J-08-279
OHADA – Droit commercial général – Bail commercial – Bail à durée déterminée – Résiliation avant terme par le locataire – Préjudice subi par le Bailleur – Réparation.
OHADA – Droit commercial général – Bail commercial – Résiliation – Frais de mise en état – Preuve des travaux effectués (non) – Paiement (non).
La rupture prématurée du contrat à durée déterminée opérée par le locataire ayant causé un préjudice certain au bailleur, il y a lieu de le réparer en allouant à ce dernier des dommages-intérêts.
Le bailleur, ne rapportant pas la preuve des travaux incombant au locataire effectués par lui, il doit être débouté de sa demande en paiement de frais de remise en état.
Article (s)
69 AUDCG ET SUIVANTS
Cour Suprême, Chambre Judiciaire, Formation civile. Arrêt n 531 du 12 octobre 2006. Affaire : la Société SMITH KLINE BEECHAM MARKETING et TECHNICAL SERVICES LIMITED, devenue GLAXO-SMITH-KLINE c/ IHEME ISMAEL UDEZE. Le Juris-Ohada n 2. Avril Mai Juin 2008, p. 41.
LA COUR
Vu le mémoire produit.
Vu les conclusions écrites du Ministère Public du 26 juillet 2006.
Sur le second moyen de cassation, tiré de la violation de la loi ou erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué (Cour d’Appel d’Abidjan, 25 juillet 2003), que suivant contrat notarié d’une durée de 9 ans allant du 1er avril 1999 au 1er avril 2008, I. donnait en location son immeuble sis aux 2 plateaux 7ème tranche, à la société SMITH-KLINE BEECHEAM MARKETING devenue GLAXO-SMITH-KLINE, pour un loyer mensuel de 2 000 000 F; que suite à une mise en demeure adressée au bailleur par courrier du 28 février 2001, le locataire résiliait le bail le 30 avril 2001, au motif que sa fusion avec une autre société nécessitait un local plus grand et fonctionnel;que saisi par le bailleur en paiement de diverses sommes d’argent pour résiliation abusive du bail, le Tribunal d’Abidjan condamnait ledit locataire au paiement de la somme de 20 000 000 F à titre de dommages-intérêts, par jugement du 13 décembre 2001 confirmé en toutes ses dispositions par la Cour d’Appel.
Attendu qu’il est fait grief à celle-ci d’avoir, pour statuer ainsi, estimé qu’en rompant prématurément le contrat de bail, GLAXO-SMITH-KLINE a commis une faute contractuelle, alors que, selon le moyen, cette société n’a commis aucune faute, dans la mesure où le bail litigieux est entaché de nullité absolue;que s’il est constant que la convention est la loi des parties, il n’en demeure pas moins que chacune des parties au contrat a la faculté de le rompre avant terme, lorsqu’elle dispose d’un motif légitime, la clause résolutoire étant toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques.
Mais, attendu que ce moyen, qui fait allusion à la fois à plusieurs règles de droit, ne précise ni la nature ni le contenu spécifique du texte de loi prétendument violé;qu’un tel moyen vague et imprécis ne peut être accueilli.
Mais, sur le premier moyen de cassation tiré du défaut de base légale résultant de l’absence, de l’insuffisance, de l’obscurité ou de la contrariété des motifs :
Vu l’article 206 paragraphe 6 du Code de Procédure Civile
Attendu que pour rejeter le moyen de défense tiré de l’exception de nullité du bail litigieux soulevé par GLAXO-SMITH-KLINE, la Cour d’Appel a estimé que cette société « n’en donne aucun fondement de nature à lui permettre de se prononcer sur sa pertinence ».
Attendu cependant, qu’en décidant ainsi, alors que dans ses écritures d’appel du 04 juin 2001, GLAXO-SMITH-KLINE a conclu à la nullité du contrat de bail litigieux, aux motifs, d’une part, que celui-ci viole les dispositions d’ordre public édictées par les articles 69 et suivants de l’Acte Uniforme relatif au droit commercial général, et d’autre part, que le contrat fait échec au droit au renouvellement du bail en faveur du locataire, en ce qu’il stipule qu’il prend fin irrévocablement le 1er avril 2008, au bout des 9 ans convenus;la Cour d’Appel, qui n’a nulle part relevé, ni analysé les susdites allégations, ne s’est pas de la sorte, prononcée sur l’exception de nullité ainsi soulevée, et a manqué par insuffisance de motifs, de donner une base légale à sa décision;d’où il suit que le moyen est fondé;qu’il y a lieu de casser et annuler l’arrêt attaqué, et d’évoquer conformément à la loi.
Sur l’évocation
Attendu que pour résister à l’action de I. en paiement des sommes de 168 000 000 F et 13.961.770 F, respectivement à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de bail commercial et des frais de remise en état des lieux, la société GLAXO-SMITH-KLINE a fait valoir que ce contrat est nul, du fait qu’il n’est pas conforme aux dispositions d’ordre public des articles 69 et suivants de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général, et qu’il contient une clause de non-renouvellement faisant échec au droit du preneur en la matière;que par ailleurs, la société défenderesse soutient que la condition résolutoire étant toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, la rupture intervenue n’est pas irrégulière, parce que d’une part, elle est fondée sur de justes motifs tels qu’exposés dans la mise en demeure susvisée, et d’autre part, elle n’est pas unilatérale, dans la mesure où le bailleur n’a élevé la moindre protestation ou opposition au préavis, manifestant ainsi une acceptation tacite de l’offre de rupture.
Mais, attendu que d’une part, GLAXO-SMITH-KLINE ne précise ni l’article ni le contenu réel de la disposition de l’Acte uniforme que le contrat litigieux aurait violés;que d’autre part, la clause du contrat litigieux libellé ainsi : « Le présent bail consenti pour une durée de neuf années, qui ont commencé à courir rétroactivement à compter du premier avril mil neuf cent quatre vingt dix neuf, pour se terminer irrévocablement le premier avril deux mil huit », ne s’analyse nullement en une clause de non-renouvellement du bail commercial litigieux, et ce, contrairement aux prétentions du locataire;que par ailleurs, si la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, cette règle ne s’applique qu’en cas d’inexécution par l’une des parties, de ses obligations;que tel n’est pas, en l’espèce, le cas du bailleur, à l’égard duquel aucune faute d’inexécution n’est reprochée;que la rupture consensuelle du contrat invoquée par le locataire suite au silence observé par le bailleur à l’égard de la mise en demeure, ne peut non plus prospérer, parce que non prévue au contrat.
Attendu qu’il est donc constant, que la rupture prématurée du contrat à durée déterminée opérée par GLAXO-SMITH-KLINE, le locataire, cause au bailleur un préjudice certain qu’il convient de réparer, en allouant à ce dernier la somme de vingt millions de francs (20 000 000 F) à titre de dommages-intérêts;que s’agissant de la demande en paiement de frais de remise en état, le bailleur ne rapporte pas la preuve des travaux incombant au locataire, effectués par lui;qu’il y a lieu de l’en débouter.
PAR CES MOTIFS
Casse et annule l’arrêt attaqué.
Évoquant.
Déclare I. partiellement fondé en son action.
Condamne la société GLAXO-SMITH-KLINE à lui payer la somme de 20 000 000 F à titre de dommages-intérêts.
Déboute I. du surplus de ses réclamations.
Président : ADAM SEKA.