, d’avoir rendu exécutoire sur le territoire de la République de Côte d’Ivoire, le jugement du Tribunal du Havre, qui a 5rendu exécutoire la sentence arbitrale de la Chambre des Cafés et Poivres du Havr6e, alors que, selon le pourvoi, le juge ivoirien ne pouvait pas le faire, et d’avoir ainsi violé les articles 36 et suivants de l’Accord de Coopération en matière de Justice entre la République Française et la République de Côte d’Ivoire, et les7 dispositions de la Convention de New York du 10 juin 1958 relative à la reconnaissance et à l’exécution des sentences arbitrales.
Mais, attendu d’une part, que conformément à l’article 345 du Code de Procédure Civile et Commerciale, les décisions judiciaires rendues dans un pays étranger ne peuvent donner lieu à aucune exécution en Côte d’Ivoire, que si elles y sont déclarées exécutoires;que d’autre part, l’exequatur ne peut être accordé que si certaines conditions sont remplies;qu’en effet, aux termes de l’article 36 de l’Accord de Coopération en matière de Justice entre la République Française et la République de Côte d’Ivoire, la décision doit émaner d’une juridiction compétente, selon les règles relatives aux conflits de compétence admises dans l’Etat où la décision est exécutée;la décision doit être, d’après la loi de l’Etat où elle a été rendue, passée en force de chose jugée et susceptible d’exécution;les parties doivent avoir été régulièrement citées, représentées ou déclarées défaillantes, et enfin, la décision ne doit contenir rien de contraire à l’ordre public de l’Etat où elle est invoquée, ou aux principes de droit public applicables dans cet Etat, et ne doit non plus être contraire à une décision judiciaire prononcée dans cet Etat et possédant à son égard, l’autorité de la chose jugée;que le demandeur en pourvoi ne relève pas qu’une de ces conditions n’a pas été respectée, que dès lors le Président du Tribunal d’Abidjan, dont la mission consistait à vérifier que les conditions ci-dessus énumérées étaient remplies, avant de prendre sa décision d’exequatur, en considérant que « le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance du Havre, le 7 février 1997, satisfait aux conditions des dispositions des articles 36 à 42 de l’Accord de Coopération entre la France et la Côte d’Ivoire », n’a point violé les dispositions visées au moyen, mais en a, au contraire, fait une bonne application et juste interprétation;que le moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi formé par SICAFCA contre l’Ordonnance n 496 en date du 17 février 1998 du Tribunal de Première Instance d’Abidjan.
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
Président : M. BAMBA LANCINE.
Conseillers : M. AGNINI YOUSSOUF (Rapporteur).
M. WOUNE BLEKA.
Greffier : Me N’GUESSAN GERMAIN.

1 Pierre MEYER « Droit de l’arbitrage OHADA », Juriscope p. 253;commentaire de l’article 26 de l’Acte uniforme sur l’arbitrage in OHADA, Traités et actes uniformes commentés et annotés, Juriscope p. 128;voir également, Sophie CREPIM, « Les sentences arbitrales devant le juge français », Bibliothèque de droit privé Tome 240 LGDJ p. 219 et Jean ROBERT, « L’arbitrage en droit interne, droit international privé », Dalloz p. 209.

2 François TERRE, Philippe SIMLER, Yves LEQUETTE, op. cit.

3 L’instance arbitrale s’est déroulée durant les années 2002 et 2003, donc, après l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme sur l’arbitrage.

4 Cet arrêt a été publié dans le numéro 40 de cette. Revue, avec nos notes, p. 19 et s.

5 L’article 1126 du Code Civil dit expressément que « tout contrat a pour objet une chose qu’une partie s’oblige à donner ou qu’une partie s’oblige à faire ou à ne pas faire ».

6 François TERRE, Philippe SIMLER, Yves LEQUETTE Droit civil, les obligations. Dalloz p. 218.

7 La clause compromissoire, incluse dans le contrat, est en effet une clause par laquelle les contractants décident à l’avance de soumettre le litige qui surviendrait du contrat, à l’arbitrage. Etant une clause du contrat, elle a la nature contractuelle.